Aperçu Historique sur la Ville et République de Berne

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Aperçu Historique
sur la Ville et République de Berne
par
Patrick de Bondeli
Email : [email protected]
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Aperçu Historique
sur la Ville et République de Berne
par
Patrick de Bondeli
Email : [email protected]
1. Introduction
La ville de Berne fut fondée en 1191. Elle acquit très tôt d’importantes franchises et
elle devint un véritable état indépendant de fait vers 1320. Cet état est lié à la
Confédération Helvètique de manière permanente depuis 1353. Cet état a porté le
nom de « Ville et République de Berne » pendant la plus grande partie de son
histoire (jusqu’en 1798 et de 1815 à 1831). Il porta le nom de « République de
Berne » de 1831 à 1846 et il porte le nom de « Canton de Berne » depuis lors.
Notre motivation essentielle en présentant cet aperçu historique est qu’il n’existe pas,
à notre connaissance, d’ouvrage couvrant même succinctement l’histoire de Berne
depuis sa fondation en langue Française. Nous espérons donc combler, quoique très
partiellement et imparfaitement, cette lacune.
2. Fondation de la Ville de Berne
Depuis 1127, le Duc de Zähringen, qui régnait sur la Bourgogne « cisjurane » (à l’Est
du Jura), y était, avec son titre de « recteur », le seul vassal immédiat de l’Empereur.
En 1191, le Duc Berthold V, après avoir bien assis sa domination sur les nobles de
Suisse romande et de l’Oberland, fonda la ville de Berne sur terre d’Empire. Il donna
à la ville le nom de « Berne » en souvenir d’un héros légendaire du même nom.
L’ours apparaît très tôt après cela dans les sceaux et armoiries de la ville (armes
« parlantes », Bern <-> Bären). Berthold V fit de la ville une place d’armes et un
marché. Il la dota de forêts et de pâturages. Le Duc confia la protection de la ville à la
noblesse des environs, qu’il lia à la ville par des fiefs. Ce fait décida de l’avenir
aristocratique de la cité.
3. Berne, Ville d’Empire
Berthold V mourût en 1218. Avec sa mort s’éteignit la dynastie des Zähringen et le
Rectorat. Les alleux des Zähringen dans la région de l’Aar passèrent aux Kibourg.
Un Bailli impérial administrât dès lors les affaires de l’Empire en Bourgogne
cisjurane.
Berne acquit très vite l’immédiateté impériale (on est sûr qu’elle l’avait en 1223).
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Le premier magistrat, l’Avoyer, était nommé par l’Empereur. On n’a pas beaucoup de
précisions sur les premières institutions politiques de la ville, mais il est sûr que la
bourgeoisie collabora très vite aux affaires importantes. Très tôt la ville mena une
politique extérieure active : Elle reçut de l’Empereur la protection des couvents
d’Interlaken (1224) et de Rueggisberg (1244). A partir de 1243 (avec Fribourg) Berne
conclût des alliances défensives avec d’autres cités (Morat, Zurich,
Soleure,…),dirigées d’abord contre les Kibourg qui cherchaient à reconstituer le
domaine et la zone d’influence des Zähringen.
Dans la querelle des investitures, Berne prit parti pour l’Empereur Frédéric II de
Hohenstaufen, et les Kibourg celui du Pape. La chute des Hohenstaufen donna la
prépondérance dans la région à Hartmann de Kibourg et Berne, avec d’autres cités
et communautés paysannes, dût alors, avec l’assentiment du Bailli impérial se mettre
sous la protection de Pierre de Savoie, qui battit Hartmann de Kibourg en 1256.
Pierre séjourna quelques temps à Berne et favorisa le développement de la ville avec
la construction notable du pont de Nydeck.
En 1264, l’extinction de la branche mâle des Kibourg marqua le début de l’autonomie
pour Berne. Pierre de Savoie et Rodolphe de Habsbourg se disputèrent l’héritage
Kibourg Berne soutint Pierre de Savoie qui, en retour, libéra Berne de son
protectorat ; à sa mort en 1268, la ville conclut avec son frère et successeur Philippe
une alliance défensive. Rodolphe de Habsbourg demeura un voisin dangereux pour
Berne jusqu’à son élection au trône impérial en 1273 qui l’amena à modifier son point
de vue et à confirmer les franchises impériales de Berne en 1274.
A partir de 1285, la politique de l’Empereur Rodolphe (augmentation de la pression
fiscale notamment) raviva l’ardeur guerrière dans la région. Berne connut alors des
fortunes diverses et fût durement éprouvée économiquement. L’Empereur Rodolphe
mourut le 15 Juillet 1291 ; cet événement a favorisé la constitution du premier pacte
fédéral entre Uri, Schwyz et Unterwald et l’accession de Berne à l’indépendance.
4. Accession à l’Indépendance
En 1293, le nouvel Empereur Adolphe, à l’occasion de son couronnement, autorise
Berne à élire son avoyer. La crise économique provoqua des troubles dans la ville et
les artisans réclamèrent des corporations avec droits politiques et la participation au
gouvernement. Le conflit prit fin sur un compromis qui resta favorable à la noblesse
et qui eût pour conséquence l’émergence d’institutions marquant l’accession de la
ville à l’indépendance qui fût acquise au début du XIVème siècle. Les principaux
résultats du compromis de 1294 furent la création d’un Conseil des Deux-Cents
investi du pouvoir législatif et représentant la bourgeoisie quoiqu’il fût élu sur une
base aristocratique et la création de corporations sans pouvoir politique mais avec un
rôle professionnel et social important (ces corporations continuent d’exister
aujourd’hui, et chaque bourgeois de la ville de Berne appartient à l’une d’entre elles).
Vers 1320, le Conseil des Deux Cents enlève à l’Empereur le droit d’élire l’avoyer
ainsi qu’un « Petit Conseil » (doté du pouvoir exécutif) ; ceci marque l’accession de
Berne à l’indépendance.
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Une victoire Bernoise le 2 Mars 1298 amène une première extension de Berne vers
la campagne (les place fortes de Bremgarten et Belp et quelques paroisses).
5. L’Entrée dans la Confédération et la Période d’Extension de la
République de Berne
5.1. L’Entrée de Berne dans la Confédération
Le XIVème siècle est une période de développement pour la ville de Berne et son
territoire. Ce développement est favorisé par la stabilité institutionnelle, l’audace de la
noblesse Bernoise et le fait que chacun de ses deux puissants voisins (Habsbourg et
Savoie) souhaitait que l’autre ne s’en empara pas. Un premier moyen d’extension
territorial était de chercher à absorber les seigneuries des environs en accordant sa
protection aux seigneurs et en les recevant comme bourgeois de Berne.
Berne conclut une première alliance de 5 ans avec les Suisses à l’été 1333 pour
avoir la liberté d’étendre son influence dans l’Oberland.
Les années qui suivirent virent Berne engagée dans de nombreuse opérations
militaires, et elle fût un moment fortement menacée par une double coalition hostile
réunissant des seigneurs Autrichiens poussés par le roi Louis de Habsbourg, des
seigneurs Suisses, les évêques de Bâle et Lausanne et Fribourg. Berne eût pour
alliés les Waldstätten, Soleure et Morat. Il en résultat la grande bataille de Laupen
(1339) remportée par Berne et ses alliés. Mais une situation plus stable revint
progressivement, marquée par une paix et une alliance de 10 ans avec l’Autriche en
1342, et, en 1350, une paix durable entre Berne, Fribourg et la Savoie.
En Mars 1353, Berne conclut une alliance perpétuelle avec les Suisses, étant alors la
première cité de Bourgogne à entrer dans la Confédération.
La guerre de Sempach, déclenchée par les Confédérés contre Fribourg et l’Autriche,
fût l’occasion d’obtenir , par une paix de 1389, une exclusion totale de l’Autriche des
territoires Bourguignons au profit essentiellement de Berne qui gagnait Mannenberg,
Laubegg, Unterseen, Oberhofen, Balm, Unspunnen, Nidau, Douanne et le
protectorat sur l’île Saint-Pierre, Büren.
5.2. L’Extension du Territoire au XVème Siècle – Premiers Traités avec la
France
Au XVème siécle, Berne poursuit l’extension de son territoire et cherche à faire entrer
ses alliés en Bourgogne dans la Confédération. Dans les premières années du
siècle, Berne crée des liens forts avec les comtés de Neuchâtel et de Gruyère en
admettant comme « bourgeois externes » le comte de Neuchâtel, la ville et le
chapître de Neuchâtel, Saanen et Château d’Oex.
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En 1405, la ville de Berne est ravagée par un grand incendie, ce qui donne
l’occasion de la reconstruire plus belle (la construction de la collégiale est démarrée
en 1420).
En 1415, Berne réalise la conquête de l’Argovie et sort ainsi, pour la première fois,
de Bourgogne.
Des guerres eurent lieu avec le Valais (1417 - 1420), Zürich (1440 – 1445), Fribourg
(1447 – 1448), dans lesquelles Berne était allié à certains confédérés et/ou au comte
de Savoie.
Notons aussi les 21 Octobre 1444 et 8 Novembre 1452, les premiers traités avec le
roi de France (Louis, Dauphin en 1444, et Roi Louis XI en 1452), signé par Berne au
nom des confédérés, qui ouvrait une ère de relations amicales entre la Suisse et la
France appelée à se perpétuer à de rares occasions contraires près.
Berne fût à cette période sous le coup d’une double menace :
. L’Autriche, dont le souverain était parvenu à s’assurer définitivement le trône
impérial, cherchait toujours à reprendre l’Argovie et elle marqua violemment son
hostilité à l’alliance conclue en 1467 par Berne et Soleure avec Mulhouse.
. Le Duché de Bourgogne s’était grandement développé au cours de la période
précédente et la politique ambitieuse menée par le Duc Charles devenait une
menace pour les Suisses et la France.
Une alliance défensive fut conclue entre les Confédérés et Louis XI en 1470.
5.3. La Guerre de Bourgogne
L’Avoyer Nicolas de Diesbach exerça alors une influence prépondérante sur la
politique extérieure de Berne et des confédérés. Il était un partisan résolu de
l’alliance avec Louis XI et de la nécessité d’entrer en campagne contre le Duc
Charles. Il réussit à obtenir de Louis XI de convaincre l’Empereur Sigismond de
renoncer définitivement à l’Argovie en 1474. La menace Autrichienne étant ainsi
écartée, il manœuvra, avec l’appui de Louis XI et nonobstant l’opposition de l’Avoyer
Adrien de Bubenberg, pour obtenir l’entrée en guerre contre le Duc Charles. L’appui
des Confédérés ayant été obtenu le 21 Octobre 1474, Berne déclara la guerre au
Duc Charles le 25 Octobre 1474.
Le déroulement de cette guerre de Bourgogne fut assez complexe :
Le Duc Charles obtint le soutien passif de la Savoie et il chercha, sans succès, à
rétablir la paix. Berne avec le soutien actif de Fribourg, du Comte de Gruyère, de
Soleure et de Lucerne, lança en 1475 des opérations en Franche-Comté et dans le
pays de Vaud. Les principaux résultats en furent les suivants : Adrien de Bubenberg,
adversaire de la guerre, fût exclu du conseil le 10 Juillet. Nicolas de Diesbach, qui
dirigeait l’armée bernoise, fut victime de la peste quelques jours après au siège de
Blamont, mais cela n’entama pas le crédit des partisans de la guerre au Petit Conseil
malgré l’absence de soutien effectif de Louis XI. Le 16 Août, un contingent du
Saanenland, pays sujet du Comte de Gruyère mais jouissant d’une large autonomie
depuis 1448, s’empara d’Aigle pour le compte de Berne. Grandson et Yverdon furent
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occupées par des garnisons de Berne et Fribourg. Au début de Février 1476, le Duc
Charles occupa avec son armée une grande partie du pays de Vaud. L’ensemble
des Confédérés levèrent alors des troupes pour soutenir Berne et l’armée Suisse qui
en résultat livra bataille aux Bourguignons devant Grandson le 2 Mars 1476 ; elle
obtint la victoire au prix de lourdes pertes. Les confédérés se retirèrent pour un
temps, laissant l’armée Bernoise, commandée par Adrien de Bubenberg rentré en
grâce, opérer seule. Le Duc Charles relança une offensive sérieuse contre elle le 27
Mai et envahit le territoire Bernois au début de Juin, ce qui obligea les Confédérés à
renvoyer des contingents en renfort de l’armée bernoise. Une bataille décisive entre
les deux armées eût alors lieu le 22 Juin 1476 devant Morat. Les Bourguignons
durent se retirer définitivement et les Suisses envahirent le Pays de Vaud. Des
négociations de paix difficiles avec la Bourgogne et la Savoie sous médiation de
Louis XI s’ensuivirent ; il en résulta que Berne gardait Aigle et Cerlier (Erlarch) et que
les Suisses obtenaient Morat, Echallens, Orbe et Grandson qui revenaient en
commun à Berne et Fribourg après que ces deux cantons eussent dédommagé leurs
confédérés en 1484. Le sort de la Franche-Comté, occupée par les Suisses, fût aussi
en balance dans ces négociations de paix ; elle fut rétrocédée aux successeurs du
Duc Charles, mort entre temps devant Nancy, contre dédommagement en 1478.
Une période de crise économique et d’épidémie de peste suivit cette guerre de
Bourgogne et dura jusqu’en 1483.
5.4. La Guerre de Souabe (1499)
L’Empereur Maximilien et la ligue Souabe voulurent soumettre les Suisses et les
Grisons en les liant étroitement à l’Empire . Les Suisses et les Grisons se défendirent
victorieusement. La paix de Bâle le 22 Septembre 1499 accorda aux Suisses et aux
Grisons une reconnaissance de leur autonomie, aux Suisses la juridiction sur la
Thurgovie, aux Grisons la réunion de la Ligue des Dix Juridictions aux deux autres
ligues (Ligue Grise et Ligue de Maison-Dieu), et elle eût aussi pour conséquence
directe l’entrée de Bâle et de Schaffhouse dans la Confédération en 1501.
5.5. Les Campagnes d’Italie
La fin du XVème et le début du XVIème siècle vit un rapprochement de Berne avec
l’Empereur Maximilien au contraire de la plupart des autres cantons favorables, pour
quelques années encore, à l’alliance avec la France. L’alliance de Berne avec la
France arriva ainsi à péremption en 1509.
Mais les campagnes de Louis XII en Italie firent changer d’avis les Suisses (les
Waldstatten avaient toujours eu des vues ultramontaines, et Mathieu Schiner, PrinceEvêque de Sion, eût alors une forte influence sur eux) qui s’allièrent au Pape Jules II.
Berne accepta cette alliance en 1510 et renouvela l’alliance avec l’Empereur
Maximilien en 1511. Berne, sous la pression des autres cantons, déclara aussi la
guerre à Louis XII le 26 Novembre 1511, mais elle restait plutôt favorable à la paix et
elle ne soutint que mollement (par un contingent de 1000 hommes) la campagne des
Confédérés en Italie. En Juillet 1512, Berne, Lucerne, Soleure et Fribourg
occupèrent Neuchâtel, dont le Comte (de la maison d’Orléans-Longueville) était l’allié
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de la France. Le 6 Juin 1513, Berne perdit 150 hommes à la bataille de Novare qui
fût cependant une victoire pour les Confédérés. Les troupes bernoises en
ramenèrent un jeune ours qui fut mis dans un des anciens fossés de la ville ; c’est là
l’origine de la fosse aux ours, qui existe toujours aujourd’hui. Certains Bernois
gardaient cependant des contacts avec la France, qui, grâce à cela, pouvait toujours
recruter des hommes à Berne. Ceci, joint à l’émotion soulevée par les pertes de
Novare et à une agitation paysanne, amena des troubles qui purent être réprimés,
mais qui eurent pour résultat de faire condamner certains membres des conseils de
Berne trop engagés avec la France.
Au printemps 1515, François 1er, nouvellement parvenu sur le trône de France,
menaça la Lombardie avec ses troupes. Les confédérés, alliés à l’Empereur et à
l’Espagne, levèrent des troupes.
Berne et ses alliés occidentaux quittèrent cette campagne le 27 Août, mais un
contingent de 1000 volontaires Bernois avec aussi un contingent argovien restèrent
cependant dans l’armée fédérale. Une importante bataille contre l’armée de François
1er eu lieu à Marignan les 13 et 14 Septembre 1515, où les Français vainquirent les
Suisses, inférieurs de moitié (20.000 Suisses contre 40.000 « Français », en fait
Allemands pour la plupart), grâce au renfort des Vénitiens qui ont rallié le 14
Septembre. Berne comprit alors que les Suisses ne pouvaient poursuivre une
politique ultramontaine et poussa à faire la paix avec François 1er le 7 Novembre
1515, mais cette paix fût rejetée par 5 cantons qui, à l’instigation du Cardinal Schiner,
fournirent des troupes à l’Empereur Maximilien, tandis que Berne en fournissait à
François 1er. Les Suisses se retrouvèrent ainsi dans deux camps opposés devant
Milan, mais l’Empereur sauva la situation en décidant de se retirer. Le 29 Novembre
1516, enfin, tous les cantons signèrent une paix perpétuelle avec la France, qui était
appelée à se perpétuer effectivement jusqu’à la chute de la Monarchie Française le
10 Août 1792.
En 1519, l’Empereur Maximilien mourût et le roi d’Espagne, Charles 1er, lui succéda
sur le trône impérial sous le nom de Charles V (dit aussi « Charles-Quint »),
réunissant ainsi sur sa tête les deux couronnes. Berne considéra alors que la
Lombardie devait rester à la France plutôt que de risquer de tomber sous la coupe de
Charles-Quint, dont la puissance devenait dangereuse pour tous les autres états
Européens. Charles-Quint engagea effectivement de nouvelles hostilités contre le
Duché de Milan, soutenu par François 1er avec le concours des Suisses. Français et
Suisses subirent de coûteuses défaites : La défaite de la Bicoque, au Nord-Est de
Milan (27 Avril 1522) les obligea à abandonner le Milanais, et une tentative de
reconquête se solda par le désastre de Pavie, au Sud de Milan (25 Février 1525), où
Jean de Diesbach, qui commandait les Suisses, le Duc de la Trémouille et le
Maréchal de la Palisse furent tués. François 1er fût même fait prisonnier et la
compagnie des Cents Suisses, gardes du corps du Roi, (cf. section 6.8.4.1) fût
entièrement détruite. Tant à Berne qu’en France, on n’aspira plus qu’à la paix. Mais
elle fût longue à venir : En 1526 François 1er, pour obtenir sa libération, signa la Paix
de Madrid avec Charles Quint. Mais, une fois libre, il s’empressa de dénoncer cette
paix très léonine et les hostilités recommencèrent. La paix définitive (pour quelques
années …) ne fût signée qu’à Cambrai en 1529. Elle est connue aussi sous le nom
de « Paix des Dames » parceque son élaboration fût l’œuvre des dames des
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maisons adverses, la reine-régente Louise de Savoie, mère de François 1er, et
Marguerite d’Autriche, tante de Charles-Quint (c’est elle qui se maria en secondes
noces à Philibert II de Savoie en l’église de Romainmôtier et qui fit construire pour
Philibert et elle-même la magnifique église-mausolée de Brou près de Bourg-enBresse).
5.6. La Réforme
Jusqu’à l’époque que nous venons d’évoquer, Berne était restée fidèle a la religion
catholique, mais la décadence du clergé et l’incurie des évêques amena le
gouvernement à intervenir dans les affaires religieuses et à créer ainsi une sorte
d’église d’état dont la tenue s’avèra remarquable. Une première opposition avec la
hiérarchie catholique naquit lors de la vente des indulgences par Sanson en 1518.
Les pionniers de la réforme à Berne furent le curé Berchtold Haller et Nicolas
Manuel, célèbre artiste et homme d’état.
La réforme sur le plan de la foi débuta à Berne en 1523 avec un mandement
ordonnant de ne prêcher que l’évangile. A partir de cette date, la situation entre
partisans de la réforme et partisans de l’ancienne foi fut très indécise. Haller affirma
des opinions luthériennes dès 1522 et il cessa de dire la messe à Noël 1525. Le Petit
Conseil, jusqu’alors à majorité favorable aux catholiques, bascula dans le camp de la
réforme aux élections de Pâques 1527. La perspective défavorable d’une rupture
avec Zürich, déjà réformée, joua aussi un rôle dans ce basculement. Les catholiques
furent exclus des deux Conseils, mais la campagne demeurait favorable à l’ancienne
foi. Pour éclairer l’opinion, il fut décidé d’organiser une dispute théologique en
Janvier 1528 ; malgré une invitation très large, seul l’évêque de Lausanne était
représenté du côté catholique, tandis que les personnalités de premier plan étaient
nombreuses du côté réformé : On y vit notamment Zwingli, Oecolampade et Martin
Bucer. La conclusion (en dix thèses) de cette dispute fut éminemment favorable à la
réforme qui fut imposée sur tout le territoire Bernois dans les jours qui la suivirent. Un
dangereux soulèvement dans l’Oberland, poussé par Obwald, rival perpétuel de
Berne pour le contrôle de l’Est de l’Oberland, dût être réprimé par les armes.
La Réforme provoqua une transformation intérieure totale : D’anciennes familles (une
partie des Diesbach notamment) quittèrent Berne pour rester fidèles à la religion
catholique, alors que d’autres familles vinrent à Berne pour la raison opposée. Les
biens et revenus de l’Eglise passèrent à la ville qui les employa largement pour le
bien public (traitement des pasteurs, dotations aux hôpitaux, …). L’Eglise fût
organisée de manière locale et pyramidale. La vie intellectuelle se développa
(création d’une imprimerie à Berne en 1536 (bien après Berthoud !), et d’une
bibliothèque en 1540). Le contrôle des mœurs fût resserré.
La Réforme connut aussi une dérive sectaire grave sur les plans religieux et
politique : les « anabaptistes », qui sévirent dans une grande partie de l’Europe.
Berne dût lutter activement contre eux sans parvenir à les éradiquer complètement
de son territoire. La Réforme se mit en place facilement à Aigle grâce à l’influence de
Guillaume Farel qui y séjourna en 1527, mais son introduction dans les baillages
communs avec Fribourg créa des frictions entre Berne et Fribourg.
Sur le plan extérieur, un traité de combourgeoisie fût signé en 1528 avec Zürich et
Constance, mais les relations se tendirent quelque peu avec les voisins restés
catholiques (l’Autriche, Fribourg, les Waldstatten…). Des guerres, dites « de
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Kappel » (localité autour de laquelle les principales opérations eurent lieu), éclatèrent
entre cantons réformés et catholiques : La première guerre eut lieu au printemps
1529. Elle opposa une armée Zurichoise, soutenue par Berne, Bienne, Mulhouse et
Bâle à une armée des Waldstatten à propos des baillages communs, Baden
notamment, entre Zurich, Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald, Glaris et Berne. La
bataille entre les deux armées fut évitée grâce à la médiation de Glaris (canton dans
lequel la Réforme s ‘était installée sans supplanter l’église catholique). La seconde
guerre fut provoquée en 1531 par un soulèvement et une menace autrichienne en
Valteline qui obligeaient, selon les traités, les Confédérés à apporter leur soutien actif
aux Ligues Grisonnes. Les cantons catholiques s’abstinrent, ce qui scandalisa
Zwingli qui poussa Zurich à manifester son hostilité aux Waldstatten. Zurich, peu
soutenue par Berne qui n’était pas portée aux hostilités, n’entra pas en campagne
immédiatement, mais les Waldstatten lui déclarèrent la guerre, mobilisèrent une
armée de 8000 hommes, et envahirent le territoire Zurichois près de Kappel. Une
bataille eut alors lieu les 10-11 Octobre 1531, qui vit la défaite de Zurich et la mort au
combat de Zwingli. Les alliés de Zurich (Berne et Bâle notamment) durent tenter
d’envoyer des renforts à son secours, mais ceux-ci furent aussi battus les 23-24
Octobre. Une médiation réunissant Glaris, Appenzell et Fribourg (restés neutres dans
cette campagne), ainsi que la France, la Savoie et Milan eut alors lieu et elle imposa
la paix en Novembre 1531 avec les principales conditions suivantes : Les cantons
souverains et leurs sujets pouvaient conserver la foi qui leur convenait, l’Abbaye de
Saint-Gall, qui avait été supprimée par les réformés, fut rétablie (et elle subsista
comme état souverain jusqu’à la chute de l’ancienne confédération en 1798), Zurich
dût rembourser une indemnité de guerre et la combourgeoisie de Zürich et Berne
avec Constance fût brisée, ce qui eût pour conséquence de faire sortir définitivement
cette ville de l’orbite de la Suisse.
5.7.
Berne et Genève – La Conquête du Pays de Vaud
Dans la lutte entre Genève et le Duc de Savoie, Berne prit parti pour Genève, ce qui
ouvrit une période de confrontation chronique avec la Savoie qui devait durer jusqu’à
la fin du XVIIème siècle. En 1526, Berne et Genève conclurent un traité de
combourgeoisie. En 1530 Berne participe à une expédition, à laquelle se joignent
aussi Fribourg et Soleure, destinée à libérer Genève qui était encore sous la
dépendance d’un Prince-Evêque, résidant à Genève, et du Duc de Savoie. Berne
soutint activement l’introduction de la Réforme à Genève dans la période 1530-1534.
Le 14 Juillet 1533, le Prince-Evêque Pierre de la Baume quitte sa ville épiscopale
pour ne plus y revenir et Guillaume Farel, sous protection Bernoise, gagne
définitivement la ville à la Réforme. La rupture avec le Prince-Evêque, installé dès
lors à Gex, la guerre de Genève avec la Savoie et l’indépendance de Genève sont
consommées en 1534.
Berne déclare la guerre au Duc de Savoie le 27 Décembre 1535. Une armée
Bernoise de 7000 hommes commandée par Hans-Franz Nägeli, député de Berne à
Genève en 1534 et futur Avoyer de Berne, prit le Pays de Vaud sans coup férir et
occupa aussi Genève, le pays de Gex, le Genevois et une partie du Chablais.
Genève refusa le protectorat Bernois et obtint de conserver son indépendance sous
condition de se lier à Berne par un traité d’alliance perpétuel, signé le 7 Août 1536,
qui lui interdisait de contracter librement d’autres alliances. Fribourg, sans avoir fait
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campagne, obtint des territoires dans l’Est du pays de Vaud (avec Chatel-Saint-Denis
notamment).
Les nouveaux territoires furent divisés en baillages (comme l’était le reste du
territoire Bernois), les anciens droits furent conservés dans la mesure du possible (le
pays de Vaud resta donc pour l’essentiel sous le régime du droit féodal), les
châtelains prêtèrent serment d’allégeance à Berne et la Réforme fut introduite
partout.
Le Comte de Gruyère Jean II, rompit ses derniers liens avec le Duc de Savoie, son
suzerain, pour s’allier à Fribourg dans son soutien à la campagne Bernoise de 1536.
Son successeur Michel se joignit au pacte fédéral en 1548 et le Comté de Gruyère
devint donc un nouveau canton Suisse pour quelques années. Mais les derniers
Comtes de Gruyère avaient accumulé une dette considérable, ce qui amena la Diète
Fédérale à prononcer la faillite du Comté de Gruyère en 1554. Les deux principaux
créanciers, Fribourg et Berne, se partagèrent alors le Comté, Fribourg prenant la
basse Gruyère avec la ville de Gruyères et Berne la région de Saanen et de Château
d’Oex, avec laquelle elle avait déjà des liens politiques anciens, qui devint le baillage
de Saanen (dont le siège fut finalement établi au château de Rougemont).
Le territoire Bernois avait alors atteint sa plus grande extension, telle qu’elle est
figurée dans la carte annexe. Mais la Savoie n’avait pas renoncé aux territoires
perdus en 1536 et elle avait l’appui de Charles-Quint, tandis que Berne avait celui de
la France. En 1542, la Diète d’Empire intima à Berne de restituer à la Savoie ses
conquêtes de 1536, sans résultat. En 1559, le nouveau Duc de Savoie, EmmanuelPhilibert, éleva à nouveau des prétentions sur ces territoires et Genève dans un
contexte plus favorable où Berne n’avait plus vraiment le soutien de la France et des
Confédérés. La guerre avec la Savoie était donc sur le point d’éclater, mais Philippe
II, successeur de Charles-Quint au trône d’Espagne, obligea le Duc de Savoie à
négocier. Une paix fut alors signée à Lausanne le 30 Octobre 1564 par laquelle
l’indépendance de Genève était reconnue et Berne était forcée de rétrocéder le Pays
de Gex (occupé par Genève en 1589 au nom de la France, puis donné
définitivement à celle-ci en 1601), ainsi que le Genevois et le Chablais à la Savoie.
C’était la première fois dans son histoire que Berne rétrocédait un territoire, qui fut
aussi perdu définitivement pour la Suisse.
A la fin du XVIème siècle, la Savoie entreprit de nouvelles tentatives pour reconquérir
Genève et le Pays de Vaud. Pour ce faire, le Duc de Savoie s’allia en 1577 aux
cantons catholiques, et Berne conclut en réponse une alliance défensive avec
Genève, Soleure et la France, avec protectorat Franco-Bernois sur Genève. Le duc
de Savoie et Berne procédèrent à divers mouvements militaires, mais des pressions
Françaises et Espagnoles en faveur de négociations et une combativité un peu
émoussée de part et d’autres empêchèrent une véritable guerre. Le Duc de Savoie
dût renoncer au pays de Vaud par le paix de Nyon en le 11 Octobre 1589, mais cette
paix ne réglait pas le sort de Genève. Un armistice intervint en 1594 qui assura la
tranquillité de Genève pour de nombreuses années (jusqu’à la fameuse tentative
d’ »escalade » du 12 Décembre 1602). Le Duc de Savoie renonça provisoirement au
pays de Vaud en 1617 et il renouvela son alliance avec Berne. Mais en 1631 son
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successeur reprit ses prétentions sur le Pays de Vaud et Genève et il chercha
vainement l’appui de la France.
A partir de 1690, le Duc de Savoie oriente sa politique prioritairement vers l’Italie, et
les relations avec Berne et Fribourg s’améliorent beaucoup.
6. La Période « Classique » (de la fin du XVIème siècle jusqu’en
1798)
6.1. La question de Bienne
Des liens avec Bienne existaient depuis longtemps lorsque Berne entama en 1596
des négociations avec l’évêque de Bâle pour faire de Bienne une ville sujette. Ces
négociations aboutirent à l’achat par Berne de la ville et seigneurie de Bienne le 27
Novembre 1599.
6.2. La Guerre de Trente Ans
La Guerre de Trente Ans débuta en 1618 en Allemagne. Elle eût pour causes
essentielles l’antagonisme des protestants et des catholiques, l’absence de droits
reconnus aux « réformés » et les inquiétudes nées des vues ambitieuses de la
maison d’Autriche dont le chef était aussi maintenant Empereur héréditaire. La
guerre éclata en Bohème (défenestration de Prague) et on peut la diviser en 5
périodes :
. 1. La « période Palatine » (1618 –1624) pendant laquelle Frédéric V, électeur
Palatin, réformé et élu roi de Bohème, fut vaincu à la Montagne Blanche (1620) et
dépouillé de ses états grâce à l’inaction des autres princes protestants (luthériens).
. 2. La »période Danoise » (1624-1628) pendant laquelle le roi Christian IV de
Danemark se mit à la tête des luthériens. Battus à Lutter et Dessau, les protestants
durent s’incliner devant le triomphe de l’Empereur Ferdinand IV qui, par l’ »édit de
restitution » essaya de les dépouiller d’une partie des domaines religieux sécularisés
lors de la réforme.
. 3. La « période Suèdoise » (1630-1635) au cours de laquelle le roi GustaveAdolphe de Suède, sur l’appel des protestants et avec l’appui du Cardinal de
Richelieu, au pouvoir en France, envahit l’Allemagne, remporta les victoires de
Breitenfeld et du Lech, mais fut tué, quoique victorieux, à Lutzen.
. 4. La « période Française » (1635-1648), ainsi appelée parce que Richelieu, après
avoir soutenu les adversaires de la maison d’Autriche, intervint directement contre
elle (en entrant en guerre contre l’Empereur et le Roi d’Espagne). L’occupation de
l’Alsace, les victoires françaises de Rocroi, Fribourg en Brisgau, et Nœrdlingen,
décidèrent l’Empereur (mais non le Roi d’Espagne, pourtant vaincu à Rocroi) à
signer la paix de Westphalie (1647-1648).
. 5. La « période Espagnole » (1648-1659), durant laquelle le Roi d’Espagne,
poursuivit la guerre contre la France en Flandre espérant profiter de la situation de
guerre civile en France où la Reine-régente Anne et son principal ministre, le
Cardinal Mazarin, successeur de Richelieu depuis 1642, étaient en butte à la révolte
11
(« la fronde », de 1648 à 1653) du Parlement de Paris, puis de certains princes qui
n’hésitaient pas, bien sûr, à pactiser avec l’Espagne.
Dès le début de cette guerre en 1618, Berne et les Confédérés cherchèrent à rester
neutres, car ils avaient bien conscience que leur implication rallumerait aussi les
luttes confessionnelles en Suisse qui seraient encore attisées par les alliances
particulières opposées dans ce conflit de certains cantons. Cependant la
Confédération fut, pendant cette longue période de guerre, en butte à de très
nombreuses violations territoriales (qui ne concernèrent pas, cependant, le territoire
Bernois) que ni les cantons ou pays alliés concernés, ni la Confédération n’avaient
les moyens de prévenir ; des nombreuses, et parfois dangereuses, pressions
politiques des belligérants s’exercèrent aussi. Des mobilisations partielles de troupes
se succédèrent presque sans interruption de 1628 à 1638 pour tenter de prévenir,
lorsque c’était envisageable, les violations territoriales.
Bien que Berne ait cherché une implication minimale dans cette « Guerre de Trente
Ans », l’un de ses ressortissants s’y illustra particulièrement :
En 1633, à la suite d’une grave violation du territoire Thurgovien (alors sujet commun
des X cantons souverains) par l’armée Suédoise, la Diète décida, en plus de la
mobilisation de troupes, surtout fournies par Berne et Zurich, de nommer un général
commandant en chef en la personne du colonel et sénateur Bernois Jean-Louis
d’Erlach, seigneur de Castelen. C’était seulement la deuxième nomination d’un
général fédéral (la première eut lieu lors des guerres d’Italie en 1502, et la treizième
et dernière fut celle du Général Guisan en 1939). Le général d’Erlach s’attacha de
1633 à 1638 (avec un intérmède diplomatique en 1634-35 où il fût envoyé en France
avec le Zurichois Salomon Hirzel pour rechercher l’appui de la France en cas de
guerre avec l’Empereur) à mettre sur pieds puis améliorer l’entraînement et
l’équipement, initialement déplorables, des troupes mises à sa disposition (il obtint
notamment une standardisation du calibre des canons des différents contingents
cantonaux). En Avril 1638, la situation sur les frontières de la Confédération
s’améliorant, le Général d’Erlach remet son mandat de général fédéral et entre au
service du Duc de Saxe-Weymar, allié de la France. Il y remporte des succès
notables (prise de la ville de Brisach …) et il remplace le Duc, à sa mort, comme
commandant en chef en 1639. Les années 1640–41 le voient au service de la
France et de Berne. Les années 1642-43 voient les décès successifs de Richelieu et
de Louis XIII. La Reine-régente Anne et Mazarin, qui leur succèdent en France,
confirment Jean-Louis d’Erlach comme gouverneur militaire de Brisach, mais
nomment le Maréchal de Turenne comme commandant en chef. Erlach proteste
contre la subordination qu’on lui impose tout d’abord vis-à-vis de Turenne, et il
obtient, de la Cour et de Turenne, que cette subordination soit changée en une
coopération. Dans la période 1643-1647, les victoires et les défaites altèrnent pour
les armées Françaises et alliées en Allemagne. Le général d’Erlach ne contribue
qu’aux victoires, et il sauve même une situation fort compromise lors de deux
défaites majeures à Tudlingen en Novembre 1643 et à Marienthal en Mai 1645
contre les armées impériales.
En 1647 l’armée Suèdoise prend d’assaut la ville de Bregenz, ce qui incite la Diète à
réunir un conseil de guerre fédéral à Wil qui, à l’instigation du Général d’Erlach,
12
élabore une ordonnance militaire commune destinée à assurer le maintien de la
neutralité Suisse et la sauvegarde des frontières. Ce « défensional de Wil », bien
qu’il n’eût pas l’occasion d’être appliqué avec l’arrivée imminente de la paix de
Westphalie, constitue le premier modèle de mobilisation d’une armée fédérale tel
qu’il sera appliqué à partir du XIXème siècle.
En 1648, la paix de Westphalie marque la fin des hostilités en Allemagne et la
reconnaissance formelle par l’Empereur de la pleine indépendance de la
Confédération.
Cette même année, Erlach rejoint à la tête de son armée d’Allemagne l’armée du
Prince de Condé en Flandre où ils remportent ensemble la grande victoire de Lens
sur les Espagnols.
En 1649, le Maréchal de Turenne se rallie à la Fronde et prend contact avec les
Espagnols. Le 13 Mars, la Reine-régente Anne ordonne alors au Général d’Erlach
d’arrêter le Maréchal de Turenne, ce qu’il mène à bien, puis elle le nomme
commandant en chef de l’armée d’Allemagne à la place de Turenne.
Malheureusement le trésor royal est maintenant hors d’état de payer les soldes de
l’armée et le Général d’Erlach, épuisé par les difficultés que cela engendre, est
frappé d’une maladie chronique dont il ne se relèvera pas. Il doit alors renoncer au
commandement effectif des troupes, mais il demeure gouverneur général Français à
Brisach, et il est même nommé le 10 Septembre 1649 premier plénipotentiaire de
France au Congrès de pacification de Nüremberg, constitué pour mettre fin aux
séquelles de la guerre en Allemagne.
Au vu des services rendus par Jean-Louis d’Erlach et du rang attaché à cette
nouvelle fonction, la Reine-régente lui confère le 18 Janvier 1650 son brevet de
Maréchal de France. Il devient ainsi le seul officier ayant cumulé les dignités de
Général fédéral et Maréchal de France. Malheureusement le Maréchal d’Erlach
décéda des suites de sa maladie le 26 Janvier 1650 et son brevet de Maréchal de
France ne fut pas enregistré par le Parlement de Paris qui menait la révolte contre la
Couronne.
6.3. La Guerre des Paysans
Des troubles importants dans les campagnes en Allemagne et en Suisse débutèrent
en 1525 qui avaient pour causes principales les charges du servage et de la dîme.
Bien sûr ces charges apparaissaient d’autant plus insupportables que la situation
économique était rendue difficile, par des guerres et des épidémies notamment. Les
gouvernements résistèrent bien aux revendications des paysans qui n’obtinrent pas
grand’chose.
En Janvier 1641, les paysans Bernois se soulevèrent de nouveau à l’occasion de la
mise en place d’un impôt de 1 ‰ sur la fortune que les communes rurales refusèrent
de payer. Berne réussit à mâter cette révolte sans effusion de sang avec l’aide des
autres cantons protestants.
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C’est à partir de Janvier 1653 qu’eût lieu le plus important soulèvement de paysans,
qui affecta les campagnes Lucernoise, puis Bernoise, avant de s’étendre à d’autres
cantons. La cause la plus importante (mais qui se combinait avec d’autres causes)
en était une dévaluation de 50 % de la monnaie de ces cantons rendue nécessaire
par les conséquences économiques de la guerre de Trente Ans. La Diète fédérale
organisa la levée de trois corps de troupe devant opérer respectivement sur Berne et
Fribourg, en Suisse orientale et dans les cantons primitifs et le territoire de l’abbaye
de Saint-Gall contre ces soulèvement armés de paysans.
Les troupes fédérales menèrent campagne et réussirent à écraser partout les
soulèvements paysans qui furent définitivement mâtés en Juin 1653.
6.4. La Première Guerre de Villmergen
On donne le nom de « guerres de Villmergen » aux deux guerres civiles et
religieuses qui se sont terminées toutes les deux par une bataille décisive livrée près
du village de Villmergen en Argovie.
Cette guerre est un produit des haines confessionnelles, toujours vives au XVIIème
siècle, et de la tension continue entre les partis religieux en Suisse. Le prétexte à son
déclenchement fût un différend entre Zurich et Schwyz : La région d’Arth, en pays
Schwyzois, comptait un petit nombre de protestants, surtout membres de la vieille
famille de Hospental que Schwyz, très catholique, décida d’éradiquer en Janvier
1655. Un certain nombre purent s’enfuir et furent très bien reçus à Zurich, tandis que
quatre autres furent, en représailles, exécutés par Schwyz. Zurich déclara alors la
guerre à Schwyz et Berne appuya Zurich. Schwyz, de son côté, reçut l’appui de
Lucerne, Uri, Unterwald et Zoug. Les autres cantons restèrent neutres. Une
mobilisation importante eût lieu de part et d’autre après qu’une médiation de
l’ambassadeur de France ait échoué. L’armée catholique lança une offensive pour
séparer les corps d’armée Bernois et Zürichois sur Bremgarten, Mellingen et Baden.
Puis ils attaquèrent par surprise le corps Bernois le 24 Janvier 1656 près de
Villmergen et le battirent complètement. Ceci décida Berne et Zurich à accepter la
médiation pour la paix de Bâle, Soleure, Fribourg et la France. La paix fut conclue à
Baden le 7 Mars 1656 ; elle assura l’entière autonomie aux cantons en matière de foi
sur leur territoire et retira à la Diète tout pouvoir de conciliation en cette matière.
6.5. L’édit de Fontainebleau (1685) et l’Affaire de la Succession de Neuchâtel
(1694 – 1707) – Situation de Crise entre Berne et Louis XIV
En 1685, Louis XIV, sous l’influence de Madame de Maintenon, signe l’Edit de
Fontainebleau qui, révoquant complètement l’Edit de Nantes (1598), proscrit les
protestants Français et les oblige à faire profession de foi catholique. Cet édit eût,
entre autres conséquences, celle de provoquer une émigration massive de
protestants Français et Berne vit ainsi arriver plus de 10.000 d’entre eux. Malgré
l’aide des autres cantons protestants, il était impossible d’accueillir autant de réfugiés
et beaucoup d’entre eux furent redirigés vers les états Allemands protestants.
Certains restèrent cependant en pays Bernois et l’histoire du plus notable d’entre
eux, le Dieppois Henri Duquesne, mérite d’être rapportée : Henri Duquesne était le
14
fils d’Abraham, vice-amiral de France, que le Roi renonça à poursuivre pour son
attachement à la religion protestante en raison de ses états de service
particulièrement brillants (pour ne considérer que la fin de sa très longue carrière, sa
grande victoire au large d’Agosta en 1676 et ses actions contre les régences
barbaresques et contre Gênes, alliée de l’Espagne, dans les années qui suivirent,
assurèrent pour un temps la suprématie à la Marine Royale en Méditerranée
occidentale) et de son âge avancé ; mais cette mansuétude ne s’étendait même pas
à sa famille. Henri se fixa dans le pays de Vaud et il acheta la Baronnie d’Aubonne
dont il reconstruisit en partie l’église dans un mur de laquelle il scella le cœur de son
père décédé en 1688 (l’inscription qu’il fit graver à cet emplacement est toujours
lisible aujourd’hui). En 1691, Berne demanda à Henri Duquesne de créer une petite
flotille de guerre basée à Morges dont le port fût construit à cette occasion. En 1701,
Henri Duquesne revendit la baronnie d’Aubonne à Berne qui en fit le siège d’un
nouveau baillage.
Ces évènements amenèrent en 1689 une majorité hostile à la France au Petit
Conseil de Berne dirigée par le Banneret Nicolas Daxelhofer.
En 1694, l’Abbé d’Orléans-Longueville, Prince de Neuchâtel, meurt en instituant
comme légataire François-Louis de Bourbon, Prince de Conti (qui fut aussi en 1697
candidat malheureux au trône de Pologne), au détriment de sa parente la plus
proche, dernière représentante de la maison d’Orléans-Longueville, Marie, Duchesse
de Nemours.
Cet acte de l’Abbé est illégitime car Neuchâtel a toujours été « inaliénable » : En cas
d’absence d’héritier direct c’était autrefois le suzerain qui décidait de l’attribution du
Comté, puis ce fut à partir du XVIème siècle le Tribunal des Etats. En 1694, le
tribunal des Etat se réunit donc en investiture pour invalider le Prince de Conti,
légataire, au profit de l’héritière légitime Marie, Duchesse de Nemours.
La Princesse Marie n’ayant pas de descendant et la maison d’Orléans-Longueville
étant éteinte, la succession de Neuchâtel s’avérait dès lors très ouverte.
Guillaume III d’Orange-Nassau, Roi d’Angleterre et Stathouder des Provinces Unies,
se déclara d’emblée prétendant comme héritier direct des Chalon-Orange, anciens
suzerains des Comtes de Neuchâtel, et victimes de l’ « usurpation » de Rodolphe de
Baden-Hochberg qui s’octroya le Comté en 1457 contre son suzerain.
Guillaume III et Marie II n’ayant pas de descendant, ils cédèrent leurs droits sur
Neuchâtel (et d’autres fiefs de la maison d’Orange) à l’électeur Frédéric de
Brandebourg, futur Roi Frédéric 1er de Prusse. Ils ne violaient pas, en cela,
l’inaliénabilité de Neuchâtel car Frédéric était le fils de Louise Henriette d’OrangeNassau, sœur de Guillaume III.
Le Prince de Conti maintenait ses prétentions comme légataire de l’Abbé d’OrléansLongueville.
Deux prétendants se déclarèrent au titre de leur descendance directe de la maison
d’Orléans-Longueville :
. Le Comte de Matignon, descendant du Comte Charles de Matignon et d’Eléonore
d’Orléans-Longueville, fille de Léonor, Comte de Neuchâtel,
. La Duchesse de Lesdiguières, descendante du Duc de Gondy et d’Antoinette
d’Orléans-Longueville, autre fille de Léonor, Comte de Neuchâtel.
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Il y avait encore d’autres prétendants Français dont les prétentions étaient beaucoup
plus fragiles.
Guillaume III d’Angleterre mourut en 1702, ce qui fit de Frédéric 1er de Prusse le
prétendant le mieux placé au titre de la descendance Chalon-Orange.
La Duchesse de Nemours décéda le 16 Juin 1707, ce qui provoqua la réunion du
Tribunal des Etats de Neuchâtel pour décider de l’investiture d’un successeur.
Dès le début de cette affaire (1694), Berne s’impliqua complètement pour faire
barrage aux candidats Français principalement parcequ’un Prince Français risquait
fort d’être forcé de suivre la politique de Louis XIV contre les protestants, majoritaires
à Neuchâtel. De nombreuses personnalités Bernoises montèrent en ligne dans cette
affaire : Les frères Siméon et Emmanuel de Bondeli furent les premiers dans l’ordre
chronologique avant même la mort de l’Abbé en 1694 ; Emmanuel mena l’étude
historique concernant les droits de la Maison d’Orange-Nassau et Siméon, diplomate
au service de l’Electeur Frédéric, fut un temps son envoyé en Suisse avec la mission
particulière de soutenir sa candidature comme successeur de Guillaume d’Orange.
Christophe de Steiger (noir), futur Avoyer de Berne, succéda à Siméon de Bondeli
dans ces fonctions. Un autre très brillant sujet Bernois, François-Louis de Pesme de
Saint-Saphorin, envoyé de l’Empereur en Suisse, soutint aussi très activement et
habilement cette candidature qui avait la faveur du Prince de Salm, qui dirigeait la
diplomatie impériale. Au Petit Conseil de Berne, les plus fermes soutiens de cette
affaire étaient les bannerets Nicolas Daxelhoffer et Jean-Frédéric de Willading, futur
avoyer de Berne. Louis XIV et son principal ministre Michel de Chamillard, de leur
côté, chargèrent l’ambassadeur de France en Suisse, le Marquis de Puyzieulx, de
contrecarrer au maximum la candidature de Guillaume et Frédéric, mais ils ne se
prononcèrent jamais en faveur de l’un des candidats Français en particulier.
Finalement, le tribunal des Etats de Neuchâtel, réuni en 1707 à la mort de Marie de
Nemours, statua en faveur de Frédéric, devenu entre temps Roi de Prusse. Si l’on
fait abstraction de la brêve période de l’usurpation de Napoléon et de Berthier, le Roi
de Prusse demeura Prince de Neuchâtel jusqu’à ce que les troubles de 1848
conduisent à la proclamation de la République (mais le chef de la maison royale et
impériale de Hohenzollern porte encore valablement le titre de Prince de Neuchâtel).
Cette conclusion de l’affaire de la succession de Neuchâtel amena la crise entre
Berne et Louis XIV à son paroxysme, avec l’envoi d’un corps d’armée Français en
Franche-Comté et d’un corps d’armée Bernois à Neuchâtel. Mais l’engagement
d’opérations de guerre entre Berne et Louis XIV apparut suicidaire des deux côtés, et
un traité de compromis fut conclu à Aarau en 1708 par lequel Louis XIV reconnaissait
la validité du choix des Neuchâtelois et les Suisses et le Prince de Neuchâtel
renonçaient à leur intention d’intégrer Neuchâtel à la Confédération (de ce fait,
Neuchâtel n’intégra la Confédération qu’au Congrès de Vienne en 1815, profitant du
fait que Louis XVIII était hors d’état d’y maintenir une opposition).
6.6. La Seconde Guerre de Villmergen
Son origine tient à un conflit entre le Prince-Abbé Leodegar de Saint-Gall et ses sujet
du pays de Toggenbourg. L’abbé et Schwyz voulaient construire une nouvelle route
qui devait traverser le Toggenbourg. L’abbé voulait faire établir le tronçon
Toggenbourgeois par les gens de Wattwil qui, craignant le retour des anciennes
corvées, entrèrent en résistance. Les gens du Toggenbourg proclamèrent leur
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autonomie et la liberté religieuse pour les protestants en 1707. L’abbé obtint le
soutien de l’Empereur et de certains cantons catholiques au premier rang desquels
Schwyz (après de sérieuses hésitations cependant), tandis que le Toggenbourg
obtenait le soutien de Berne et de Zurich. Le conflit traîna ainsi plusieurs années,
jusqu’à ce que le Toggenbourg lance une offensive contre l’abbé en lui prenant des
châteaux et des couvents. Le 13 Avril 1712, Berne et Zurich, appuyés aussi par
Neuchâtel et Genève, proclamèrent leur volonté de soutenir le Toggenbourg, ce qui
incita Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald et Zoug, soutenus en outre par le Valais, à se
manifester pour l’abbé. Les opérations militaires débutèrent quelques jours après ;
elles furent assez complexes, et nous n’entrerons pas dans leur détail. Nous
constaterons seulement que la situation des catholiques étaient moins favorable
qu’en 1655-56 (il y avait des dissensions sérieuses dans les cantons catholiques
quand au bien-fondé de la poursuite de la guerre), et celle des protestants plus
favorables (ils avaient un bon commandement militaire, avec les Bernois Nicolas de
Diesbach et Jean de Sacconay, qui leur avait fait cruellement défaut en 1655-56). La
guerre se termina à nouveau par une bataille décisive près de Villmergen le 25 Juillet
1712, qui fût encore plus sanglante que la bataille de 1656, mais qui fut remportée
par les Bernois.
La paix fut conclue à Aarau le 11 Août 1712. Elle stipulait entre autres que :
. Zurich et Berne gagnaient Rapperswil et Hurden,
. Berne était investie de la cogérence sur tous les baillages communs où elle n’avait
point eu part jusqu’alors : Thurgovie, Rheintal, Sargans et Freiamt supérieur,
. Partout la pleine liberté de croyance était accordée aux réformés comme aux
catholiques,
. Le Toggenbourg restait vassal du Prince-Abbé de Saint-Gall, mais il obtenait la
liberté religieuse et une part dans l’administration.
6.7. L’Organisation Politique de Berne au XVIIIème siècle
Ainsi que nous l’avons vu en section 2, Berne se vit, dès sa fondation à la fin du
XIIème siècle, dotée d’une organisation aristocratique puisque le fondateur et
suzerain, le Duc de Zähringen, plaçait la ville sous la protection de la noblesse des
environs. En 1218, la mort de son fondateur, le Duc Bertold V, marquait aussi
l’extinction de cette dynastie. Dans les années qui suivirent, comme nous l’avons vu
en section 3, Berne obtint l’immédiateté impériale et certaines de ses institutions se
mettaient en place.
Lorsque l’indépendance de fait lui fut reconnue, vers 1320 (cf. section 4), nous
voyons déjà les principales institutions politiques, qui devaient se perpétuer jusqu’au
XVIIIème siècle, en place :
. La Bourgeoisie de la ville de Berne. Elle dispose exclusivement des droits
politiques ; tous les habitants du territoire Bernois sont sujets de la ville (les statuts
individuels des habitants sont divers : Certaines communes, ou entités régionales, ou
seigneurs locaux, rendent hommage directement à la ville de Berne ; d’autres ont un
suzerain intermédiaire). La plupart des habitants de la ville n’en sont pas bourgeois,
et il n’ont aucun droit politique. Tout bourgeois de la ville de Berne est membre d’une
corporation (c’est encore vrai aujourd’hui) ; ces corporations avaient un rôle
professionnel (elles régissaient chacune un métier) et social, mais elles n’ont jamais
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eu aucun rôle politique (malgré quelques tentatives pour changer cela) ; elles ont
progressivement perdu le rôle professionnel, mais elles ont gardé (encore
aujourd’hui) le rôle social. Jusqu’au XVIème siècle, de nouveaux bourgeois étaient
régulièrement admis, mais ces admissions se sont ensuite raréfiées, et la
bourgeoisie de Berne a été complètement fermée en 1651 (elles s’est réouverte en
1790, mais même aujourd’hui les admissions à la bourgeoisie, en dehors des
admissions de conjoint(e) de bourgeois, sont très rares).
. Le Conseil des Deux Cents, ou Grand Conseil, comprend au moins 200 membres
élus en principe à vie. On ne procède à de nouvelles élections que lorsque le nombre
de membres menace de descendre sous les 200. C’est le corps législatif ; N’y sont
éligibles que les bourgeois de la ville de Berne. Au cours des XVIème et XVIIème
siècles, la possibilité de se faire élire(« coopter » serait plus approprié) au Grand
Conseil se restreint, et, en 1651, il est limité formellement à 450 familles reconnues
comme « patriciennes ». Le nombre de ces familles chute ensuite progressivement
par extinction jusqu’à 68 en 1787. Il est alors décidé en 1790 d’admettre de
nouvelles familles au patriciat en se fixant le but (jamais atteint) de remonter au-delà
de 236 familles, parmi lesquelles 76, au moins, devaient être représentées au Grand
Conseil.
. Le Petit Conseil constitue le gouvernement. Il comprend 27 membres, élus à vie,
tous issus de familles patriciennes différentes. Aux élections (le Lundi de Pâques) on
complète systèmatiquement à 27 le nombre des membres. Certains membres du
Petit Conseil sont élus à de plus hautes fonctions :
. L’Avoyer de Berne est le chef de l’Etat. Il est élu par le Conseil des Deux Cents
en principe à vie (mais il arrive qu’il soit révoqué ou qu’il démissionne). Il y a en fait
deux Avoyers qui altèrnent dans la fonction tous les ans au Lundi de Pâques.
. Les 4 Bannerets avaient à l’origine un rôle militaire. Chacun est à la tête de
l’administration de l’une des 4 juridictions du territoire proche de la ville et est élu
pour 4 ans. Ils ont aussi d’autres fonctions, comme le droit de présentation aux
principales fonctions.
. Les deux Trésoriers : Le Trésorier du Pays Allemand et le Trésorier du Pays de
Vaud, élus pour 4 ans.
. Les « Seize », ou « Seizeniers », complétent le Petit Conseil pour les questions
constitutionnelles et ils ont droit de présentation pour les élections au Conseil des
Deux Cents. Ils sont élus pour 1an.
. Le « Conseil de Guerre » constitue l’état-major de l’armée.
Il y avait aussi quelques hautes fonctions de dirigeant d’administrations centrales, et
le territoire Bernois (hormis les 4 juridictions proches de la ville) était divisé en
Baillages dont le Bailli était issu du Grand Conseil et nommé pour 6 ans. En plus de
son territoire propre, Berne partageait certains baillages avec Fribourg (ils avaient un
bailli Bernois et un bailli Fribourgeois) ou avec plusieurs cantons (le bailli était
nommé à tour de rôle dans l’un des cantons souverains). Pour des raisons
historiques ou stratégiques, certains baillages avaient un statut particulier et le bailli
portait le titre d’ « Avoyer » (à Thoune et Berthoud) ou était un Colonel-Gouverneur
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(à Aigle et Aarbourg) qui disposait d’une garnison. Ces fonctions étaient les seules à
être vraiment lucratives, car le traitement des Conseillers était assez symbolique.
6.8. Les Alliances et les Capitulations
6.8.1. Introduction
Berne et le corps helvètique dans son ensemble conclurent de nombreuses alliances
au cours de leur histoire. Il y eût des alliances à durée et but limité, que nous ne
considérerons pas ici, des alliances perpétuelles avec des petites puissances
voisines qui devinrent des satellites de la Confédération sans adhérer formellement
au pacte fédéral, et des alliances perpétuelles avec de grandes puissances
Européennes. Ces dernières se traduisirent en outre par des « capitulations »
militaires par lesquelles les Cantons mettaient à la disposition de l’autre partie des
compagnies ou des régiments qui restaient sous la juridiction du (des) canton(s) qui
les « avouaient ». Les capitulations furent d’abord conclues pour une campagne,
puis les compagnies et régiments créés tendèrent à devenir permanents à partir du
XVIIème siècle.
6.8.2. Les « Satellites » de la Confédération
. Genève : Les Genevois prirent leur indépendance de la Savoie et de leur évêque
en 1533 avec l’appui de Berne et Fribourg avec lesquels l’alliance se perpétua
ensuite. Des troubles révolutionnaires éclatèrent à partir de 1791. Les
révolutionnaires, poussés par ceux de Paris, prirent partiellement le pouvoir pendant
quelques mois en 1794. La médiation du Résident de France ramena ensuite le
calme et Genève fut rattachée à la France après la chute de l’Ancienne
Confédération en Avril 1798. Genève fut libérée en Décembre 1813, et elle entra
dans la Confédération en 1815.
. Neuchâtel : C’était un comté, puis une principauté au XVIIème siécle. Les
premières alliances avec Berne, Fribourg, Soleure remontent au XIVème siècle.
Neuchâtel fut définitivement reconnue comme alliée des confédérés en 1598. Louis
XIV réussit à empêcher l’entrée de Neuchâtel dans la Confédération en 1708 (cf.
section 6.5). Le Roi de Prusse, Prince de Neuchâtel, dût accepter, contre une
compensation avantageuse, l’usurpation de Napoléon le 15 Février 1806. Napoléon
donna la Principauté de Neuchâtel au maréchal Berthier en Mars 1806. Les
Autrichiens occupèrent Neuchâtel en Décembre 1813, mais les Neuchâtelois purent
obtenir leur libération et la restauration du Roi de Prusse comme Prince quelques
mois après. Le 12 Septembre 1814, enfin, le Prince et les Etats de Neuchâtel
réussirent à se faire admettre dans la Confédération.
. Les Grisons : L’alliance des Ligues Grise et de Maison-Dieu avec les Confédérés
date de 1497-98. La Ligue des Dix Juridictions put se joindre aux deux autres dans
cette alliance en 1499 grâce à la victoire des Suisses et Grisons sur l’Empereur
Maximilien dans la guerre de Souabe (cf. section 5.4). Les Ligues perdirent la
Valteline au profit de la nouvelle République Cisalpine en 1797, mais elles ne
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chutèrent sous le coup de l’invasion Française qu’un an après les Confédérés (Mars
1799). Les Grisons furent restaurés et incorporés à la Confédération par l’Acte de
Médiation en 1803.
. Mulhouse : Une première alliance fut conclue avec Berne et Soleure en 1466. A
l’expiration de cette alliance (1491), Mulhouse entra dans la Ligue Souabe et elle fut
donc adversaire des Confédérés pendant la guerre de Souabe (1499). Par
l’intermédiaire de Bâle, les relations se renouèrent et Mulhouse conclut une alliance
perpétuelle avec les Confédérés en 1515. Cette alliance dura jusqu’à la chute de
l’Ancienne Confédération en Mars 1798. Mulhouse fut alors rattachée de force à la
France.
6.8.3. Les Alliances avec les Grandes Puissances Européennes
. Avec la France :
La première initiative en revient à Charles VII et au Dauphin Louis (futur Louis XI).
Elle aboutit à un premier traité le 8 Novembre 1452 entre Charles VII et les
Confédérés.
Louis XI, tout en poussant Berne et les Confédérés à la guerre contre le Duc Charles
de Bourgogne, ne leur apporta guère de soutien, jouant seulement son propre jeu
diplomatique. Après sa mort Charles VIII se lança dans les campagnes d’Italie pour
lesquelles il réussit à recruter quelques 8.000 confédérés. Les liens créés à cette
occasion poussèrent le Roi et les Confédérés à signer un nouveau traité d’alliance le
1er Novembre 1495 ; toutefois Berne, ainsi que Schwyz et Nidwald, s’abstinrent
pendant quelques années de signer, jusqu’à ce qu’un nouveau traité, plus explicite
fût signé entre tous les Confédérés et Louis XII à Lucerne le 16 Mars 1499. Mais
Louis XII ne remplit pas les obligations de ce traité, et les intérêts des deux parties en
Italie divergeaient. Finalement le Prince-Evêque de Sion, Mathieu Schiner, réussit à
entraîner les Confédérés dans une alliance avec le Pape, Jules II della Rovere, en
1510 pour chasser les Français d’Italie (cf. section 5.5). La défaite des Confédérés à
Marignan en 1515 incita Berne (qui n’avait pas participé à cette bataille) à pousser
les Confédérés à la paix avec le nouveau Roi de France, François 1er, et le nouveau
Pape, Léon X de Medicis, était aussi dans les mêmes dispositions. La « paix
perpétuelle » fut conclue par François 1er et les Confédérés à Fribourg le 29
Novembre 1516 et un traité d’alliance défensive suivit en 1521 auquel les Grisons
adhérèrent aussi par un acte séparé en 1523. Ce traité d’alliance défensive sera
renouvelé régulièrement par la suite : en 1549 avec Henri II (mais Berne et Zurich,
maintenant réformés, s’abstiennent), en 1564 avec la Reine-régente Catherine de
Medicis (nouvelle abstention de Berne et Zurich), en 1582 avec Henri III (adhésion
de Berne en 1583), en 1602 avec Henri IV (avec des clauses et une durée
étendues), en 1663 avec Louis XIV, en 1715 entre Louis XIV et les seuls cantons
catholiques, en 1777, enfin, entre Louis XVI et l’ensemble du Corps Helvètique (il y
eût une opposition minoritaire à Berne, incluant notamment Nicolas-Frédéric de
Steiger, futur avoyer).
. Avec l’Autriche :
Une « paix perpétuelle » fut signée en 1474 grâce à une médiation de Louis XI.
L’accession du souverain Autrichien, Maximilien, à la dignité impériale à titre
20
héréditaire en 1496 et sa prétention à considérer encore les Suisses comme partie
intégrante de l’Empire la rendirent caduque et provoquèrent la « Guerre de Souabe »
(cf. section 5.4).
Une nouvelle « alliance héréditaire » fut conclue en 1511, et confirmée quatre fois
jusqu’en 1577. Elle fut ensuite supplantée par les alliances séparées conclues avec
les cantons catholiques. Après de graves péripéties dans les Grisons de 1620 à
1650, les relations redevinrent bonnes entre l’Autriche et l’ensemble des confédérés.
. Avec l’Espagne :
Une première alliance entre l’Espagne, l’Empereur, le pape, les Confédérés et le Duc
de Milan en février 1515 visait à mettre en commun les forces des contractants pour
protéger Milan.
En 1557, Philippe II renouvela l’alliance avec les Confédérés. Cette alliance fut
renouvelée, parfois avec les seuls cantons catholiques, en 1587,1604, 1634 et 1705.
. Avec Venise :
En 1511 une alliance fut conclue à Venise avec les Confédérés et le Pape
(représenté par le Cardinal Schiner) contre la France ; mais Berne participa peu à
cette alliance et Venise changea de camp à la bataille de Marignan en 1515 en
apportant un soutien décisif aux troupes Française le second jour de la bataille (cf.
section 5.5).
Une alliance avec les Grisons dura ensuite de 1603 à 1613 (année où l’Espagne
réussit à empêcher son renouvellement).
Une nouvelle alliance fut alors conclue avec Berne et Zurich en 1614 pour douze
ans. Les trois contractants resignèrent une alliance semblable pour vingt ans en
1706.
Par ailleurs des relations importantes, mais parfois difficiles, ont été continuellement
entretenues entre les Grisons et Venise.
. Avec la Savoie :
En 1255, Berne se plaça sous le protectorat de Pierre II de Savoie (cf. section 3). En
1264, ce protectorat se transforma en alliance qui dura jusqu’en 1324. Elle fut reprise
quelques années après et renouvelée jusqu’en 1384, date à laquelle elle devint
perpétuelle.
Cette alliance fut rompue pendant la guerre de Bourgogne (cf. section 5.3), où le Duc
de Savoie fut allié au Duc de Bourgogne, mais renouvelée en 1477 avec Berne et
Fribourg, sur laquelle le Duc Philibert 1er renonçait à toute suzeraineté.
A partir de 1530, des hostilités se déclenchent entre Berne et la Savoie qui est
ensuite l’objet d’une double offensive, Bernoise dans le pays de Vaud et le Chablais
(cf. section 5.7), et Française ailleurs, qui fit perdre au Duc Charles III presque tous
ses états. Par la paix de Cateau-Cambrésis en 1559, la France restituait au Duc
Emmanuel-Philibert toutes ses conquêtes. ; Berne restitua ensuite le Chablais et le
Genevois en 1564. Pendant une longue période (jusque vers 1690), une hostilité
chronique perdura entre Berne et la Savoie, qui cherchait à récupérer le Pays de
Vaud et même Genève.
Mais ensuite la Savoie oriente sa politique vers l’Italie et les relations s’améliorent au
point même que l’on revit une intervention du Duc de Savoie, devenu entre temps
21
Roi de Sardaigne, avec Berne et la France pour rétablir le gouvernement Genevois
renversé en 1782.
6.8.4. Les Capitulations
Nous aborderons ici seulement les capitulations dans lesquelles Berne fut partie
prenante.
6.8.4.1. Les Capitulations avec la France
Les accords militaires avec la France sont les plus anciens et les plus nombreux au
niveau de l’ensemble de la Confédération.
En 1447, les Cantons autorisent Charles VII à lever 4000 hommes ; il s’agit alors de
mercenaires ; le régime des capitulations ne se mettra en place que sous le règne
suivant de Louis XI.
En 1480, une capitulation avec Berne et Fribourg porte sur un corps de 6400
hommes.
En 1496, création de la Compagnie des Cent-Suisses sous Charles VIII pour la
garde du corps du Roi. C’est la première unité permanente, qui ne sera dissoute que
par l’Assemblée Législative en 1791. Contrairement aux autres unités, l’état-major
est Français. Berne cessera de mettre des hommes à la disposition de cette unité,
qui restera catholique, après la Réforme.
De nouvelles capitulations sont négociées sous Louis XII jusqu’à la rupture de 1510.
La paix perpétuelle de 1516 et le traité d’alliance de 1521 avec François 1er
conduisent à la conclusion de capitulations nombreuses et importantes. Sous son
règne 150.000 hommes seront mobilisés dans le cadre de ces capitulations.
En 1553, une capitulation générale avec les Confédérés stipule que les colonels
seront élus par les capitaines et non plus choisis par le Roi.
En 1571, la charge de Colonel-Général des Suisses et Grisons, assumée par un
grand seigneur Français ou un prince du sang, devient permanente.
Les capitulations sous Henri II mobilisent 82.000 hommes.
En 1579, Berne, Soleure et Henri II signent un traité perpétuel pour la sauvegarde de
Genève ; Henri II fournit 1500 hommes et Berne et Soleure en fournissent 6000.
En 1582 les Confédérés s’engagent auprès d’Henri III à accorder à la France la
préférence sur tout autre allié.
22
En 1616, une capitulation des Confédérés avec Louis XIII met en place le régiment
des Gardes Suisses, deuxième unité permanente. Pendant la guerre de Trente Ans
32 régiments de ligne sont mis en place.
En 1671 une capitulation de Berne avec Louis XIV met en place le Régiment
d’Erlach, premier régiment de ligne permanent dans le cadre des capitulations. De
1671 à 1680, des capitulations avec Soleure, Fribourg, Berne, Schwyz, Lucerne,
Glaris, les Grisons et le Valais mettent en place 6 autres régiments de ligne
permanents qui subsisteront jusqu’en 1792.
La Compagnie des Cent-Suisses est dissoute en 1791 par l’Assemblée Législative
Française, le régiment des Gardes Suisses est massacré par les insurgés Parisiens
et Marseillais le 10 Août 1792, journée qui marque aussi la chute de la Monarchie
Française, et les régiments de ligne sont dissous à partir du 20 Août. La Convention
Nationale Française s’efforce, dans la mesure du possible, de régler ces dissolutions
à l’amiable.
6.8.4.2. Les Capitulations avec les Provinces Unies
En 1676, capitulation avec Berne pour la création d’un régiment de Watteville.
En 1690, les Provinces sont comprises dans l’alliance des cantons protestants avec
Guillaume III, Roi d’Angleterre et Stathouder des Provinces. Elle ouvre la voie à
plusieurs capitulations dans lesquelles Berne contribue pour les régiments de
Mülinen, de Muralt et de Sacconay.
En 1712, l’alliance perpétuelle entre Berne et les Provinces Unies, négociée par
François-Louis de Pesmes de Saint-Saphorin, donne lieu à de nouvelles
capitulations.
En 1741, une capitulation met en place des régiments permanents (de Constant et
de Stürler pour Berne, Hirzel pour Zurich, et de Salis pour les Grisons).
En 1748 une capitulation de Berne, Zurich, Neuchâtel, Schaffhouse, Glaris,
Appenzell Rhodes-Extérieures, Saint-Gall (ville) met en place un régiment des
Gardes-Suisses.
Les 5 régiments alors subsistants sont licenciés en 1796-97 consécutivement à la
chute des Provinces-Unies envahies par les armées Françaises en 1795.
6.8.4.3. Les Capitulations avec l’Autriche
En 1474, une alliance perpétuelle et héréditaire est signée par les Confédérés avec
l’archiduc Sigismond. Une première capitulation de Berne et Uri suit en 1496 avec
l’Empereur Maximilien pour la levée d’un corps de 4000 hommes.
En 1516 une capitulation négociée par le Cardinal Schiner pour les Confédérés avec
l’Empereur Maximilien porte sur la levée d’un corps de 15000 hommes.
23
De 1577 à 1690, les cantons protestants n’adhèrent plus à l’alliance avec l’Autriche.
Mais ils participent de nouveau à des capitulations à partir de 1690 ; notons, à ce
titre, la levée d’un régiment d’Erlach, à participation de plusieurs cantons, en 1702.
Les derniers régiments capitulés sont licenciés vers 1750 sous Marie-Thérèse.
6.8.4.4. Les Capitulations avec le Royaume-Uni
Il y eût très peu de capitulations avec cet état. Pour Berne, on note essentiellement
une capitulation signée en 1694 pour un régiment de Sacconay, qui passa au service
des Provinces-Unies en 1697.
A l’inverse, des régiments capitulés avec les Provinces-Unies furent mis, à
différentes occasions, à disposition du souverain Britannique.
De 1799 à 1802, Georges III prend à sa solde plusieurs régiments d’émigrés Suisses
(dont le régiment Vaudois de Roverea pour Berne).
6.8.4.5. Capitulation avec la Prusse
On n’en relève qu’une seule avec l’électeur Frédéric (futur Roi Frédéric 1er de
Prusse) et les cantons protestants pour une compagnie des Cent-Suisses, de 1696 à
1713.
6.8.4.6. Les Capitulations avec Venise
Des capitulations furent signées avec les cantons catholiques, puis les Grisons, à
partir de 1573.
Berne participa à des capitulations avec Venise à partir de 1616. On peut noter à ce
titre la levée d’un régiment de Weiss en 1658 pour trois ans basé à Corfou. La
plupart des régiments capitulés pour Venise furent employés à lutter contre les Turcs
en Grèce.
6.8.4.7. Les Capitulations avec le Pape
Une première alliance entre les Confédérés et Sixte IV della Rovere (constructeur de
la Chapelle Sixtine) fut conclue en 1478.
C’est, bien sûr, Jules II della Rovere et Mathieu Schiner qui donnèrent la grande
impulsion en ce domaine. Ils créèrent la Garde Suisse en 1505, et cette unité existe
toujours, avec son uniforme originel dessiné par Michel-Ange. Ce seront
essentiellement le Valais et Lucerne qui feront vivre cette unité. Depuis 1870, le
recrutement se fait sur une base individuelle, sans capitulations (interdites par les
Constitutions Fédérales depuis 1848).
24
Une alliance contre Louis XII fut conclue en 1510 (cf. section 5.5). Elle donna lieu à
la levée d’une armée fédérale et à la nomination d’un premier général fédéral, le
Zurichois Ulrich de Hohensax. Berne se retira de cette alliance, dans laquelle elle
était entrée sans beaucoup de conviction, en Août 1515 avant la bataille de
Marignan.
En 1526, une nouvelle capitulation est signée par Berne et Lucerne avec Clément VII
de Medicis pour la levée d’un corps de 8000 hommes.
Les capitulations suivantes ne concerneront plus que les cantons catholiques.
6.8.5. Les Bernois dans les Forces Armées Etrangères
Les officiers Suisses, qu’ils soient ou non issus d’unités Suisses capitulées,
pouvaient faire carrière dans les forces armées étrangères. On compte donc de
nombreux généraux, et même quelques amiraux, Suisses dans des forces armées
étrangères.
Parmi ces officiers généraux Suisses, on compte bien sûr nombre de Bernois. Le
plus brillant d’entre eux est sans doute Jean-Louis d’Erlach, seigneur de Castelen,
Général fédéral et Maréchal de France, cité à la section 6.2.
Un autre cas remarquable est celui de Jean-Louis d’Erlach (1648-1680), frère du très
célèbre avoyer Jérôme, qui fit une brillante et rapide carrière dans la Marine Danoise.
Il fit ses premières armes aux côtés du célèbre amiral Néerlandais Tromp et se
signala à la bataille navale de Bornholm, en 1665, livrée par la flotte hollandodanoise aux Suédois. Le roi Frédéric III le nomma à dix-huit ans capitaine de hautbord et lui donna le commandement d’une frégate. Le capitaine de frégate d’Erlach
répondit si bien à l’attente de ce monarque et se conduisit avec tant de bravoure
qu’en 1672, il était chef d’escadre. Le grade de contre-amiral le récompensa en 1676
de plusieurs expéditions fructueuses. Devenu la terreur des escadres suédoises et
des côtes de ce royaume où il fit plusieurs descentes, Christian V le revêtit, en 1678,
de la charge de vice-amiral à la place de Juell qui venait de mourir. Il s’empara cette
année-là de l’île de Rügen, mais il mourut des suites de cette campagne, en 1680,
âgé de trente-deux ans, sans avoir pu donner la mesure de ses talents. Il était en
passe de devenir une des gloires maritimes du siècle, à l’égal d’un Tromp, d’un
Ruyter ou d’un Duquesne.
Il faut aussi souligner le rôle éminent joué par plusieurs officiers ressortissant de
Berne dans le développement et la défense des colonies Britanniques d’ Amérique
du Nord : deux Christophe de Graffenried (le père et le fils) dans les Caroline,
responsables notamment de la fondation de New Bern (NC), Henri Bouquet, de
Rolle, et Frédéric Haldimand, d’Yverdon, dans les colonies du sud, et enfin la
brillante fin de carrière de Frédéric Haldimand comme Gouverneur Général du
Canada et Commandant en Chef.
25
6.9. Les Tentatives de Changement Politique au XVIIIème Siècle
6.9.1. Introduction
Berne, au XVIIIème siècle était très prospère, sans doute même était-elle l’un des
états les plus prospères de son temps. On n’eut plus recours aux impôts
exceptionnels levés dans des circonstances difficiles (guerres, épidémies, …) au
cours des siècles passés et qui furent souvent prétextes à soulèvements. Les
administrations étaient fort bien tenues et elles représentaient aussi le meilleur de ce
qui se faisait en ce temps. Mais le système politique était assez sclérosé, et cela
constituait un frein pour le développement de la vie intellectuelle et artistique.
L’éducation du peuple était aussi assez négligée en regard de la prospérité
ambiante.
Il y eût trois tentatives de changement politique, deux par voie insurrectionnelle et
une autre par voie légale.
6.9.2. L’Affaire du Major Davel (1723)
Jean-Abraham-Daniel Davel servit au régiment de Sacconay au service des
Provinces Unies, puis il rentra au pays de Vaud en 1711. Il prit une part brillante,
comme major, à la seconde guerre de Villmergen (cf. section 6.6). Il rentra, après
cette campagne, au pays de Vaud où il fût nommé en 1717 major de département.
Les églises réformées Suisses, voulant réagir contre certaines tendances trop
libérales venant de France, proclamèrent en Juin 1675 une profession de foi appelée
« Formula Consensus » en 25 articles qui constituait une interprétation un peu
extrêmiste des Ecritures (on y pouvait lire, par exemple, que Christ n’était pas mort
pour tous les hommes, mais pour les élus seuls). Dès sa promulgation, cette
profession de foi souleva des difficultés, avec les luthériens en particulier, et
plusieurs cantons réformés l’abandonnèrent rapidement, mais Berne, Zurich,
Appenzell Rhodes-Extérieures et la ville de Saint-Gall s’y tinrent fermement. Dans le
pays de Vaud elle soulevait une vive opposition.
Le major Davel se crut appelé par Dieu à sauver le peuple Vaudois de ces vues, qu’il
jugeait anti-chrétiennes, de l’Eglise Bernoise. Il réunit, le 31 Mars 1723, 600 hommes
de son bataillon à Cully et, profitant de l’ absence des baillis, en congrès à Berne, il
marcha sur Lausanne où il demanda au Conseil de Ville de l’aider à occuper le
Château pour y proclamer l’indépendance du pays de Vaud et se porter ensuite aux
limites du pays allemand pour s’y préparer à repousser une attaque Bernoise. Les
magistrats Lausannois, conduits par le Bourgmestre David de Crouzaz, firent mine
d’entrer dans ses vues et le retinrent pour la nuit afin de se donner le temps de
prendre les mesures nécessaires pour procéder à son arrestation le lendemain
matin. Les autorités Bernoises eurent quelque mal à réaliser que Davel avait agi seul
et qu’il n’était pas à la tête d’un complot. Il fût condamné à mort pour trahison et
exécuté à Vidy le 24 Avril 1723. Toutefois certains de ses griefs furent reconnus
valables, notamment par l’Avoyer Christophe de Steiger (déjà cité à la section 6.5), et
la « Formula Consensus » fut abandonnée par l’Eglise Bernoise.
26
6.9.3. Albert de Haller et sa Tentative de Réforme Bourgeoise (1735)
Albert de Haller (1708 –1777) appartenait à une famille de l’aristocratie Bernoise. Il
fut un très grand savant et humaniste. Actif dans un nombre prodigieux de disciplines
scientifiques, médicales, littéraires, il fut sans doute le plus grand esprit universel du
XVIIIème siècle et il se plaçait en cela tout à fait dans la lignée de Leibniz.
En 1735, il prépara un mémorial politique concluant à la nécessité de réformer l’état
Bernois principalement en faisant élire le Grand Conseil par les bourgeois. Albert de
Haller réussit à convaincre quelques membres du Grand Conseil (auquel il
n’appartenait pas encore, n’ayant que 27 ans) de présenter officiellement ce
mémorial et de demander un vote à son propos. De manière très surprenante ce vote
recueillit une forte minorité de 84 conseillers en sa faveur.
Bien sûr, Albert de Haller dût alors s’exiler pour quelques années. Il devint professeur
de médecine et de botanique à l’Université de Göttingue où ses travaux dans les
domaines de la recherche médicale et physiologique lui acquirent une renommée
considérable. Il fut anobli par le Roi Georges II d’Angleterre, Electeur de Hanovre.
Malgré les sollicitations de nombreuses universités, il rentra à Berne en 1753, où il
devint membre du Grand Conseil. Il continua de déployer une activité considérable,
menant de front service public et travaux scientifiques, avec des publications
encyclopédiques, et aussi littéraires.
Quelques mois avant sa mort en 1777, l’Empereur Joseph II lui fit l’hommage d’une
visite spéciale à Berne.
6.9.4. La Conjuration de Samuel Henzi (1749)
Samuel Henzi (1701 – 1749) fut professeur de littérature (et précepteur de Julie de
Bondeli, célèbre femme de lettres Bernoise). Partisan des idées de transformation
bourgeoise du gouvernement exposées à la section précédente, il fut banni pour 5
ans et il se rendit alors à Neuchâtel où il commença une carrière d’écrivain. Il rentra à
Berne en 1748 où il obtint un poste à la Bibliothèque. Il monta alors, avec une
soixantaine de personnes, une conjuration visant à déposer les Conseillers Bernois
et à établir un Grand Conseil élu par les corporations. C’était une idée ancienne
puisqu’elle avait été déjà mise en avant à la fin du XIIIème siécle (cf. section 4).
Mais, en matière de gouvernement et de rôle de l’état, ces conjurés étaient
franchement révolutionnaires puisqu’il prévoyaient un renouvellement du Petit
Conseil tous les 6 mois (plus de stabilité gouvernementale …) et une diminution
radicale de la fiscalité (pourtant modérée au XVIIIème siècle à Berne) et du rôle de
l’état dans le maintien des infrastructures publiques. Bien qu’il fût le meneur pour la
rédaction du manifeste exposant ces idées, Henzi n’était qu’à demi partisan du
complot destiné à déposer les Conseillers, pour lequel aucun plan définitif ne fut
arrêté. Cette conjuration fut en effet dénoncée par l’un des conjurés avant cela. Les
conjurés furent arrêtés et le Grand Conseil condamna Henzi et les deux autres
27
principaux meneurs à être décapités. Un certain nombre d’autres conjurés furent
condamnés à des peines relativement légères.
7. La Chute de Berne et de l’Ancienne Confédération
7.1. Introduction
La période révolutionnaire qui conduisit à la chute de la monarchie Française
provoqua également celle des cantons Suisses et de l’ancienne Confédération née
cinq siècles plus tôt. La Confédération et le Roi de France étaient très liés par
l’alliance perpétuelle et ses conséquences militaires et la même notion de
souveraineté de droit divin s’appliquait aussi bien à « Leurs Excellences de Berne »,
ou même au Landamman et à la Landsgemeinde de chacun des Waldstätten, qu’au
Roi de France. Il était donc logique que la chute de la Monarchie Française entraîne
aussi de profonds bouleversements en Suisse, qui se matérialiseront finalement par
la chute des cantons et de l’ancienne Confédération en 1798.
Nous allons donc suivre dans cette section en parallèle les évènements de la
révolution Française et leur répercution en Suisse et à Berne jusqu’aux évènements
de 1798 qui conduisirent à la chute des cantons et de l’ancienne Confédération.
7.2. Le Déclenchement de la Révolution Française en 1789
Les Suisses sont très impliqués dans ces évènements :
. Le Genevois Jacques Necker était Directeur Général des Finances et il influa
beaucoup pour que le Roi convoque les Etats Généraux le 5 Mai 1789.
. Au même moment, l’agitation à Paris devenait importante et cela incita le
gouvernement à rassembler de nombreuses troupes en Ile de France pour aider au
maintien de l’ordre.
C’était le Lieutenant-Général Pierre-Joseph-Victor de Bezenval qui commandait en
chef les troupes de Paris. Originaire de Soleure, il avait été Lieutenant-Colonel du
régiment des Gardes, puis il fût nommé Lieutenant-Général et Inspecteur Général
des Suisses et Grisons à l’issue de la Guerre de Sept Ans. Dans ces fonctions, il
mena la réforme de 1764 du service des Suisses et Grisons en France sous l’autorité
du Duc de Choiseul-Stainville, Colonel Général des Suisses et Grisons et principal
ministre de Louis XV. Il devint par la suite un familier de la Cour de Louis XVI et
Marie-Antoinette qui le firent accéder au haut-commandement. Les troupes ainsi
rassemblées à Paris en Mai 1789 sous le commandement de PJV de Bezenval
comprenaient les régiments d’infanterie Suisses de Salis-Samaden, Lullin de
Châteauvieux, de Diesbach et de Reinach totalisant 7000 hommes, auxquels
s’ajoutèrent des unités de cavalerie : le régiment Royal-Allemand et les hussards de
Bercheny et d’Esterhazy totalisant 1500 hommes.
. Le 17 Juin, les Etats Généraux s’érigent en Assemblée Nationale et le 20 Juin les
députés du Tiers Etat prêtent le Serment du Jeu de Paume, jurant de ne point se
séparer avant d’avoir donné une constitution à la France. Ces évènements politiques
font monter l’agitation dans Paris.
. A partir du 11 Juillet, les évènements se précipitent ; le régiment des Gardes
Françaises commence à se débander. Le 12 Juillet, Jacques Necker est renvoyé.
28
Paris se soulève et les Gardes Françaises passent en masse à l’émeute. Le Général
de Bezenval ne reçoit aucun ordre du Roi et il doit prendre lui-même la décision
fatidique de balayer l’émeute avec l’ensemble de ses troupes ou de laisser Paris aux
émeutiers. C’est cette seconde alternative qu’il choisit vers 1 heure le matin du 13
Juillet en retirant les troupes engagées en ville pour les reconcentrer toutes sur le
Champ de Mars. Les émeutiers et les gardes Françaises emploient alors la journée
du 13 Juillet à préparer l’attaque de l’arsenal des Invalides et de la forteresse de la
Bastille. Ces attaques ont lieu le 14 Juillet et donnent lieu au massacre de petits
détachements des régiments de Reinach (au Prince-Evèque de Bâle) et de SalisSamaden qui participaient à la défense de la Bastille.
. Le Maréchal Victor-François de Broglie, qui était à la tête d’une armée de près de
20.000 hommes concentrée autour de Versailles, et le Général de Bezenval
voulurent alors marcher sur Paris avec l’ensemble de leurs troupes pour écraser
l’insurrection, mais le Roi, qui ne voulait pas verser le sang du peuple, s’y opposa. Il
ordonna que toutes ces troupes regagnent leurs garnisons de province et, le 17
Juillet, il ne restait plus en Ile de France que le régiment des Gardes-Suisses.
. La révolution avait alors le champ libre pour se propager en province aussi et, dans
la plupart des unités de l’armée Française, la troupe fit cause commune avec les
révolutionnaires. Les 12 régiments Suisses (11 de ligne et les Gardes-Suisses)
restèrent par contre fidèles et conservèrent leur discipline stricte (on nota cependant
un soulèvement, vite réprimé par la justice militaire Suisse, dans le régiment
Genevois Lullin de Châteauvieux en Août 1790).
7.3. Les Troubles de 1791 dans le Pays de Vaud
A l’été de 1790, il se créa à Paris un « Club des Patriotes Suisses » composé de
Suisses favorables aux idées révolutionnaires et ayant dû s’exiler de ce fait. Ils
ouvrirent un « Bureau de correspondance helvétique » en vue de fournir à leurs amis
politiques demeurés en Suisse des informations et des manifestes de propagande.
Cette société suscita la création de centres révolutionnaires, surtout dans les petites
villes Vaudoises du bord du lac Léman.
Les 14 et 15 Juillet 1791, ces « patriotes » organisèrent des banquets aux Jordils, à
Ouchy et à Rolle pour fêter l’anniversaire de la reddition de la Bastille avec force
discours enflammés. Ces troubles furent sévèrement réprimés : Berne envoya une
force de 4.000 hommes en renfort dans le Pays de Vaud, chapitra les Conseillers
Communaux des villes Vaudoises réunis pour l’occasion à Lausanne, et arrêta
plusieurs meneurs de ces troubles qui furent condamnés.
L’un de ces meneurs, Amédée de la Harpe, appartenait à une vieille famille Vaudoise
et Chablaisienne. Il pu s’enfuir en France et fut condamné à mort par contumace. Il
s’engagea dans l’armée Française où il connût une carrière brêve mais fulgurante :
Ayant joué un rôle décisif dans la reprise de Toulon aux Anglais en 1793 par
Bonaparte, il fut nommé général de brigade en 1794, puis de division en 1795. Il prit
ensuite une part brillante à la campagne d’Italie, il remporta une victoire à Codogno
le 8 Mai 1796 en empêchant un corps Autrichien de passer le Pô, mais il fut tué dans
cette bataille. Son nom est inscrit à ce titre sur l’arc de triomphe de l’Etoile à Paris.
29
7.4. La Journée du 10 Août 1792 – Chute de la Monarchie Française
Dès 1789, la ville de Paris a mené l’action révolutionnaire ; à la fin de cette année là,
des insurgés Parisiens, venus en nombre à Versailles, forcèrent la Cour à quitter
Versailles pour toujours et à revenir à Paris où elle s’installa au Palais des Tuileries.
Le Roi pût garder ses deux unités militaires : La compagnie des Cent-Suisses,
chargée de la garde rapprochée du Roi, en ses palais mais aussi en campagne
lorsqu’il partait à la guerre, et le régiment de la garde Suisse qui avait (avec le
régiment de la garde Française jusqu’en 1789) pour mission d’assurer la sécurité de
la Cour, de constituer une garde d’honneur, mais aussi de contribuer au maintien de
l’ordre en région Parisienne. La compagnie des Cent-Suisses fût supprimée par
l’Assemblée Nationale Législative en 1791, et le régiment de la garde Suisse restait
donc seul pour assurer la sécurité du Roi et de la Cour.
Le 10 Août 1792, très tôt le matin, la population Parisienne, aidée aussi de
Marseillais venus dans les jours précédents, se souleva ; un piège fût tendu au
général commandant la garde nationale, qui était aussi commandant supérieur des
troupes de Paris, afin de l’assassiner et sa tête fût exhibée devant le Palais des
Tuileries. La foule attaqua ensuite en nombre les Tuileries et les gardes Suisses
résistèrent autant qu’ils le pûrent. Mais le Roi se fit conduire à l’Assemblée avec une
escorte de la garde et il se mit sous la protection de l’Assemblée enjoignant au
Lieutenant-Général de Maillardoz, lieutenant-colonel du régiment et le commandant
en l’absence de son colonel, le Lieutenant-Général d’Affry, en congé de maladie, de
cesser la résistance et de faire regagner aux troupes leur caserne. Mais, sous la
pression de l’attaque des émeutiers, cela s’avèra tout à fait impossible et le régiment
fut presque entièrement massacré. L’Assemblée prononça la déchéance de la
monarchie, le Roi et sa famille furent emprisonnés ainsi que quelques officiers
Suisses, dont le Lieutenant-Général de Maillardoz, qui avaient échappés au
massacre ; mais ceux-ci furent tous assassinés en prison lors des grands massacres
auxquels s’y livra la populace Parisienne les 2 et 3 Septembre 1792.
Ces évènements eurent bien sûr un retentissement considérable en Suisse. Depuis
les débuts de la révolution Française, le Petit Conseil de Berne avait eu tendance à
se diviser en deux partis qui s’équilibraient : Un parti de la fermeté, animé par
l’Avoyer Nicolas-Frédéric de Steiger, qui pensait qu’il fallait se préparer à une guerre
éventuelle contre la France révolutionnaire, et un parti de la paix, animé par le
Conseiller Charles-Albert de Frisching, qui était partisan de ne rien faire pour ne pas
risquer de provocation dangereuse. Au niveau des confédérés, le parti de la fermeté
n’était guère représenté aussi qu’à Fribourg et Soleure. Après le 10 Août, l’Avoyer
Nicolas-Frédéric de Steiger pensa que la Confédération devait se joindre à la
coalition qui se montait contre la France, mais il ne rencontra pas beaucoup de
support en ce sens à la Diète.
30
7.5. Evolution des Relations Franco-Suisses sous le Régime de la Convention
Nationale (Septembre 1792 – 26 Octobre 1795)
La Diète rompit avec la France le 15 Septembre 1792.
La France, dont une armée commandée par le Général Anne-Pierre de Montesquiou
se lançait à la conquête de la Savoie, menaçait Genève en Septembre 1792. Une
armée fédérale, composée de troupes Bernoises et Zurichoises et commandée par
Guillaume-Bernard de Muralt, nommé Général fédéral, est envoyée en renfort. On
est très proche de la guerre, mais celle-ci est évitée car les deux parties préfèrent
négocier un retrait (traité de Carouge le 27 Octobre 1792).
Par la suite, le régime de la Convention ne se montra pas hostile à la Suisse.
Les régiments de ligne capitulés furent licenciés à partir de Septembre 1792 et ils
purent regagner la Suisse. Des indemnisations très partielles furent payées.
L’ambassadeur de France auprès des Confédérés, François de Barthélemy,
demeura à Baden (Soleure, où se trouvait normalement la résidence de France,
n’avait pas voulu de lui à son arrivée en Janvier 1792) malgré la rupture officielle des
relations. C’était un remarquable diplomate qui se fit beaucoup d’amis en Suisse,
dont le moindre n’était pas, à Berne, l’Avoyer Albert de Mülinen. Il réussit à obtenir un
rétablissement des relations diplomatiques en 1793, une reconnaissance de la
neutralité de la Confédération par la Convention Nationale le 17 Novembre 1793, et
une reconnaissance de l’évolution démocratique de la Ville et République de Genève
en 1794 par Berne et Zurich. Il prit aussi une grande part à la négociation de la paix
de Bâle en 1795 entre la France et la Prusse, l’Espagne et le Landgrave de HesseCassel.
7.6. Evolution des Relations Franco-Suisses sous le Régime du Directoire (27
Octobre 1795 – 4 Septembre 1797)
Le nouveau régime mis en place en France à partir du 27 Octobre 1795 séparait
nettement le pouvoir exécutif, assumé par un Directoire de 5 membres, et le pouvoir
législatif avec deux chambres : le Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents.
Les 5 directeurs furent tout d’abord Paul de Barras, Louis-Marie LareveillièreLépeaux, Jean-François Reubell, Charles Letourneur et Lazare Carnot. Barras était
un opportuniste, Lareveillière-Lépeaux et Reubell étaient favorables aux idées issues
de la révolution et Reubell, d’origine Alsacienne, était en outre un farouche ennemi
de la Confédération. Lazare Carnot était un grand mathématicien ; officier du génie
sous l’ancien régime, il était favorable aux Confédérés. Membre de la Convention,
qu’il présida même en 1794, il fut chargé par elle d’organiser la défense de la France
contre l’invasion des alliés (Prusse, Empereur, Royaume-Uni) en 1792-93. Malgré les
difficultés exceptionnelles dues à la révolution, il se montra capable de réorganiser
les armées Françaises et de les conduire à une victoire défensive qui stoppa
l’invasion des alliés. Le 20 Mai 1797, un deuxième personnage favorable aux
Confédérés embarquait dans le Directoire : François de Barthélemy remplaçant
Charles Letourneur.
31
Cette évolution vers la « droite » de la politique Française, favorable au maintien de
bonnes relations avec la Confédération, fût contrecarrée par deux évènements
malheureux :
. Elle alla trop loin et trop vite, en ramenant aux élections législatives du début
Septembre 1797 une majorité royaliste au Conseil des Cinq Cents.
. Frédéric-César de la Harpe, cousin germain d’Amédée (cf. section 7.3), que
Catherine II, Tsarine de Russie, avait chargé en 1784 de l’éducation de ses petits-fils
Alexandre (futur Tsar Alexandre 1er) et Constantin, prit fait et cause pour la
révolution, ce qui l’amena à publier des brochures révolutionnaires en 1795.
Catherine II le congédia alors avec le grade de colonel et il se fixa à Paris où il fit une
propagande très active contre Berne et les Confédérés.
7.7. Le Coup d’Etat du 18 Fructidor An V (4 Septembre 1797) – Invasion
Française – Chute de Berne et de la Confédération
Barras, Reubell et Lareveillière-Lépeaux, sentant la situation leur échapper au vu du
résultat des élections ramenant au Conseil des Cinq-Cents une majorité royaliste,
entreprirent un coup d’état : ils arrêtèrent Barthélemy (qui put s’échapper par la suite)
et une partie des nouveaux députés, manquèrent de se saisir de Carnot qui pût
s’enfuir à temps et partit vers Genève et la Suisse, et ils transformèrent ainsi le
Directoire en un triumvirat dictatorial, restant seuls maîtres du pouvoir en France.
Le 11 Septembre, Frédéric –César de la Harpe adresse aux triumvirs un mémoire
leur demandant d’intervenir en Suisse pour constituer un état de Vaud sous le
protectorat de la France et d’y joindre les pays sujets du Jura et du bas Valais, ainsi
que Neuchâtel. Il remit aux triumvirs une nouvelle supplique le 9 Décembre,
proposant en même temps avec Pierre Ochs, un conseiller de Bâle, un plan de
constitution unitaire pour la Suisse.
Les triumvirs de Paris adoptèrent aussitôt une attitude menaçante envers la
Confédération et ses pays alliés.
En Octobre 1797, l’Empereur fut contraint de signer la paix de Campoformio avec la
France, représentée par Napoléon Bonaparte. Il y cédait les provinces Belges et il y
reconnaissait l’annexion à la nouvelle République Cisalpine, vassale de la France, de
la Valteline qui fût perdue à jamais pour les Grisons et la Suisse.
En Décembre 1797, une armée Française commandée par le Général GouvionSaint-Cyr s’empara de l’évêché de Bâle et de Bienne.
Charles-Louis d’Erlach est nommé Général fédéral, Berne mobilise ses troupes en
début Janvier 1798 et envoie un corps d’armée dans le pays de Vaud sous le
commandement du colonel François-Rodolphe de Weiss. Une armée Française,
commandée par le Général Ménard, occupe le pays de Gex et exerce une grosse
pression pour provoquer un soulèvement dans le pays de Vaud. Il rédige une
32
proclamation aux Vaudois le 23 Janvier les exhortant à se soulever, ce qu’ils font
dans la nuit suivante. Le colonel de Weiss, estimant toute résistance vaine, se retire
sur Yverdon avec ses troupes et le Colonel Beat-Emmanuel de Tscharner,
gouverneur militaire d’Aigle, se retire de même avec sa garnison vers le baillage de
Saanen.
Les Confédérés n’envoient que de faibles contingents, totalisant quelques milliers
d’hommes, en renfort de l’armée Bernoise.
Le 2 Mars 1798, une armée Française, commandée par le général Schauenbourg,
attaque Soleure par le Jura et s’en empare. Le même jour, l’armée Française
occupant le pays de Vaud et commandée maintenant par le Général Brune, attaque
et s’empare de Fribourg. Le 5 Mars cette armée attaque les Bernois, mais elle subit
des revers dans le secteur de Neuenegg-Laupen et au col de la Croix, au-dessus de
Villars-sur-Ollon. L’armée Schauenbourg, de son côté, attaque Berne le même jour
par le Nord et enfonce le seul détachement de 900 hommes que le Général d’Erlach
peut lui opposer au Grauholz. Berne doit alors capituler, et le général d’Erlach, qui
tente de se retirer vers l’Oberland, est assassiné.
Les autres cantons sont conquis pratiquement sans opposition et le 16 Mars les
triumvirs de Paris suppriment la Confédération en imposant une « République
Helvétique Une et Indivisible », qui intégrera aussi les Grisons amputés de la
Valteline en 1800, soumise au contrôle de la France.
Le 15 Avril, Genève est annexée à la France.
Un nombre important d’exactions sont commises par les Français durant cette
période. La plus grave survient en Août-Septembre 1798, lorsque, profitant d’un
retrait des troupes Françaises, la Landsgemeinde de Stans tenta de restaurer le
Nidwald : L’armée Schauenbourg, rappelée par les autorités de la République
Helvètique, dévasta le pays de Nidwald et massacra la moitié de sa maigre
population.
La République une et indivisible n’eut jamais beaucoup de prise sur les populations
des anciens cantons. Une guerre entre la France et l’Empereur amena de nouvelles
dévastations en Suisse en 1799. La paix ne fut conclue que le 9 Février 1801 à
Lunéville. Elle garantissait l’indépendance de la République Hélvètique
En 1802, des soulèvements se produisirent un peu partout contre le Gouvernement
Helvétique.
En Septembre 1802, un soulèvement général eut lieu dans l’ancien canton de Berne
(hors pays de Vaud) et le Gouvernement Helvètique capitula le 18 Septembre pour
se réfugier à Lausanne ; il n’était alors plus soutenu que par Vaud et Fribourg. Le 21
Septembre, l’ancien état Bernois avec ses deux Conseils était restauré. Fribourg
restaura à son tour l’ancien régime le 7 Octobre. Mais Napoléon Bonaparte, qui était
devenu entre temps Premier Consul de France, renvoya une armée Française avec
le général Ney en Suisse et le Gouvernement Helvétique fût reconduit à Berne le 18
33
Octobre 1802. Napoléon Bonaparte imposa sa médiation pour établir un acte
constitutionnel pour un régime stable en Suisse qui ne pouvait être que d’essence
fédérale au vu de l’échec de la République Helvètique. Une « consulta » de députés
Suisses fut choisie pour recevoir et discuter cet « Acte de Médiation ».
8. L’Acte de Médiation et la Restauration
8.1. Présentation de l’Acte de Médiation
La présentation finale de l’Acte de Médiation, après sa discussion avec la
« consulta », eût lieu le 19 Février 1803. Il entra en vigueur le 15 Avril.
Il fixe la composition de la Confédération à 19 cantons :
. Les 13 anciens cantons d’avant 1798,
. D’anciens pays sujets élevés au rang de cantons : Argovie, Thurgovie, Tessin,
Vaud,
. D’anciens pays alliés : Saint-Gall (réunissant les anciens territoires de la ville et de
l’abbaye), les Grisons.
Genève, l’évêché de Bâle, Mulhouse étaient maintenant Français, les alliances avec
Neuchâtel étaient rompues et le Valais formait une république indépendante.
L’acte comporte 19 chapitres traitant respectivement de chacun des cantons et un
vingtième chapitre fédéral.
Les grands principes qu’il pose sont les suivants :
. Les cantons sont des états à souveraineté limitée : Ils ne peuvent pas disposer de
plus de 200 hommes de troupe permanente et seule la Diète Fédérale peut se
prononcer sur les questions de guerre et paix et traiter avec l’étranger.
. Les privilèges sont supprimés ; il y a égalité entre les citoyens et entre les 19
cantons.
. L’autorité fédérale émane de la Diète Fédérale qui comporte un ou deux député(s)
par canton (2 députés pour les cantons dont la population est la plus importante).
Les décisions y sont prises à la majorité. La Diète se réunit chaque année à tour de
rôle dans chacun des 6 « cantons directeurs » (Fribourg, Berne, Soleure, Bâle,
Zurich, et Lucerne) ; le premier magistrat du canton directeur où elle est réunie
préside la Diète avec le titre de « Landammann de la Suisse ».
Du point de vue de l’organisation cantonale, on peut distinguer trois groupes de
cantons :
. Les anciens cantons à landsgemeinde qui gardent leur organisation ancienne,
. Les anciens cantons-villes (dont Berne) où les notions de patriciat et de
souveraineté de la ville sont supprimées : Ils ont un Grand Conseil élu pour 5 ans par
tout le canton et un Petit Conseil élu par le Grand Conseil,
. Les nouveaux cantons dont l’organisation est calquée sur le groupe précédent.
34
8.2. Berne et la Suisse sous le Régime de l’Acte de Médiation (1803 – 1813)
Outre l’Acte de Médiation, Bonaparte impose aussi une alliance étroite avec la
France :
. Alliance militaire avec obligation de fournir un certain contingent de troupes à la
France (pour lequel l’ancien régime de capitulation est maintenu) et interdiction de
conclure des capitulations avec d’autres états que la France, les républiques
Bataves et Italiennes, le Pape et l’Espagne,
. Clauses commerciales préférentielles avec la France,
. Imposition à la Suisse du blocus du Royaume-Uni.
A Berne, en dépit de la démocratisation de l’élection du Grand Conseil, les patriciens
parviennent à conserver l’essentiel du pouvoir (sans doute est-ce dû largement au
fait qu’ils avaient eu un rôle moteur dans la restauration du canton en 1801-1802),
L’organisation administrative reprend celle de l’ancien régime, et les avoyers sont
Nicolas-Rodolphe de Watteville (le principal meneur du soulèvement de 1801 – 1802
ayant conduit à la restauration du canton) et Nicolas-Frédéric de Mülinen (fils de
l’ancien avoyer Albert, il prit la succession de son père pour jouer un rôle moteur
dans les négociations avec les Français en vue de rétablir un régime fédéral).
En 1806, un traité entre la France et la Prusse donne lieu à une usurpation de la
Principauté de Neuchâtel au profit de Napoléon qui la rétrocède au Maréchal
Berthier.
Pendant la guerre d’Espagne, la grande bataille de Baylen, le 19 Juillet 1808, voit
s’affronter deux régiments Suisses de l’armée Française de Dupont contre l’un des
régiments de Reding capitulé pour le Roi d’Espagne.
En 1810, le Valais est annexé à la France sous le nom de département du Simplon.
Parmi les Suisses ayant servi, durant cette période, dans les armées Françaises, il
convient de distinguer particulièrement Antoine-Henri Jomini, originaire de Payerne.
Après un début de carrière militaire dans les troupes de la République Helvètique, les
qualités qu’il y avait déployées attirèrent l’intention du Maréchal Ney qui le fit
s’engager dans l’armée Française et le prit comme aide de camp en 1805. Il se
signala alors rapidement par d’importantes publications de tactique et de stratégie
qui attirèrent aussi l’attention de Napoléon. Cela lui valut d’être élevé au grade de
général de brigade par Napoléon qui lui confia la tâche d’écrire l’histoire de
campagnes passées et à venir (Jomini restera par la suite toujours actif dans cette
discipline de l’histoire militaire). L’hostilité du Maréchal Berthier l’empêcha de monter
plus haut dans la hiérarchie militaire Française, et cela l’incita à passer au service du
Tsar Alexandre 1er en 1813 avec le grade de lieutenant-général. Il fit une très longue
carrière dans l’armée Russe, ce qui valut même à son fils Alexandre de devenir
secrétaire d’état d’Alexandre II.
En 1813, à la suite de la défaite Française de Leipzig, les alliés (Autriche, Russie,
Prusse) passent sur le territoire de la Suisse. Les Confédérés dénoncent alors l’Acte
de Médiation et l’alliance avec la France et ils se joignent aux alliés.
35
8.3. Le Congrès de Vienne (1814 – 1815) et ses Conséquences pour Berne et la
Suisse
Au congrès de Vienne, il est procédé à la réorganisation de l’Europe après la période
des guerres Napoléoniennes. L’esprit de ce congrès est une restauration de l’Europe
partant de l’ancien régime, prenant en compte les changements irréversibles
intervenus depuis et cherchant à mettre la France hors d’état de se relancer dans
une nouvelle aventure « napoléonienne ».
Les principales conséquences territoriales de ce congrès en ce qui concerne Berne
et la Suisse sont les suivantes :
. La perte de la Valteline par les Grisons est confirmée,
. Neuchâtel reprend son prince légitime, le Roi de Prusse,
. Genève et le Valais sont détachés de la France et redeviennent des états de plein
droit, mais Mulhouse reste Française,
. Le Valais, Neuchâtel, et Genève rejoignent la Confédération,
. Berne récupère Bienne et se voit rattacher la partie du Jura qui constituait l’ancien
évêché de Bâle, mais se voit confirmée la perte de Vaud et de l’Argovie,
. Les nouveaux cantons créés par l’Acte de Médiation sont confirmés.
Berne a été grandement desservie, à ce Congrès, par le fait que Frédéric-César de
la Harpe (cf. section 7.6) avait repris du service auprès de son ancien élève
Alexandre 1er comme lieutenant-général et qu’il l’avait poussé à se montrer
particulièrement inflexible sur l’intégrité territoriale du canton de Vaud tel qu’il avait
été constitué par l’Acte de Médiation. On peut en particulier considérer que la
confirmation du rattachement à Vaud de Château d’Œx et Rougemont était
complètement injustifiée et que la raison imposait une restauration du baillage
Bernois de Saanen : Les vœux de ces communes allaient dans ce sens et le
Saanenland (ou pays de Gessenay), incluant ces communes, avait acquis une
personnalité économique et politique propre déjà reconnue par les comtes de
Gruyère depuis le XVème siècle. Encore aujourd’hui il serait difficile de soutenir que
Château d’Œx et Rougemont ont plus d’affinités, économiques en particulier, avec le
reste du canton de Vaud qu’avec le Saanenland.
La neutralité de la Suisse est proclamée et garantie par les puissances participantes.
8.4. Restauration de l’Etat Aristocratique à Berne
Le 23 Décembre 1813 l’Acte de Médiation est abrogé à Berne. Le lendemain, les
membres survivants (au nombre de 139) du Grand Conseil de 1798 se restaurent et
nomment une commission d’état à titre de gouvernement provisoire.
Le 7 Janvier 1815, le Grand Conseil complète la constitution de la manière suivante :
Il s’adjoint de nouveaux conseillers originaires d’autres villes et communes de
campagne élus par les notables locaux (de manière à arriver à 200 conseillers
représentant la ville de Berne et 99 conseillers représentant la « campagne ») et il
36
confirme le principe d’inamovibilité de l’ancien régime (on n’élit de nouveaux
conseillers que pour remplacer ceux qui décèdent). Les 27 membres du Petit Conseil
sont élus par le Grand Conseil. Les fonctions officielles sont accessibles à tous les
bourgeois de Berne.
8.5. La Restauration en Suisse (1815 – 1830)
Tout comme Berne, Lucerne, Fribourg et Soleure restaurèrent leur régime
aristocratique avec quelques aménagements.
Le Pacte Fédéral de 1815 prévoit les principales dispositions suivantes :
. La Diète Fédérale comporte 22 députés (une seule voie par canton). Elle a la
compétence exclusive en matière de guerre et paix, d’alliances, de traités. Les
cantons peuvent conclure des capitulations militaires et des traités en matière
économique ou de police.
. La direction des affaires fédérales est confiée à un canton directeur (rôle exercé
tour à tour pour 2 ans par Zurich, Berne, Lucerne). Le canton directeur dispose d’une
chancellerie instituée par la Diète et dirigée par un chancelier et un secrétaire d’état.
Quelques progrès furent réalisés durant cette période concernant les liens fédéraux :
. 1816 : Création d’une Caisse de Guerre Fédérale.
. 1817-1820 : La Diète adopte une organisation militaire fédérale nouvelle : une
autorité militaire de surveillance est mise en place et elle procède à des inspections
fédérales dans les cantons à partir de 1818 ; une première école militaire fédérale est
créée dans la région de Thoune en 1819.
. 1818-1820 : Les cantons modifient leurs lois et ordonnances militaires en s’inspirant
des prescriptions fédérales.
Dans les domaines civils, les cantons prirent l’initiative de passer entre eux des
concordats concernant les postes, les mouvements d’habitants d’un canton à un
autre, la fixation des « heimatloses » (vagabonds, apatrides), la monnaie.
8.6. Les Capitulations sous la Restauration
8.6.1. Les Capitulations avec la France
Une brigade à deux régiments pour la Garde Royale. L’un des deux régiments subit
de lourdes pertes lors de la révolution de Juillet 1830 .
4 régiments de ligne dont un Bernois de Steiger (blanc).
8.6.2. Les Capitulations avec Naples
En 1828, capitulation pour un régiment Bernois de Wyttenbach.
8.6.3. Les Capitulations avec les Pays Bas
En 1814, capitulation pour 4 régiments dont 1 Bernois de Jenner.
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9. La Régénération (1830-1848)
9.1. La Situation en 1830
Un fossé important se creusait entre les gouvernements, qui étaient revenus depuis
1815 à une forme très proche de l’ancien régime, et une partie de l’opinion publique
dans laquelle les idées libérales avaient beaucoup progressé depuis 1815 avec le
concours de fêtes publiques, de certains journaux et de sociétés comme la Société
Helvètique (fondée en 1761, elle s’attacha, sous l’ancien régime à promouvoir la
liberté religieuse, le resserrement du lien fédéral, les vertus civiques,…Depuis 1819,
après quelques années de sommeil, elle devint plus politique en prônant la
constitution de la Suisse en état fédératif et son assise se fit beaucoup plus
populaire) et la Société de Zofingue (société d’étudiants des cantons protestants
fondée en 1819 cherchant à promouvoir le patriotisme Suisse, et voulant une Suisse
fière vis-à-vis de l’étranger et unie à l’intérieur de ses frontières).
Les esprits étaient ainsi préparés à des réformes politiques qui n’attendaient plus
qu’une impulsion pour déclencher un mouvement propre à les réaliser.
Cette impulsion vint de Paris avec la révolution de Juillet 1830 qui chassa le Roi
Charles X, dont le gouvernement avec le Prince Jules de Polignac adoptait une
forme trop autoritaire et anti-parlementaire, pour le remplacer par Louis-Philippe
d’Orléans, plus libéral et acquis à l’idée d’un régime vraiment parlementaire.
Quoique cette révolution de 1830 avait, pour la Suisse, de fâcheux points communs
avec celle du 10 Août 1792 par les grosses pertes (300 hommes) que les insurgés
infligèrent au 1er régiment (Salis-Zizers) des gardes Suisses et par le licenciement
des 6 régiments capitulés en France qui s’ensuivit, elle y fût accueillie avec
enthousiasme. Les notions de souveraineté du peuple et d’égalité des droits
devinrent un signe de ralliement pour constituer des rassemblements destinés à
forcer les gouvernements cantonaux à amender leur constitution sur la base de ces
notions.
9.2. Troubles dans les Cantons, Assemblées Populaires, Révisions
Constitutionnelles
Berne, alors canton directeur, invita en Septembre 1830 les gouvernements
cantonaux à sévir contre les abus croissants de la presse, mais cela ne fit que jeter
de l’huile sur le feu.
Dans la période Octobre-Décembre 1830, on vit des assemblées populaires se
constituer dans les cantons de Thurgovie, Zurich, Argovie, Soleure, Lucerne,
Fribourg, Saint-Gall, Vaud, Schwyz, Bâle, généralement en-dehors de la capitale,
pour exiger une refonte de la constitution conforme aux idées nouvelles. Les
autorités cantonales se sentirent débordées par ces mouvements et elles laissèrent
élire des assemblées constituantes.
En Janvier 1831, ce mouvement s’étendit à Schaffhouse et à Berne.
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A Bâle et à Schwyz, la gouvernement refusa les modifications constitutionnelles
exigées par la campagne. Il en résulta, pour ces deux cantons, une séparation entre
la ville et la campagne. Le canton de Schwyz refit son unité en 1833, mais la partition
entre Bâle-Ville et Bâle-Campagne fût définitive.
Le mouvement réformiste échoua en Valais, à Glaris, à Appenzell et à Neuchâtel.
Genève, les Grisons, Uri, Unterwald et Zoug ne bougèrent pas.
9.3. La Fin du Régime Aristocratique à Berne
Le Petit Conseil de Berne ne reconnut Louis-Philippe comme Roi des Français que le
8 Octobre 1830. Celui-ci, irrité, encouragea la révolution à Berne.
Le mouvement d’opposition partit du Jura et de certaines villes de la campagne,
surtout Berthoud, où les trois frères Schnell le dirigeaient.
Le Petit Conseil de Berne était hésitant sur la conduite à tenir, divisé qu’il était entre
« absolus » et « modérés » (une situation assez analogue à celle qui prévalait avant
1798 …). Il se résolut cependant le 5 Décembre à proposer au Grand Conseil de
considérer une révision constitutionnelle dans le sens réclamé par l’opposition de la
campagne. Mais c’était trop tard, et une levée en masse de la campagne fut décidée
pour le 10 Janvier. De crainte que ce mouvement devienne impossible à maîtriser,
les frères Schnell organisèrent une journée populaire à Munsingen pour réclamer
l’élection d’une assemblée constituante. L’Avoyer Emmanuel-Frédéric de Fischer, qui
était un « modéré », réussit à convaincre le Grand Conseil, le 13 Janvier, d’accepter
cette élection d’une assemblée constituante.
Les libéraux furent élus en majorité à cette assemblée constituante qui se réunit le 18
Février 1831. Elle termina ses travaux le 7 Juillet et la constitution qui en résultait fut
acceptée par le Grand Conseil le 31 Juillet.
Le 21 Octobre 1831 les Conseillers de Berne, qui gouvernaient depuis 1294 (si l’on
fait exception de l’éclipse de l’état de Berne durant la période 1798-1802), se
retirèrent après avoir fait la veille leurs adieux solennels au pays.
La nouvelle constitution comprenait les principales dispositions suivantes :
. Souveraineté du peuple, égalité devant la loi, liberté de croyance pour les réformés
et les catholiques, liberté de travail, de commerce et d’établissement.
. Le Grand Conseil compte 240 membres, dont 200 furent élus par les citoyens dotés
d’un certain bien, et 40 cooptés. Un renouvellement par tiers devait avoir lieu tous les
2 ans.
. Le Landamman, nommé pour un an, est le chef de l’état et préside le Grand
Conseil.
. Le Grand Conseil nomme le Conseil d’Etat (un gouvernement de 17 membres) pour
6 ans, le Tribunal Cantonal (avec mandat de 15 ans) et les députés à la Diète
Fédérale.
39
Cette constitution fondait une démocratie représentative.
9.4. Les Troubles de la Période 1831-1846
A la Diète de 1832, les députés des 7 cantons : Zurich, Berne, Lucerne, Soleure,
Argovie, Thurgovie, Saint-Gall conclurent le « Concordat des Sept » pour garantir
l’existence de leurs nouvelles constitutions.
En Novembre 1832, les cantons de Bâle-Ville, Schwyz-Ancien, Uri, Unterwald et
Neuchâtel conclurent une alliance particulière, la « Ligue de Sarnen » refusant toute
relation avec Bâle-Campagne. Ils tinrent une Diète séparée à Schwyz en Mars 1833
en opposition avec la Diète Fédérale qui se tenait à Zurich cette année là. Cette
opposition eut pour effet de regrouper autour du Concordat des Sept tous les
partisans d’une révision de la constitution fédérale, dont la Diète de Zürich élabora
un projet. Ce projet fût adopté par 11,5 cantons et rejeté par Lucerne ; il se solda
donc par un échec.
En 1833, la Diète put résoudre, comme médiateur, le conflit interne à Schwyz qui se
réunifia. Le 12 Août 1833, la Diète décida la dissolution de la Ligue de Sarnen, et les
députés des cantons qui la composaient rallièrent la Diète à Zurich.
Dans la période 1833-34, de fortes pressions étrangères, venant notamment de la
France et de l’Autriche, s’exercèrent pour que la Suisse limite le droit d’asile à
l’occasion de troubles suscités par des réfugiés.
Une nouvelle crise Franco-Suisse éclata en 1838, lorsque la France exigea
l’expulsion de Louis-Napoléon Bonaparte. Heureusement, l’intéressé la dénoua luimême en partant pour l’Angleterre.
A Berne aussi la situation politique fût très agitée durant cette période :
. En Mai 1832, un décret créant dans la ville de Berne une commune d’habitants à
côté de la commune bourgeoise suscita l’inquiétude des bourgeois de Berne. Un
groupe d’entre eux monta une conjuration dite « Conjuration de l’Hôtel d’Erlach »
parce que ce lieu leur servit de dépôt de munitions. Cette conjuration fut éventée en
Août 1832, mais le procès qui s’ensuivit devant le tribunal cantonal traîna jusqu’en
1839 ; le Grand Conseil prononça une amnistie en Février 1840.
. Il y avait une lutte politique très âpre entre les libéraux, au pouvoir avec les frères
Schnell, et les radicaux. Les radicaux l’emportèrent en 1839 et les frères Schnell
remirent leurs mandats.
. La constitution Bernoise fut à nouveau modifiée en 1846 alors que les « jeunes
radicaux », emmenés par Ulrich Ochsenbein, dominaient la scène politique Bernoise.
Le principal résultat de cette modification constitutionnelle fut que le Grand Conseil
était maintenant élu au suffrage universel (tout citoyen homme de plus de 20 ans
avait le droit de vote).
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9.5. La Guerre du Sonderbund
En Janvier 1841, le Grand Conseil d’Argovie votait la suppression des couvents.
En Octobre 1844, Lucerne appela les Jésuites à enseigner dans ses établissements
d’enseignement supérieur. Ceci apparu comme une grave provocation aux yeux des
radicaux de toute la Suisse qui cherchaient au contraire à faire expulser les Jésuites.
Des radicaux de différents cantons se constituèrent en groupes armés, les « corps
francs », qui firent deux tentatives, en Décembre 1844 et en Mars-Avril 1845, pour
investir Lucerne. Les deux tentatives échouèrent, et, lors de la seconde, Lucerne
retint de nombreux prisonniers parmi les vaincus. Un fort contingent de troupes
fédérales fut alors levé sous le commandement du Général Grison Louis Donat et
massé aux frontières d’Argovie, Berne et Lucerne. Une médiation fédérale intervint
qui obtint la libération de tous les prisonniers non Lucernois (Lucerne condamna
sévèrement les prisonniers Lucernois).
Les deux faits ci-dessus engagèrent les cantons catholiques de Lucerne, Uri,
Schwyz, Unterwald, Zoug, Fribourg, et Valais à conclure une alliance particulière
(Sonderbund) pour la sauvegarde des droits lésés de la Suisse catholique. Après la
seconde tentative des corps francs, les cantons du Sonderbund resserrèrent leur
alliance, nommèrent un conseil de guerre, et nouèrent même des pourparlers avec
Paris, Turin et Vienne.
La Sonderbund devenait alors un danger pour l’existence même de la Confédération.
La Diète réunie le 7 Août 1847 à Berne, sous la présidence d’Ulrich Ochsenbein,
décida alors la dissolution de la Sonderbund. Les cantons membres de la
Sonderbund s’y refusèrent et se préparèrent activement à résister par la force des
armes. Ils choisirent pour général le Grison Johann-Ulrich de Salis-Soglio (qui était
de religion réformée !).
La Diète mobilisa une armée fédérale et elle choisit pour général le Genevois
Guillaume-Henri Dufour (qui n’était pas radical mais conservateur !). Le général
Dufour était un ancien officier Français, issu de l’école Polytechnique de Paris. Il
mena une campagne remarquable, tant sur le plan militaire que diplomatique, qui
réduisit les pertes au minimum, et la guerre fût terminée en 25 jours.
Après la guerre, Lucerne et Fribourg se donnèrent des gouvernements radicaux et
Schwyz supprima sa landsgemeinde pour passer au régime parlementaire. Il y avait
donc maintenant une importante majorité en faveur de la révision de la constitution
fédérale.
9.6. Les Révolutions de 1848
La France, l’Autriche et la Prusse furent réticentes à la perspective d’une révision du
pacte fédéral faisant de la Confédération un véritable état et ils présentèrent à la
Diète le 18 Janvier 1848 une note faisant état de ces réticences à laquelle la Diète
protesta vivement.
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Mais dès le 22 Février, la révolution éclatait à Paris, balayant la monarchie d’Orléans
et instaurant la république. Ce mouvement révolutionnaire s’étendit rapidement à
Vienne, Berlin, Budapest, Prague et en Italie.
Une révolution se produisit aussi à Neuchâtel où la république fut proclamée le 2
Mars, et aussitôt reconnue par Berne, alors canton directeur de la Confédération.
Mais la reconnaissance par les nations étrangères de la république de Neuchâtel et
la renonciation par le Roi de Prusse à ses droits sur Neuchâtel ne furent
définitivement acquis que le 26 Mai 1857. Le Roi de Prusse gardait cependant le titre
de Prince de Neuchâtel.
9.7. La Constitution Fédérale de 1848
La Commission chargée de la révision du pacte fédéral avait été instituée le 11 Août
1847 par la Diète réunie à Berne. Mais elle ne produisit réellement son travail
qu’après la fin de la guerre du Sonderbund du 17 Février au 8 Avril 1848. Après une
période de votations et de discussions, la Diète déclara le 12 Septembre 1848
l’entrée en vigueur de cette nouvelle constitution fédérale.
Cette constitution organisait déjà les autorités fédérales (Assemblée Fédérale avec
ses deux chambres : le Conseil des Etats et le Conseil National, Conseil Fédéral,
Tribunal Fédéral) comme elles le sont encore aujourd’hui. Toutefois le Tribunal
Fédéral n’était pas composé de membres permanents et, en dehors des élections, le
peuple n’intervenait directement que dans les votations concernant une révision
constitutionnelle et il ne pouvait prendre d’initiative qu’en cette matière.
10 . La Période Moderne (après 1848)
La première Assemblée Fédérale se réunit à Berne le 6 Novembre 1848. Elle élut le
Conseil Fédéral qui se saisit des affaires le 21 après que le canton directeur Berne
s’en soit dessaisi la veille.
Le 28 Novembre 1848, Berne fut désignée pour être le siège du gouvernement
fédéral.
Les relations entre le Conseil Fédéral et le gouvernement Bernois ne furent pas
bonnes dans les premiers temps, car le Conseil Fédéral était beaucoup plus modéré
et neutre que le gouvernement Bernois, dominé par les jeunes radicaux et favorable
au mouvement révolutionnaire Européen. La situation ne s’améliora vraiment qu’avec
l’arrivée des conservateurs au pouvoir à Berne en 1850. Lorsque les radicaux
revinrent au pouvoir en 1858, la situation s’était tout à fait normalisée.
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11 . Epilogue
Nous ne prolongerons pas plus avant cet aperçu historique, car l’histoire de Berne se
fondra ensuite largement dans celle du reste de la Suisse.
Nous mentionnerons seulement les évènements suivants :
. Modifications de la constitution cantonale : Introduction de l’initiative populaire en
matière législative en 1893 ; élection du Conseil d’Etat par le peuple en 1906 ;
élection du Grand Conseil à la proportionnelle en 1922 ; obtention du droit de vote
par les femmes en matière communale en 1968, et en matière cantonale et fédérale
en 1971 ; élection des deux Conseillers aux Etats par le peuple en 1977.
. Perte de la partie Nord du Jura Bernois (ancien évêché de Bâle) qui se constituera
en 1978 en un nouveau Canton du Jura. Deux autres parcelles de territoire Bernois
contigües de celui-ci se détacheront en 1994 (district de Laufon passant à BâleCampagne) et 1996 (commune de Vellerat passant au canton du Jura).
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12. Références
. (1). Dictionnaire Historique et Biographique de la Suisse (DHBS) publié chez
Attinger à Neuchâtel, 1921 – 1934.
. (2). Dictionnaire Historique de la Suisse (DHS), Hirschengraben 11, CP 6576,
CH 3001 Berne, en cours de publication, contenu partiel disponible sur le site :
http://www.dhs.ch .
. (3). Histoire Illustrée de la Suisse par P. Dürrenmatt, publié chez Payot à Lausanne
en 1964.
. (4). Larousse Universel, Dictionnaire Encyclopédique en Deux Volumes, publié
chez Larousse à Paris.
. (4). Actes du Colloque sur les Gardes Suisses et leurs Familles, publié par la
Société Historique de Rueil-Malmaison, 1988.
. (5). Actes du Colloque sur les Nouvelles Relations Franco-Suisses au XIXème et au
XXème Siècles, , publié par la Société Historique de Rueil-Malmaison, 2001.
. (6). Généraux Suisses Commandants en Chef de l’Armée Suisse de Marignan à
1939 par Ch. Gos, publié chez Cabédita à Yens/Morges (VD), Suisse, 1990.
. (7). Honneur et fidélité par Paul de Vallière, publié par les Editions d’Art Suisse
Ancien à Lausanne, 1940.
. (8). Saint Saphorin et la politique de la Suisse pendant la Guerre de Succession
d’Espagne par S. Stelling-Michaud, publié par l’auteur à Villette-les-Cully, 1935.
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