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Tableau 1 : modèles d’éducation en lien avec la santé
Modèle de l’instruction
(béhaviorisme)
Modèle du
développement singulier
(constructivisme)
Modèle du développement
social (socioconstructivisme)
Centré sur la transmission
d’information, de savoirs
savants, objectivité
Savoirs définis par des
experts
Relation : activité/passivité
ou direction/coopération
Responsabilité : rendre
compte
Intérêt : continuité sociale
Intérêt éducation et santé :
Pose diagnostic,
informations maladie et
traitement
Centré sur les
potentialités du sujet, la
connaissance de soi, la
relation, subjectivité
Savoirs d’expériences
Relation : participation
mutuelle
Responsabilité : être
capable de…
Intérêt : adaptation
sociale
Intérêt éducation et
santé :
Potentiel de croissance
et créativité du sujet
Centré sur les interactions
sociales, Développement des
conditions de vie individuelles
et collectives.
Savoirs contextualisés
Relation : interactions
sociales
Responsabilité : collective
Intérêt : production sociale
Intérêt éducation et santé :
patient reconnu dans son
unicité et sa culture
Les données actuelles en santé publique redimensionnent l’éducation en santé en intégrant
les demandes et les choix du patient. Le Haut Comité de Santé Publique (HCSP, rapport
2002) met l’accent sur la dimension d’altérité : « dans cette approche, c’est la personne, dans
sa singularité et sa globalité, qui est l’objet d’attention des soignants et non seulement
l’organe atteint » (ibid., p. 335). L’objectif est de rendre au patient une part d’autonomie et
« de construire avec lui un espace où il décide de ce qu’il désire être » (Gagnayre et
d’Ivernois, 2004).
Le rapprochement entre la santé et l’éducation dans un rapport existentiel entre l’homme et
la maladie soulève un conflit entre le désir d’exister du malade et sa souffrance qui révèle une
crise de l’altérité (Bouretz, 1996) et une difficulté de choix. Ceci nous conduit à travailler
d’autres articulations entre la chair et les mots, le corps et la parole, la maladie, la souffrance,
le pâtir et les niveaux d’atteintes de l’homme dans ses capacités d’agir. C’est ce que travaille
l’approche théorique (tableaux 1-2-3). Des liens se tissent entre la chair (le corps) et la parole
(le langage) quand ils passent par la souffrance, le pathos. L’homme agissant est le pendant de
l’homme parlant (Ricœur, 1996). Entre les deux se glisse l’homme souffrant – car empêché
d’agir ou de dire. Dans l’identité narrative (ibid.), ce peut être l’incapacité ou le refus de
raconter des phénomènes qui vont au-delà de la péripétie. Avec la diminution du pouvoir
d’agir et de dire, ressentie comme une diminution de l’effort pour exister, commence pour
Ricœur (1995) le règne de la souffrance qui facilite la perte du pouvoir sur le monde avec le
sentiment d’être à la merci d’autrui. Cette atteinte de la personne dans ses capacités d’agir
traduite par une impuissance à dire, fait qu’elle se présente souvent dépendante, objet de
soins ; elle devient dans l’univers soignant, ce « visage déchiré d’où vient la plainte arrachée à
soi et tournée vers l’autre » (ibid.). Comment accommoder alors des soins techniques estimés
nécessaires et le facteur humain : rythme, besoin, désir et demande (Lacan, 1966) de la
personne (en partie) malade ?