[14] de séparer les symptômes en trois catégories : ceux
qui sont présents indépendamment de l’âge, ceux qui
sont observés surtout chez les sujets jeunes et ceux qui
sont plus particuliers au sujet âgé. Ces catégories sont
résumées dans le (tableau I).
L’importance des plaintes somatiques
Parmi les symptômes entrant dans le cadre du syn-
drome dépressif chez le sujet âgé, la dimension soma-
tique est à mettre au premier plan. Il existe un consen-
sus [13, 15-17] pour dire que la dépression du sujet âgé
se présente souvent avec une dimension somatique
importante : 60 % des patients âgés déprimés ont des
plaintes somatiques qui peuvent se substituer à l’ex-
pression de la tristesse. La dépression peut, dans cer-
tains cas, prendre le masque d’une pathologie organi-
que et donner lieu à des examens divers. Seules 6 % des
dépressions « masquées » seraient identifiées. Les
plaintes les plus fréquemment rencontrées sont la fati-
gue, les douleurs tenaces, rebelles, diffuses (articulai-
res, digestives, abdominales ou touchant la sphère ano-
génitale), les troubles de la mémoire et du sommeil. On
observe également des symptômes cardiaques et/ou
respiratoires, une constipation, une anorexie. L’absence
d’amélioration durable est la règle, même avec un trai-
tement bien conduit. Cette présentation somatique fré-
quente des états dépressifs a amené les cliniciens à
proposer la notion de « dépression masquée » [18] ou
d’équivalent dépressif pour décrire les situations dans
lesquelles la plainte physique est au premier plan du
tableau clinique.
Cette notion de dépression masquée est néanmoins
fortement remise en cause aujourd’hui. Beaucoup
d’auteurs insistent, en effet, sur le fait que la souffrance
psychologique est plutôt méconnue que masquée chez
le sujet âgé déprimé. Il s’agit plus d’un problème d’atti-
tude que de spécificité clinique. L’interférence avec la
reconnaissance de la dépression se produit dans deux
circonstances : lorsque les symptômes physiques ne
sont accompagnés d’aucun symptôme psychique ou
lorsque l’on hésite à les attribuer à la dépression ou à
une maladie somatique associée.
Par ailleurs, l’expression de la dépression chez le
sujet âgé diffère de celui du sujet plus jeune par la
difficulté que les patients ont à exprimer spontanément
leur souffrance morale. L’effet génération est ici impor-
tant : la culture « psy » a commencé avec le baby-boom.
Pour les générations précédentes, la dépression est
perçue comme folie. On parle donc facilement de son
corps à son médecin, beaucoup moins de ses préoccu-
pations psychiques. Par contre, si les bonnes questions
sont posées, les patients y répondent le plus souvent
sans aucune réticence. L’examen clinique doit donc
rechercher systématiquement les signes de la dépres-
sion : humeur dépressive, douleur morale, trouble du
sommeil et de l’appétit, auto-dépréciation, idées suici-
daires.
La place de l’anxiété
L’anxiété est très fréquemment associée [4, 6, 7],
sous forme d’anxiété généralisée et de troubles phobi-
ques. Elle peut toutefois être masquée et évoquer une
agitation hostile chez un vieillard caractériel ou dément.
Le patient ne tient pas en place, va et vient, s’accroche à
ce qui se passe, cherche en vain une réassurance. Cette
prééminence des signes anxieux ne doit pas être un
obstacle au diagnostic. Trop souvent, le clinicien oublie
de rechercher les signes de la dépression et se contente,
devant un tel tableau clinique, d’une prescription d’an-
xiolytique.
Les présentations cliniques
de la dépression du sujet âgé
La dépression du sujet âgé peut prendre différents
aspects cliniques, dont certains sont particulièrement
caractéristiques.
Dépression mélancolique
Au premier rang des présentations cliniques de la
dépression du sujet âgé, on trouve les dépressions
mélancoliques qui imposent une hospitalisation en ur-
gence. Elles sont caractérisées par une symptomatolo-
gie sévère avec prostration et mutisme pouvant évo-
quer, pour certains, un syndrome de glissement. Elles
peuvent se manifester, au contraire, par une agitation et
des troubles du caractère importants. Elles peuvent
représenter l’évolution d’un trouble bipolaire connu ou
en constituer un épisode inaugural. Elles constituent
une urgence thérapeutique du fait du retentissement
somatique rapide et du risque suicidaire.
Dépression délirante
Il faut également insister sur le fait que les dépres-
sions délirantes peuvent être de diagnostic difficile car
elles sont masquées par le délire. Le risque est d’évo-
quer, à tort, une pathologie délirante tardive et de pres-
crire des neuroleptiques. Les idées délirantes les plus
fréquentes sont les idées d’incurabilité, qui se présen-
tent plutôt comme une perte d’espoir, ou les idées de
ruine. Souvent, le vécu délirant peut être persécutif et
congruent à l’humeur car il a une tonalité triste. Cepen-
Aspects cliniques de la dépression
Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2 (Suppl. 1) : S19-S27 S23
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.