Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes et prise

Agitation
iatrogène
chez
le
sujet
âgé
:
prévalence,
causes
et
prise
en
charge
Michèle
Dicko
1
,
Philippe
Caillet
2
,
Carmelo
Lafuente-Lafuente
3
,
Elena
Paillaud
2
1.
Groupe
hospitalier
Mondor
(APHP),
site
hôpital
Albert-Chenevier,
département
de
médecine
interne
et
gériatrie,
94010
Créteil
cedex,
France
2.
Groupe
hospitalier
Mondor
(APHP),
site
hôpital
Henri-Mondor,
département
de
médecine
interne
et
gériatrie,
94010
Créteil
cedex,
France
3.
Groupe
hospitalier
Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix
(APHP),
site
Charles-Foix,
pôle
de
gériatrie
Paris
Val
de
Marne,
94205
Ivry-sur-Seine,
France
Correspondance
:
Elena
Paillaud,
Groupe
hospitalier
Mondor
(APHP),
site
hôpital
Henri-Mondor,
département
de
médecine
interne
et
gériatrie,
51,
avenue
du
Maréchal-de-Lattre-
de-Tassigny,
94010
Créteil
cedex,
France.
Disponible
sur
internet
le
:
16
janvier
2013
Presse
Med.
2013;
42:
181186
ß
2012
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
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/
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www.sciencedirect.com Me
´dicaments
et
personnes
a
ˆge
´es
Dossier
thématique
181 Mise au point
Key
points
Iatrogenic
agitation
in
elderly
patient:
Prevalence,
aetio-
logies
and
management
Iatrogenic
agitation
is
frequently
drug-induced
in
the
elderly.
The
management
of
the
iatrogenic
agitation
is
based
on:
a
detailed
analysis
of
the
patient’s
medications,
stopping
non-
essential
drugs,
prescribing
drugs
to
the
lowest
and
effective
dose
possible.
This
management
of
the
iatrogenic
agitation
is
also
based
on:
adjustment
of
drugs
according
to
renal
function
and
limita-
tion
of
polypharmacy.
Special
attention
is
necessary
when
prescribing
treatments
for
patients
with
cognitive
impairment.
Points
essentiels
L’agitation
est
très
fréquemment
d’origine
médicamenteuse
chez
le
sujet
âgé.
La
prévention
et
prise
en
charge
de
l’agitation
iatrogène
repose
sur
une
analyse
détaillée
des
médicaments
du
patient,
l’arrêt
des
médicaments
non
essentiels,
la
prescription
des
médicaments
nécessaires
aux
posologies
efficaces
les
plus
basses
possibles.
Elles
se
fondent
aussi
sur
l’ajustement
des
médicaments
à
la
fonction
rénale
et
la
limitation
de
la
polymédication.
Une
attention
particulière
est
nécessaire
lors
de
la
prescription
de
traitements
chez
des
patients
atteints
de
troubles
cognitifs.
En
cas
d’agitation,
le
traitement
non
médicamenteux
est
à
privilégier.
Si
l’agitation
est
importante,
l’utilisation
d’un
séda-
tif
à
demi-vie
courte,
à
faible
dose
et
par
voie
orale
de
préférence,
peut-être
considérée
de
façon
ponctuelle
et
tem-
poraire.
tome
42
>
n82
>
février
2013
http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.06.024
L’agitation
aiguë
est
un
symptôme
fréquemment
re-
ncontré
chez
la
personne
âgée.
Il
s’agit
d’un
trouble
du
comportement
qui
se
traduit
par
un
état
d’excitation
verbale
et/ou
motrice,
d’instabilité
psychomotrice,
pathologique,
non
adapté
à
l’environnement,
d’intensité
et
de
durée
variable.
Elle
peut
être
associée
ou
non
à
de
l’agressivité.
Enfin,
elle
constitue
une
situation
urgente
dans
la
mesure
il
existe
fréquemment
une
mise
en
danger
du
patient
et/ou
de
son
entourage
[1].
L’agitation
doit
systématiquement
faire
chercher
une
cause
iatrogène
par
une
démarche
diagnostique
rigoureuse.
En
effet,
l’iatrogénie
médicamenteuse
est
plus
fréquente
dans
cette
population
en
raison
d’une
plus
grande
polymédication
[1,2]
et
des
modifications
pharmacologiques
survenues
avec
l’âge
qui
augmentent
la
susceptibilité
aux
effets
indésirables
des
médicaments.
La
prévalence
de
l’agitation
liée
à
l’iatrogénie
chez
le
sujet
âgé
est
mal
évaluée.
Nombreux
sont
les
médicaments
impliqués
dans
les
états
d’agitation
soit
lors
d’un
surdosage,
soit
en
raison
de
leurs
effets
indésirables,
soit
enfin
lors
d’un
sevrage.
Bien
que
l’origine
des
agitations
soit
souvent
multifactorielle,
on
estime
que
12
à
39
%
des
agitations
sont
imputables
aux
médicaments
[1,3].
Prévalence
de
l’agitation
chez
le
sujet
âgé
L’agitation
est
associée
à
une
maladie
clairement
identifiable
chez
l’adulte
et
la
personne
âgée
dans
85
%
des
cas
[4,5].
L’agitation
entre
le
plus
souvent
dans
le
cadre
d’un
syndrome
confusionnel
aigu,
très
fréquent
chez
le
sujet
âgé,
principale-
ment
en
milieu
hospitalier
[2,68].
À
l’hôpital,
la
prévalence
de
l’agitation
varie
selon
les
services
considérés
:
15
à
40
%
en
milieu
chirurgical,
20
à
40
%
en
soins
intensifs,
20
à
30
%
en
milieu
neurologique
ou
psychiatrique,
15
à
20
%
en
médecine
générale
[9].
Chez
les
patients
déments,
la
prévalence
de
l’agitation
varie
entre
10
%
et
90
%
suivant
les
études.
Cet
écart
très
important
résulte
très
probablement
de
l’utilisation
d’échelles
de
mesure
différentes.
En
outre,
la
démarche
diagnostique
est
souvent
plus
difficile
du
fait
des
troubles
cognitifs
et
de
la
multiplicité
des
causes
possibles
d’agitation
[10].
Dans
une
étude
américaine,
réalisée
sur
une
population
de
5092
patients
âgés
de
plus
de
65
ans,
l’agitation
(mesurée
par
le
Neuro-Psychatric
Inventory
ou
NPI
[11])
est
trouvée
plus
fréquemment
chez
les
sujets
déments
que
non
déments
(23,7
%
vs
2,8
%)
et
notamment
en
cas
de
démence
évoluée
[12].
Causes
de
l’agitation
iatrogène
Le
patient
âgé
a
une
plus
grande
fréquence
des
facteurs
prédisposant
à
l’agitation,
tels
que
des
troubles
cognitifs,
des
déficits
sensoriels,
des
comorbidités
cérébrovasculaires,
une
dénutrition,
et
surtout
une
polymédication
[2,13].
On
peut
proposer
de
classer
les
causes
iatrogènes
de
l’agitation
selon
leur
origine
non
médicamenteuse
ou,
au
contraire,
médica-
menteuse.
Iatrogénie
non
médicamenteuse
chez
le
sujet
âgé
La
douleur
est
un
symptôme
fréquent
chez
le
malade
âgé
mais
non
spécifique,
qui
peut
être
responsable
d’une
agitation.
Certaines
causes
doivent
être
d’emblée
éliminées,
telles
qu’une
rétention
aiguë
d’urine,
une
constipation
avec
fécalome
responsable
de
douleurs
abdominales,
ou
encore
une
fracture
méconnue
suite
à
un
traumatisme
parfois
minime.
Un
comportement
d’agitation
au
cours
de
l’alimentation
doit
faire
réaliser
un
examen
de
la
cavité
buccale
à
la
recherche
de
lésions
secondaires
à
un
appareillage
mal
adapté,
une
mucite,
une
mycose
buccale
ou
encore
une
lésion
herpétique
par
exemple.
Une
agitation
lors
de
la
réfection
d’un
pansement
ou
dès
les
préparatifs
du
soin
doit
faire
évoquer
un
traitement
antalgique
insuffisamment
efficace.
De
même,
au
décours
d’une
intervention
chirurgicale,
l’agitation
doit
faire
poser
la
question
de
l’efficacité
du
traitement
antalgique
proposé.
Une
vigilance
accrue
doit
être
apportée
à
la
prise
en
charge
de
la
douleur
chez
le
patient
âgé
ayant
des
troubles
cognitifs
et/ou
non
communiquant
pour
limiter
ce
risque
d’agitation.
La
présence
de
dispositifs
médicaux
(perfusions,
sonde
urinaire,
oxygénothérapie,
sonde
nasogastrique,.
.
.)
peut
également
être
source
d’agitation
chez
le
malade
âgé
d’autant
plus
qu’il
existe
une
altération
cognitive
susceptible
d’obérer
la
compré-
hension
du
patient.
La
non-mise
en
place
d’une
correction
visuelle
(lunettes)
et/ou
d’appareils
auditifs
peut
aussi
générer
de
l’agitation
chez
un
patient
âgé
qui
n’appréhende
plus
son
environnement.
Enfin
nous
rappelons
le
risque
de
troubles
du
comportement
et
notamment
d’agitation
chez
les
patients
âgés
lors
d’un
chan-
gement
d’environnement
en
raison
de
la
perte
des
repères
habituels,
plus
particulièrement
chez
la
patients
âgés
atteints
de
maladies
démentielles.
Iatrogénie
médicamenteuse
chez
le
sujet
âgé
Les
états
d’agitation
s’inscrivent
très
fréquemment
dans
la
problématique
de
l’iatrogénie
médicamenteuse
chez
le
sujet
âgé
[2,14,15].
La
polymédication
et
les
modifications
de
la
pharmacologie
liées
à
l’âge
expliquent
pour
une
grande
partie
l’augmentation
du
risque
d’effets
secondaires
et/ou
d’évène-
ments
indésirables
médicamenteux
graves
(EIMG)
[16].
Les
modifications
pharmacologiques
des
médicaments
chez
les
sujets
âgés
ne
sont
pas
détaillées
dans
ce
travail,
car
elles
font
l’objet
d’un
autre
article
de
ce
dossier
thématique
[17].
Nous
rappelons
cependant
les
points
essentiels
suivants
:
la
diminution
du
débit
de
filtration
glomérulaire
avec
l’âge,
qui
augmente
le
risque
de
surdosage
des
médicaments
à
élimination
rénale
[18]
;
182
M
Dicko,
P
Caillet,
C
Lafuente-Lafuente,
E
Paillaud
tome
42
>
n82
>
février
2013
la
diminution
de
la
masse
musculaire
et
le
gain
de
masse
grasse
qui
augmentent
le
volume
de
distribution
des
médicaments
lipophiles
[19]
;
la
prévalence
de
la
dénutrition
et
l’hypoalbuminémie
qui
entraînent
un
risque
potentiel
de
surdosage
des
médicaments
fortement
fixés
aux
protéines
plasmatiques
[20]
;
une
augmentation
de
la
perméabilité
de
la
barrière
hémato-
encéphalique,
selon
plusieurs
études,
[21]
ainsi
que
des
changements
de
la
neurotransmission,
qui
accroissent
la
sensibilité
aux
médicaments
agissant
au
niveau
du
système
nerveux
central,
notamment
les
psychotropes
[22].
Chez
le
patient
âgé,
l’iatrogénie
médicamenteuse
est
princi-
palement
liée
aux
médicaments
du
système
cardiovasculaire
(43,7
%)
et
aux
psychotropes
(31,1
%).
Une
interaction
médi-
camenteuse
est
impliquée
dans
60,6
%
des
EIMG
[5].
Les
médicaments
les
plus
souvent
impliqués
dans
l’agitation
chez
les
sujets
âgés
sont
les
médicaments
à
effets
anticholi-
nergiques,
les
psychotropes
et
les
opioïdes
[5,14,15].
Médicaments
à
effets
anticholinergiques
L’utilisation
de
médicaments
ayant
une
activité
anticholinergi-
que
fait
partie
intégrante
des
traitements
de
routine
de
nom-
breuses
maladies
telles
que
l’asthme,
l’incontinence
urinaire,
la
douleur
viscérale
(antispasmodiques),
la
maladie
de
Parkinson
(antiparkinsoniens
non
L-dopa)
et
divers
troubles
psychiatri-
ques
(antidépresseurs
tricycliques
notamment).
On
estime
que
20
à
50
%
des
sujets
âgés
de
65
ans
et
plus
ont
pris
au
moins
une
fois
un
médicament
ayant
des
propriétés
anti-
cholinergiques.
La
susceptibilité
des
patients
âgés
aux
effets
indésirables
de
type
anticholinergique
est
bien
connue,
notam-
ment
les
effets
périphériques
(sécheresse
buccale,
constipa-
tion)
et
les
effets
sur
le
système
nerveux
central
tels
que
les
déficits
attentionnels,
la
sédation,
la
confusion,
l’agitation
et
les
hallucinations.
Le
système
nerveux
central
des
patients
âgés
est
très
sensible
aux
effets
anticholinergiques
en
raison
de
la
diminution
importante
des
récepteurs
cholinergiques
dans
le
cerveau,
de
l’augmentation
de
la
perméabilité
de
la
barrière
hémato-encéphalique,
de
la
réduction
du
métabolisme
hépa-
tique
et
de
la
diminution
potentielle
de
l’élimination
rénale
de
ces
médicaments
[23].
Iatrogénie
et
psychotropes
Il
existe
une
sur-prescription,
souvent
délétère,
des
psycho-
tropes
dans
les
troubles
du
comportement
dits
«
productifs
»
(cris,
agitation,
agressivité,
déambulation,
etc.)
de
la
personne
âgée,
qu’ils
apparaissent
au
cours
d’un
épisode
confusionnel
aigu
ou
chez
les
patients
déments.
Les
psychotropes
sont
responsables
d’une
iatrogénie
importante
chez
la
personne
âgée,
en
grande
partie
évitable
car
plus
de
la
moitié
de
ces
traitements
ne
serait
pas
réellement
indiquée
[24].
Environ
la
moitié
des
personnes
âgées
a
déjà
reçu
des
benzodiazépines,
ce
qui
est
trois
fois
supérieur
à
la
population
générale
[25].
Même
si
cela
est
peu
fréquent,
les
benzodiazépines
peuvent
être
à
l’origine
de
réactions
para-
doxales
d’agitation
et
d’agressivité,
ainsi
que
d’états
confu-
sionnels
[26].
Le
sevrage
brutal
en
benzodiazépines
peut
aussi
déclencher
un
syndrome
confusionnel
et
de
l’agitation
[27].
Cette
situation
fréquente
chez
les
patients
âgés
hospitalisés,
doit
faire
préciser
en
début
d’hospitalisation
l’intégralité
des
traitements
pris
par
le
patient,
y
compris
un
traitement
hypno-
tique
prescrit
depuis
de
nombreuses
années,
que
le
patient
ne
considère
souvent
plus
comme
un
médicament
[2,27].
Les
syndromes
dépressifs
sont
fréquents
dans
la
population
âgée.
En
cas
de
traitement
antidépresseur
par
inhibiteur
de
la
recapture
de
la
sérotonine
(IRS)
ou
par
inhibiteur
de
la
recap-
ture
de
la
sérotonine
et
de
la
noradrénaline
(IRSNA),
il
convient
de
garder
à
l’esprit
que
l’agitation
constitue
un
des
effets
secondaires
possibles
de
ces
traitements,
comme
libellé
dans
les
mentions
légales.
Iatrogénie
et
opioïdes
En
raison
des
modifications
pharmacocinétiques
et
pharmaco-
dynamiques
liées
au
vieillissement,
le
traitement
morphinique
s’accompagne
d’un
risque
important
d’accumulation
de
méta-
bolites
actifs
se
traduisant
cliniquement
chez
le
sujet
âgé
par
un
risque
d’effets
secondaires
trois
à
quatre
fois
supérieur
à
celui
du
sujet
jeune
[4].
En
effet,
la
demi-vie
d’élimination
moyenne
de
la
morphine
est
de
quatre
heures
et
demi
chez
les
patients
âgés,
contre
2,9
heures
chez
les
patients
plus
jeunes
[28].
La
réduction
du
volume
de
distribution,
la
baisse
de
la
clairance
de
50
%
et
la
liaison
protéique
plus
faible
expliquent
aussi
la
plus
grande
fréquence
des
effets
secondaires
liés
aux
opiacés.
De
plus,
les
patients
âgés
ont
une
sensibilité
cérébrale
plus
élevée
aux
effets
des
opioïdes.
Selon
les
études,
la
prévalence
des
effets
secondaires
lors
de
la
première
prescription
d’opiacés
chez
le
sujet
âgé
varient
de
55
%
à
90
%
en
fonction
de
la
molécule.
De
même,
5,4
%
des
accidents
iatrogéniques
médicamenteux
sont
imputables
aux
antalgiques
de
paliers
OMS
2
et
3
[29].
Cependant,
la
prévalence
de
l’agitation
au
cours
d’un
traitement
morphinique
est
mal
connue
chez
le
malade
âgé.
Dans
ce
cas,
elle
s’intègre
le
plus
souvent
à
un
syndrome
confusionnel.
L’association
de
médicaments
opiacés
agonistesantagonistes
est
à
éviter
car
l’incidence
de
l’agitation
aiguë
est
plus
élevée
chez
les
patients
âgés
que
chez
les
patients
plus
jeunes.
Enfin,
il
est
bien
établi
dans
les
mentions
légales
des
traite-
ments
morphiniques
que
l’agitation
peut
constituer
l’un
des
éléments
diagnostiques
du
syndrome
de
sevrage
à
ces
médi-
caments.
Iatrogénie
et
autres
médicaments
De
nombreux
médicaments
peuvent
aussi
indirectement
contribuer
à
l’apparition
d’un
syndrome
confusionnel
et
d’un
état
d’agitation
en
provoquant
des
troubles
somatiques
tels
qu’un
syndrome
sérotoninergique,
un
syndrome
malin
des
neuroleptiques,
une
rétention
aiguë
d’urine,
un
fécalome,
une
183 Mise au point
Agitation
iatrogène
chez
le
sujet
âgé
:
prévalence,
causes
et
prise
en
charge
Me
´dicaments
et
personnes
a
ˆge
´es
tome
42
>
n82
>
février
2013
hypoglycémie,
une
déshydratation
ou
encore
une
hyponatré-
mie
[3].
Parmi
ces
médicaments,
nous
pouvons
citer
les
antidépresseurs,
les
inhibiteurs
de
la
pompe
à
protons,
les
antiparkinsoniens
dopaminergiques,
les
fluoroquinolones,
la
di-
goxine,
l’amiodarone,
les
diurétiques
et
les
bétabloquants
[3].
Agitation
iatrogène
sans
confusion
Plusieurs
médicaments
peuvent
être
responsables
d’une
agita-
tion
sans
confusion.
On
peut
par
exemple
citer
la
corticothéra-
pie
connue
pour
les
troubles
neuropsychiques
qu’elle
peut
induire,
notamment
l’euphorie,
l’agitation
psychomotrice
et
les
troubles
du
sommeil.
Certaines
études,
non
spécifiquement
gériatriques,
ont
mis
en
évidence
la
relation
étroite
entre
l’hypoglycémie
et
l’agitation
aux
urgences
[30].
Chez
le
patient
diabétique
de
type
II
âgé,
les
antidiabétiques
oraux
peuvent
être
responsables
d’hypo-
glycémie
notamment
en
raison
de
l’insuffisance
rénale
fréquente
dans
cette
population
et
des
troubles
de
l’obser-
vance
en
cas
de
polymédication
et/ou
d’une
altération
cogni-
tive
[31].
L’existence
d’une
agitation
doit
donc
faire
chercher
systématiquement
une
hypoglycémie
chez
le
patient
âgé
diabétique
de
type
II.
Prise
en
charge
de
l’agitation
iatrogène
L’agitation
iatrogène
du
sujet
âgé
nécessite
une
détection
et
une
prise
en
charge
rapide
et
efficace
car
il
s’agit
d’une
situation
à
haut
risque
de
perte
d’autonomie
et
de
rupture
avec
le
milieu
habituel
du
patient.
Prise
en
charge
non
médicamenteuse
La
prise
en
charge
non
médicamenteuse
ne
doit
pas
être
négligée
car
elle
est
souvent
utile
[32].
Une
approche
rela-
tionnelle
et
empathique
permet
fréquemment
de
désamorcer
un
comportement
d’agitation
[33].
Le
contact
verbal
doit
permettre
d’instaurer
un
climat
de
confiance
dont
l’objectif
est
d’obtenir
l’adhésion
du
patient
au
traitement.
Ce
dialogue
est
fondamental
et
il
doit
être
maintenu
tout
au
long
de
la
prise
en
charge.
Le
soignant
doit
se
présenter,
adopter
une
attitude
calme
mais
ferme
pour
expliquer
les
raisons
et
le
but
de
la
prise
en
charge.
Le
langage
utilisé
doit
être
simple,
sans
recourir
aux
termes
médicaux
complexes.
L’entretien,
emprunt
d’empathie
et
de
compréhension,
doit
permettre
au
patient
d’exprimer
les
raisons
de
son
agitation.
Il
faut
respecter
une
distance
physique
de
sécurité
et
éviter
les
gestes
brusques.
Les
questions
qui
peuvent
être
vécues
de
manière
persécutive
doivent
être
posées
à
la
fin
de
l’entretien.
Enfin,
il
ne
faut
pas
hésiter
à
changer
d’interlocuteur
si
le
dialogue
n’est
pas
établi
[34,35].
Bien
qu’il
n’y
ait
pas
de
preuve
que
l’environnement
soit
lui-
même
une
cause
d’agitation,
certaines
conditions
environne-
mentales
peuvent
exacerber
un
syndrome
confusionnel
et
majorer
l’agitation
[36].
L’agitation
peut
être
aggravée
par
les
troubles
sensoriels
visuels
et/ou
auditifs,
d’où
l’importance
de
s’assurer
que
le
patient
est
bien
équipé
de
ses
lunettes
ou
son
appareil
auditif.
Des
objets
personnels
peuvent
contribuer
à
rendre
l’environnement
moins
anxiogène.
La
présence
des
proches
peut
également
permettre
de
rassurer
le
patient
et
par
là-même
de
calmer
son
agitation.
Afin
de
maintenir
un
environnement
calme
et
propice
à
la
bonne
communication,
la
télévision
et
la
radio
doivent
être
éteintes.
La
contention
physique
(associée
ou
non
à
une
sédation
médi-
camenteuse)
peut
ponctuellement
et
temporairement
permet-
tre
d’assurer
la
sécurité
du
patient
et
de
l’entourage
[2,37].
Son
usage
ne
se
justifie
qu’après
échec
de
la
prise
en
charge
non
médicamenteuse
et
médicamenteuse.
Mais
le
maintien
d’une
contention,
outre
les
aspects
éthiques,
risque
de
contribuer
au
prolongement
de
la
confusion
et
de
l’agitation
[38].
La
contention
consiste
à
restreindre
les
mouvements
du
patient
par
tous
moyens,
matériels
ou
vêtements,
qui
limitent
la
mobilisation
volontaire
du
patient
agité,
tels
qu’un
dis-
positif
fixé
sur
un
lit
ou
au
fauteuil.
La
contention
physique
est
un
acte
thérapeutique,
prescrit
et
destiné
à
assurer
la
sécurité
du
patient
et
de
l’entourage
[39].
Elle
ne
doit
en
aucun
cas
être
une
réponse
agressive
à
un
comportement
agressif
:
il
s’agit
d’une
mesure
d’exception.
De
plus,
elle
ne
constitue
pas
à
elle
seule
un
traitement
et
doit
de
ce
fait
être
associée
à
un
traitement
médicamenteux.
Enfin,
elle
doit
être
levée
lorsque
la
sédation
est
obtenue.
La
contention
physique
doit
d’autant
plus
être
réévaluée
que
les
effets
indésirables
graves
sont
bien
rapportés
:
chutes,
traumatisme,
majoration
de
l’agitation,
syndrome
d’immobilisation,
perte
d’autono-
mie,
etc.
Aussi
la
contention
physique
doit-elle
être
prescrite
pour
la
plus
courte
durée
possible,
et
son
indication
réévaluée
très
régulièrement
[40].
Prise
en
charge
médicamenteuse
La
première
démarche
à
effectuer
est
de
réévaluer
le
traite-
ment
du
patient,
avant
d’envisager
d’ajouter
un
nouveau
médicament
pour
contrôler
l’agitation.
Les
traitements
médi-
camenteux
du
patient
doivent
être
revus
systématiquement
et
les
médicaments
non
essentiels
doivent
être
arrêtés.
La
poso-
logie
efficace
des
médicaments
nécessaires
doit
être
la
plus
basse
possible
[2].
Les
dosages
doivent
être
ajustés
en
fonction
de
la
clairance
de
la
créatinine.
Les
modalités
d’arrêt
d’un
traitement
doivent
être
adaptées
à
la
classe
thérapeutique
pour
éviter
les
manifestations
de
sevrage
(benzodiazépines,
bétabloquants
et
antiparkinsoniens)
[3].
Une
attention
parti-
culière
doit
être
donnée
aux
médicaments
anticholinergiques
que
l’on
doit
toujours
tenter
d’arrêter,
quitte
à
les
remplacer
par
des
traitements
alternatifs
[23].
Le
recours
à
un
traitement
médicamenteux
spécifique
de
l’agitation
ne
doit
pas
être
systématique
en
cas
d’agitation
du
sujet
âgé.
Lorsqu’il
est
impossible
de
pratiquer
un
examen
clinique
et
de
réaliser
des
examens
complémentaires
chez
184
M
Dicko,
P
Caillet,
C
Lafuente-Lafuente,
E
Paillaud
tome
42
>
n82
>
février
2013
un
patient
agité,
et
qu’il
persiste
une
incertitude
diagnostique,
l’administration
d’un
sédatif
fait
courir
un
risque
iatrogène
(interactions
médicamenteuses
et
effets
secondaires)
[41].
Dans
une
telle
situation,
la
Haute
Autorité
de
Santé
recom-
mande
de
choisir
une
molécule
dont
l’efficacité
est
rapide
sur
les
symptômes
aigus
et
bien
tolérée
(index
thérapeutique
large
;
effets
indésirables
limités
;
peu
d’interactions
avec
les
autres
traitements
;
demi-vie
courte
;
facile
d’administra-
tion,
en
privilégiant
la
voie
orale
;
en
débutant
par
la
moitié
voire
le
quart
de
la
posologie
de
l’adulte
jeune
;
et
dont
l’utilisation
est
maitrisée
par
le
prescripteur)
[2].
Les
molécules
qui
peuvent
être
ainsi
envisagées
dans
le
traite-
ment
médicamenteux
de
l’agitation
du
sujet
âgé
sont
les
benzodiazépines
de
demi-vie
courte,
à
petites
doses
par
voie
orale
[42,43].
Chez
certains
patients
âgés
avec
des
symptômes
productifs
(délire,
hallucinations
angoissantes)
ou
non
contrôlés
par
les
benzodiazépines,
l’utilisation
des
neuroleptiques
peut
être
nécessaire,
à
faible
dose
initiale,
par
voie
orale
ou
sublinguale.
Si
la
voie
injectable
doit
être
envisagée,
on
s’assurera
de
l’absence
de
traitement
anticoagulant
efficace.
L’hydroxyzine,
antihistaminique
datif
souvent
utilisé
dans
ces
cas
d’agitation
n’est
pas
un
médicament
adapté
au
sujet
âgé
puisqu’il
induit
une
somnolence
et
un
ralentisse-
ment
psychomoteur
généralisé,
a
des
effets
anticholiner-
giques,
et
a
une
demi-vie
longue
(29
heures
en
moyenne
chez
le
sujet
âgé).
Enfin,
le
traitement
médicamenteux,
quand
nécessaire,
doit
être
réduit
et
arrêté
dès
que
l’état
d’agitation
est
contrôlé.
Dans
tous
les
cas
une
prise
en
charge
médicamenteuse
de
l’agitation
s’avère
nécessaire,
il
convient
d’insister
sur
la
néces-
sité
majeure
de
réévaluer
la
prescription
médicamenteuse,
d’utiliser
le
médicament
et
la
posologie
efficace
la
plus
basse
et
de
limiter
le
plus
possible
la
durée
du
traitement.
Conclusion
L’agitation
est
une
situation
fréquente
chez
le
patient
âgé,
plus
particulièrement
en
cas
de
syndrome
démentiel.
Parmi
les
nombreuses
étiologies,
l’iatrogénie
médicamenteuse
re-
présente
une
part
importante
des
causes
d’agitation
chez
le
sujet
âgé
et
elle
doit
être
dépistée
de
façon
systématique
chez
tout
patient
âgé
confus
et/ou
agité.
Sa
prise
en
charge
repose
sur
une
analyse
détaillée
des
traitements
médicamenteux
du
patient.
Les
médicaments
non
essentiels
doivent
être
arrêtés
et
les
médicaments
nécessaires
doivent
être
prescrits
aux
posol-
ogies
efficaces
les
plus
basses
possibles,
ajustées
à
la
fonction
rénale
et
au
poids
du
patient.
Les
modalités
d’arrêt
des
médi-
caments
doivent
être
adaptées
à
la
classe
thérapeutique
pour
éviter
les
manifestations
de
sevrage
(benzodiazépines,
béta-
bloquants
et
antiparkinsoniens).
Une
attention
particulière
doit
être
prêtée
aux
médicaments
anticholinergiques
que
l’on
doit
toujours
tenter
d’arrêter,
quitte
à
les
remplacer
par
des
traite-
ments
alternatifs.
L’agitation
iatrogène
peut
être
en
partie
prévenue
en
évitant
la
polymédication
et
en
adhérant
à
l’adage
anglo-saxon
start
low
and
go
slow
concernant
l’instauration
d’un
nouveau
traitement.
Une
attention
particulière
est
nécessaire
lors
de
la
prescription
de
traitements
chez
les
patients
atteints
de
troubles
cognitifs.
Dans
tous
les
cas
une
prise
en
charge
médicamenteuse
est
nécessaire,
il
est
nécessaire
de
réévaluer
la
prescription
médi-
camenteuse,
d’utiliser
le
médicament
à
la
posologie
efficace
la
plus
faible
et
de
limiter
le
plus
possible
la
durée
du
traitement.
Déclaration
d’intérêts
:
les
auteurs
déclarent
ne
pas
avoir
de
conflits
d’intérêts
en
relation
avec
cet
article.
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prise
en
charge
Me
´dicaments
et
personnes
a
ˆge
´es
tome
42
>
n82
>
février
2013
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