Imagerie protonique pour la protonthérapie : état de l`art

Cancer/Radiothérapie
19
(2015)
139–151
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Revue
générale
Imagerie
protonique
pour
la
protonthérapie
:
état
de
l’art
Proton
imaging
applications
for
proton
therapy:
State
of
the
art
R.
Amblard,
V.
Floquet
,
G.
Angellier
,
J.M.
Hannoun-Lévi
,
J.
Hérault
Cyclotron
biomédical,
centre
Antoine-Lacassagne,
227,
avenue
de
la
Lanterne,
06200
Nice,
France
i
n
f
o
a
r
t
i
c
l
e
Historique
de
l’article
:
Rec¸u
le
28
aoˆ
ut
2013
Rec¸
u
sous
la
forme
révisée
le
16
avril
2014
Accepté
le
30
avril
2014
Mots
clés
:
Protonthérapie
Imagerie
proton
Radiographie
proton
Tomographie
proton
r
é
s
u
m
é
La
protonthérapie
est
une
technique
d’irradiation
qui
permet
une
irradiation
précise
du
volume
cible
en
limitant
la
dose
délivrée
aux
tissus
sains.
Les
forts
gradients
de
dose
observés
ainsi
que
la
haute
confor-
malité
caractérisant
les
traitements
par
protons
nécessitent
de
connaître
précisément
le
parcours
des
protons
dans
la
matière
ainsi
que
la
position
du
volume
cible
par
rapport
au
faisceau.
C’est
dans
ces
perspectives
que
l’imagerie
par
proton
permettrait
d’augmenter
de
manière
significative
la
qualité
des
traitements.
Bien
qu’elle
fût
initialement
suggérée
en
1963,
l’imagerie
par
protons
n’est
toujours
pas
utilisée
en
routine
clinique.
Le
principal
obstacle
à
son
développement
fut
le
manque
de
résolution
spa-
tiale,
induit
par
les
phénomènes
de
diffusion
coulombienne
multiple
des
protons
avec
les
noyaux
des
atomes
du
milieu.
De
plus,
sa
réalisation
pour
l’ensemble
des
localisations
cliniques
nécessite
des
éner-
gies
relativement
élevées
qui
n’étaient
jusqu’à
présent
pas
disponibles
en
routine
clinique.
Abandonnée
pendant
un
certain
temps
au
profit
des
technologies
X,
les
travaux
de
recherche
sur
l’imagerie
proton
redeviennent
d’actualité
du
fait
du
développement
important
des
centres
de
protonthérapie
à
travers
le
monde.
Cet
article
présente
une
revue
non
exhaustive
sur
l’état
de
l’art
en
imagerie
proton.
©
2015
Société
française
de
radiothérapie
oncologique
(SFRO).
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Keywords:
Proton
therapy
Proton
imaging
Proton
radiography
Proton
computed
tomography
a
b
s
t
r
a
c
t
Proton
therapy
allows
a
highly
precise
tumour
volume
irradiation
with
a
low
dose
delivered
to
the
healthy
tissues.
The
steep
dose
gradients
observed
and
the
high
treatment
conformity
require
a
precise
knowledge
of
the
proton
range
in
matter
and
the
target
volume
position
relative
to
the
beam.
Thus,
proton
imaging
allows
an
improvement
of
the
treatment
accuracy,
and
thereby,
in
treatment
quality.
Initially
suggested
in
1963,
radiographic
imaging
with
proton
is
still
not
used
in
clinical
routine.
The
principal
difficulty
is
the
lack
of
spatial
resolution,
induced
by
the
multiple
Coulomb
scattering
of
protons
with
nuclei.
Moreover,
its
realization
for
all
clinical
locations
requires
relatively
high
energies
that
are
previously
not
considered
for
clinical
routine.
Abandoned
for
some
time
in
favor
of
X-ray
technologies,
research
into
new
imaging
methods
using
protons
is
back
in
the
news
because
of
the
increase
of
proton
radiation
therapy
centers
in
the
world.
This
article
exhibits
a
non-exhaustive
state
of
the
art
in
proton
imaging.
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2015
Société
française
de
radiothérapie
oncologique
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1.
Introduction
La
radiothérapie
par
protons
est
une
technique
d’irradiation
en
plein
développement,
du
fait
de
l’avantage
balistique
de
ce
type
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(R.
Amblard).
de
particule
[1,2].
Le
dépôt
d’énergie
est
maximal
en
fin
de
par-
cours,
au
niveau
du
pic
de
Bragg,
alors
qu’aucune
dose
n’est
délivrée
après
celui-ci.
Ces
propriétés
physiques,
liées
au
caractère
«
lourd
»
et
«
chargé
»
du
proton,
rendent
possible
le
traitement
du
volume
tumoral
avec
une
haute
conformation
de
la
dose
tout
en
épargnant
considérablement
les
tissus
sains.
L’utilisation
de
particules
lourdes
chargées
pour
l’imagerie
fut
proposée
pour
la
première
fois
par
Allan
Cormack
en
1963
[3,4].
Son
idée
consistait
à
déterminer
la
densité
variable
de
matière
http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.04.011
1278-3218/©
2015
Société
française
de
radiothérapie
oncologique
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140
R.
Amblard
et
al.
/
Cancer/Radiothérapie
19
(2015)
139–151
Fig.
1.
Principe
de
la
thérapie
par
proton
et
de
l’imagerie
par
proton.
A.
En
thérapie,
le
faisceau
primaire
de
protons
est
arrêté
dans
le
patient,
au
niveau
de
la
tumeur,
et
aucun
signal
n’est
détecté
en
sortie.
B.
Pour
réaliser
une
imagerie
avec
le
faisceau
de
protons,
il
faut
que
l’énergie
soit
supérieure
à
celle
utilisée
lors
du
traitement,
de
manière
à
avoir
le
pic
de
Bragg
à
l’extérieur
du
patient,
dans
le
détecteur.
Cette
problématique
est
inexistante
en
radiothérapie
par
photons,
puisqu’une
proportion
de
ceux-ci
est
transmise
à
travers
le
patient
pendant
le
traitement,
ce
qui
permet
une
imagerie
de
transmission.
Un
aspect
intéressant
de
l’imagerie
proton
est
qu’en
effectuant
la
comparaison
entre
parcours
mesuré
et
calculé
à
l’extérieur
du
patient,
au
niveau
du
détecteur,
une
vérification
du
parcours
des
protons
à
l’intérieur
du
patient
est
possible.
d’un
objet
en
mesurant
la
perte
d’énergie
des
particules
chargées
à
travers
celui-ci.
Dans
ce
cas,
contrairement
à
la
radiothérapie
par
protons,
le
faisceau
de
particules
n’est
pas
stoppé
dans
le
patient
mais
doit
avoir
une
énergie
suffisamment
élevée
pour
traverser
complètement
les
tissus
et
être
détecté
à
l’extérieur
de
ceux-ci
(Fig.
1).
Il
est
important
de
signaler
que
cette
technologie
d’imagerie
fut
initialement
proposée
dans
un
but
diagnostique
[5–13],
car
elle
offre
la
possibilité
de
détecter
des
lésions
de
densité
proche
de
celle
des
tissus
environnants
avec
un
meilleur
contraste
que
les
tech-
niques
d’imagerie
classiques
par
rayons
X.
Par
conséquent,
pour
un
même
contraste,
l’imagerie
proton
est
nettement
moins
irradiante
qu’une
imagerie
X
(meilleure
résolution
en
densité
par
unité
de
dose).
Typiquement,
un
facteur
de
5
à
10
est
attendu
entre
les
deux
modalités,
en
fonction
de
l’épaisseur
du
patient
[5].
La
première
radiographie
proton,
une
côtelette
d’agneau,
fut
effectuée
par
A.M.
Koehler
en
1968
sur
un
film
(Fig.
2)
[12].
Comme
Fig.
2.
Radiographies
X
et
proton
d’une
côtelette
d’agneau,
réalisée
par
A.M.
Koehler
[12].
Ces
clichés,
réalisés
sur
un
film
argentique,
mettent
en
évidence
les
différences
de
qualité
d’image
entre
les
deux
modalités.
Reproduit
avec
l’autorisation
de
l’American
Association
for
the
Advancement
of
Science
(AAAS).
on
peut
l’observer
sur
ce
cliché,
les
avantages
de
la
radiographie
proton
par
rapport
à
la
radiographie
X,
en
termes
de
résolution
en
contraste
dans
les
tissus
mous,
sont
évidents.
Steward
et
Koehler
ont
ensuite
démontré
l’intérêt
diagnostique
des
protons
dans
le
cas
de
lésions
vasculaires
cérébrales
[9],
puis
dans
le
cas
de
tumeurs
mammaires
[10].
Ces
travaux
ont
confirmé
la
faculté
de
détection
de
lésions
dans
les
tissus
mous
avec
un
haut
contraste
et
une
faible
dose
par
rapport
à
un
même
examen
par
rayons
X.
Cependant,
la
résolution
spatiale
est
nettement
plus
faible,
à
cause
de
la
diffusion
coulombienne
multiple
des
protons
sur
les
noyaux
des
atomes
du
milieu.
Les
trajectoires
des
protons
ne
peuvent
pas
être
considérées
comme
rectilignes,
et
l’incertitude
sur
celles-ci
dégrade
rapidement
la
résolution
spatiale.
La
première
reconstruction
tomographique
utilisant
des
parti-
cules
«
lourdes
»
et
chargées
a
été
réalisée
légèrement
plus
tard,
en
1972,
par
Goitein
et
al.
[14].
Ils
ont
utilisé
des
données
mesu-
rées
par
Lyman
avec
des
particules
alpha
de
840
MeV.
Par
la
suite,
Crowe
et
al.
ont
utilisé
un
faisceau
de
particules
alpha
d’énergie
900
MeV,
afin
de
comparer
qualitativement
et
quantitativement
une
tomodensitométrie
par
particules
alphas
et
une
tomoden-
sitométrie
par
rayons
X
[15].
Comme
pour
la
radiographie,
une
résolution
en
contraste
nettement
supérieure
à
celle
d’une
tomo-
densitométrie
par
rayons
X,
pour
une
dose
beaucoup
plus
faible,
ont
été
mis
en
évidence
dans
le
cas
d’une
acquisition
crânienne.
Les
premières
études
de
tomodensitométrie
par
protons,
réalisées
par
Hanson
et
al.
en
1979,
ont
confirmé
ces
avantages,
malgré
une
résolution
spatiale
plus
faible
qu’avec
des
particules
alpha
[5–7].
Comme
pour
la
radiographie
proton,
en
raison
des
diffusions
coulombiennes
multiples
des
protons
avec
les
noyaux,
la
simple
rétroprojection
analytique
dans
le
plan
image
des
projections
acquises
fournit
des
images
avec
une
résolution
spatiale
détériorée
[5–7].
Malgré
ses
avantages
en
termes
de
résolution
en
contraste
et
en
économie
de
dose
déposée,
l’imagerie
par
protons
a
été
abandonnée
dans
les
années
1980
en
raison
du
progrès
rapide
des
techno-
logies
d’imagerie
par
rayons
X,
et
de
l’obstacle
que
représentait
la
diffusion
coulombienne
multiple
sur
la
résolution
spatiale.
La
faible
disponibilité
des
cyclotrons,
leur
encombrement
et
leur
coût
rédhibitoire
ont
également
joué
contre
le
développement
de
ce
type
d’imagerie.
Aujourd’hui,
l’installation
croissante
du
nombre
de
centres
de
protonthérapie
à
travers
le
monde
rend
l’imagerie
par
protons
de
plus
en
plus
attractive
pour
ses
applications
théra-
peutiques.
Son
utilisation
offrirait
en
effet
de
nombreux
avantages
cliniques
en
augmentant
considérablement
la
précision
des
traite-
ments.
R.
Amblard
et
al.
/
Cancer/Radiothérapie
19
(2015)
139–151
141
Fig.
3.
Marges
de
sécurité
en
protonthérapie.
L’incertitude
sur
l’estimation
du
parcours
des
protons
dans
la
matière,
fonction
de
la
région
anatomique
considérée,
est
responsable
de
l’augmentation
des
marges
entre
le
volume
cible
anatomoclinique
et
le
volume
cible
prévisionnel.
A.
Pour
un
traitement
prostatique,
les
incertitudes
sont
de
10
mm.
B.
Pour
une
tumeur
intracrânienne,
les
incertitudes
sont
de
3
mm.
D’après
R.
Schulte,
communication
privée.
2.
Intérêts
de
l’imagerie
par
protons
en
protonthérapie
2.1.
Planification
dosimétrique
La
planification
dosimétrique
des
traitements
en
protonthérapie
se
fait
actuellement
sur
une
acquisition
tomodensitométrique
par
rayons
X.
Le
passage
des
nombres
Hounsfield
(NUH)
mesurés
par
la
tomodensitométrie
par
rayons
X
aux
pouvoirs
d’arrêt
des
protons
(S/)
dans
chaque
voxel
nécessite
une
étape
de
calibration.
Celle-ci
conduit
à
des
incertitudes
sur
le
dépôt
de
dose
calculé
dans
les
tis-
sus.
En
effet,
la
différence
intrinsèque
dans
la
physique
d’interaction
des
deux
types
de
particules
est
à
l’origine
d’erreurs
systématiques
sur
la
courbe
de
calibration
NUH
S/
[16–18].
De
plus,
les
artéfacts
de
durcissement
de
faisceau
(ou
de
beam
hardening),
présents
en
imagerie
tomodensitométrique
par
rayons
X,
nuisent
à
la
qualité
de
la
calibration
puisque
le
spectre
de
photons
est
modifié
en
fonction
de
la
position
le
nombre
Hounsfield
est
mesuré
[19].
Le
bruit
des
images
tomodensitométriques
par
rayons
X
fait
également
partie
des
erreurs
systématiques
qui
nuisent
à
l’étape
de
calibration.
L’incertitude
résultante
sur
le
calcul
du
parcours
des
protons
dans
la
matière
est
de
l’ordre
de
3
à
10
mm
(environ
3
%
du
parcours
des
protons
dans
les
tissus),
en
fonction
de
la
région
anato-
mique
considérée
(crâne,
pelvis)
et
de
la
profondeur
de
traitement
[17,20,21].
Ces
incertitudes
nécessitent
une
augmentation
des
marges
entre
volume
cible
anatomoclinique
(clinical
target
volume
[CTV])
et
volume
cible
prévisionnel
(planning
target
volume
[PTV]),
car
elles
viennent
s’ajouter
quadratiquement
aux
autres
sources
d’erreurs
:
positionnement
du
patient,
mouvement,
respiration,
mouvements
cardiaques,
artéfact
scanographique,
délinéation
du
volume
cible
anatomoclinique,
incertitudes
sur
l’efficacité
biolo-
gique
relative
(EBR),
etc.
[22].
L’augmentation
de
ces
marges
autour
du
volume
cible
crée
donc
un
conflit
entre
protection
des
tissus
sains
et
couverture
du
volume
cible,
réduisant
ainsi
de
manière
significative
les
bénéfices
d’une
protonthérapie
(Fig.
3).
Pour
répondre
à
cette
problématique,
l’imagerie
proton,
radio-
graphique
et/ou
tomodensitométrique,
est
un
candidat
de
choix.
Idéalement,
la
distribution
des
pouvoirs
d’arrêt
des
protons
dans
les
tissus
devrait
être
directement
mesurée,
en
effectuant
une
tomodensitométrie
par
protons
de
manière
à
avoir
une
connais-
sance
directe
et
précise
de
la
perte
d’énergie
des
protons
dans
la
matière
(carte
des
S/),
sans
avoir
recours
à
une
étape
de
calibration
qui
introduit
des
erreurs
systématiques
importantes
sur
le
calcul
du
parcours
des
protons.
Cette
méthodologie
fait
apparaître
une
diminution
possible
des
incertitudes
sur
le
calcul
du
parcours
des
protons
dans
les
tissus,
et
donc
une
réduction
des
marges
de
sécu-
rité
entres
volumes
cibles
anatomoclinique
et
prévisionnel.
Selon
Schneider
Pedroni
et
Schulte
et
al.,
les
incertitudes
devraient
être
de
l’ordre
de
1
à
3
mm
au
lieu
de
3
à
10
mm
actuellement
[20,21].
L’amélioration
de
la
qualité
d’image
des
images
tomodensito-
métriques
par
protons
contribueraient
également
à
améliorer
la
précision
des
traitements
planifiés.
Le
haut
contraste
observé
dans
les
tissus
mous
permettrait
en
effet
une
délinéation
plus
précise
des
lésions
et
des
organes
à
risques.
De
plus,
les
artéfacts
liés
aux
maté-
riaux
à
haut
Z
présents
sur
les
coupes
tomodensitométriques
par
rayons
X
n’existeraient
plus,
puisque
l’imagerie
par
protons
est
une
imagerie
basée
sur
la
perte
d’énergie,
et
non
pas
sur
l’atténuation,
qui
engendre
localement
une
perte
d’information
brutale.
2.2.
Vérification
in
vivo
du
parcours
des
protons
À
défaut
d’une
tomodensitométrie
par
protons,
la
radiographie
proton,
plus
simple
à
développer
et
à
mettre
en
œuvre,
offrirait
la
possibilité
de
vérifier
«
in
vivo
»
le
parcours
des
protons
dans
la
matière
calculé
par
le
logiciel
de
planification
de
traitement
(TPS).
En
comparant
les
parcours
mesurés
et
calculés
à
l’extérieur
du
patient,
il
est
possible
de
vérifier
indirectement
le
parcours
des
pro-
tons
calculé
à
l’intérieur
du
patient,
pour
le
faisceau
de
traitement
[18,20,23]
(Fig.
1).
Cette
technique,
assimilable
à
une
dosimétrie
in
vivo
directe,
permet
de
réduire
les
incertitudes
résultantes
de
la
calibration
du
tomodensitomètre
par
rayons
X
en
optimisant
la
courbe
de
calibration
à
chaque
patient
[18],
et
en
adaptant
les
marges
de
sécurité
à
chaque
faisceau
de
traitement
[24].
2.3.
Contrôle
du
positionnement
patient
Le
contrôle
du
positionnement
patient
avant
chaque
séance
de
traitement
est
aujourd’hui
effectué
avec
un
(ou
plusieurs)
tube(s)
à
rayons
X
embarqué(s).
Un
potentiel
défaut
d’alignement
des
axes
de
ce(s)
tube(s)
avec
l’axe
du
faisceau
de
protons
engendrerait
des
erreurs
systématiques
sur
le
positionnement
du
patient.
En
réalisant
une
image
radiographique
directement
avec
le
faisceau
de
protons,
cela
permettrait
d’avoir
une
véritable
image
«
vue
du
faisceau
»,
qui
élimine
complètement
ce
type
d’erreurs.
Elle
serait
analogue
à
l’imagerie
portale
utilisée
en
radiothérapie
classique,
142
R.
Amblard
et
al.
/
Cancer/Radiothérapie
19
(2015)
139–151
dont
le
but
est
de
vérifier
la
position
du
volume
cible
par
rapport
à
l’axe
du
faisceau
[23,24].
La
qualité
d’image
serait
cependant
net-
tement
supérieure
à
une
imagerie
portale
par
rayons
X,
puisque
l’excellent
contraste
permettrait
la
bonne
visualisation
des
tissus
mous
et
un
meilleur
recalage
entre
les
structures.
Cette
imagerie
permettrait
également
le
contrôle
de
la
taille
du
champ
irradié,
le
bon
positionnement
du
collimateur
ainsi
que
la
position
du
volume
cible
par
rapport
à
celui-ci
dans
le
cas
d’une
technologie
de
délivrance
du
faisceau
passive.
Un
autre
aspect
intéressant
est
que
ce
type
d’imagerie
est
beaucoup
moins
irradiant
que
l’imagerie
X,
ce
qui
autoriserait
la
réalisation
de
clichés
de
repositionnement
beaucoup
plus
fréquem-
ment,
sans
induire
de
détriment
radiobiologique
supplémentaire
au
patient.
2.4.
Utilisation
de
nouvelles
stratégies
de
traitement
Comme
indiqué
précédemment,
l’incertitude
sur
le
parcours
des
protons,
combinée
aux
autres
sources
d’erreurs,
ne
permet
pas
de
protéger
de
manière
certaine
les
organes
à
risques
en
regard
de
la
pénombre
distale.
C’est
pourquoi
la
protection
des
organes
à
risques
est
toujours
réalisée
avec
la
pénombre
laté-
rale,
car
elle
est
mieux
maîtrisée.
Bien
que
la
pénombre
latérale
des
protons
soit
intéressante
à
des
faibles
profondeurs,
celle-ci
devient
plus
importante
que
la
pénombre
des
photons
pour
des
régions
plus
profondes,
comme
l’illustre
la
Fig.
4.
Par
conséquent,
l’avantage
balistique
des
protons
par
rapport
aux
photons
a
ten-
dance
à
s’estomper
lorsque
la
profondeur
de
traitement
augmente.
La
possibilité
d’épargner
les
organes
à
risques
avec
la
pénombre
dis-
tale,
beaucoup
plus
faible,
permettrait
d’exploiter
pleinement
les
avantages
de
la
protonthérapie.
Cette
stratégie
ne
serait
pas
tota-
lement
transposable
aux
faisceaux
d’ions
lourds,
car
même
avec
Fig.
4.
Évolution
des
pénombres
latérales
en
fonction
de
la
profondeur,
pour
diffé-
rentes
particules
lourdes
chargées.
A.
Au
niveau
du
pic
de
Bragg.
B.
Distales.
D’après
[25],
reproduit
avec
l’autorisation
de
l’International
Atomic
Energy
Agency.
une
connaissance
beaucoup
plus
précise
du
parcours,
la
queue
de
fragmentation
interdit
toute
protection
de
structures
critiques
en
regard
du
pic
de
Bragg.
Cette
stratégie
de
protection
serait
donc
propre
aux
protons,
et
donnerait
un
avantage
balistique
à
cette
technique
de
traitement
par
rapport
à
la
thérapie
par
ions
lourds.
2.5.
Vérification
indirecte
du
parcours
des
protons
dans
le
patient
De
nombreuses
autres
technologies
d’imagerie
dédiées
à
la
protonthérapie
sont
en
cours
de
développement
et
consistent
à
détecter
les
rayonnements
secondaires
induits
par
les
protons
dans
la
matière
:
la
mesure
des
rayonnements
gamma-prompts
pendant
l’irradiation,
produits
lors
de
la
désexcitation
des
noyaux,
permet
de
vérifier
en
temps
réel
le
parcours
des
protons
dans
les
tissus
[26]
;
la
TEP
in
vivo,
qui
consiste
à
effectuer
une
acquisition
tomogra-
phique
par
émission
de
positons
(TEP)
dans
la
demi-heure
suivant
l’irradiation,
afin
d’imager
l’activation
des
tissus
par
le
faisceau
de
protons
et
de
la
comparer
à
la
distribution
de
dose
théorique
[27].
Dans
cet
article,
les
deux
technologies
décrites
ci-dessus
ne
seront
pas
abordées,
nous
traiterons
uniquement
de
l’imagerie
radiographique
et
tomographique.
3.
Physique
d’interaction
du
proton
Aux
énergies
considérées
en
protonthérapie,
entre
60
MeV
et
250
MeV,
les
protons
interagissent
majoritairement
au
cours
de
leur
traversée
dans
la
matière
de
manière
inélastique
avec
les
élec-
trons
du
milieu
(excitations
et
ionisations).
Leur
perte
moyenne
d’énergie
dans
la
matière
est
décrite
par
le
pouvoir
d’arrêt
S
(en
joules
par
mètre),
donné
par
l’équation
de
Bethe
et
Bloch,
dont
l’expression
est
décrite
ci-dessous
[28,29]
:
Scoll =dE
dx el
=
4
·
r2
e·
me·
c2·
e·z
ˇ2
·ln 2me·
c2·
ˇ2
I1
ˇ2
ˇ2C
Zı
2(1)
Avec
:
re:
rayon
classique
de
l’électron
:
re=1
4ε0
·e2
mec2
e
:
charge
de
l’électron,
e
=
1,602·1019 C
;
me:
masse
de
l’électron,
me=
9,11·1031 kg
;
c
:
célérité
de
la
lumière,
c
=
2,998·108m·s1;
0
:
permittivité
diélectrique
du
vide,
0
=
8,854.10–12 kg–1·m–3.
A2.S4
;
e:
densité
électronique
du
matériau
(en
électrons
par
mètre
cube)
;
Celle-ci
est
liée
à
la
densité
par
la
relation
suivante
:
e=NAZ
Au
:
densité
du
matériau
(en
kilogrammes
par
mètre
cube)
;
NA:
nombre
d’Avogadro
6,022·1023 atomes·mol1;
Z
:
numéro
atomique
du
noyau
cible
;
A
:
nombre
de
nucléons
du
noyau
cible
;
u
:
constante
de
masse
molaire.
u
=
1
g/mol
;
R.
Amblard
et
al.
/
Cancer/Radiothérapie
19
(2015)
139–151
143
z
:
numéro
atomique
du
projectile
;
dans
le
cas
du
proton,
z
=
1
;
ˇ
:
vitesse
v
du
proton
par
rapport
à
la
célérité
c
de
la
lumière
;
ˇ
=
c
I
:
potentiel
moyen
d’ionisation
de
l’atome
ou
de
la
molécule
cible,
donné
pour
chaque
matériau
dans
les
tables
de
Janni
et
de
Berger
et
al.
[30,31]
;
C
:
facteur
de
correction
de
couche
électronique
(shell
correction),
prend
en
considération
le
fait
que
les
électrons
n’ont
pas
des
orbites
stationnaires
autour
des
noyaux
;
:
facteur
de
correction
de
l’effet
de
densité,
qui
prend
en
compte
l’effet
de
polarisation,
important
surtout
dans
les
matériaux
denses.
Cette
expression
du
pouvoir
d’arrêt
correspond
à
une
perte
d’énergie
moyenne
par
unité
de
longueur.
Elle
sous-entend
une
perte
continue
d’énergie
de
chaque
proton
(continuously
slow
down
approximation
[CSDA]).
Le
parcours
moyen
des
protons,
ou
parcours
CSDA
RCSDA,
est
définit
par
la
relation
:
RCSDA =Ef
Ei
1
S(E)·
dE
Avec
:
Ei:
énergie
initiale
du
proton
;
Ef:
énergie
finale
du
proton,
Ef=
0
si
le
proton
s’arrête
dans
la
matière.
Cependant,
à
chacune
de
ses
interactions
avec
les
électrons
du
milieu,
le
proton
perd
une
fraction
E
d’énergie,
qui
suit
une
loi
s’approchant
d’une
distribution
gaussienne.
Ainsi,
dans
un
fais-
ceau
monoénergétique,
chaque
proton
ne
perd
pas
exactement
la
même
quantité
d’énergie
par
unité
de
longueur.
Cette
dispersion
dans
les
pertes
d’énergie
est
appelée
energy
straggling
et
est
res-
ponsable
d’une
fluctuation
statistique
sur
le
parcours
des
protons,
plus
connue
sous
le
nom
de
range
straggling.
Cet
effet,
conjugué
à
la
dispersion
énergétique
du
spectre
du
faisceau
de
protons
incidents
avant
qu’il
ne
pénètre
dans
la
matière,
est
en
partie
responsable
de
la
pénombre
distale
des
protons.
En
imagerie
proton,
ce
phé-
nomène
se
traduit
par
une
fluctuation
statistique
sur
la
mesure
de
l’énergie
résiduelle
du
proton
en
sortie,
ce
qui
engendre
une
incer-
titude
sur
la
mesure
du
pouvoir
d’arrêt
intégré
qui
va
influencer
la
résolution
en
densité
des
images,
c’est-à-dire
le
contraste.
Les
protons
interagissent
également
de
manière
élastique
avec
le
champ
coulombien
du
noyau.
Bien
que
la
plupart
de
ces
interac-
tions
mènent
à
des
angles
de
diffusion
faibles
du
proton
incident,
la
sommation
de
toutes
ces
diffusions
est
responsable
de
la
trajec-
toire
non
rectiligne
des
protons
dans
la
matière.
Cet
effet
est
appelé
diffusion
coulombienne
multiple.
Il
en
résulte
un
élargissement
du
faisceau
avec
la
profondeur
de
matière
traversée,
accompa-
gnée
d’une
augmentation
de
la
pénombre
latérale.
Il
est
également
responsable
d’une
augmentation
de
la
pénombre
distale
(ou
strag-
gling),
puisque
la
longueur
des
parcours
projetés
est
différente
pour
chaque
proton
en
raison
de
leurs
trajectoires
incurvées
[31].
Ces
diffusions
multiples
des
protons
rendent
la
problématique
de
reconstruction
d’image
très
différente
de
celle
adoptée
pour
les
photons
(X
ou
),
puisque
les
parcours
«
chaotiques
»
des
protons
dans
le
milieu
sont,
a
priori,
inconnus.
La
résolution
spatiale
des
images
est
donc
limitée
par
ce
phénomène.
Il
existe
deux
formalismes
qui
décrivent
les
diffusions
coulom-
biennes
multiples
:
celui
de
Fermi-Eyges
et
celui
de
Molière
[32,33].
La
distribution
de
cette
diffusion
coulombienne
multiple
peut
être
approximée
comme
une
gaussienne,
d’écart-type
[34,35]
:
=13,
6MeV
ˇ
·
p
·
c·
z
·x
X0
·1
+
0,
038
·
ln x
X0
Avec
ˇc
la
vitesse
de
la
particule
incidente,
p
son
moment
total,
z
sa
charge,
x
l’épaisseur
de
matériau
traversé
et
X0la
longueur
de
radiation
dans
le
matériau.
Elle
représente
l’épaisseur
de
maté-
riau
pour
laquelle
un
électron
émarge
avec
une
fraction
1/e
de
son
énergie
initiale.
La
diffusion
coulombienne
multiple
est
donc
inversement
pro-
portionnelle
à
la
quantité
1/ˇp,
avec
ˇ
=
p/E.
Il
existe
donc
deux
solutions
pour
diminuer
le
phénomène
de
diffusion
coulombienne
multiple
:
travailler
avec
des
particules
de
masse
plus
importante
ou
augmenter
l’énergie
E
de
la
particule.
Bien
que
la
diffusion
cou-
lombienne
multiple
soit
nettement
moins
pénalisante
pour
les
ions
plus
lourds,
Hanson
a
montré
que
l’avantage
du
point
de
vue
de
la
dose
a
tendance
à
s’estomper
pour
des
particules
chargées
plus
lourdes
que
le
proton
[5].
En
ce
qui
concerne
l’énergie,
les
accé-
lérateurs
installés
de
nos
jours
dans
les
centres
de
protonthérapie
sont
limités
en
énergie
et
ne
permettent
d’obtenir
qu’au
maximum
200
à
250
MeV.
Monter
à
des
énergies
supérieures
serait
avanta-
geux
pour
certaines
localisations
cliniques,
mais
impliquerait
un
rayon
de
courbure
plus
grand
qui
impacterait
les
dimensions
de
l’accélérateur
et
de
son
bras
isocentrique,
c’est-à-dire
son
coût.
4.
Principe
de
l’imagerie
par
protons
La
radiographie
peut
être
considérée
comme
la
projection
des
propriétés
internes
d’un
objet
sur
un
détecteur
externe.
Dans
notre
cas,
il
s’agit
du
pouvoir
d’arrêt
intégré,
proportionnel
à
la
densité
électronique,
responsable
de
la
perte
d’énergie
du
proton.
Cette
technologie
d’imagerie
se
démarque
des
techniques
classiques
uti-
lisant
des
rayons
X
ou
des
rayons
dans
le
sens
il
ne
s’agit
pas
d’une
imagerie
d’atténuation
de
fluence.
Dans
chaque
pixel,
l’information
codée
est
la
perte
d’énergie
moyenne
du
proton
dans
le
voxel,
c’est-à-dire
son
pouvoir
d’arrêt.
On
parle
d’imagerie
par
perte
d’énergie.
Comme
expliqué
précédemment,
la
perte
locale
d’énergie
dE
du
proton
dans
la
matière
est
principalement
liée
aux
interactions
électromagnétiques
inélastiques
avec
les
électrons
du
milieu.
Elle
peut
être
décrite
par
la
relation
suivante
:
dE
dx (x)=
(x)·Spm(I(x),
E(x))
Spm(I(x),
E(x)) représente
le
pouvoir
d’arrêt
massique
du
matériau
traversé
au
point
x,
et
(x)
sa
densité.
En
normalisant
par
rapport
au
pouvoir
d’arrêt
massique
dans
l’eau,
milieu
de
référence,
on
obtient
:
dE
dx (x)=
(x)·
Spm(I(x),
E(x))
Speau (I(x),
E(x))
Speau (I(x),
E(x))
Or,
le
rapport
des
pouvoirs
d’arrêt
massiques
peut
être
considéré
comme
une
grandeur
constante
et
égale
à
K
dans
les
tissus
humains
[7].
On
a
donc
:
dE
dx (x)=
K
·(x)eau ·
Seau (I(x),
E(x))
Avec
:
(x)eau e(x)e,eau
D’où
:
dE
dx (x)=
K
·
(x)·
Seau (I(x),
E(x)) (2)
Avec
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