DOULEUR CHEZ LES ENFANTS AVEC AUTISMES État des connaissances et présentation d’un projet de recherche (PHRC Interrégional) Cécile Rattaz et Amandine Dubois Psychologues, CRA L-R 2 avril 2010 LA DOULEUR Plusieurs composantes : • Sensorielle : perception et discrimination de la sensation • Comportementale : manifestations observables • Affective ou émotionnelle : caractère désagréable qui accompagne la douleur • Cognitive : attention, anticipation, interprétation, mémoire… « L’incapacité à communiquer verbalement n’empêche pas la possibilité qu’un individu fasse l’expérience de la douleur et soit dans le besoin d’un traitement antalgique approprié » (IASP, 1994). Différents types de douleur : • Aiguë : douleur-symptôme, transitoire, signal d’alarme • Chronique : douleur-maladie qui dure dans le temps HISTORIQUE Idée préconçue longtemps persistante d’une insensibilité à la douleur chez les personnes avec autismes Apparente absence/diminution de réactivité à la douleur Absence de plainte verbale Automutilations Conséquence : absence de prise en charge de la douleur adaptée LES SITUATIONS DOULOUREUSES Situations non spécifiques mais qui peuvent être fréquentes : Accidents de la vie courante Problèmes gastro-intestinaux Douleurs dentaires Douleurs menstruelles Etc. Situations spécifiques (troubles associés) : Épilepsie Automutilations Syndromes génétiques Autres maladies associées Absence de consensus concernant… les modes d’expression de la douleur Réactivité comportementale réduite en situation de vie quotidienne mais aussi de soin (prise de sang) Présence d’expressions faciales de douleur après une prise de sang Réactions vocales et motrices > réactivité faciale lors d’un stimulus désagréable Réponses neurovégétatives élevées après une prise de sang (rythme cardiaque, taux de noradrénaline) Autres observations : • • • • Expressions faciales ou vocales paradoxales (yeux écarquillés, sourires, rires) Présence de troubles du comportement immédiatement après une expérience douloureuse (hétéro ou auto-agressivité) Changement de comportement mais l’entourage ne parvient pas à localiser la douleur Comportements d’expression de la douleur mais l’enfant n’intervient pas pour faire cesser le stimulus douloureux Gilbert-McLeod 2000; Tordjman et al 1999, 2009; Militerni et al 2000; Nader 2004; Pernon & Rattaz 2003 … l’origine des particularités expressives Dysfonctionnement du système neurochimique • Particularités du système sensoriel • • Hypo- mais aussi hyper- réactivité à certains stimuli sensoriels Réponse « douloureuse » à un stimulus non douloureux Déficits socio-communicatifs • • Excédent d’endorphines endogènes qui rendraient les enfants autistes moins sensibles voire insensibles à la douleur Communication verbale et non verbale (pointer, attention conjointe, gestes…) Compétences socio-émotionnelles (recherche de réconfort, partage émotionnel, apprentissage des réponses sociales appropriées…) Autres : • Capacité à établir une relation de cause à effet entre le stimulus douloureux et la sensation, connaissance du corps Mais consensus sur l’impact du niveau de développement Expression de la douleur normée mais retardée chez des enfants avec une déficience intellectuelle légère à moyenne Expression singulière (manque de réactions faciales, vocale et/ou motrices, comportements auto-stimulants) chez des enfants avec déficience intellectuelle sévère Réaction de « sidération » (atonie, immobilité) chez des adultes avec une déficience profonde Dubois et al., 2009 ; Fanurik et al.,1999 ; Hadden et al., 2002, Defrin 2006 Facteurs personnels Troubles de la sensorialité sensation douleur Automutilations Douleurs chroniques Langage troublé ou absent message exprimé Particularités de l’expression non verbale Facteurs contextuels observateur Manque de clarté du message Boucle de feed-back : exacerbation de la sensation douloureuse par absence d’évaluation et de prise en charge adaptées OUTILS D’ÉVALUATION DE LA DOULEUR 2 types d’outils d’évaluation : les échelles d’auto-évaluation : • l’enfant lui-même estime l’intensité de sa douleur • sous forme de réglettes ou matériel ludique les échelles d’hétéro-évaluation : • une personne de l’entourage de l’enfant estime l’intensité de la douleur • grille de comportements (mimiques faciales, vocalisation, etc.) à coter en intensité ou en terme présence/absence AUTO-ÉVALUATION Echelle des visages, échelle visuelle-analogique, échelle des jetons, schéma corporel… Certaines ont pu être testées chez des enfants avec déficience intellectuelle Pas d’étude sur les outils d’autoévaluation auprès d’enfants avec autismes Se pose la question de la pertinence de ce type d’outils pour des enfants avec autismes HÉTÉRO-ÉVALUATION DESS (Douleur Enfant San Salvadour) : enfants polyhandicapés, et/ou trouble de la communication Echelle Doloplus : personne âgée non communicante Echelle FLACC-R : douleur post-opératoire chez des enfants avec déficience intellectuelle Echelle GED-DI : douleur chez des enfants avec déficience intellectuelle (vie quotidienne et post-opératoire) Peu d’études sur les outils d’hétéro-évaluation chez des enfants avec autismes EN RÉSUMÉ Les modalités d’expression de la douleur sont encore peu connues chez les enfants avec autismes ; Beaucoup d’outils d’évaluation de la douleur, mais peu d’entre eux sont adaptés aux enfants ayant des troubles du développement ; Nécessité de poursuivre la recherche et la formation des professionnels. POURQUOI UN PROJET DE RECHERCHE ? Expérience de terrain de l’équipe du CRA et le discours des familles mettent en évidence des difficultés : à identifier la présence de douleur : localisation de la zone et de l’origine de la douleur (comportements inattendus, absence de recherche de réconfort, difficulté à communiquer) à traiter de manière efficace la douleur Ces difficultés peuvent être à l’origine • de troubles du comportement (automutilations, agressivité) • d’une aggravation des symptômes • et d’une chronicisation de la douleur PRÉSENTATION DU PHRC Étude descriptive et exploratoire Objectifs: Étude des réactions douloureuses et émotionnelles d’enfants avec autismes Comparaison avec des enfants ayant une déficience intellectuelle et des enfants sans trouble du développement Situation de soin (prise de sang) : Observation des réactions faciales, comportementales et physiologiques (rythme cardiaque) Appréciation de la douleur et des émotions de la part des soignants et des parents Situation de vie quotidienne : Relevé des réactions à partir d’un questionnaire rempli par les parents. PREMIERS RÉSULTATS : DOULEUR EN SITUATION DE VIE QUOTIDIENNE Méthodologie Questionnaire rempli par les parents évaluant les réactions de l’enfant à la douleur en situation de la vie quotidienne (GED-DI, Breau et al., 2005) • • 30 items comportementaux 7 domaines : Expression vocale, mimiques faciales, comportements sociaux, activités, réactivités motrices, signes physiologiques, conduites alimentaires/sommeil Niveau de développement évalué par une échelle des comportements socio-adaptatifs (échelle de Vineland) 64 enfants âgés de 2 à 13 ans DESCRIPTION DES RÉACTIONS À LA DOULEUR LIEN ENTRE LES RÉACTIONS À LA DOULEUR ET L’ÂGE CHRONOLOGIQUE LIEN ENTRE LES RÉACTIONS À LA DOULEUR ET LE NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT EN RÉSUMÉ L’observation des parents permet de constater que : les enfants avec autismes expriment des comportements • pour certains, réalisés dans le but de communiquer la douleur à autrui (ex.: montre, gémit, recherche le réconfort) et identiques à des enfants témoins • pour d’autres, plus particuliers et plus difficiles à décoder par l’entourage (ex.: interagit moins) l’âge chronologique et le niveau de développement ont une influence sur l’expression de certains comportements PERSPECTIVES Sur un plan théorique : approfondir les connaissances concernant : • • l’expression de la douleur chez les enfants avec autismes l'effet du niveau de développement et de l'intensité des troubles Sur un plan pratique : sensibilisation / formation des soignants • • Proposition d’outils d’évaluation de la douleur adaptés (par ex la grille GED-DI, pictogrammes) Préparation, anticipation en lien avec les parents (visite du service ou photos, aménagement du temps de consultation) • • Information, explication avec des moyens de communication adaptés (supports visuels, imagés) Aménagement de l’environnement physique (stimuli sensoriels, positionnement) • Utilisation d’anesthésiques dans certains cas (EMLA ou MEOPA) Merci de votre attention …