44
modifiés, mais aussi des produits agricoles ou
alimentaires tels que le maïs, le soja ou le coton.
De plus en plus de pays manifestent toutefois
une prudence croissante dans ce domaine. Que
sait-on des OGM ? Dans le maïs manipulé, par
exemple, on introduit un gène de résistance à
la pyrale du maïs, insecte ravageur. Pour vérifier
la réussite de la manipulation génétique, on y
a joint un gène “marqueur”, qui est résistant
aux antibiotiques. On n’a guère, faute d’études
suffisantes, de preuve des risques éventuels.
Mais des infectiologues craignent que l’inges-
tion du gène “marqueur” favorise chez l’homme
une résistance aux antibiotiques, laquelle a déjà
pris une proportion inquiétante, rendant cer-
taines maladies infectieuses difficiles à juguler et
pouvant laisser craindre la réapparition de
grandes épidémies.
En outre, la possibilité de recombinaisons géné-
tiques à l’intérieur des plantes est évoquée. Ces
recombinaisons pourraient susciter l’apparition
de molécules toxiques, cancérigènes ou allergi-
santes. Par ailleurs, les risques environnemen-
taux sont soulignés : diffusion de gènes impos-
sible à contrôler, modification de la faune
microbiologique des sols, développement de
virus émergents.
Les Américains ne veulent surtout pas d’un pro-
tocole qui, fondé sur davantage de prudence,
prendrait le pas sur l’Organisation mondiale du
commerce (OMC). L’OMC interdit toujours de
bloquer l’importation de produits dont la noci-
vité n’a pas été totalement prouvée par “une
science solide”. Faute de telles études ou dans
l’attente de leurs résultats, tous les risques sont
permis. Au contraire, le Protocole sur la biosécu-
LIBÉRALE
Fin janvier 2000, 130 pays se réunissaient à Montréal pour
conclure un protocole sur la biosécurité. Enjeu : comment
s’assurer que les rapides progrès de la biotechnologie ne
produiront pas de risques sanitaires ou écologiques
importants. Ce protocole devait établir des règles inter-
nationales pour les échanges d’organismes vivants et
de produits ayant subi des modifications génétiques.
OGM
Bras de fer mondial
pour le principe de précaution
La négociation sur ces organismes généti-
quement modifiés (OGM) dure depuis
cinq ans. Il y a un an, les négociateurs ré-
unis à Carthagène, en Colombie, s’étaient séparés
sur un échec retentissant. Un petit groupe de pays
exportateurs de céréales et de soja y avait bloqué
tout accord. Surnommé “groupe de Miami”, il ne
compte que cinq pays (Argentine, Australie,
Canada, Chili et Uruguay), mais il est soutenu par
la première puissance biotechnologique et com-
merciale de la planète, les États-Unis.
Paradoxalement, les Américains sont maîtres du
jeu, alors qu’ils n’ont le droit de participer di-
rectement ni aux discussions, ni au vote. En
effet, le Sénat américain n’a jamais ratifié la
Convention sur la biodiversité de 1992, le trai-
té international dont le Protocole sur la biosé-
curité sera un des éléments. Les États-Unis res-
tent “absolument opposés” aux exigences
avancées par les pays africains, selon David
Sandalow, secrétaire d’État adjoint aux Affaires
scientifiques et à l’Environnement. Ces exi-
gences sont les suivantes :
– imposer à tout exportateur de produits agri-
coles génétiquement modifiés de prévenir au
préalable les pays importateurs ;
– obtenir le droit de bloquer l’entrée des OGM
s’ils estiment qu’ils représentent un danger pour
I’environnement ou pour la santé.
Ces exigences, selon David Sandalow, “déstabili-
seraient le commerce mondial des denrées alimen-
taires”, ouvrant la porte au protectionnisme. Le
secrétaire d’État rejette aussi l’ensemble des
“priorités absolues” avancées par les Européens :
l’étiquetage et la traçabilité, non seulement des
bactéries, animaux ou plantes génétiquement