Table ronde 21 Études post-inscription des médicaments : quel bilan, quelle évolution ? Intervenants : Marion BAMBERGER - Directeur développement économique et affaires gouvernementales, Laboratoires BMS Bruno FALISSARD - Biostatisticien, pédopsychiatre, INSERM - Membre de la Commission de la Transparence - Membre du groupe de travail ISP (Intérêt de Santé Publique) Catherine LEFRANC - Sous-direction politique des pratiques et des produits de santé, Direction Générale de la Santé Philippe MAUGENDRE - Responsable de l'unité méthodologie et études post inscription, Haute Autorité de Santé Bernard TEISSEIRE - Vice-président, CEPS Modérateur : Gilles BOUVENOT - Membre du Collège, Haute Autorité de Santé Les études post-inscription des médicaments, menées en situation réelle d’utilisation, sont destinées à compléter les données obtenues lors de la primo évaluation, nécessaire pour l’inscription sur la liste des médicaments remboursables. Les études post-inscription sont réalisées principalement à la demande de la Commission de la Transparence (CT) de la HAS. Ces études sont de la responsabilité du laboratoire pharmaceutique commercialisant le médicament. Un suivi et une évaluation des méthodologies de ces études sont effectués par la HAS avec l’aide d’un groupe de travail de la CT (groupe Intérêt de Santé Publique - ISP). Parallèlement, il existe un comité de liaison qui permet de mutualiser les demandes des différentes institutions (AFSSAPS, HAS, Ministère, CEPS…) de manière à permettre, le cas échant, la réalisation d’une seule étude. Cette table ronde propose de faire un premier bilan des études post-inscription des médicaments et d’envisager, avec les différentes parties prenantes, les évolutions souhaitées. État des lieux des demandes d’études post-inscription Procédure Lorsqu’un laboratoire souhaite que son médicament soit remboursable, il dépose un dossier à la CT (Commission de la Transparence) de la HAS qui évaluera le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) du produit. L’avis de la CT est ensuite transmis au CEPS (Comité Économique des Produits de Santé) qui fixera le prix du médicament. La décision du Ministre de la Santé, par l’intermédiaire de la DGS (Direction Générale de la Santé), permettra d’inscrire le produit sur la liste des médicaments remboursables. Lors de l’évaluation par la CT, celle-ci peut être amenée à demander une étude postinscription pour éclairer ses avis, dans le cadre du renouvellement de l’inscription du médicament ou d’une réévaluation anticipée. L’objectif des études post-inscription est de documenter, en condition réelle d’utilisation, tout ou partie des éléments suivants : Table ronde 21 - Études post-inscription des médicaments : quel bilan, quelle évolution ? 1 conditions de mise sous traitement, population traitée, durée de traitement, observance, bénéfices des traitements, impact du traitement sur les stratégies thérapeutiques, l’organisation des soins... Le suivi des demandes d’étude et leur mise en place sont effectués par la HAS qui joue ainsi le rôle de « guichet unique ». Il revient au laboratoire, en charge de réaliser et de financer l’étude post-inscription demandée, de constituer un comité scientifique qui sera responsable du protocole et du déroulement de l’étude. La composition du comité scientifique et le protocole envisagé sont soumis à l’approbation de la CT par l’intermédiaire de son groupe de travail « Intérêt de Santé Publique » (ISP). La durée de l’étude est variable, de plusieurs mois à plusieurs années selon le cas. Les résultats de l’étude, analysés par le comité scientifique, seront transmis à la CT et examinés par le groupe ISP. Une synthèse des résultats est ensuite portée à la connaissance de la CT qui l’intégrera à son avis et en tirera les conclusions nécessaires. Éléments de bilan En août 2008, 134 demandes d’études post-inscription, concernant 105 spécialités différentes, ont été enregistrées ; 49 laboratoires ont été impliqués dans ces études. La majeure partie des études concerne les conditions de prescription et d’utilisation, ainsi que le bénéfice pour le patient, mais elles peuvent également analyser la tolérance du produit ou bien l’impact sur le système de soins. 85 % des dossiers sont en cours d’étude et 15 % sont en attente d’un protocole. Pour 28 % des études, des résultats intermédiaires ou définitifs ont été déposés à la Commission de la Transparence ; 36 % des études sont en cours de réalisation ou sur le point de débuter. En septembre 2008, 15 rapports de résultats avaient été intégrés dans les avis de la Commission de la Transparence à l’occasion d’une réévaluation anticipée ou du renouvellement quinquennal du médicament. Dans 9 cas, les résultats étaient en accord avec les données attendues ; dans 3 cas les résultats ont participé à une réévaluation du SMR ou de l’ASMR à la baisse. Dans les autres cas les données étaient non concluantes. L’importance des études post-inscription La Direction Générale de la Santé (DGS) a souligné l’importance de ces études postinscription. II est essentiel de pouvoir disposer de données sur les médicaments en vie réelle, surtout en ce qui concerne les médicaments innovants. L’évaluation des avantages et des risques liés aux médicaments répond aux préoccupations majeures de santé publique. La DGS souhaite que ces études soient réalisées dans les meilleures conditions et qu’elles apportent des données les plus complètes possible. L’exploitation des résultats des études post-inscription par le CEPS Actuellement, l’intérêt thérapeutique de la prise en charge d’un médicament est évalué par la Commission de la Transparence. Cependant, le risque économique doit également être évalué, notamment pour les produits d’innovation. Il est important pour le CEPS de connaître les conditions d’utilisation des médicaments dont il a fixé le prix. Certains engagements (posologie, volumes) accompagnent les produits d’innovation. En cas de dérives, l’environnement économique n’est plus respecté. Le 25 septembre 2008, en complément des accords de 2003 et de 2007, le CEPS a signé avec l’industrie pharmaceutique un nouvel accord-cadre qui fixe les règles des études postinscription : désormais, elles doivent respecter les bonnes pratiques d’épidémiologie. En Table ronde 21 - Études post-inscription des médicaments : quel bilan, quelle évolution ? 2 outre, le comité part du principe que le laboratoire a la pleine responsabilité de son étude post-inscription et qu’il est responsable de la mise en œuvre effective de celle-ci. Les laboratoires sont parfois confrontés à un coût important de réalisation de l’étude. Si ce coût est trop important par rapport au chiffre d’affaires que générera le produit, le comité économique peut l’atténuer par le système des remises de fin d’année. Si la Commission de la Transparence constate que les conditions d’inscription du produit ne sont plus respectées, que la population-cible est différente de celle prévue ou que l’apport du médicament n’est pas celui qui a été attendu, l’environnement économique du produit en sera affecté et pourrait induire la baisse du prix du produit concerné. Si l’étude n’est pas réalisée par le laboratoire, le comité peut être amené à dénoncer la convention, mesure qui pourrait être financièrement préjudiciable pour le laboratoire. Les études post-inscription permettent également de mettre en place une gestion dynamique de certains produits en faisant entrer sur le marché, à un prix demandé par le laboratoire, des produits présentant un niveau d’ASMR faible, mais pour lesquels les données existantes laissent supposer un progrès thérapeutique, qui, néanmoins, reste à prouver. Les études post-inscription et méthodologie Les essais randomisés ont représenté une réelle révolution. La physiopathologie et les études cliniques ont des limites (problèmes de transposabilité) mais leur poids symbolique, extrêmement fort dans le monde biomédical, est justifié. En effet, l’essai randomisé résiste beaucoup mieux au conflit d’intérêt que les études épidémiologiques. Cependant durant les dix dernières années, les développements méthodologiques considérables accomplis dans la caractérisation des études épidémiologiques, font que leur niveau d’information est comparable à celui obtenu à partir des essais randomisés. L’outil épidémiologique s’avère donc extrêmement efficace, mais génère un degré de complexité qui rend parfois difficile l’élaboration du protocole. Actuellement, cet outil est déjà utilisé, mais des efforts doivent être accomplis : par les autorités (meilleur ciblage des objectifs des études épidémiologiques nécessaires), par les laboratoires (amélioration de la qualité des protocoles, publication de résultats dans des revues à comité de lecture) et par les caisses (amélioration de la disponibilité des données des caisses pour les institutionnels et les firmes pharmaceutiques). Le point de vue d’un industriel Les objectifs des études, inscrits dans l’avis de la Commission de la Transparence, peuvent parfois ne pas être totalement explicites et rendent difficile leur transcription de manière efficiente dans un protocole d’étude. Il serait donc utile qu’une annexe soit ajoutée à l’avis de la Commission qui permettrait de mieux motiver la demande d’étude post-inscription. Se pose également la question de l’harmonisation internationale des études post-inscription. La multiplication des demandes sur le même produit par différents pays ne permet pas toujours d’optimiser les différentes actions (différences méthodologiques, objectifs singuliers...). Les maisons-mères des laboratoires pharmaceutiques, souvent implantées à l’étranger, ont une compréhension partielle de la pertinence de ces demandes d’études. Une communication claire sur le type de produits pour lequel une étude post-inscription sera demandée serait extrêmement positive. Dans ce contexte, il serait utile que les annexes motivant la demande d’étude post-inscription soient traduites en anglais. Table ronde 21 - Études post-inscription des médicaments : quel bilan, quelle évolution ? 3 Les critères d’utilisation des études de post-inscription doivent êtres transparents et reconnus internationalement. Un travail collectif doit donc être mené pour continuer à améliorer la réalisation des études et leur utilisation par les différentes institutions. Par ailleurs, les difficultés de recrutement des médecins investigateurs, qui peuvent s’expliquer par le manque de formation de ces derniers, ralentissent souvent les études. Une expérience pilote a été menée dernièrement lors du recrutement d’investigateurs pour une étude. L’explication des différences entre une étude pharmaco-épidémiologique et une étude randomisée a été appuyée dans un document spécifique. Le taux de réponse a été de 10 % supérieur au taux habituel. Le laboratoire peut mener des actions, mais l’amélioration de la formation des médecins dans ce domaine relève de la responsabilité des différentes parties prenantes. Table ronde 21 - Études post-inscription des médicaments : quel bilan, quelle évolution ? 4