
Travail décent, sécurité alimentaire et résilience
des moyens de subsistance en milieu rural
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1. Logique et justification
Avec 795 millions de personnes souffrant de faim chronique
dans le monde et quelque deux milliards souffrant de
carence en micronutriments (malnutrition cachée), l’insécurité
alimentaire demeure l’un des problèmes les plus urgents
de notre époque1.
L’augmentation considérable des prix alimentaires entre
2006 et 20082 et la récession économique qui a suivi pèsent
lourdement sur de nombreux ménages pauvres du monde
entier et nuisent à leur emploi et à leurs revenus, dont une
bonne partie est souvent consacrée à la nourriture. L’instabilité
des prix alimentaires a un impact plus marqué dans les pays
à faible revenu qui ne disposent que de maigres réserves
alimentaires et où, en 2007 et 2008, la hausse des prix
alimentaires aurait, selon les estimations, entraîné 105
millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté,
qui est xé à 1,25 dollars E.-U3. L’analyse de l’OIT conrme
les effets négatifs de la pauvreté associés à une augmentation
des prix alimentaires et montre qu’un nouvel accroissement
de 30 pour cent des denrées alimentaires pourrait majorer les
taux de pauvreté de trois pour cent dans les pays souffrant
de pénurie alimentaire chronique, comme le Bangladesh
ou le Malawi. Pour maintenir leur niveau de vie, il faudrait
que les travailleurs mal rémunérés de ces pays puissent
trouver l’équivalent d’une semaine d’emploi supplémentaire
chaque mois4. En revanche, les bénéces découlant de
l’augmentation des prix des produits alimentaires protent
1 Fonds international de développement agricole (FIDA), Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO) et Programme alimentaire mondial des Nations Unies
(PAM): L’Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde 2015: Objectifs internationaux 2015
de réduction de la faim: des progrès inégaux (Rome, 2015); IFPRI: Global Hunger Index: The
Challenge of Hidden Hunger, (Washington, DC, 2014).
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Au cours de la période allant de septembre 2006 à juin 2008, les prix internationaux des denrées
alimentaires ont quasiment doublé. L’indice des prix des principaux aliments a augmenté de
78 pour cent, et celui des céréales et des huiles alimentaires a plus que doublé, FIDA: Rapport
sur la pauvreté rurale 2011, Rome, 2010.
3 Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et Banque mondiale:
Rapport de suivi mondial 2012: prix alimentaires, nutrition et objectifs de développement pour
le Millénaire (Washington, DC, 2012).
4 BIT: «Investing in food security as a driver of better jobs», dans IIES: Rapport sur le travail dans
le monde 2011: Des marchés au service de l’emploi (Genève, Institut international d’études
sociales, 2011), p. 76.
à peine aux petits exploitants et producteurs agricoles, et ce
sont essentiellement les groupes à revenus élevés, notamment
les intermédiaires et les opérateurs sur les marchés nanciers,
qui en tirent prot. En outre, l’instabilité des prix dissuade
les petits producteurs agricoles de faire des investissements
qui pourraient accroître leur productivité et leur rendement,
ce qui porte préjudice à la production et aux possibilités de
travail décent5.
Il existe des liens de causalité entre, d’une part, la sécurité
alimentaire et, d’autre part, la croissance économique et
l’emploi. Ces liens sont bidirectionnels et se renforcent
mutuellement6. Les effets négatifs de la malnutrition sur le
capital humain, la productivité et la croissance sont de plus
en plus connus. Des travailleurs mal alimentés peuvent coûter
aux pays jusqu’à 20 pour cent en perte de productivité, que ce
soit à cause de la dénutrition ou de l’excès de poids et de
l’obésité, éau qui touche un grand nombre de personnes,
en particulier dans les économies industrialisées, mais aussi
dans certains pays en développement7. Une étude visant à
estimer l’impact économique de la sous-nutrition chez l’enfant
dans un certain nombre de pays d’Afrique montre que les
coûts en termes de santé, d’éducation et de productivité
s’élèvent à 3,7 milliards de dollars E.-U. en Egypte (l’équivalent
de 1,9 pour cent du PIB) et à 4,7 milliards de dollars E.-U.
en Ethiopie (16,5 pour cent du PIB)8.
5 Ibid.
6 FAO et Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et al.: Review of
Opportunities for Economic Growth and Job Creation in relation to Food Security and Nutrition:
Report to the G20 Development Working Group, (septembre 2014), pp. 4-5. La préparation du
rapport a été menée par la FAO et l’OCDE, avec des contributions du BIT, du FIDA, du Groupe
de la Banque mondiale, etc.
7 C. Wanjek: Food at Work: Workplace solutions for malnutrition, obesity and chronic diseases
(Genève, BIT, 2005).
8 Commission de l’Union africaine et al.: Le coût de la faim en Afrique: l’incidence sociale et
économique de la sous-nutrition chez l’enfant en Egypte, en Ethiopie, au Swaziland et en
Ouganda, Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA-ONU) (Addis-Abeba, 2014), p.
5. Il a également été prouvé que l’anémie chez l’enfant est associée à une baisse de 2,5 pour
cent des salaires chez l’adulte. S. Horton et J. Ross: “The Economics of Iron Deciency”, dans
Food Policy, 28 (2003), pp. 51-75.