Études Économiques Groupe
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N°16/283 26 octobre 2016
CHINE Conjoncture
Stable sur sable
La croissance s’est établie à 6,7% sur un an
au troisième trimestre, comme aux deux
trimestres précédents. Pékin est en passe
d’atteindre son objectif de croissance pour
2016.
Pas de quoi s’enthousiasmer, néanmoins.
Les sous-jacents de cette performance
révèlent des fragilités. En particulier, le
policy-mix expansionniste, que les diri-
geants chinois ont certes encore la
possibili de prolonger, comporte de plus
en plus de risques. D’autant que les
réformes économiques menées en parallèle
avancent (trop) lentement.
Plus l’ajustement tarde et plus l’économie
chinoise est susceptible d’endurer de la
volatilité éventuellement forte. Cette pers-
pective et les incertitudes qui l’accompa-
gnent expliquent, d’ailleurs, la persistance
de sorties capitaux importantes.
Stable
Le PIB a progressé de 6,7% sur un an au troisième
trimestre, comme aux deux trimestres précédents.
Le calcul de la croissance depuis le début de
l’année est simple. Pour rappel, elle s’est élevée à
6,9% sur l’ensemble de l’année 2015.
Par ailleurs, la production industrielle a augmenté
de 6,1% sur un an en septembre. C’est 0,2 point
de pourcentage de moins qu’en août. Les ventes
au détail, au contraire, ont progressé légèrement
plus vite, de 10,7% toujours sur un an au lieu de
10,6% le mois précédent. Tout comme l’inves-
tissement qui s’est inscrit en hausse de 8,2% en
septembre, au lieu de 8,1% en août.
Du côté de l’immobilier, l’investissement s’est
également affiché en mieux. Il a augmenté de
5,8% le mois dernier, contre 5,4% celui d’avant.
Les ventes, elles, ont crû de 27,1% après avoir
progressé de 25,6% en août. Les nouvelles mises
en chantier, en revanche, ont progressé presque
moitié moins vite en septembre que le mois
précédent, de 6,7% sur un an au lieu de 11,7%.
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oct.-11 oct.-12 oct.-13 oct.-14 oct.-15 oct.-16
Chine : activité
ventes de biens de consommation (nom, a/a, %)
production industrielle (vol, a/a, %)
investissement urbain (cumul, nom, a/a, %)
Source : NBSSource : NBS
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oct.-11 oct.-12 oct.-13 oct.-14 oct.-15 oct.-16
Chine : immobilier résidentiel
investissement (CNY courant, cumul, a/a, %)
superficies vendues (m², cumul, a/a, %)
nouvelles constructions (m², cumul, a/a, %)
prix (moy. 18 premières villes, a/a, %)
Source : NBS
Chine Conjoncture : Stable sur sable
N° 16/283 26 octobre 2016
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Expansionnisme…
Les marchés avaient anticipé une certaine stabilité
de l’activité durant l’été. Celle-ci est au rendez-
vous, et ceux-d’avoir plutôt bien réagi. Il ne fait
plus guère de doute à présent que Pékin va
atteindre son objectif de croissance pour 2016,
entre 6,5% et 7%.
L’horizon n’est pas pour autant dégagé. On peut
s'interroger, voire s'inquiéter. Et il ne s'agit pas de
parler des incohérences des chiffres chinois. Mais
des sous-jacents à la performance de croissance,
plutôt satisfaisante, des trois à six derniers mois.
Celle-ci repose en grande partie sur une politique
budgétaire expansionniste, axée notamment sur
les dépenses à caractère social et surtout sur les
investissements d'infrastructures, et sur une
politique monétaire accommodante.
Ainsi, le déficit budgétaire s’est établi à 2,7% du
PIB durant les neuf premiers mois de 2016. C’est
plus du double de l’an passé à cette même
période. L’objectif officiel initial de 3% du PIB sur
l’ensemble de l’année risque d’être largement
dépassé. 4% à 5% du PIB paraît à présent plus
plausible ; sachant qu’historiquement, le déficit
tend à se creuser nettement au dernier trimestre.
Les largesses monétaires, elles, ont permis le net
rebond de l’investissement des entreprises
publiques (SOE) et la rapide expansion des crédits
hypothécaires et, par là même, des ventes dans
l’immobilier résidentiel.
Et déséquilibres
Une question se pose : au-delà de limpact de
court terme, évident à s’en tenir aux chiffres
officiels, cette politique est-elle à même de contrer
durablement les forces qui tirent l’activité
économique chinoise vers le bas ? On peut en
douter et se demander si elle n’entretient pas au
contraire les séquilibres existants, voire en
nourrit de nouveaux.
Ce qui se passe dans l’immobilier est de ce point
de vue assez frappant. Le boom des derniers mois
a constitué le moteur sectoriel essentiel de la
croissance, mais à l’excès (au regard de l’évolution
des prix), jusqu’à obliger au cours des dernières
semaines les municipalités et les instances locales
à multiplier les mesures pour calmer le segment
résidentiel (comme augmenter le montant mini-
mum d'apport personnel pour l’acquisition d’un
appartement). Bien que repartie à la hausse en
septembre, la dynamique des ventes pourrait
reprendre rapidement sa trajectoire descendante
et ajouter aux pressions baissières sur l’activité
économique d’ensemble.
Et c’est sans rappeler que cette politique alimente
également la dette domestique, déjà très lourde et
de plus en plus compliquée à soutenir. À environ
210% du PIB hors dette du gouvernement central,
elle s’élèverait à plus de 250% du PIB en incluant
celle-ci et la part estimée du shadow banking non
capté par les statistiques officielles.
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oct.-11 oct.-12 oct.-13 oct.-14 oct.-15 oct.-16
Chine : investissement
privé gvt. central
gvt. locaux soe
Source: NBS
cumul janv., nom., a/a, %
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oct.-11 oct.-12 oct.-13 oct.-14 oct.-15 oct.-16
Chine : budget
solde budgétaire (cumul 12 mois, mds cny)
revenus des taxes (a/a, %)
dépenses sécurité sociale et emploi (a/a, %)
sources : nationalessources : nationales
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oct.-11 oct.-12 oct.-13 oct.-14 oct.-15 oct.-16
Chine : crédits hypothécaires
% des nouveaux crédits a/a, %
Source : PBoC
Chine Conjoncture : Stable sur sable
N° 16/283 26 octobre 2016
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Certes, on pourra arguer que Pékin s’est fixé 6,5%
de croissance minimale (en moyenne) d’ici 2020,
n’en démordra pas et dispose d’encore de pas mal
de moyens pour y parvenir. Sa marge de ma-
nœuvre tend néanmoins à se réduire. Il y a
l’endettement domestique évoqué à l’instant. Mais
aussi la complexité accrue de l’environnement
économique, ces réalités différentes d’une région à
l’autre, d’un secteur à l’autre, qui compliquent le
pilotage de l’économie et posent de façon aiguë la
question de l’efficacité du policy-mix chinois.
Certes, on pourra également dire que des
réformes sont menées en parallèle. Mais à l’instar
du programme présenté début octobre par le
Conseil d’État pour contenir l’endettement des
entreprises (dans lequel cinq pistes sont plus
particulièrement évoquées : fusions et acquisitions,
ajustement des bilans des entreprises par elles-
mêmes, échange de dette contre actions, finan-
cement par actions, faillites et liquidations), elles
ne sont pas toujours la panacée sur le papier.
Léchange de dette contre actions est par exemple
susceptible d’altérer les ratios de capitalisation et
de profitabilité des banques. Surtout, la question
de lapplication des réformes se pose systéma-
tiquement. On pense cette fois-ci aux faillites, leurs
répercussions sur l’emploi et, du coup, la difficile
tâche pour Pékin d’aller jusqu’au bout de cette
idée.
Le fait est que deux des enjeux clés derrière les
réformes sont l’amélioration de l’efficacité des
entreprises publiques comme privées et le
deleveraging de l’économie. Ce n’est pour le
moment pas visible, ni dans les chiffres, ni ailleurs.
Et plus cela tarde à l’être, plus il y a des raisons de
craindre un ajustement ultérieur plus coûteux et de
la volatilité, sur les variables économiques et
financières, éventuellement forte.
Des sorties de capitaux encore
importantes
C’est sans doute cela d’ailleurs qui sous-tend pour
une part les mouvements observés sur la partie
basse de la balance des paiements ces derniers
mois. Le fait est que les serves de change ont
baissé de 19 Mds USD en septembre. Ce qui porte
leur diminution totale à 39 Mds USD au troisième
trimestre. Alors que l’excédent commercial s’est
élevé à près de 145 Mds USD durant cette période
et que le surplus courant pourrait, de ce fait, s’être
stabilisé aux alentours de son niveau du trimestre
précédent, à savoir 65 Mds USD. Cela laisse
inévitablement entrevoir des sorties de capitaux
durant l'été. Sans prendre en considération l'effet
change sur la valorisation des actifs en devises,
vraisemblablement d'au moins 100 Mds USD.
C'est certes moins que les 226 Mds USD enre-
gistrés à cette même époque l’an pas, mais c'est
plus que les presque 80 Mds USD du deuxième
trimestre, et cela reste substantiel.
Qu’y-a-t-il derrière ? À la fois plus d'IDE chinois à
l'étranger et moins d'IDE étrangers en Chine. Ce
n'est pas complètement gatif. Les entreprises
chinoises s'internationalisent, vont chercher de
nouveaux marchés, de la compétitivité, du savoir-
faire et de la technologie à l'étranger. Elles
s'adaptent et adoptent une attitude active face aux
contraintes de l'environnement économique.
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Q3 2006 Q3 2008 Q3 2010 Q3 2012 Q3 2014 Q3 2016
Chine : dette domestique
crédit obligations shadow banking "officiel"
Source : PBoC
% du PIB
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mds USD
Chine : flux de capitaux et réserves
réserves (dr.) flux nets de capitaux
Source : IIF, PBoC
Chine Conjoncture : Stable sur sable
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Mais il y a aussi la recherche de rendement et de
diversification des placements pour l’épargne
chinoise, massive, et la « fuite » face à une
gamme restreinte d’actifs et sur lesquels il y a un
manque de visibilité. C’est plus ennuyeux. La
question de la confiance est plus ou moins
explicitement soulevée. Dans l’évolution du yuan à
court et moyen terme, dans la trajectoire de
croissance au même horizon, et dans la transition
et la capacité de Pékin à rééquilibrer l’économie
sans heurts.
L’une comme l’autre, ces forces pourraient durer
encore quelque temps, et continuer à peser sur
les réserves de change, le yuan et la régle-
mentation encadrant les flux de capitaux.
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