DISCUSSION
LamesuredelaT°estuneprocédureréaliséedefaçon
pluriquotidienne en réanimation. Sa fiabilitéest
essentiellecaruneT°anormaleconditionne biensou-
vent la mise en route de bilan recherchant une patho-
logie infectieuse, avec des examens parfois invasifs
ou nécessitant le déplacement du patient hors de
l’unitéde réanimation. Il est donc essentiel de dis-
poser d’une mesure fiable. Cette fiabilitérepose àla
fois sur sa reproductibilitéet sur sa validité. La repro-
ductibilitéévalue la précision intrinsèque de la tech-
nique en regardant si deux mesures successives de la
température donnent effectivement des valeurs très
proches. L’étude de validitécherche àsavoir si la T°
donnée par l’appareil est correcte en comparaison à
une mesure de référence censée mesurer la «vraie »
température (par exemple la thermistance du cathé-
ter artériel pulmonaire ou d’une sonde urinaire). La
validitéde la mesure de la T°par TTI a étéévaluée
dans plusieurs études avec des résultats variables [4-
8]. Dans une comparaison du TTI avec la thermis-
tance du cathéter artériel pulmonaire, les auteurs
montrent que la différence entre les deux mesures est
supérieure à0,5 °C dans près de 25 % des cas [5].
En revanche, la comparaison d’un TTI avec un ther-
mocoupleauriculaireen contactavecletympan mon-
tre l’absence de biais et une précision satisfaisante,
quoique moins bonne pour détecter les hypothermies
inférieures à36 °C [7].
Nous n’avons pas pu trouver d’études de reproduc-
tibilitéchez l’adulte, méthodologiquement correcte
dans la littérature référencée sur la base de donnée
Medline [4-6]. Le traitement statistique des données
est souvent imparfait car le calcul de coefficients de
corrélations de Pearson ne peut remplacer les limites
de concordances fournies par la méthode de Bland et
Altman [9]. La prise en compte de la corrélation
entre les mesures d’un même patient par
ré-échantillonnage n’est jamais effectuée [4, 5].
Une étude de reproductibilitéapporte une informa-
tion sur la précision intrinsèque de la technique de
mesure.Elle permet également de répondre àla ques-
tion : «la mesure que je viens d’effectuer chez mon
patient est-elle réellement différente de celle que
j’avais effectuée précédemment ? »ou en d’autres
termes de se faire une idée de la plus petite diffé-
rence significative sur le plan clinique. On peut par
exemplepenserd’aprèsnosrésultatsqu’uneaugmen-
tation de température de 37,8 °Cà38,3 °C (soit
0,5 °C), quand bien même elle franchit la barre fati-
dique des 38 °Cdéfinissant la fièvre, ne constitue pas
forcément une différence significative sur le plan cli-
nique puisqu’elle est inférieure à1°C (qui est la
limite d’agrément supérieure). Dans notre étude de
reproductibilité, les biais sont quasiment nuls et les
limites d’agrément sont donc symétriques autour de
la moyenne. Ceci est, en théorie, attendu dans une
mesure de reproductibilitéet prouve que les condi-
tions des trois mesures ne diffèrent pas. Les limites
d’agrément montrent que la différence entre les
mesures des deux oreilles dépasse 1 °C dans 5 % des
cas, et que la différence entre deux mesures succes-
sives dans l’oreille droite dépasse 0,7 °C dans 5 %
des cas. L’observation des nuages de points montre
que la précision est moins bonne pour les valeurs de
température comprises entre 36 et 37 °C. La préci-
sion semble en revanche correcte au dessus de 37 °C,
ce qui est conforme àune autre étude sur une petite
série d’enfants fébriles [10]. Ceci est important car
les problèmes diagnostiques et thérapeutiques sont
bien plus souvent liésàune hyperthermie qu’à une
hypothermie. Le très faible nombre de valeurs de
température inférieure à36 °C dans notre étude nous
empêche d’apporter une information sur la précision
de la mesure en cas d’hypothermie vraie.
La technique de ré-échantillonnage tenant compte
de la corrélation des mesures réalisées chez un même
sujet ne modifie quasiment pas les résultats par rap-
port au calcul ne tenant pas compte de cette corréla-
tion (résultats non présentés). Ceci suggère que les
erreurs de mesures (fluctuations aléatoires) ne sont
pas sujet-dépendantes, qu’ilyalamême impréci-
sion dans la mesure quand on considère deux sujets
différents ou deux mesures réalisées chez un même
sujet àquelques heures d’intervalle. Il n’y a donc pas
«d’effet sujet ».
La reproductibilitéest meilleure pour deux mesu-
res successives dans une même oreille que pour des
mesures entre les deux oreilles. Il y a donc un effet
«oreille »qui s’ajoute àl’erreur de mesure, ce qui
conduit donc àconseiller de prendre la température
systématiquement dans la même oreille pour un
patientdonné. Dans le cas de la reproductibilitéintra-
oreille, les deux mesures étaient effectuées àenviron
30 secondes d’intervalle. L’absence de biais montre
que le refroidissement du tympan créé par l’intro-
duction du TTI dans le conduit auditif externe lors
de la première mesure est négligeable. Si l’on trouve
836 L.M. Joly et al.