Le Rapport Vol. 6 Numéro 2 Août 2011 Sujets « chauds » en médecine transfusionnelle Le printemps a été très occupé dans le milieu ontarien de la médecine transfusionnelle en raison de diverses occasions de perfectionnement professionnel. Le 6e symposium annuel par vidéoconférence en médecine transfusionnelle pour les régions du Nord et de l’Est s’est tenu en avril. La rencontre a été suivie en mai de la Conférence scientifique annuelle conjointe de la SCS/Héma-Québec/SCMT, puis de la Massive Transfusion Consensus Conference (MTCC) qui a eu lieu en juin. Ce numéro d’été du Rapport RRoCS portera sur les dossiers « chauds » en médecine transfusionnelle, notamment l’interprétation de la « règle des 30 minutes », un code de gestion des transfusions massives (TM), l’âge du sang et un bref résumé de la réunion consensuelle sur la TM. Le RRoCS continue à fournir des ressources aux hôpitaux ontariens. Voici nos dernières publications : • Application Web pour les appareils mobiles des lignes directrices relatives à l’IgIV et de la calculatrice de dose • Bloody Easy 3 (version française en septembre 2011) • Rapport de l’audit provincial de 2011 sur les pratiques au chevet du patient (en anglais) Prochaines parutions : • Version électronique de Bloody Easy 3 • Suivi en ligne à chaque endroit pour Sang difficulté – Guide destiné au personnel infirmier Dans ce NUMÉRO Sujets « chauds » en médecine transfusionnelle..................................1 Comment interprétons-nous la « règle des 30 minutes »?..................1 Le « code oméga », réponse à un besoin de transfusion massive...........2 L’âge des globules rouges a-t-il vraiment de l’importance?..................3 Résumé de la conférence de consensus canadienne sur la transfusion massive (MTCC) .............4 Activités éducatives à venir................4 Comment interprétons-nous la « règle des 30 minutes »? par Yulia Lin 1, Marianne Lavoie 2 1 Centre des sciences de la santé de Sunnybrook, Toronto et 2Hôtel-Dieu de Québec, Université Laval Combien de temps une unité de globules rouges peut-elle rester à l’extérieur d’un réfrigérateur de la Banque de sang avant que sa qualité soit affectée? Il s’agit d’une question que tous les intervenants des banques de sang se sont posée (parfois avec un sentiment de frustration). Au paragraphe 10.10.5 de la norme CSA Z902-10, on peut lire [traduction libre] : « tout composant sanguin retourné au service transfusionnel ne pourra être remis en circulation à moins qu’un système fiable de suivi de la température indique que le sang ou composant sanguin n’a pas atteint une température inacceptable depuis sa mise en circulation ou, en l’absence d’un système de suivi de la température, que le composant sanguin n’a pas été à l’extérieur d’un milieu contrôlé pendant plus de 30 minutes (chaque fois et non cumulativement) ». Le paragraphe 9.5.2.2 de la norme CSA précise qu’un « composant sanguin peut être transporté dans un système validé qui gardera la température du milieu entre 1 et 10 °C ». La « règle des 30 minutes » et le seuil des 10 °C sont les critères auxquels se fient depuis longtemps les banques de sang pour déterminer la pertinence de remettre en circulation des produits, cherchant ainsi à réduire le risque de croissance bactérienne dans toute unité contaminée. Il existe cependant peu de données à l’appui de la règle des 30 minutes ou d’une définition de ce qui constitue une température de stockage convenable pour éviter une croissance bactérienne excessive. Comment interprétons-nous la « règle des 30 minutes »? suite Quelle est donc la situation courante? Le sondage que nous avons mené dans 151 services transfusionnels d’hôpitaux 4% ontariens visait à cerner comment les établissements interprètent ces normes, comme ils mesurent la température 13% 25%des globules rouges et à estimer combien de sang est rejeté en raison de cette norme. Nous avons reçu 110 réponses (taux de réponse de 73 %). Quarante-quatre pour cent des répondants étaient de petits hôpitaux (moins de 100 lits), 38 % étaient des hôpitaux communautaires et 18 % étaient des centres hospitaliers universitaires. La Figure 1 illustre les diverses interprétations du paragraphe 10.10.5 de la norme CSA. La Figure 2 illustre les différents moyens utilisés par les services transfusionnels ontariens pour prendre la température des unités de GR. Trente-trois hôpitaux ont mentionné des 13% nombres précis d’unités de GR rejetées parce qu’elles déviaient de cette norme, ce qui correspond à un rejet d’au moins 45% 457 unités de GR en Ontario en 2009. Étant donné les répercussions de cette norme, la prochaine étape serait l’élaboration d’une banque de Toute ude nité dparticiper e GR retournée à à la Banque de sang plus de 30 minutes après sa mise en circulation est rejetée, peu les importe sa température données pour déterminer le délai et la fourchette de températures acceptables pour unités de GR séjournant à l’extérieur d’une banque de sang. La Dre Sandra Ramirez-Arcos de laToute Société canadienne du sang dirige en ce moment unité de GR retournée à la Banque de Sang à une température supérieure à une étude portant sur les changements constatés dans les unités de10.degrés GR après séjour àptempérature Celsius eun st rejetée, peu iprolongé mporte le temps assé ailleurs qu'à la Banque de sang ambiante (plus de 30 minutes) et après des expositions répétées à des températures ambiantes pour évaluer la Toute unité de GR retournée à la Banque de sang plus de 30 minutes après sa mise en croissance bactérienne et divers paramètres de qualité des GR. Cette étude noussupérieure donnerà 1une idée de précision circulation OU devrait à une température 0 degrés Celsius est la rejetée réelle de la règle des 30 minutes et des températures qui pourraient Toute êtreunité acceptables. Que pouvons-nous faire en retournée à la Banque de sang est rejetée, peu importe sa température ou le attendant ces résultats? Nous rappeler que 30 minutes passent très temps vite pet éviter de GR émises en assé ailleurs qles u'à la retours Banque de sd’unités ang nous assurant que le patient est prêt à recevoir la transfusion – ordonnance de transfusion correcte, formulaire de Autre consentement signé et ligne intraveineuse fonctionnelle. 13% 4% 25% 9% 9% 3% 29% 31% 19% Aucune mesure de la température des unités de GR 13% Tempcheck 45% Thermomètre infrarouge Toute unité de GR retournée à la Banque de sang plus de 30 minutes après sa mise en circulation est rejetée, peu importe sa température Étiquette thermosensible Toute unité de GR retournée à la Banque de Sang à une température supérieure à 10.degrés Celsius est rejetée, peu importe le temps passé ailleurs qu'à la Banque de sang Thermomètre étalonné Autre Toute unité de GR retournée à la Banque de sang plus de 30 minutes après sa mise en circulation OU à une température supérieure à 10 degrés Celsius est rejetée Toute unité retournée à la Banque de sang est rejetée, peu importe sa température ou le temps passé ailleurs qu'à la Banque de sang Autre Le « code oméga »,9% réponse à un besoin de transfusion massive 3% 29% coordonnée de divers professionnels travaillant en équipe. Le Centre des sciences de la santé Le code oméga comporte trois 31% 19% Sunnybrook comprend une unité étapes : mise en place, Aucune mesure de la température des unités de GR régionale de gestion des traumas et déroulement et conclusion. Pendant Tempcheck un centre de grossesses à risque. la mise en place, le code est lancé Thermomètre infrarouge Ces endroits accueillent tous deux par un médecin du personnel afin Étiquette thermosensible des patients qui pourraient avoir de mobiliser la Banque de sang, le besoin sans préavis d’uneétalonné laboratoire de pathologie clinique et Thermomètre transfusion massive. C’est pourquoi les ressources pertinentes. Autre le « code oméga » a été élaboré L’infirmière en chef met en branle la afin de faciliter une réponse 9% par Lisa Merkley, Centre des sciences de la santé Sunnybrook 2 stratégie de communication : elle communique avec la Banque de sang et le laboratoire, elle avise le service de localisation (qui envoie une feuille à une liste prédéterminée de destinataires) et la Sécurité (qui lance un appel de code dans les haut-parleurs). Le Service de transport est aussi averti, et un préposé au transport spécifique est affecté à la livraison Le « code oméga », réponse à un besoin de transfusion massive suite des échantillons et des produits. La principale tâche de la Banque de sang à cette étape est de préparer le premier envoi comprenant 4 unités de globules rouges concentrés, 4 unités de PF et 1 mélange de plaquettes en y ajoutant, s’il s’agit d’une hémorragie obstétrique, 1 mélange (10 unités) de cryoprécipité. À l’étape du déroulement, l’équipe médicale, suivant les résultats de laboratoire, s’efforce de maintenir les paramètres physiologiques du sang (Hgb > 70 g/L, plaquettes > 50x109/L, RIN < 2, fib > 1g/L,CA ionisé > 1,5 mmol/L, lactate < 2mmol/L, déficit < 3 mmol/L et temp>36o C). Pendant cette étape, la Banque de sang prépare proactivement le prochain envoi et cette démarche se poursuit jusqu’à l’étape de la conclusion (hémorragie maîtrisée et traitement à base de composants sanguins maintenant inutile). La mobilisation des ressources et l’efficacité des communications sont des éléments clés de réussite, comme l’a démontré un récent code oméga obstétrique. La livraison de produits aux 28 minutes environ pour un total de 7 envois a donné des résultats positifs pour la patiente. On peut tirer des leçons de chaque situation. C’est pourquoi, après la mise en œuvre d’un protocole de transfusion massive, il est essentiel de revoir chaque cas avec les membres de l’équipe qui y a participé. Toute lacune dans le processus pourra alors être identifiée, et des mesures d’amélioration pourront être mises en place pour que le prochain code se déroule aussi bien ou même mieux que le précédent. L’âge des globules rouges a-t-il vraiment de l’importance? par Alan Tinmouth1, Jacques Lacroix2, Dean Ferguson1, Paul Hébert1 1 L’Institut de recherche en santé d’Ottawa, 2CHU Sainte-Justine La transfusion de globules rouges (GR) est un élément de base du traitement médical et chirurgical. Fait étonnant, nous savons très peu de choses sur l’efficacité réelle de cette intervention. L’objectif de la transfusion de GR est d’augmenter l’hémoglobine du patient pour améliorer la circulation d’oxygène et, ultimement réduire la morbidité et la mortalité. L’essai TRICC, un vaste essai canadien randomisé et à double insu, mené auprès de patients gravement malades, a toutefois suggéré que la transfusion de GR pouvait de fait nuire à certains patients1. Les chercheurs se sont donc intéressés à l’âge des unités de GR et au lien que cela pouvait avoir avec des résultats indésirables. Les GR subissent « lésions de stockage » qui se manifestent tant dans le liquide surnageant (accumulation de médiateurs inflammatoires, notamment cytokines, fer et microparticules contenant des lipides) que dans les cellules (déficit en 2,3-DPG, ATP et déformabilité). Certaines études observationnelles ont fait état d’un lien entre la transfusion d’unités de GR plus vieux et le décès, l’infection ou la défaillance de multiples organes, mais d’autres études ne signalent aucun résultat indésirable. Ces études sont toutes biaisées en raison de la confusion provenant des indications (les patients plus malades reçoivent plus de transfusions et d’unités de GR plus vieux et ils risquent davantage de subir un effet indésirable indépendant de toute transfusion). En conséquence, la portée clinique « véritable » de la transfusion d’unités de GR plus vieux est inconnue. De vastes études randomisées et à double insu sont fort heureusement en cours. L’inscription de sujets à l’étude ARIPI (Age of RBCs in Premature Infants) vient de se terminer. Au total, 370 nouveau-nés prématurés canadiens ont été répartis à recevoir des GR frais (entreposés depuis moins de 8 jours) ou des GR d’âge conforme aux pratiques usuelles2. Une deuxième étude canadienne, l’étude ABLE (Age of Blood Evaluation) répartit aléatoirement des adultes gravement malades à recevoir des GR frais (entreposés depuis moins de 8 jours) ou des GR d’âge conforme aux pratiques usuelles3. Plus de 600 sujets (sur un total prévu de 2510) y 3 sont déjà inscrits3. Dans deux études américaines, des patients ayant subi une chirurgie cardiaque sont répartis à des GR plus jeunes stockés moins de 14 jours (Red Cell Storage Duration and Outcomes in Cardiac Surgery Study) ou moins de 10 jours (The Red Cell Storage Duration Study [RECESS]) et comparés à des patients ayant reçu des GR entreposés 21 jours ou plus4. Les deux premières études portent sur les bienfaits éventuels de transfuser des GR plus jeunes, alors que les deux dernières vont déterminer si la transfusion de GR plus vieux est nocive. Les résultats d’ensemble de ces études permettront de répondre de façon définitive aux questions portant que les bienfaits et les dommages associés à la transfusion d’unités de GR frais ou plus âgés. Tinmouth A, Fergusson D, Yee IC et al. Clinical consequences of red cell storage in the critically ill. Transfusion. 2006 Nov; 46(11); 2014-27. 2 Fergusson D, Hutton B, Hogan DL et al. The age of blood cells in premature infants (ARIPI) randomized controlled trial; study design. Transfus Med Rev. 2009 Jan; 23(1); 55-61. 3 Lacroix J, Hébert P, Fergusson D et al. The Age of Blood Evaluation (ABLE) Randomized Controlled Trial; Study Design. Transfus Med Rev 2011; 3: 197-205. 4 Steiner ME, Assmann SF, Levy JH et al. Addressing the question of the effect of RBC storage on clinical outcomes: the Red Cell Storage Duration Study (RECESS). Transfus Apher Sci. 2010 Aug; 43(1): 107-16. 1 Résumé de la conférence de consensus canadienne sur la transfusion massive (MTCC) par Wendy Owens et Debbie Lauzon, RRoCS La conférence s’est tenue à Toronto du 9 au 11 juin dernier. Organisée sous les auspices du Comité consultatif national sur le sang et les produits sanguins, la réunion réunissait des experts du monde entier en vue « de discuter, réfléchir et adopter une position consensuelle sur le traitement de patients soumis à une transfusion massive (ou exsanguinotransfusion) à la lumière de la disponibilité des produits sanguins, des meilleures solutions de traitement pour les patients et des résultats cliniques d’ensemble », selon le président de la conférence, Sandro Rizoli, MD, PhD, FRCSC. Les conférences de consensus adoptent un déroulement standard : présentation de preuves scientifiques faite par des experts; discussions et réflexions d’un groupe d’experts sur les preuves présentées; liste de questions publiée avant la conférence à l’intention du groupe d’experts; questions des participants qui ont entendu les preuves visant à clarifier divers points de vue. Le groupe d’experts doit ensuite rédiger un énoncé consensuel fondé sur les preuves présentées et les délibérations des participants à la conférence. Les comptes rendus de la conférence sont notés et transcrits avec soin pour documenter toutes les présentations et discussions. Le groupe d’experts en transfusion massive devait répondre à six questions clés et rédiger un énoncé consensuel pour orienter la gestion des transfusions massives au Canada, sur la foi des preuves entendues pendant une journée et demie. Sujets des présentations : • Épidémiologie des traumas • Limites des protocoles de transfusion massive • Utilité des épreuves de laboratoire classiques et sur les lieux des soins dans la prise en charge des patients présentant une hémorragie massive • Preuves à l’appui de l’approche guidée par le laboratoire dans la prise en charge des patients présentant une hémorragie massive • Qualité des preuves à l’appui de la réanimation selon la formule 1:1:1 comme norme de traitement • Place des autres composants sanguins, produits et médicaments • Futures études Le troisième matin de la conférence, le groupe d’experts a présenté une ébauche d’énoncé consensuel ainsi que des réponses détaillées aux questions formulées en début de réunion. Présentateurs et participants ont pu poser des questions et faire des suggestions au groupe sur les améliorations ou précisions éventuelles à apporter à l’énoncé et aux réponses subséquentes. Le rapport final devrait être publié sous peu (date possible, septembre 2011) et les comptes rendus devraient paraître dans une revue à déterminer d’ici quelque temps. Comme toutes celles des autres conférences de consensus canadiennes, les recommandations découlant de cet exercice devraient servir à établir les normes de gestion des transfusions massives dans bien d’autres endroits du monde. Pour plus d’information sur délibérations, le programme et les échéances des rapports, consulter : www.mtcc2011.com Activités éducatives à venir : Activité Symposium de R et D, Société canadienne du sang Colloque annuel du GHEST en médecine transfusionnelle Forum annuel des comités transfusionnels ontariens du RRoCS London Laboratory Services Group – Symposium annuel en médecine transfusionnelle Endroit Toronto (Ontario) Date 10 septembre 2011 Burlington (Ontario) 17 septembre 2011 Hôtel Delta Chelsea Toronto (Ontario) Four Points Sheraton London (Ontario) 23 septembre 2011 5 novembre 2011 Pour obtenir une liste complète des événements à venir, veuillez vous rendre à www.transfusionontario.org Pour nous joindre Citation Le sang, cet arbre pourpre fragile qui vit en nous. ~ Osbert Sitwell www.transfusionontario.org Bureau central du RRoCS 416-480-6100, poste 89433 4 Bureau du RRoCS – Nord et Est 613-798-5555, poste 19741 Bureau du RRoCS – Sud-Ouest 905-525-9140, poste 22915