Billet d’humeur – 20 septembre 2013 Manon QUILLEVERE – Stagiaire du Centre de droit JuriSanté - CNEH Responsabilité des prestataires de services de soins en matière de défectuosité d’un produit ou appareil de santé implanté dans le corps d’un patient : Les juges judiciaire et administratif en désaccord Cass, Civ. 1ère, 12 juillet 2012, n°11-17510 / CE, 25 juillet 2013, n°339922 Le 29 juillet 2013, dans un point de vigilance, nous vous informions sur la confirmation par le Conseil d’Etat de la responsabilité sans faute des établissements publics de santé en matière de défectuosité d’un produit ou appareil de santé implanté dans le corps d’un patient 1. Cette solution jurisprudentielle est à mettre en parallèle avec celle dégagée par la cour de cassation le 12 juillet 2012. M.X, souffrant d’une atrophie douloureuse du testicule s’est vu poser une prothèse. Lors d’un match de tennis, la prothèse de l’intéressé a éclaté. Par suite, M.X a cherché à engager la responsabilité de son chirurgien. En l’espèce, le juge d’appel a retenu que le médecin est tenu d’une obligation de résultat quant aux choses qu’il utilise dans la pratique de son art. Par suite, « le seul fait de l’éclatement de la prothèse (…) à l’occasion de d’un sport qui n’est pas défini comme dangereux ou comportant des risques d’atteinte physiques anormaux ou encore dont la pratique est déconseillée pour les porteurs d’une telle prothèse, suffit à engager sa responsabilité en l’absence de preuve d’une cause d’exonération ayant les caractéristiques de la force majeure ». La Cour de cassation casse l’arrêt ainsi rendu arguant que, « la Cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, modifiée, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux ». Effectivement, selon cette dernière, 1 « La responsabilité sans faute des établissements publics de santé confirmée en matière de défectuosité d’un produit ou appareil de santé implanté dans le corps d’un patient », Point de vigilance, 29 juillet 2013. « La responsabilité des prestataires de services de soins, qui ne peuvent être assimilés à des distributeurs de produits ou dispositifs médicaux et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et techniques les plus appropriés à l’amélioration de leur état, ne relève pas, hormis le cas où ils en sont euxmêmes les producteurs, du champ d’application de la directive (85/374/CEE du 25 juillet 1985) et ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical, pourvu que soit préservée leur faculté et/ou celle de la victime de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci ». En d’autres termes, la cour de cassation dégage le principe selon lequel, le régime de la responsabilité pour faute s’applique aux prestataires de services de soins du secteur privé en matière de défectuosité d’un produit ou appareil de santé implanté dans le corps d’un patient. En somme, alors que le régime de responsabilité sans faute s’applique aux établissements publics de santé, celui de la responsabilité pour faute s’applique aux prestataires de services de soins du secteur privé. Une telle divergence jurisprudentielle créer indéniablement une rupture d’égalité entre les patients des secteurs privé et public. Effectivement, en cas de défectuosité d’un produit ou appareil de santé implanté dans son corps, il incombe au patient pris en charge dans le secteur privé de prouver une faute du prestataire de services de soins pour que sa responsabilité soit engagée. A contrario, un patient pris en charge dans le secteur public n’aura pas à démontrer l’existence d’une telle faute, le régime de la responsabilité sans faute trouvant à s’appliquer. Renseignement et inscription Nadia HASSANI – 01 41 17 15 43 [email protected]