Des insectes et des maladies qui profitent des érables malades

LE MONDE FORESTIER
NOVEMBRE 2004 23
RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
A
LAIN
C
ASTONGUAY
AUCLAIR — Le 21 octobre dernier au Domaine Acer,
dans la MRC du Témiscouata, les chercheurs Pierre
Desrochers, Christian Hébert et Danny Rioux, du Service
canadien des forêts (SCF), ont fait le point sur divers
travaux qui touchent la santé des érablières.
Des insectes et des maladies qui profitent des érables malades
L’activité était organisée
par le Partenariat Innovation
Forêt (PIF). Le PIF, financé
par Développement économi-
que Canada, met en commun
les forces liées au transfert de
connaissances de trois impor-
tantes organisations du mi-
lieu forestier, soit le SCF,
Forintek Canada et l’Institut
canadien de recherches en
génie forestier (FERIC).
DÉPÉRISSEMENT
Pierre Desrochers a d’abord
présenté un survol des tra-
vaux menés sur la santé des
érablières depuis 25 ans1. En
1981, le dépérissement impor-
tant des érablières a sonné
l’alerte. Outre le projet canado-
américain d’étude du dépé-
rissement de l’érable (NAMP),
auquel participait trois provin-
ces et dix États du nord-est des
États-Unis, a aussi été mis sur
pied le Dispositif national
d’alerte rapide pour les pluies
acides (DNARPA), qui a fonc-
tionné de 1985 à 1999.
Le phénomène de l’acidi-
fication des sols par les préci-
pitations a suscité l’intérêt des
chercheurs. À la grandeur du
Canada, on surveille ainsi la
santé de plus de 4500 arbres.
Le dépérissement est dû à une
combinaison de facteurs et re-
présente un signal inquiétant
de la santé des érables. Ces
facteurs sont de trois ordres, a
expliqué M. Desrochers:
prédisposants: drainage, fer-
tilité, pollution de fond, sé-
nescence, exposition, prati-
ques forestières, etc.;
déclenchants: défoliation,
blessures, écarts climati-
ques, pics de pollution, etc.;
agravants: insectes, caries,
chancres, champignons, qui
achèvent les arbres malades.
DES INSECTES
Le DNARPA a permis
d’identifier 115 espèces de
ravageurs dans les forêts
feuillues au Canada. L’érable
rouge, l’érable à sucre et le
chêne rouge sont les espèces
les plus affectées.
Christian Hébert a ensuite
présenté les principaux insec-
tes actifs dans les érablières,
de même que les diverses
techniques utilisées pour les
détecter. L’hétérocampe de
l’érable est un défoliateur tar-
dif que l’on ne remarque qu’en
juillet. L’insecte peut affecter
la santé de l’érablière (et la
production de sirop) advenant
une grave défoliation.
Le thrips du poirier est un
tout petit insecte exotique qui
vit dans le sol. Introduit en
Californie au début du XXe
siècle, on le trouve désormais
partout dans les érablières de
l’Amérique du Nord. Il altère
le développement du feuil-
lage, mais il ne tue que fort
rarement les érables. «On a
probablement longtemps con-
fondu les dommages causés
par le thrips du poirier avec
ceux liés au gel printanier», a
expliqué M. Hébert.
Plusieurs types d’arpen-
teuses (d’automne, du tilleul,
rougeaude, de Bruce) sont à
l’œuvre dans les érablières.
La plus connue et répandue
est l’arpenteuse de Bruce, qui
est un défoliateur printanier,
tout comme la livrée des fo-
rêts. Il est recommandé d’évi-
ter d’éclaircir le peuplement
en période épidémique.
Dans le cas de la livrée des
forêts, qui préfère le peuplier
faux-tremble, la chenille pond
ses œufs près des rameaux.
Les chenilles migrent par ban-
des et peuvent causer de sé-
rieux dégâts. À la suite d’une
défoliation sévère, des arbres
vont produire du nouveau
feuillage en puisant dans leurs
réserves, ce qui les affaiblit.
On surveillera désormais les
épidémies, qui ne durent pas
plus de trois ans, car on cons-
tate que les dégâts causés aux
érables par la livrée sont plus
importants que prévus.
Le perceur de l’érable, qui
s’attaque aux arbres peu vi-
goureux, aime particulière-
ment l’érable à sucre. Le cy-
cle de vie du perceur s’étend
sur deux ans. L’insecte creuse
d’abord des galeries dans le
tronc et pond des œufs dans
les crevasses. La larve s’ali-
mente sous l’écorce en creu-
sant des galeries à la verti-
cale, jusqu’à 10 cm de pro-
fondeur. Les arbres affectés,
qui ne sont plus bons à en-
tailler, deviennent de bons
candidats à l’éclaircie.
Mais le principal cauche-
mar des producteurs acéri-
coles demeure le longicorne
asiatique. Contrairement à
notre longicorne noir, qui s’at-
taque aux conifères, cet in-
secte exotique aime particu-
lièrement les érables, mais il
peut se contenter de tuer
d’autres feuillus.
Le longicorne asiatique
mesure de 2 à 3,5 cm de long
et on le reconnaîtra par ses
stries blanches sur les anten-
nes. Il est paresseux, heureu-
sement, et il ne vole pas très
loin. Concentrés dans trois
secteurs du même quartier de
la région de Toronto, seule-
ment quatre ou cinq individus
ont été trouvés après la coupe
de 15 000 arbres. Les trous de
sortie des adultes ont un cen-
timètre de diamètre. Pour si-
gnaler toute observation,
composez le 1-800-442-2342.
MALADIES ET
CHAMPIGNONS
Pierre Desrochers a présenté
les diverses maladies et cham-
pignons qui affectent les éra-
bles. Selon les données four-
nies par le DNARPA, les
feuillus non défoliés ont 1,4
fois plus de chance d’être en
Les producteurs acéricoles doivent surveiller l’apparition de cavités et de champignons.
LE MONDE FORESTIER
bonne santé que les arbres
défoliés. L’anthracnose est la
maladie foliaire la plus impor-
tante et elle est difficile à dé-
tecter, car on peut la confon-
dre avec le roussissement de
la feuille causé par la séche-
resse ou la chaleur excessive.
Divers types de chancres
sont actifs dans les érablières
et s’attaquent aux arbres les
plus petits. En mangeant
l’écorce, les chancres forcent
l’érable à en produire, et le
cycle se perpétue. À la longue,
cela ouvre la porte aux caries
qui endommagent l’arbre.
La présence d’un champi-
gnon pourridié est plus facile
à détecter. En période de sé-
cheresse, la pourriture par l’ar-
millaire s’installe. On en voit
la trace par les rhizomorphes
noirs, qui ressemblent à des
lacets, d’où le nom anglais
shoestring fungus. Si l’on n’y
porte pas attention, l’armil-
laire s’installe dans le sys-
tème racinaire des souches et
peut affecter les voisins.
1 Le SCF a publié en 1990 un docu-
ment d’information, réactualisé en
1998, intitulé
Aménagement de l’éra-
blière: guide de protection de la santé
des arbres,
produit par le NAMP.
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