Article original Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013 ; 11 (3) : 317-22 Validation d’une troisième liste de mots pour l’épreuve Rappel libre/Rappel indicé à 16 items (RL/RI-16) : présentation de la liste C et étude de fidélité Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. An alternative word-list for the Free and cued selective reminding test (FCSRT): list presentation and reliability study Ralitsa Stoykova Fanny Matharan Nadine Raoux HÉlÈne Amieva Inserm, U897, Bordeaux, France <ralitsa.stoykova@ isped.u-bordeaux2.fr> Tirés à part : R. Stoykova Résumé. L’épreuve Rappel libre/Rappel indicé à 16 items (RL/RI-16) constitue une épreuve clé dans l’évaluation des troubles mnésiques du sujet âgé. Pour objectiver un déclin mnésique et poser un diagnostic, il est souvent nécessaire de s’appuyer sur plusieurs évaluations successives. Il est donc important de disposer de plusieurs listes de mots afin de pouvoir répéter le RL/RI-16 dans le temps sans effet test-retest. Actuellement, les cliniciens disposent de deux listes de mots : la liste A initialement validée et une liste parallèle appelée liste B. L’objectif de cette étude est donc de valider une seconde liste alternative (liste C). L’échantillon est composé de 222 participants sains de tout âge (min : 17 ans - max : 84 ans), dont 57 % de femmes et 71 % de sujets ayant un niveau Bac ou plus. Les participants ont été testés deux fois au moyen de deux listes (A et C) à deux mois d’intervalle et dans un ordre contrebalancé. Les résultats montrent qu’il n’existe pas de différence significative entre les deux listes, ni pour les scores de rappel ni pour les scores de reconnaissance. La seule différence concerne le nombre d’intrusions légèrement supérieur pour la liste C. La mise à disposition d’une 3e liste pour le RL/RI-16 est un atout supplémentaire pour ce test ayant déjà de nombreux intérêts en pratique clinique et devrait en particulier contribuer à minimiser les effets de test-retest dans les situations où le RL/RI-16 doit être répété au cours du suivi d’un patient. Mots clés : RL/RI-16, liste alternative, étude de fidélité Abstract. The Free and cued selective reminding test (FCSRT) is one of the most effective neuropsychological test used to assess verbal memory in elderly people with memory problems. There are currently two lists of words: the initial French version (list A) and an alternative one (list B). However, diagnosing early Alzheimer’s disease in memory clinics often requires more than two evaluations, particularly in patients with very mild cognitive symptoms and patients with young onset disease. Usually, memory tests can be affected by practice effect, so several expositions of the same list of words could limit its clinical utility. The aim of our study was to create and validate a second alternative version (list C). The study sample was composed of 222 healthy volunteers aged from 17 to 84 years with a mean age of 44.6 years of whom 57% were females and 71% had a higher education. Within a two-month interval, each subject performed the test with one word-list and then the second one. The order of lists presentation was counterbalanced. Our findings indicate that the new alternative list (list C) is equivalent to the initial list of word (list A) for all the recall and recognition subscores, except the number of intrusive errors. This new list of words should be helpful to minimise potential practice effect and better assess memory decline in situations where the FCSRT has to be repeated across follow-up. doi:10.1684/pnv.2013.0416 Key words: FCSRT, alternative list, reliability study A vec les avancées de la recherche sur les critères diagnostiques cliniques de la maladie d’Alzheimer (MA) au stade prodromal [1, 2], la problématique du diagnostic précoce de la MA se pose de plus en plus souvent dans la pratique clinique quotidienne. Plusieurs travaux ont montré qu’il existe une longue phase prodromale de la MA caractérisée par l’apparition d’altérations cognitives bien avant le stade démentiel [2-4]. L’amnésie épisodique antérograde est l’un des marqueurs à la fois les plus précoces et les plus patents de la MA [5, 6]. Il est Pour citer cet article : Stoykova R, Matharan F, Raoux N, Amieva H. Validation d’une troisième liste de mots pour l’épreuve Rappel libre/Rappel indicé à 16 items (RL/RI-16) : présentation de la liste C et étude de fidélité. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013; 11(3) :317-22 doi:10.1684/pnv.2013.0416 317 R. Stoykova, et al. L’étude de Sarazin et al. [13] a montré que les déficits au rappel libre, un rappel total bas et une moindre efficacité de l’indiçage peuvent identifier les malades atteints d’une MA prodromale parmi une série de patients présentant des troubles cognitifs légers avec une sensibilité de 79,7 % et une spécificité de 89,9 %. Des études antérieures avaient déjà montré la pertinence de ce test pour discriminer les patients déments de sujets normaux [5, 14-17]. De plus, le test RL/RI-16 apporte des arguments intéressants pour le diagnostic différentiel des démences [18, 19]. Pillon et al. [20], par exemple, ont montré que les patients Alzheimer bénéficiaient peu des indices de récupération alors que dans d’autres pathologies neurodégénératives (Parkinson, Huntington), ces indices s’avéraient efficaces. Habituellement, afin de déterminer si une personne présente un score pathologique au RL/RI-16, les cliniciens utilisent des indices psychométriques tels que les seuils issus des travaux de Sarazin et al. (40/48 pour les rappels totaux ou 17/48 pour les trois rappels libres) ou bien les scores au 10e percentile des normes pour la liste A, issus d’un grand échantillon représentatif de la population âgée [21]. Nous devons à Van der Linden et al. [22, 23] l’adaptation en langue française du test proposé initialement par Grober et Buschke [9]. La version actuelle du RL/RI-16 ne met à disposition des cliniciens que deux listes (A et B). Or, des études ont montré qu’il existe des problèmes méthodologiques non négligeables avec les tests répétés utilisant une même mesure neuropsychologique chez les personnes âgées non démentes [24-29]. Il s’agit de l’effet test-retest, c’est-à-dire l’effet sur les performances du patient dû à la répétition de la passation du test. Les variations dans les scores de retest pourraient alors masquer l’effet d’autres changements, si bien que, par exemple, une augmentation dans les scores ne refléterait pas nécessairement une amélioration dans le fonctionnement cognitif du patient, et la conservation d’un score similaire n’indiquerait pas nécessairement une absence de déclin dans la mesure où l’effet lié à la pratique du test (practice effect) pourrait contrebalancer le déclin cognitif [24]. En pratique clinique, le RL/RI-16 s’avère être un test très utile pour détecter les déficits spécifiques de certaines pathologies neurodégénératives. Malgré l’avancée des connaissances, le diagnostic de la MA reste difficile et souvent porté tardivement. L’étude de Bond [30] a montré qu’en France, le délai moyen entre les premiers symptômes rapportés et le diagnostic formellement posé était de 24 mois. Pour certains patients, ce délai est plus important, notamment pour les patients présentant des troubles cognitifs légers ou les patients jeunes présentant des troubles débutant de plus en plus tôt. Cela implique des évaluations répétées et donc une surexposition aux tests neuropsychologiques, ce qui constitue un biais important dans l’interprétation des résultats. De fait, la validation d’une troisième liste de mots pour le RL/RI-16 devrait permettre de minimiser ce biais. 318 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 3, septembre 2013 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. donc nécessaire d’objectiver les déficits de mémoire à l’aide de tests qui, grâce à l’utilisation de l’indiçage sémantique, coordonnent l’acquisition et la récupération d’information épisodique [3, 5, 7]. Dans la pratique actuelle, le test de Rappel libre/Rappel indicé à 16 items (RL/RI-16) [8] adapté du Free and cued selective reminding test (FCSRT) [9] constitue l’une des épreuves clés de l’examen de la mémoire épisodique chez les personnes âgées venant en consultation pour une suspicion de MA. La procédure de passation de ce test se déroule comme suit : la liste de mots se compose de 16 mots appartenant à 16 catégories sémantiques. La tâche débute par une phase d’encodage sémantique catégoriel. Sont ensuite réalisés : un rappel immédiat, trois rappels libres/indicés, la tâche de reconnaissance et un rappel différé libre/indicé. Ce test permet de distinguer les déficits liés à l’altération du processus d’encodage et ceux liés à l’altération du processus de récupération de l’information en mémoire à long terme (MLT). À la différence des tests existants, le RL/RI16 permet de contrôler les processus de l’encodage et de récupération grâce au fait qu’il opérationnalise deux notions théoriques : le concept de profondeur d’encodage [10] et le principe d’encodage spécifique [11]. Selon le concept de profondeur de l’encodage, plus une information est encodée en profondeur, plus la trace mnésique est forte et durable. En l’occurrence, la procédure du RL/RI-16 conduit le patient à effectuer un encodage dit profond dans la mesure où la phase d’acquisition implique un traitement et une catégorisation sémantique de chaque mot. L’encodage sémantique entraîne par conséquent la création de traces épisodiques élaborées et différenciées, ce qui augmente leurs probabilités d’accès en MLT ultérieures. Le principe d’encodage spécifique réside dans le fait que la représentation de l’information en mémoire épisodique dépend de façon critique des conditions dans lesquelles elle s’est constituée. Selon ce principe, la récupération de l’information est dynamique dans le sens où elle résulte de l’interaction entre des sources d’informations différentes : la trace mnésique spécifiquement encodée et les indices contextuels présents au moment de la récupération [12]. Cette propriété de la mémoire épisodique est mise à contribution dans le test RL/RI-16 car, en cas d’échec au rappel libre, le clinicien présente les mêmes indices catégoriels au moment du rappel indicé que ceux utilisés lors de la phase d’encodage. Cet indiçage sémantique lors du rappel indicé permet de faire la distinction entre les déficits cognitifs d’encodage et de récupération de l’information épisodique. Test de Rappel libre/Rappel indicé à 16 items Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Il paraît donc important que, pour un test si couramment utilisé comme le RL/RI-16, amené de surcroît à être répété dans le cas d’une suspicion de MA débutante ou prodromale, les cliniciens aient plusieurs listes de mots à leur disposition. Il s’agit de diminuer les probabilités d’un effet test-retest qui tendrait à affecter de manière significative leurs performances, et par conséquent, la précision du diagnostic. L’objectif principal de cet article est donc de valider une troisième liste (liste C) pour le test RL/RI-16. Méthodes Participants L’échantillon de cette étude était composé de 222 participants volontaires âgés de 17 à 84 ans sans pathologie cérébrale ou psychiatrique avérée. Matériel Les 16 mots de la liste C ont été sélectionnés, comme dans les versions précédentes, à partir de la base de données Brulex [31] répertoriant un ensemble de paramètres lexicaux pour les mots de la langue française. Les mots ont été choisis en fonction de la catégorie sémantique et la fréquence lexicale. Une fourchette de fréquences lexicales a été établie pour chacune des catégories à partir des mots inclus dans les listes A et B. Par exemple, pour la catégorie poisson, la fréquence lexicale du mot hareng (liste A) est de 221, celle du mot sardine (liste B) est de 319. Le poisson retenu pour la liste C est le maquereau ayant une fréquence lexicale de 306 qui se trouve dans la fourchette établie (221319). Comme pour les listes A et B, les mots prototypiques de chaque catégorie ont été écartés. De même, la liste de reconnaissance (à 32 items) comprenait les 16 mots de la liste C et 16 distracteurs neutres. Les 16 mots ont été répartis sur quatre planches (feuille A4 standard, présentée en mode paysage) de quatre mots (écrits en police de caractère « Times », taille 80, format italique et non gras). Les mots ont été présentés dans le même ordre pour tous les sujets. La première fiche comprend les mots suivants : cravate, bégonia, peluche, maquereau ; la deuxième fiche : couturier, framboise, accordéon, bronze ; la troisième : mouette, oseille, aviron, palmier et la quatrième : buffet, flamenco, chimie et asthme. Procédure de passation Le test a été proposé par des examinateurs qualifiés (psychologues diplômés) maîtrisant la procédure de passation du test RL/RI-16, décrite par Van der Linden et al. [23]. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 3, septembre 2013 Tous les participants étaient vus deux fois et chacun d’entre eux a réalisé les deux listes (liste A et liste C) dans un intervalle de deux mois (+ ou – une semaine). Afin de contrôler un éventuel effet d’ordre, l’ordre de passation des listes a été contrebalancé : 132 sujets (59 %) ont appris d’abord la liste A, puis deux mois plus tard la liste C ; les autres 90 sujets (41 %) ont appris d’abord la liste C puis deux mois plus tard la liste A. La tâche de reconnaissance a été administrée à un sous-échantillon composé de 70 personnes. Analyse statistique Afin de tester l’équivalence des listes, un test Z pour données appariées a été effectué, au seuil ␣ de 5 %, dans le but de comparer les scores moyens obtenus à la liste A et ceux obtenus à la liste C. Les comparaisons concernaient les mesures suivantes : les rappels libres (RL1, RL2, RL3, RLD), les rappels totaux (RL1+RI1, RL2+RI2, RL3+RI3, RLD+RID), la tâche de reconnaissance et les intrusions. De plus, le coefficient de corrélation de Pearson a été calculé afin de tester la force de l’association entre les deux listes. Résultats L’âge moyen des sujets était de 44,6 ans (ET = 18,4 ans). Parmi nos participants, 57 % étaient des femmes et 71 % avaient le Bac (tableau 1). Le tableau 2 présente les scores moyens et les écarts types obtenus à la liste A et à la liste C : - rappel immédiat : les sujets restituaient en moyenne 15,6 mots de la liste A et 15,5 mots de la liste C ; - rappel 1 : au rappel libre, les sujets rappelaient en moyenne 10,4 mots de la liste A contre 10,1 mots de la liste C. De même, le score moyen de rappel total (RL1+RI1) de la liste A (15,2) n’était pas significativement différent du score moyen total de la liste C (15,2) ; Tableau 1. Caractéristiques de l’échantillon (n = 222). Table 1. Caracteristics of the study sample (n=222). N (%) Sexe Hommes Femmes Age moyen en nombre d’années (écart type) Min Max Niveau d’études Niveau Bac et plus Niveau primaire et technique court Ordre de passation des listes Liste A puis liste C Liste C puis liste A 96 (43 %) 126 (57 %) 44,6 (18,4) 17 84 157 (71 %) 65 (29 %) 132 (59 %) 90 (41 %) 319 R. Stoykova, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 2. Comparaison des scores moyens obtenus à la liste de base (liste A) et ceux obtenus à la liste parallèle (liste C) pour les différents rappels (immédiat, libres et totaux) et le nombre d’intrusions (n = 222). Table 2. Comparison of mean scores for recall between each list of words. Liste de base (liste A) Liste parallèle (liste C) Moyenne Écart type Moyenne Ecart type Rappel immédiat 15,6 0,7 15,5 Rappels libres RL1 RL2 RL3 RLD 10,4 11,9 13,0 13,4 2,4 2,3 2,1 2,2 Rappels totaux RL1+RI1 RL2+RI2 RL3+RI3 RLD+RID 15,2 15,6 15,8 15,8 Intrusions 0,4 Z P-value 0,8 1,57 0,12 10,1 11,7 13,0 13,4 2,2 2,2 2,0 2,1 1,76 1,17 -0,12 -0,29 0,08 0,24 0,90 0,77 1,3 1,0 0,6 0,6 15,2 15,7 15,9 15,8 1,3 0,8 0,5 0,8 0,05 -1,81 -1,13 -0,93 0,96 0,07 0,26 0,35 1,1 0,8 1,5 -3,15 0,002 RL1 = rappel libre 1 ; RL2 = rappel libre 2 ; RL3 = rappel libre 3 ; RLD = rappel libre différé ; RI1 = rappel indicé 1 ; RI2 = rappel indicé 2 ; RI3 = rappel indicé 3 ; RID = rappel indicé différé. - rappel 2 : au rappel libre, les sujets rappelaient en moyenne 11,9 mots de la liste A contre 11,7 mots de la liste C. De même, il n’existait pas de différence significative entre le rappel total (RL2+RI2) obtenu à la liste A (15,6) et celui de la liste C (15,7) ; - rappel 3 : au rappel libre, les sujets rappelaient en moyenne 13,0 mots de la liste A et 13,0 mots de la liste C. De même, il n’existait pas de différence significative entre les rappels totaux (RL3+RI3) des deux listes (15,8 versus 15,9) ; - rappel différé : au rappel libre, les sujets rappelaient spontanément en moyenne 13,4 mots de la liste A et 13,4 mots de la liste C. De même, on n’observait pas de différence significative entre le rappel différé total (RLD+RID) des deux listes (15,8 versus 15,8) ; - intrusions : en moyenne, le nombre d’intrusions était légèrement plus élevé pour la liste C (0,8) que pour la liste A (0,4). Cette différence était significative ; - tâche de reconnaissance (tableau 3) : il n’existe pas de différence significative entre les deux listes : le nombre moyen de mots correctement reconnus pour la liste A est de 15,9 et de 16,0 pour la liste C ; - la somme des quatre rappels libres (RL1+RL2+RL3+RLD) de la liste A est très fortement corrélée à la somme des quatre rappels libres de la liste C (r = 0,8 ; p < 0,0001). Discussion Nous avons également cherché à déterminer si les sujets étaient classés de manière similaire quelle que soit la liste utilisée. Pour cela, nous avons calculé un score seuil à l’aide du 10e percentile des performances aux 3 premiers rappels (libres + indicés). Ce seuil a été ainsi fixé à 44/48 (10e percentile). Les résultats montrent que parmi les 222 personnes de notre échantillon, 94 % des sujets sont classés au moyen du seuil de 44/48 de la même manière quelle que soit la liste de mots utilisée. Ce travail avait pour objectif de proposer aux cliniciens une nouvelle liste parallèle afin de minimiser les biais engendrés par les administrations répétées des mots du RL/RI-16 auprès des patients présentant une plainte et faisant l’objet d’un suivi dans le cadre d’un centre mémoire ou assimilé. Les résultats de notre étude montrent l’absence de différence entre la liste A et cette nouvelle liste en ce qui concerne le rappel immédiat, les rappels libres, les rappels totaux et la tâche de reconnaissance. La seule différence significative observée dans notre étude concerne le nombre d’intrusions. En moyenne, les participants faisaient plus d’erreurs d’intrusion pour la liste C que pour la liste A, bien que ce nombre d’intrusions restait cliniquement très faible. Notre étude montre donc une bonne équivalence entre la nouvelle liste parallèle (liste C) et la liste de base (liste A). La liste C s’avère même plus proche de la liste initiale (liste A) que la deuxième liste validée appelée liste B. La liste A et la liste B sont fréquemment utilisées en clinique et considérées comme équivalentes. Cependant dans la littérature francophone, une seule étude s’est intéressée à l’équivalence entre les différentes versions du RL/RI-16. Dans cette étude de fidélité, réalisée par l’équipe de Van der Linden [23], la moitié des participants avaient appris la liste A, et l’autre moitié la liste B. Les participants étaient appariés selon l’âge, le sexe et le niveau d’études. Les résultats montraient l’absence de différence significative entre les deux listes pour le RL1 et le RL3. En revanche, les auteurs constataient une différence significative entre les deux listes pour le RL2 et pour RLD et concluaient à l’absence d’une équivalence complète entre les deux versions, en précisant que la liste B s’avérait un peu plus facile que la liste A. 320 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 3, septembre 2013 Test de Rappel libre/Rappel indicé à 16 items Tableau 3. Comparaison des scores moyens obtenus à la liste de base (liste A) et ceux obtenus à la liste parallèle (liste C) pour la phase de reconnaissance dans un sous-échantillon (n = 70). Table 3. Comparison of mean performances for recognition between each list of words (n=70). Liste de base (liste A) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Reconnaissance Bonnes reconnaissances Fausses reconnaissances Liste parallèle (liste C) Moyenne Écart type Moyenne Écart type 15,9 0,0 0,3 0,2 16,0 0,0 0,0 0,2 Dans sa revue de la littérature sur les formes alternatives du Rey auditory verbal learning test (RAVLT), Hawkins et al. [32] ont montré que les études sur ce sujet sont rares et revêtent de nombreux biais méthodologiques. Rezvanfard et al. [33] se sont intéressés à l’utilisation répétée d’une même version du RAVLT versus l’utilisation d’une version alternative. Ils ont montré que la présentation de la même liste de mots dans un délai de deux mois était affectée par le biais lié à la pratique, alors que l’utilisation d’une forme alternative annulait cet effet. En utilisant les quatre formes d’un test de mémoire verbale, le Hopkins verbal learning test revised (HVLT-R) et un test de mémoire non verbal, le Brief visuo-spatial memory test revised (BVMT-R), Benedict et Zgaljardic [34] ont montré que l’effet lié à la pratique était réduit lorsqu’on utilisait une version alternative plutôt que la même forme et cet effet était encore plus important pour le test de mémoire verbale. Ainsi, les listes alternatives restent la meilleure solution à l’heure actuelle afin de limiter l’effet d’apprentissage dans un test de mémoire répété au cours du suivi, même s’il est important de noter que cet effet ne peut être totalement supprimé. Points clés • Le test de mémoire RL/RI-16 est largement utilisé en clinique pour la détection des cas de maladie d’Alzheimer débutante ou prodromale. • Actuellement les cliniciens disposent de deux listes de mots (liste A et liste B) qu’ils peuvent être amenés à répéter au cours du suivi. • La répétition rapprochée d’une même liste pourrait représenter un biais pour l’interprétation clinique des résultats. • Cet effet lié à la pratique pourrait être minimisé avec l’utilisation d’une nouvelle liste de mots. • Grâce à cette étude, une troisième liste de mots (liste C) est présentée et validée, permettant aux cliniciens de continuer à utiliser les normes déjà existantes pour la liste A. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 3, septembre 2013 Z P-value -1,93 0,00 0,06 0,99 Par conséquent, en validant une nouvelle liste alternative pour le RL/RI-16, cette étude met à la disposition des cliniciens un outil permettant de mieux étudier le déclin mnésique en minimisant l’effet test-retest. L’originalité de notre travail se trouve dans le design proposé où chaque sujet est son propre témoin. Cependant, quelques limites méritent d’être soulignées, notamment la différence entre les deux listes en ce qui concerne le nombre d’intrusions. Ceci implique que les données normatives existantes, élaborées à partir de la liste A [21], ne pourront pas être utilisées pour le score d’intrusions. À l’exception de ce score, en revanche, les normes publiées restent parfaitement valables pour tous les sous-scores du test. En outre, une comparaison des performances de patients présentant une MA, interrogés à partir de la liste A et de la liste C, aurait été également très utile afin de vérifier l’équivalence des deux listes non seulement sur des sujets normaux, mais aussi dans une population pathologique. Ce complément devra être apporté dans une étude ultérieure. Conclusion Le test de mémoire RL/RI-16 est à ce jour un des tests les plus utiles en pratique clinique, ayant l’avantage d’être standardisé et validé, et pour lequel nous disposons de données normatives. Outre ces avantages, le fait de lui adjoindre une liste alternative supplémentaire nous permettra de mieux faire face aux effets d’apprentissage dans les situations où le test est répété. La liste C peut être consultée sur le site de la Société de neuropsychologie de langue française à la rubrique “outils”http://www.snlf.net/. Remerciements. Les auteurs remercient Amandine Pastre pour sa contribution à cette étude. Liens d’intérêts : aucun. 321 R. Stoykova, et al. Références 1. Lopez OL, Becker JT, Klunk W, Saxton J, Hamilton RL, Kaufer DI, et al. Research evaluation and diagnosis of probable Alzheimer’s disease over the last two decades. Neurology 2000 ; 55 : 1854-62. 2. Dubois B, Feldman HH, Jacova C, Dekosky ST, Barberger-Gateau P, Cummings J, et al. Research criteria for the diagnosis of Alzheimer’s disease : revising the NINCDS-ADRDA criteria. Lancet Neurol 2007 ; 6 : 734-46. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 3. Tounsi H, Deweer B, Ergis AM, Van der Linden M, Pillon B, Michon A, et al. Sensitivity to semantic cuing: an index of episodic memory dysfunction in early Alzheimer disease. Alzheimer Dis Assoc Disord 1999 ; 13 : 38-46. 4. Amieva H, Le Goff M, Millet X, Orgogozo JM, Pérès K, BarbergerGateau P, et al. Prodromal Alzheimer’s disease : successive emergence of the clinical symptoms. Ann Neurol 2008 ; 64 : 492-8. 5. 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