Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté

publicité
L’Information psychiatrique 2012 ; 88 : 711–9
CLINIQUE
Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté
Philippe Aïm 1 , Jean-Pierre Kahn 2
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
RÉSUMÉ
Se situer « entre norme et liberté » est un enjeu de psychothérapeute. Entre technique et créativité, stratégie et intuition,
rigueur de l’outil et chaleur de la relation, l’hypnose et ses « filles », les thérapies brèves, abordent ce débat. Erickson
a fait de l’hypnose une psychothérapie, s’éloignant de la vision normative qu’en avaient les chercheurs. L’école de Palo
Alto dissèque les subtilités de la communication systémique, tout en garantissant une thérapie sans cesse renouvelée et
anosographique. Les solutionnistes utilisent la position relationnelle pour faire émerger des ressources uniques à chacun.
Le diagnostic « opératoire » des thérapies stratégiques bouscule le diagnostic descriptif pour l’intégrer au fonctionnement
du patient. Enfin, nous verrons que ce qui fait l’efficacité de toute thérapie ne peut être normalisé. . . et ne s’apprend pas !
Mots clés : hypnose, psychothérapie brève, alliance thérapeutique, théorie systémique, efficacité, Erickson MH, Palo Alto,
psychothérapie centrée sur la solution, thérapie stratégique
ABSTRACT
Hypnosis and brief therapy, standards and freedom. The position between “standards and freedom” remains a challenge
for the psychotherapist. It is also the position between technology and creativity, strategy and intuition, tool precision and
the warmth of a relationship, hypnosis and its “offspring” of brief therapies which is included in this debate. Erickson has
made hypnosis a psychotherapy, moving away from the normative vision of original researchers. The Palo Alto School
dissects the subtleties of systems of communication, while at the same time guaranteeing a therapy which is constantly
renewed and at the same time non-nosographic. Solutionists use the relational position to extract resources that are unique
to each individual. The “operational” diagnosis strategic therapies disrupts the descriptive diagnosis approach in order to
integrate the functioning of the patient. Finally, we will see that which makes any therapy effective cannot be standardized. . .
and it is something that cannot be learned!
doi:10.1684/ipe.2012.0977
Key words: hypnosis, brief psychotherapy, therapeutic alliance, systems theory, efficacy, Erickson MH, Palo Alto, solution
centred psychotherapy, strategic therapy
1 Praticien hospitalier, ancien assistant - chef de clinique, CHU de Nancy, service de psychiatrie et psychologie clinique, hôpitaux de Brabois,
Bâtiment Philippe Canton, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France
<[email protected]>
2 PU-PH, CHU de Nancy, service de psychiatrie et psychologie clinique, hôpitaux de Brabois, Bâtiment Philippe Canton, rue du Morvan, 54500
Vandœuvre-lès-Nancy, France
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
Pour citer cet article : Aïm P, Kahn JP. Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté. L’Information psychiatrique 2012 ; 88 : 711-9 doi:10.1684/ipe.2012.0977
711
P. Aïm, J.-P. Kahn
RESUMEN
Hipnosis y terapias breves, normas et libertad. Situarse “entre norma y libertad” es algo de lo que se juega el psicoterapeuta. Entre técnica y creatividad, estrategia e intuición, rigor de la herramienta y calidez de la relación, la hipnosis y sus
“hijas” las terapias breves abordan este debate. Erickson convirtió en psicoterapia la hipnosis, alejándose de la visión normativa que tenían de ella los investigadores. La escuela de Palo Alto escudriña las sutilezas de la comunicación sistémica,
a la vez que garantiza una terapia continuamente renovada y anosográfica. Los solucionistas utilizan la posición relacional
para que emerjan los recursos únicos que tiene cada uno. El diagnóstico “operatorio” de las terapias estratégicas maltrata
el diagnóstico descriptivo para integrarlo en el funcionamiento del paciente. Por fin veremos que lo que hace la terapia
eficaz no puede ser normalizado. . . y no se enseña !
Palabras claves : hipnosis, psicoterapia breve, alianza terapeútica, teoría sistémica, eficacia, Erickson MH, Palo Alto,
psicoterapia centrada en la solución, terapia estratégica
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Entre normes et liberté
Si cette petite phrase pouvait constituer à elle seule
l’argument d’une rencontre autour de la psychiatrie
publique, c’est aussi un enjeu de la position d’un thérapeute,
lui aussi « tiraillé » entre normes et liberté.
Les normes sont celles imposées, d’une part, par le
diagnostic descriptif, le savoir théorique qui l’oblige a classifier et à ranger son patient dans une catégorie qui devrait
de façon logique entraîner un type de traitement, d’autre
part, la contrainte de l’outil thérapeutique qui emboîte le
pas au diagnostic et se codifie. Au niveau pharmacologique, les caractéristiques des médicaments ont souvent
les mêmes dimensions que les diagnostics. Mais le développement, la modernisation des thérapies, a consisté pour
une part à affiner les techniques et à les appliquer à un
diagnostic donné. La thérapie, comme les autres traitements pourrait ou devrait donc obéir à cette règle : une
maladie possède un traitement recommandé qui fait ses
preuves sur ses symptômes. Un thérapeute en formation
apprend des recettes, des outils, des façons de communiquer ou de concevoir la psyché qui correspondent à ce qu’il
est convenu d’appeler son « courant de pensée ». Il est
alors tenté d’appliquer la technique à la lettre, d’utiliser
une stratégie « normée ».
Face à cela, la liberté : constater, peut-être avec étonnement, que, pour un même diagnostic, chaque patient a
une manière on ne peut plus individuelle d’exprimer ses
symptômes. Peut-être faut-il diagnostiquer avant de traiter, mais faut-il appliquer dans tout « cas » de la même
« catégorie » le même traitement de façon uniforme ? Le
symptôme s’inscrit pourtant dans leur histoire, dans leur
fonctionnement quotidien, dans leur famille, dans leur vie,
dans leurs valeurs. Les patients n’étant jamais les mêmes,
le thérapeute ressent un besoin d’adaptation à la situation ; il est alors tenté d’agir avec liberté aussi : faire
preuve d’intuition, de créativité, améliorer la relation avant
tout.
Ces questions sont valables quel que soit le type de thérapie ou plus largement de relation thérapeutique. Peut-on
parfois ou souvent rendre grâce à l’intuition dans la réus-
712
site d’une thérapie ? Sentons-nous parfois ou souvent que
nous devons beaucoup à la qualité de la relation plus qu’à
la technique elle-même ?
Si le débat est incessant pour tout thérapeute, il est souvent bien mal formulé dans la littérature. Soit on cherche
à normaliser la thérapie, à formuler des outils « prêt-àl’emploi », à démontrer son efficacité, à en faire une part
de l’evidence-based medicine. On court alors le risque de
passer pour scientifique inhumain qui réduit l’esprit à une
pure machine que l’on pourrait dompter. Soit on parle
d’individualité, du caractère unique de la relation interpersonnelle, du fait qu’on ne peut pas mettre l’humanité en
pièces détachées manipulables et évaluables. On court le
risque de passer pour un charlatan qui cherche à imposer
une théorie douteuse qui ne repose que sur son opinion,
avec des arguments tautologiques.
Ces assertions un peu extrêmes sont bien sûr des caricatures, mais que l’on retrouve hélas dans les discours qui
alimentent les « querelles de clochers » entre les courants
de psychothérapies.
Méthode et intuition, technique et relation, norme et
liberté. Chaque thérapie a cherché à sa façon à inscrire la
théorie dans la pratique et à évoluer malgré et avec ce débat.
Ne serons pas évoquées la thérapie d’inspiration analytique
ni la TCC (thérapie cognitive et comportementale), mais
seulement quelques aspects de ce questionnement au prisme
de l’hypnose ericksonienne et des thérapies « brèves »
(HTB) qui s’en inspirent (solutionnistes, systémiques,
stratégiques).
L’hypnose éricksonienne
et l’utilisation
L’hypnose est vieille comme le monde mais sa définition
n’a jamais été facile ni consensuelle. L’hypnose désigne à
la fois un état de conscience, une forme de relation particulière, mais aussi la technique pour y parvenir, et les
formes de thérapies qui en découlent. Elle n’a pas pour but
de remonter à la source des problèmes ou de disséquer un
symptôme, mais plutôt d’aider le patient à avoir accès et
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté
activer des ressources qui entraînent un changement. C’est
un processus connu depuis longtemps sous de multiples
formes et modernisé par Erickson qui en a fait une forme
de psychothérapie [28].
Malgré son efficacité empirique et les passions qu’elle
suscite au début du xxe siècle (se rappeler des controverses
entre Charcot et Bernheim), l’hypnose tombe en désuétude
devant le succès hégémonique de la psychanalyse de Freud
et ses suiveurs [20]. Aux États-Unis, tous les psychiatres
sont analystes et vice versa. L’hypnose est devenue un sujet
d’étude expérimental dans les laboratoires de psychologie.
Elle intéresse le jeune Erickson, étudiant en médecine dans
les années 1920. Il se forme en compagnie des chercheurs
de Stanford qui étudient les états de conscience et la dissociation et qui cherchent à établir une méthode d’induction
hypnotique universelle. Très vite, il s’en éloigne. Il sent
que l’hypnose pourrait être avant tout une technique thérapeutique, que l’on doit adapter aux patients. Ses premières
observations l’ont amené à penser que l’hypnose a un
potentiel thérapeutique énorme, si l’on s’y prenait un peu
autrement. Ainsi commença le questionnement sur sa pratique et le renouvellement de l’hypnose, abandonnant les
procédures autoritaires des magnétiseurs et hypnotiseurs et
les procédures uniformes auxquelles rêvaient les chercheurs
[4].
Il pressent bien qu’il faut respecter l’individualité de
chacun. Il rend l’hypnose plus permissive, plus ouverte, il
étend les techniques pour contourner les résistances : métaphores thérapeutiques, suggestions indirectes. Erickson est
à la fois un technicien hors pair de l’hypnose et, à la fois,
un artisan de la relation. Aussi paradoxal que cela puisse
paraître à ceux qui ont tenté de limiter l’hypnose à une série
de recettes, Erickson définit l’hypnose comme un type de
relation.
Erickson utilise le langage analogique, c’est-à-dire paraverbal et non verbal, il communique à plusieurs niveaux
pour établir une relation non univoque. Pour lui, le patient
possède les ressources nécessaires aux changements, la
causalité n’est pas linéaire ou déductive mais circulaire.
L’inconscient ericksonien, loin d’être une poubelle à représentations pulsionnelles refoulées, est une boîte à trésors,
remplie de solutions, de nouvelles façons (ou anciennes
mais oubliées) de voir et d’agir. La technique sert ici à permettre la créativité, celle du thérapeute bien sûr, mais pour
faire naître celle du patient [26]. Les capacités associatives
du thérapeute ne seront pas employées dans un but explicatif
mais solutionniste.
Certaines situations cliniques sont étonnantes non tant
par le succès thérapeutique mais par le surgissement à un
moment précis d’une intervention « à propos » qui détermine le changement. Les consultations d’Erickson sont
remplies de tels exemples [11, 24], les nôtres aussi parfois.
Mais s’agit-il d’improviser ? De « faire n’importe
quoi » ? Sûrement pas, car cela nécessite un long apprentissage, beaucoup d’observation et une certaine flexibilité
pour saisir un élément et laisser glisser l’attention vers une
direction plus opportune, aborder la situation du patient de
façon inédite. Le changement suscité est une boule de neige,
quand un effet se produit il va s’étendre à d’autres domaines.
Erickson enseignait l’intégration de technique et intuition sous la forme du « principe d’utilisation » [4].
L’observation attentive et continue permet de saisir le détail
qui serait la clé du changement et d’en faire un usage thérapeutique. Mais elle nécessite du thérapeute qu’il soit attentif
en attendant sans rien attendre de spécial [27], qu’il accepte
de se laisser surprendre pour justement « utiliser » dans la
transe hypnotique ce que le client lui amène « comme sur
un plateau », et en « parlant le langage du patient ».
L’intuition, connaissance immédiate et « évidente »
n’est-elle qu’une utilisation synthétique de souvenirs
inconscients ? Comme le souligne P. Bellet, que nous citons
largement ici à ce sujet, c’est une tautologie indémontrable
et plausible, qui ne permet pas pour autant de l’utiliser [4] !
Malgré la faculté de lier des informations, comment expliquer les idées nouvelles ? La créativité peut-elle se réduire
à la multiplication des connexions entre les souvenirs ?
De nos jours, les modes d’explication et de connaissance valorisent la clarté, la procédure, la preuve, comme
si des jalons préalables étaient l’assurance de conduire à
une bonne fin le processus thérapeutique. . . L’absence de
cadre inquiète, pas de repères évidents. L’hypnose utilise
la technique comme un procédé élémentaire de base et non
comme un protocole fermé et standardisé.
Alors l’intuition pourquoi pas ? Beaucoup de découvertes scientifiques et non des moindres semblent surgir
du néant, d’une intuition parfois dans un moment de
relâchement : Archimède, Kékulé, Newton, Flemming et
d’autres. L’intuition est une fonction physiologique, pas
une manifestation extraordinaire. Cette fonction associative
est étouffée non seulement par le système de l’enseignement
officiel, mais aussi par les préjugés, les craintes, les
dogmes. . . et notamment tous ceux qui entourent le mot
hypnose [4] qui désigne à la fois un état, le moyen d’y
parvenir, et ce à quoi il peut servir. . .
L’intuition, selon Bergson, « est une sympathie
par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un objet
pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inexprimable. » Indispensable en thérapie autant
qu’impossible à codifier.
Mais comment apprendre et appliquer quelque chose
qui ne serait pas codifié ? Avoir confiance en soi, en sa
propre liberté plutôt qu’en ses pures connaissances ? Car
faire confiance à la technique peut rassurer. Mais toujours
vouloir se rassurer peut susciter de plus en plus d’angoisse
à la sensation qu’on ne maîtrise pas tout. . . Trop d’attentes,
trop d’exigence d’efficacité, trop de « vouloir qu’il aille
mieux » peuvent troubler le thérapeute et le patient. On
peut aussi empêcher le changement si on ne croît pas aux
possibilités d’amélioration du patient. Le but est souvent
atteint quand on arrête de trop le poursuivre [18]. Alors
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
713
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
P. Aïm, J.-P. Kahn
pour laisser passer ce désir de trop en faire, il faut se rappeler que les ressources du patient, son désir de changer,
ne dépendent pas du thérapeute. Il faut ne pas trop vouloir,
il faut laisser faire, laisser venir pour permettre que ça se
passe [27]. C’est là le positionnement thérapeutique que
permet la technique et la relation hypnotique. L’intuition
embellit la technique, l’assouplit, l’adapte. Il faut en fait
apprendre les techniques, c’est un passage obligé, ce sont
elles qui permettent de repenser le patient. Puis ensuite les
oublier pour qu’elles s’intègrent à notre fonctionnement de
façon appropriée, utile et automatique, pour qu’elles soient
nouvelles, personnelles et relationnelles [18].
Erickson disait qu’il faisait de l’hypnose un tiers du
temps, qu’il donnait de l’information au patient un tiers
du temps et que le dernier tiers du temps il ne savait pas
exactement ce qu’il faisait.
Palo Alto et la communication
L’histoire de Palo Alto est complexe et riche comme
les concepts développés dans le courant de pensée systémique [21]. Rappelons juste tout d’abord que les liens
avec l’hypnose éricksonienne sont très forts. Dès le début,
Bateson s’intéressant aux feedbacks et aux paradoxes va
rapidement rencontrer Erickson. L’école de Palo Alto
cherche à comprendre ce que font les thérapeutes efficaces. Pour Watzlawick, Erickson fait partie de ceux qui
guérissent avec les mots [37]. Deux élèves de Bateson,
Haley et Weakland, demandent à aller le rencontrer et à le
voir travailler. Erickson les recevra tous les lundis pendant
plusieurs années.
Ils arrivent à l’idée qu’Erickson réussit parce qu’il entretient de bonnes relations avec les patients. Et s’il a de
bonnes relations c’est parce qu’il a de bons outils de
communication. Ils extraient en quelque sorte les outils
de communication utilisés et parlent d’« hypnotherapy
without trance », de l’hypnose sans transe, c’est-à-dire de
la communication efficace et thérapeutique sans hypnose
formelle. Ils utiliseront donc les métaphores, les situations
de doubles liens, les paradoxes, etc. [38]. Rappelons qu’ils
insistent aussi beaucoup sur la notion de « système », le
patient n’est pas son symptôme, le symptôme n’ayant pas de
signification en dehors du système relationnel dans lequel
il s’inscrit. Changer les relations dans le fonctionnement du
système fait forcément bouger le symptôme. Ils dénoncent
l’illusion dans laquelle sont les thérapies basées sur une
anthropologie de l’homme seul.
Beaucoup de notions très complexes sont intégrées dans
un modèle thérapeutique. Pourtant, chaque thérapie doit
être individuelle, il n’y a plus de nosographie, chaque situation est nouvelle [40]. Ils intègrent tout cela dans leur
fameuse grille dont voici un résumé simplifié (tableau 1).
Ce cadre est suffisamment bien établi pour constituer
un modèle (normes) et à la fois suffisamment souple pour
714
Tableau 1. Grille de Palo Alto simplifiée.
Qui est le demandeur ?
Quel est le problème ?
En quoi est-ce un problème ?
Quel est l’objectif ?
Quelles sont les ressources ?
Quelle est la position du client ? Son système de valeurs ?
Quelles sont les tentatives de solutions ?
Y a-t-il une thématiques des tentatives de solutions ?
s’adapter (liberté). Le problème est d’abord clarifié, la
demande incluse dans le système dans lequel elle s’inscrit.
On explore ensuite les tentatives de solution, ce que le
patient a tenté de faire pour résoudre le problème et qui
relève souvent du bon sens. Les thérapeutes de Palo Alto
rappellent judicieusement que le bon sens marche dans
95 % des cas. Donc, dans 5 % des cas, il faut essayer autre
chose.
Le principe de l’intervention est d’extraire une thématique des tentatives de solution inefficaces et de proposer
une tâche dont la thématique est à l’opposé. Cesser ainsi
de faire ce qui ne marche pas et maintient le problème,
voire l’aggrave. C’est ce qui peut donner l’aspect paradoxal
des tâches thérapeutiques, mais comme on le voit, il existe
des bases théoriques solides, ce n’est pas le « paradoxe
pour le paradoxe ». Au fond, dans un cadre méthodologique établi, le modèle de Palo Alto correspond aux mots
d’Erickson selon lequel il faut une nouvelle théorie pour
chaque patient.
La thérapie orientée sur la solution
et les types de relation thérapeutique
Steve de Shazer et son équipe sont à l’origine de la
thérapie centrée sur les solutions. Résumer la thérapie solutionniste en quelques lignes est impossible. Il s’agit d’un
changement paradigmatique important par rapport à l’idée
générale qu’on peut avoir de la thérapie. L’idée est encore
de pouvoir communiquer efficacement en se centrant non
pas sur le problème et ses causes mais sur les compétences
du patient et les solutions qu’il peut mettre en place [30]. Le
patient possède des ressources, le thérapeute est un « passeur » qui l’aide à les trouver et jamais ne lui impose. Par le
passé, il a su aller mieux, comment faisait il ? Il sait encore
parfois aller mieux certains jours : comment fait-il ? Peutil le refaire ? Quand le problème sera résolu, que fera-t-il
de différent ? Peut-il, a-t-il déjà commencé ? Beaucoup de
rigueur et de pratique sont nécessaires.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté
Les solutionnistes restent anosographiques dans
l’application de leurs modèles. On ne juge pas de
l’amélioration selon nos critères. Car le thérapeute est
expert de la relation thérapeutique mais le patient est
expert de sa vie. Il est le seul à pouvoir juger que les choses
sont mieux pour lui. Parfois, seul son angle de vue s’est
modifié, ou bien il réalise qu’il a plus d’outils qu’il ne le
pensait pour le rapprocher de la solution qui n’a rien à voir
avec le problème.
Sans entrer dans les détails de la méthode, revenons
à notre questionnement. Comment les solutionnistes ont
ils abordé notre question de norme et de liberté dans leur
modèle : associer la rigueur de ces techniques de communication, au caractère unique de chaque type de relation.
De Shazer a modélisé les types de relations [29] en thérapie dans une simplification extrêmement pertinente et
maniable. Le patient entre avec vous soit dans une relation
de type « client », soit dans une relation de type « plaignant », soit dans une relation de type « touriste » ;
• le « client » a une demande d’emblée travaillable, il peut
admettre qu’il a des ressources et souhaite qu’on l’aide. Il
peut être « acheteur », prêt à accepter ce qu’on lui propose et,
dans le meilleur des cas, il est même « co-thérapeute », il élabore avec le thérapeute une solution pertinente. Ces patients
existent. S’ils étaient tous ainsi, presque tout marcherait
presque à tous les coups ;
• le « plaignant » n’a pas de vraie demande mais surtout
une plainte. Il cherche à être compris, entendu, il cherche
une reconnaissance de sa souffrance au travers de sa plainte.
Il a du mal à reconnaître sa part de responsabilité dans ce qui
lui arrive, c’est souvent la faute des autres. Si vous l’abordez
de façon trop directe en proposant un changement de point
de vue ou une proposition de changement, vous risquez de
compromettre la relation : « Mais Docteur, je crois que vous
ne comprenez pas : je souffre » ;
• enfin le touriste vient parce qu’on l’a envoyé. Ce n’est pas
sa demande, mais celle d’un autre. Il n’a pas de demande et
ne souscrit même pas à celle du tiers. Le patient alcoolique
qui est envoyé par sa femme, l’adolescent par ses parents,
le suivi sociojudiciaire en sont des exemples.
Le génie de Shazer et son équipe est, entre autres, de se
comporter différemment avec un patient selon sa position
relationnelle. Ils élaborent des outils pour amener le plaignant ou le touriste à devenir client. Et si les solutionnistes
utilisent parfois des tâches thérapeutiques, des échelles, des
compliments et autres outils de communication et de thérapie, ce ne sera pas en fonction du symptôme, mais du type
de relation.
qu’il nomme la thérapie stratégique [39]. Plusieurs intérêts
le guident et peuvent nous intéresser dans son approche.
Nardone s’intéresse avant tout aux problèmes enkystés, aux
problèmes tellement ancrés dans la personne que la thérapie devient difficile car le symptôme fait partie de l’identité.
Par ailleurs, Nardone s’intéresse aux tâches thérapeutiques
à l’époque où les TCC codifient les tâches à donner aux
patients. Il se demande quelles sont les tâches qui fonctionnent. Cependant, son influence ericksonienne et Palo
Alto lui font dire que les tâches ne doivent pas avoir pour but
de modifier les cognitions mais les perceptions et qu’il ne
suffit pas de s’intéresser au comportement dans une tâche,
car le but n’est pas de modifier une réaction comportementale mais bien la perception qui en est à l’origine (ce
qui le rend, de ce point de vue, une peu plus proche de
l’hypnose qui est psychocorporelle).
Enfin, Nardone et al. souhaitent replacer un peu de
nosographie dans la pratique, nécessaire selon lui, mais de
façon originale et stratégique. Un diagnostic ne doit pas
être descriptif uniquement (c’est-à-dire visant à classifier
les patients en catégories), mais plutôt fonctionnel (c’est-àdire expliquant le fonctionnement du symptôme et devant
mener à une intervention) [23].
Il décrit le système de perceptions réactions (SPR)
(figure 1). Si le symptôme est ancré, fait partie de la personne, c’est parce que la personne est entrée dans un SPR
qui tourne en boucle, dont elle ne sort plus, qui l’identifie
à son symptôme [22].
Par exemple, dans l’attaque de panique : le patient
« perçoit » des sensations physiques (palpitations, tremblements), il « réagit » par une tentative de contrôle de ces
sensations qui généralement aggrave les sensations problématiques et lui donne envie encore plus de contrôler, etc.
Pour les autres troubles anxieux, les SPR comportera une
perception de peur et une réaction d’évitement pour la phobie et une perception d’une idée obsédante avec une réaction
Perception
Réaction
Thérapies stratégiques : notion
de diagnostic fonctionnel
Un élève italien de Palo Alto, Giorgio Nardone, parrainé par Watzlawick, va faire évoluer la thérapie vers ce
Le SPR
Figure 1. Le système de perception-réaction d’après G. Nardone.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
715
P. Aïm, J.-P. Kahn
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Tableau 2. Diagnostic descriptif et diagnostic opératoire.
Diagnostic descriptif
Diagnostic fonctionnel ou opératoire
Description de signe de maladie, accumulation de symptômes.
Grand nombre de sous-types mais mode de diagnostic simple.
Pas de « mode d’action » de la maladie.
Donc pas de modalité d’intervention associée de façon pérenne à un
diagnostic.
Le diagnostic mène à une intervention.
Catégories plus limitées.
Diagnostic plus difficile à clarifier (relationnel)
mais indispensable à la stratégie.
Qu’est ce qui entretient le problème ?
Comment va-t-on le solutionner ?
de vérification dans un TOC. On en arrive à la notion de
diagnostic fonctionnel ou opératoire (tableau 2) : non pas
« quel est le trouble ? » mais « comment fonctionne-t-il,
s’intègre-t-il dans la vie de la personne ? ». Ainsi, il y a des
diagnostics de trouble panique sur un plan descriptif mais
qui réagissent en fait par de la vérification et relèvent de
l’obsession sur le plan fonctionnel et seront traités comme
un TOC, des obsessions qui en fait sont dans un SPR avec
peur et évitement et seront traités comme une phobie, etc.
L’intervention se fait en fonction d’une nosographie dirigée
vers la thérapie.
Ce rapide tour d’horizon tente de montrer des liens
entre différentes thérapies brèves inspirées d’Erickson et
de Palo Alto. Elles ont en commun une approche au moins
partiellement anosographique, basée sur une intervention
orientée vers la solution plutôt que sur la cause ou sur
le symptôme. Elles se sortent du débat entre normes et
libertés en proposant des cadres d’intervention souples,
basés sur des techniques de communication visant toutes à
améliorer la relation pour mobiliser les ressources personnelles du patient. Elles représentent un cadre thérapeutique
et communicationnel plutôt qu’une théorie psychopathologique complexe. La forme plutôt que le fond. Elles
sont pragmatiques plutôt que dogmatiques. Ainsi, elles
s’orientent vers un objectif thérapeutique plutôt que vers
une classification sémiologique. L’intervention n’est pas
attachée de façon pérenne à la clinique descriptive et vise
l’émergence de ressources.
En effet, la majorité des thérapies bien menées donnent
de bons résultats [3, 33]. Il n’y a pas de différences
majeures et significatives entre les types de psychothérapies
[2, 32-35]. Alors si beaucoup de thérapies marchent, seraitce donc non pas ce qui fait la différence mais justement ce
qui est commun aux différentes thérapies qui est efficace ?
Quels sont les facteurs d’efficacité
de la thérapie ?
Attention : toutes les psychothérapies ne sont pas équivalentes pour tous les patients, mais de façon générale, quelle
que soit l’école théorique à laquelle le thérapeute se réfère,
certains éléments sont primordiaux [7, 10, 19, 31] et ils ne
sont pas spécifiques [2].
Ainsi, 85 % au moins du succès thérapeutique repose
sur des facteurs communs, indépendants de toute théorie
(figure 2).
L’implication et la détermination du client, 40 % (ou
« facteurs extrathérapeutiques ») c’est l’engagement, la
motivation, la participation du client. Le rôle du patient
est déterminant pour que se constitue une bonne alliance
thérapeutique [1]. Bien sûr, la confiance et l’esprit de collaboration démontrés par le thérapeute et les explications
peuvent avoir une influence positive sur cet aspect.
La qualité de l’alliance thérapeutique (30 %) est donc
centrale et fondamentale, elle compte pour un tiers environ
Ce qui marche dans la thérapie
Est-il possible d’ouvrir le sujet des normes et de la
liberté à l’efficacité de la thérapie en général du point de
vue de la recherche ? Que nous apprennent les études sur
l’efficacité des thérapies (brèves ou non) et les ingrédients
de leur succès ? Ce « sujet » est encore jeune et beaucoup
de controverses subsistent, mais quelques idées semblent
émerger.
L’idée d’un « dodo effect » est apparue dans les années
1970 [16, 17]. La dénomination provient du livre Alice au
pays des merveilles, de Lewis Carroll, dans lequel le dodo,
l’oiseau-juge, déclare que tous ceux qui ont participé à la
course ont gagné et recevront un prix [5]. Chacun dans son
« courant » prétend que son modèle fonctionne, est-il donc
vrai que tout le monde gagne ?
716
Facteurs efficacité
Implication du patient
15 %
15 %
40 %
Alliance
thérapeutique
Confiance
30 %
Spécificité technique
Figure 2. Facteurs d’efficacité de la thérapie.
D’après Catty, 2004, Drisko, 2004, Martin, et al., 2000, Summers, et al.,
2003, Wampold, 2005 et bien d’autres. . .
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté
de l’efficacité, mais influe sur tous les autres facteurs (confiance, motivation. . .). Plus l’alliance est forte, meilleurs
seront les résultats [7, 10, 19, 31].
La confiance en l’efficacité du traitement (15 %) dépend
là aussi en partie de l’alliance thérapeutique mais également
d’une bonne compréhension de l’approche thérapeutique.
C’est aussi la croyance du thérapeute dans sa thérapie.
La spécificité de l’approche thérapeutique privilégiée ne
compte que pour 15 %. Les chiffres dans certaines études
sont encore plus impressionnants avec parfois la technique
qui ne compte que pour 2 % de l’efficacité [32] !
Dans l’état actuel des recherches, il est difficile d’établir
clairement si certaines approches thérapeutiques seraient
beaucoup plus efficaces que d’autres face à des affections particulières. Il se peut même, au lieu de choisir une
approche en fonction d’un problème spécifique, qu’il soit
préférable d’en rechercher une qui correspond à qui on est,
à nos attentes, et même à nos convictions et à nos valeurs.
Idée « provocante » valable tant pour le patient que pour le
thérapeute.
Dans une synthèse d’études datant de 2003 [1] portant
sur les liens thérapeute-alliance thérapeutique, il semble
que les principales qualités que devrait démontrer un thérapeute pour susciter une solide alliance sont d’être souple,
honnête, respectueux, digne de confiance, chaleureux, intéressé et ouvert. Rien de spécifique !
Ces qualités sont celles évoquées déjà par un Winnicott quand il parle des mères, mais aussi quand il parle de
l’empathie. Être un « thérapeute suffisamment bon » consisterait bien à établir, grâce à sa formation théorique, ce cadre
relationnel qui permet au patient de s’y mouvoir, de créer,
d’évoluer, de se libérer. D’autres théories thérapeutiques
d’inspiration analytique (Gillieron quand il évoque le « premier entretien ») ou cognitivo-comportementales (Cungi et
Cottreaux parlant de l’« alliance thérapeutique »), sans se
départir de leurs théories, mettent au centre de la thérapie
l’art de la relation.
Des facteurs comme motivation du patient, qualités du
thérapeute, empathie, engagement, confiance dans le traitement, ne nous rappellent-ils pas les facteurs d’efficacité
de l’effet placebo ? Voilà de quoi être modeste.
Risquons donc un comparatif : la part spécifique d’une
thérapie est équivalente au principe actif d’un médicament [36], c’est la « norme ». La part non spécifique,
l’amélioration de la relation thérapeutique, est l’équivalent
de l’effet placebo, l’adaptation, l’intuition, la « liberté ».
Cela ne signifie pas que le choix de la technique soit
sans importance. En effet, si celle-ci ne correspond pas
aux attentes du patient, cela pourra avoir une incidence
négative sur son implication personnelle, sur la qualité de
l’alliance thérapeutique et sur la confiance ressentie, réduisant d’autant les chances de succès. De même elle est plus
efficace de façon non spécifique si elle entraîne l’adhésion et
la croyance du thérapeute. Si la théorisation fait de nous des
thérapeutes, se défaire du formalisme dans la pratique fait
l’efficacité de la démarche. Se défaire de la théorie au gré
du risque, de la liberté, de la créativité qu’exige la relation
thérapeutique.
Mais pourrait-on être un peu moins libre, et avoir des
idées, des « balises » pour améliorer « volontairement »
cette relation en améliorant l’alliance ?
Comment améliorer l’alliance ?
La majorité des outils HTB sont orientés sur une amélioration ou un changement relationnel. En somme, même
la part spécifique améliorerait l’efficacité non spécifique.
Mais même de façon générale, la relation du sujet à son
symptôme change quelle que soit la thérapie. En TCC,
par exemple, le thérapeute va parler du symptôme, le
« disséquer » évaluer sa part cognitive émotionnelle et
comportementale, développer des tâches thérapeutiques
autour de ce symptôme. En analyse, le patient pourra accéder à certaines représentations refoulées. La relation au
symptôme change, et la relation au thérapeute se crée autour
de cela. Même la technique influe sur l’alliance.
Enfin une réponse un peu plus centrée
sur la littérature
Il semble que le thérapeute est un mauvais juge de
l’alliance thérapeutique contrairement au patient. Les améliorations seraient donc plus liées aux changements dans
l’alliance perçus par le patient [25]. Quels sont les moments
féconds en thérapie qui entraînent un changement ? Si
le niveau d’alliance thérapeutique ne change pas, il y a
moins de changements [8, 14]. Il y a en revanche des
moments de rupture d’alliance et de récupération qui sont
fructueuses [9]. Ces « impasses fructueuses » le sont notamment si le thérapeute emprunte à d’autres modèles que le
sien [9, 13, 15] même non intentionnellement (par exemple
un analyste qui propose un changement pragmatique de
comportement ou un comportementaliste qui se pose la
question du sens du symptôme). Les chercheurs ont même
émis l’hypothèse que trop s’attacher à une technique particulière pouvait nuire à la qualité de l’alliance thérapeutique
et à l’issue de la thérapie [6].
Une étude [12] a comparé les thérapies d’un certain
nombre de thérapeutes avant et après une formation. Il ne
s’agissait pas d’une formation à une technique spécifique,
mais d’une formation à l’alliance thérapeutique. Comment
repérer les moments de perte d’alliance, comment la
renouer, comment poser des questions, etc.
Que s’est-il passé ? Les thérapeutes furent de bons
élèves, ils ont appris et appliqué. Leurs comportements
se sont modifiés pour adhérer à la technique apprise.
La relation thérapeutique a été mieux explorée, les thérapeutes avaient plus de recul sur la relation, posaient
plus de questions ouvertes, etc. Mais, parallèlement, il y
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
717
P. Aïm, J.-P. Kahn
a eu une dégradation de la qualité de la relation et de
l’interaction. Ils sont devenus plus rigides dans la relation
thérapeutique, plus directs, actifs et autoritaires. Contrôler plus de variables de la thérapie avec des manuels
et des échelles altère les variables essentielles de façon
contre-productive.
8.
9.
10.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Un paradoxe ?
Apprendre la relation comme une technique altère donc
la relation. Pourtant, tous ceux qui se forment à l’hypnose et
aux thérapies brèves, mais également aux autres thérapies,
font l’expérience suivante : apprendre l’outil technique leur
semble améliorer la qualité de relation thérapeutique.
L’écueil principal est donc de considérer l’outil normé
comme une fin en soi. L’outil thérapeutique n’est qu’un
outil qui n’a d’autre utilité que d’améliorer la relation.
J’accepte une norme, non pas parce qu’elle me donne une
norme, mais parce qu’elle permet la liberté relationnelle
à l’intérieur de son cadre. L’alliance ne peut être prévue
ni apprise. La stratégie stimule l’intuition, la technique
favorise l’imagination. Puis on ajuste sa posture aux caractéristiques du patient. La norme me donne juste le cadre
pour que se mette en place la liberté, celle du thérapeute
mais aussi en miroir la liberté pour le patient de changer et
d’aller mieux. La norme elle-même deviendrait donc une
forme de liberté si on accepte qu’elle soit cela, et simplement cela. Mais les choses les plus simples ne sont pas
toujours les plus faciles. . .
Conflits d’intérêts : aucun.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
Références
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Ackerman SJ, Hilsenroth MJ. A review of therapist characteristics and techniques positively impacting the therapeutic
alliance. Clin Psychol Rev 2003 ; 23 : 1-33.
Ahn H, Wampold BE. Where oh where are the specific ingredients? A meta-analysis of component studies in
counseling and psychotherapy. J Couns Psychol 2001 ; 48 :
251-7.
American Psychiatric Association. The efficacy of psychotherapy. USA : APA, 1994.
Bellet P. Au-delà de la technique. . . Hypn Ther Breve 2010 ;
(HS4) :6-15.
Carroll L. Alice au pays des merveilles. Paris : Gallimard,
1865 (éd 1994).
Castonguay LG, Goldfried MR, Wiser S, Raue PJ, Hayes AM.
Predicting the effect of cognitive therapy for depression: a
study of unique and common factors. J Consult Clin Psychol
1996 ; 64 : 497-504.
Catty J. ‘The vehicle of success’: theoretical and empirical
perspectives on the therapeutic alliance in psychotherapy and
psychiatry. Psychol Psychother 2004 ; 77 : 255-72.
718
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
Despland J, de Roten Y, Drapeau M, Currat T, Beretta V,
Kramer U. The role of alliance in the relationship between
therapist competence and outcome in brief psychodynamic
psychotherapy. J Nerv Ment Dis 2009 ; 197 : 362-7.
Despland J, Zimmermann G, de Roten Y. L’évaluation
empirique des psychothérapies. Psychotherapies 2006 ;
26 : 91.
Drisko JW. Common factors in psychotherapy outcome:
meta-analytic findings and their implications for practice and
research. Fam Soc 2004 ; 85 : 81-90.
Erickson MH. Ma voix t’accompagnera. Milton H. Erickson
raconte. Paris : Hommes et Groupes, 1998.
Henry WP, Strupp HH, Butler SF, Schacht TE, Binder
JL. Effects of training in time-limited dynamic psychotherapy: changes in therapist behavior. J Consult Clin Psychol
1993 ; 61 : 434-40.
Kramer U, de Roten Y, Despland J. Les thérapeutes font-ils
ce qu’ils disent faire ? Comparaison entre prototypes idéaux
et pratiques réelles pour plusieurs formes de psychothérapies.
Prat Psychol 2005 ; 11 : 359-70.
Kramer U, de Roten Y, Beretta V, Michel L, Despland J.
Alliance patterns over the course of short-term dynamic psychotherapy: the shape of productive relationships. Psychother
Res 2009 ; 19 : 699.
Kramer U, Vannotti M, Pomini V, de Roten Y, Despland
J. Comment des thérapeutes d’approches différentes tententils de gérer des impasses thérapeutiques ? Psychotherapies
2005 ; 25 : 71.
Luborsky L, Singer B, Luborsky L. Comparative studies
of psychotherapies. Is it true that “everywon has one and
all must have prizes”? Arch Gen Psychiatry 1975 ; 32 :
995-1008.
Luborsky L, Singer B, Luborsky L. Comparative studies of
psychotherapies: is it true that “everybody has won and all
must have prizes”? Proc Annu Meet Am Psychopathol Assoc
1976 ; (76) : 3-22.
Mainguet A. L’intuition peut-elle s’apprendre ? Hypn Ther
Breve 2010 (HS4) : 16-30.
Martin DJ, Garske JP, Davis MK. Relation of the therapeutic
alliance with outcome and other variables: a meta-analytic
review. J Consult Clin Psychol 2000 ; 68 : 438-50.
Megglé D. Erickson, hypnose et psychothérapie. Paris : Retz,
1999.
Megglé D. Histoire des thérapies brèves. Hypn Ther Breve
2005 ; (1) : 6-13.
Nardone G. Peur, panique, phobies. Paris : L’Esprit du Temps,
1996.
Nardone G, Verbitz T, Milanese R. Manger beaucoup, à
la folie. In : Pas du tout : la thérapie stratégique face aux
troubles alimentaires. Paris : Seuil, 2004.
O’Hanlon WH, Hexum AL, Paoloni E. Thérapies hors du
commun : l’œuvre clinique complète du docteur Milton
H. Erickson. Belgique : Éditions SATAS, 1998.
Roten de Y, Fischer M, Drapeau M, et al. Is one assessment enough? Patterns of helping alliance development and
outcome. Clin Psychol Psychother 2004 ; 11 : 324-31.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Hypnose et thérapies brèves, normes et liberté
26. Roustang F. La fin de la plainte. Belgique : Odile Jacob,
2001.
27. Roustang F. Savoir attendre : pour que la vie change. Belgique : Odile Jacob, 2008.
28. Salem G, Bonvin É. Soigner par l’hypnose, 4 éd.
Paris : Elsevier Masson, 2007.
29. Shazer S. Les mots étaient à l’origine magiques. Paris : Satas,
2009.
30. Shazer S, Dolan Y. Au-delà des miracles. Paris : Satas,
2009.
31. Summers RF, Barber JP. Therapeutic alliance as a measurable
psychotherapy skill. Acad Psychiatry 2003 ; 27 : 160-5.
32. Wampold BE. Establishing specificity in psychotherapy
scientifically: design and evidence issues. Clin Psychol Sci
Pract 2005 ; 12 : 194-7.
33. Wampold BE. Review: bona fide psychotherapies are similar in effectiveness. Evid Based Ment Health 1998 ; 1 :
78-178.
34. Wampold BE, Minami T, Baskin TW, Callen Tierney S.
A meta-(re)analysis of the effects of cognitive therapy
versus ’other therapies’ for depression. J Affect Disord
2002 ; 68 : 159-65.
35. Wampold BE. The great psychotherapy debate: models,
methods and findings. USA : Routledge, 2001.
36. Wampold BE, Minami T, Tierney SC, Baskin TW, Bhati KS.
The placebo is powerful: estimating placebo effects in medicine and psychotherapy from randomized clinical trials. J Clin
Psychol 2005 ; 61 : 835-54.
37. Watzlawick P. Le langage du changement. Paris : Seuil, 1986.
38. Watzlawick P, Beavin JH, Jackson DD. Une logique de la
communication. Paris : Seuil, 1979.
39. Watzlawick P, Nardonne G. Stratégie de la thérapie brève.
Paris : Seuil, 2000.
40. Watzlawick P, Weakland J. Sur l’interaction, Palo
Alto : 1965-1974, une nouvelle approche thérapeutique.
Paris : Seuil, 2004.
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦ 9 - NOVEMBRE 2012
719
Téléchargement