Article paru dans LesEchos.fr le11avril 2013

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TITRE : LesEchos.fr
DATE DE PARUTION : 11 avril 2013
PARUTION : Quotidienne
RUBRIQUE : ACTUALITES
Exception culturelle : l'Assemblée nationale monte au créneau
Par Gregoire Poussielgue
Une proposition de résolution demandant au gouvernement d'exclure l'audiovisuel des futures négociations
entre les Etats-Unis et l'Union européenne concernant un accord de libre-échange a été déposé.
Les défenseurs de l'exception culturelle ne baissent pas les bras. Après la décision de la Commission européenne
d'inclure les services audiovisuels dans la négociation d'un prochain accord de libre-échange entre les Etats-Unis et
l'Union européenne, une proposition de résolution a été déposée à l'Assemblée nationale par deux députés,
Danielle Auroi (écologiste) et Patrick Bloche (PS), par ailleurs président de la Commission des affaires culturelles de
l'Assemblée.
Dans cette résolution, qui n'est en soi pas un acte législatif, les deux députés demandent au gouvernement
d'exclure les services audiovisuels de cette négociation, en exerçant si nécessaire son droit de veto. « C'est la
première fois, en vingt ans, que la Commission ne respecte pas le principe de l'exception culturelle, en n'excluant
pas expressément le secteur audiovisuel d'un accord de commerce international, a fortiori avec les Etats-Unis. Il
s'agit là d'une offensive libérale sans précédent qui ne saurait laisser la représentation nationale indifférente »,
estiment les deux députés dans leur exposé des motifs. « La culture ne peut être considérée comme une
marchandise comme les autres, sauf à accepter la disparition de la diversité culturelle », poursuivent-ils.
Selon eux, inclure les services audiovisuels dans la future négociation, qui sera menée par le Commissaire
européen au commerce, le belge Karl de Gucht, est contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne, au Traité de l'Union européenne, à celui relatif au fonctionnement de l'Union européenne, qui exige
l'unanimité au sein du conseil de l'Union quand il s'agit de négocier un traité avec un pays tiers « dans le domaine
du commerce des services culturels et audiovisuels lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité
culturelle et linguistique de l'Union » ou encore à la Convention pour la diversité signée sous l'égide de l'Unesco en
2005.
La promesse de la Commission de « préserver la diversité culturelle », via une mention introduite dans le projet de
mandat de négociation ne tient pas debout selon les députés. « Peut-on sérieusement croire que cette affirmation
platonique permettra aux nouveaux supports numériques agrégateurs de contenu, principalement détenus par des
sociétés américaines, de respecter la diversité culturelle une fois l'accord de libre-échange agréé ? », se
demandent-ils.
Pour la filière culturelle française, qui cherche des alliés dans les autres pays d'Europe afin d'avoir plus de poids
face à la Commission et ne pas faire en sorte que ce combat soit mené uniquement en France, les mesures
spécifiques de financement de l'industrie culturelle, très présentes en France pour le cinéma ou l'audiovisuel, ou les
quotas de diffusion seraient à terme menacés si un accord de libre-échange est signé en incluant les services
audiovisuels. Elle entend monter au créneau dans les prochaines semaines, comme elle l'avait fait en 1993
lorsqu'un avion rempli de cinéastes et autre auteurs avait été affrété spécialement pour Bruxelles pour faire
entendre raison à la Commission.
De son côté, la Commission européenne veut aller vite et signer un accord avec les Etats-Unis avant la fin de
l'année prochaine, date de la fin de son mandat. Elle estime qu'il est impératif d'obtenir un accord avec les EtatsUnis, car la création de nombreux emplois est en jeu. Selon la Commission, qui ne précise pas d'où viennent ces
chiffres, cet accord pourrait donner un coup de pouce de 119 milliards de dollars à l'économie de l'Union
européenne et à la création de 1,3 million d'emplois. Le mandat de négociation de Karl de Gucht doit être
formellement adopté par le Conseil des ministres en juin. En mai, le Parlement européen doit également se
prononcer sur ce mandat, via une résolution, mais celle-ci est purement consultative.
Pour les Etats-Unis, l'intégration des services audiovisuels est capitale. Entre le cinéma et l'audiovisuel à
proprement parler (séries, documentaires, animation...), les programmes culturels représentent leur deuxième poste
d'exportations. Les Etats-Unis avaient fait de l'inclusion des services audiovisuels dans le mandat de négociations
un condition sine qua non pour ouvrir un round de négociations.
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