
DOSSIER THÉMATIQUE
La Lettre du Rhumatologue - n° 320 - mars 2006
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●Premièrement, l’équipe de S. Amselem a pu montrer que, in
vitro, la marénostrine mutée dans son domaine B30.2 était toujours
capable d’inhiber la voie NFκB ainsi que la production d’IL-1β.
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●Deuxièmement, les mutations observées chez les patients
atteints de FMF sont des mutations faux-sens qui aboutissent au
remplacement d’un acide aminé par un autre acide aminé le plus
souvent de même classe, faisant poser la question d’un polymor-
phisme plutôt que d’une mutation causale.
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●Troisièmement, le séquençage de MEFV chez les primates sains
retrouve les mêmes mutations que chez les malades, mutations
qui correspondent donc chez les primates à des résidus normaux.
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●Enfin, le domaine B30.2 n’est pas conservé dans l’espèce
murine, ce qui fait douter de l’importance de ce domaine dans le
fonctionnement normal de la protéine. Il est donc crucial de pour-
suivre des études fonctionnelles afin de mettre en évidence la res-
ponsabilité des mutations dans la pathogénie de la FMF. Les rela-
tions entre les anomalies génomiques (pourtant indiscutables) et
les mécanismes fonctionnels de la maladie sont un “casse-tête”
difficile à résoudre.
Manifestations cliniques de la FMF
D’après I. Koné-Paut, Le Kremlin-Bicêtre, France
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●Quelles sont les principales manifestations cliniques ?
I. Koné-Paut a détaillé les différentes manifestations cliniques
évoquées précédemment, mettant l’accent sur les atypies qui peu-
vent être rencontrées en pratique clinique. L’un des premiers
points abordés a été la redéfinition de la population “à risque”,
puisqu’il semble que de nombreux patients atteints de FMF soient
également originaires du sud de l’Italie. Il est donc possible que
l’on découvre à l’avenir d’autres populations concernées par cette
maladie.
Dans la FMF, à l’interrogatoire, on découvre souvent des anté-
cédents familiaux de crises fébriles similaires. Les crises fébriles
sont inopinées et irrégulières, en termes tant de durée (classi-
quement de deux à trois jours) que de fréquence. La première
crise survient dans 90 % des cas avant 20 ans, en moyenne à l’âge
de 4 ans. La fièvre est habituellement élevée (39-40 °C) et
pseudo-palustre avec des frissons, l’enfant étant abattu et algique,
puis elle disparaît spontanément, avec un enfant qui redevient
parfaitement normal et asymptomatique. Les signes d’accom-
pagnement de la fièvre sont :
– Des douleurs abdomino-thoraciques du fait d’une polysérite
(rarement présente chez le très jeune enfant), avec parfois la
découverte d’une splénomégalie, fréquente chez les enfants dont
la maladie est mal contrôlée.
– Des douleurs articulaires, plus souvent à type de monoar-
thralgie que de véritable monoarthrite (pouvant être destructrice
chez l’adulte), touchant essentiellement la hanche, le genou ou
la cheville. Les arthralgies s’accompagnent souvent d’œdèmes
périarticulaires.
– Des myalgies d’effort fréquentes, déclenchées par l’endurance,
qui est donc déconseillée chez ces patients.
– Rarement, le malade peut se plaindre de myalgies fébriles pro-
longées sans anomalie à la biopsie musculaire.
– Les lésions cutanées, en particulier la plaque érysipélatoïde de
la cheville, du dos du pied ou de la région prétibiale, très carac-
téristique de la FMF. Il existe parfois une aphtose buccale ou une
éruption purpurique.
– Beaucoup plus rarement, il peut exister une méningite asep-
tique, une péricardite ou une orchite du fait de l’atteinte séreuse.
Enfin, une amylose AA est une complication tardive qui peut être
exceptionnellement révélatrice.
L’amylose AA est liée au dépôt de la protéine amyloïde AA dans
tous les vaisseaux, sauf au niveau cérébral. Celle-ci est produite en
grande quantité par certains patients.
L’amylose est-elle une complication de la FMF ou une maladie
associée à la FMF évoluant en parallèle ? La question reste aujour-
d’hui sans réponse définitive, mais il est bien possible que deux
gènes différents puissent être incriminés.
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●Existe-t-il des associations avec d’autres affections ?
Dans 10 % des cas, la FMF s’associe à d’autres maladies comme
le purpura rhumatoïde, la périartérite noueuse, la maladie de Beh-
çet, ou une entéropathie inflammatoire. L’association à une spon-
dylarthropathie est considérée comme “classique”, bien que rare.
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●Quels sont les principaux signes biologiques ?
En période fébrile,il existe un syndrome inflammatoire biolo-
gique qui peut persister entre les crises avec hyperleucocytose à
polynucléaires, une élévation de la vitesse de sédimentation (VS)
et de la protéine C réactive (CRP).
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●Quel est le traitement ?
Le traitement des crises de la FMF comprend des anti-inflamma-
toires non stéroïdiens (AINS) et des antalgiques, les fortes doses
de colchicine n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité et entraî-
nant des problèmes de tolérance majeurs. Le traitement préventif
des rechutes et de l’amylose fait appel à la colchicine à raison de
0,5 à 2 mg/j, indépendamment du poids du patient. L’efficacité de
la colchicine est totale dans 50 % des cas, partielle dans 25 % des
cas et nulle dans 25 % des cas. La plupart du temps, le défaut d’ef-
ficacité est lié à un problème de compliance. Parfois, l’adminis-
tration du traitement en deux prises orales quotidiennes permet
d’obtenir une efficacité satisfaisante. En cas de réelle résistance
au traitement oral, on peut administrer la colchicine par voie vei-
neuse à raison de 1 mg/sem., associée au traitement oral quotidien
habituel. L’expérience des traitements par IFNαet anti-TNF dans
cette indication est actuellement insuffisante. La colchicine est un
inhibiteur du chimiotactisme des polynucléaires. Sa tératogéni-
cité, prouvée in vitro, n’a pas été démontrée in vivo, et certaines
grossesses menées “accidentellement” sous colchicine ont permis
de donner naissance à des enfants normaux, mais ce traitement
reste, sauf exception, contre-indiqué pendant les grossesses. Un
tiers de la dose absorbée passe dans le lait maternel, ce qui ne le
contre-indique pas pendant l’allaitement. Enfin, la fertilité des
patients sous colchicine ne semble pas affectée.
Le traitement préventif de l’amylose est la prise quotidienne de col-
chicine, tandis que le traitement “curatif” fait appel aux immuno-
suppresseurs.
Les myalgies fébriles prolongées sont, quant à elles, sensibles à
une courte corticothérapie.