La femme comme champ de bataille
De Mateï Visniec, mise en scène Mihaï Fusu
Une pièce lourde de bagage
historique, emprunte de guerre,
de violence et de douleur. Ce
spectacle s’inscrit en pleine
guerre des Balkans, mettant en
scène deux femmes que tout
oppose, mais qu’un même
déchirement réunit.
Le champ de bataille est
d’abord physique, et représenté
directement à travers des images
de militaires qui ponctuent la
pièce. Une mise en scène
s’appuyant sur des vidéos qui
inaugurent la pièce et qui
rappellent en toile de fond
l’omniprésence de la guerre
dans la mémoire collective et
dans l’imaginaire des
personnages.
Mais le champ de bataille est
aussi métaphorique : les jeunes
femmes de la pièce traversent un
champ de bataille psychique,
physique et psychologique. La
situation collective rejaillit sur le
règne de l’individu, et sur la
situation individuelle de Dorra,
qui personnifie le traumatisme
national de tout un peuple.
Le metteur en scène choisit de
multiplier les personnages
afin de relater les tendances
schizophréniques d’une
population en perte de repères
originels. La vidéo amplement
utilisée permet de confronter la
vision intimiste de Dorra, l’image
médiatique de cette guerre que
nous, population en marge de ce
conflit, nous avons eu. Mais elle
permet aussi de créer l’émotion
mettant en lumière les détails
des visages des personnages et
des images qui sont travaillées
esthétiquement.
Cette pièce quelques fois
freinée par ses contraintes
techniques reste émouvante et
pousse le spectateur à se
questionner et à se repositionner
vis-à-vis de ce conflit dont on ne
connaît finalement pas grand-
chose.
De même le plateau est élargi,
ne comprenant plus aucune
coulisse, laissant voir les dessous
d’un montage technique qui
perdure dans l’imaginaire du
spectateur.