Les Actes des Martyrs > Les protomartyrs romains

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LES PREMIERS CHRETIENS
2010
Chapitre 5 : Les Actes des Martyrs
Section 1 : Les protomartyrs romains
Les Actes des martyrs sont la transcription des procès
verbaux rédigés par les autorités romaines et conservés dans
les archives officielles, que les chrétiens se sont procurés par
divers moyens.
Repères
“ Mais aucun moyen
humain, ni largesses
impériales, ni cérémonies
expiatoires ne faisaient
taire le cri public qui
accusait Néron d'avoir
ordonné l'incendie. Pour
apaiser ces rumeurs, il
offrit d'autres coupables,
et fit souffrir les tortures
les plus raffinées à une
classe d'hommes détestés
pour leurs abominations
et que le vulgaire
appelait chrétiens. Ce
nom leur vient de Christ,
qui, sous Tibère, fut livré
au supplice par le
procurateur Pontius
Pilatus.”
Traduction française
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Chaque tribunal avait ses “notarii”, qui recueillaient
ta c h y g r a p h i q u e m e n t t o u s l e s a c t e s d e s p r o cès ,
principalement lors des interrogatoires, par le moyen de
“notæ” ou de signes d’abréviation. Ensuite, ces notes étaient
transcrites en langue vernaculaire, et ces pièces étaient enfin
versées aux archives judiciaires.
Cependant, tout le travail de rédaction des actes et leur
conservation dans les archives officielles était effectué par
des magistrats romains. Beaucoup d’actes furent détruits
sous Dioclétien, au 3ème siècle, parce que ce dernier avait
constaté que ces récits héroïques enflammaient l’âme des
chrétiens et leur donnaient un exemple à suivre dans la
souffrance. Il les fit dès lors placer parmi les livres proscrits,
qu’il ordonna de rassembler et de brûler en place publique.
Leur lecture a fait le plus grand bien aux chrétiens de
tous les temps (1).
ACTE DU MARTYRE DES PROTOMARTYRS ROMAINS
En 64, la chrétienté romaine va littéralement passer par
l’épreuve du feu. Une claire nuit de juillet de cette année-là,
sous le règne impérial de Néron, un terrible incendie,
propagé avec une rare violence, détruisit pendant sept jours
les principaux quartiers de la vieille Rome.
La description qu’en a laissé Tacite, dans ses Annales,
quelque cinquante ans après les événements, appartient à
raison aux pages les plus célèbres de la littérature
universelle. Cette célébrité est d’autant plus grande que c’est
la première fois, dans cette page, qu’une plume païenne - et
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rien moins que celle de l’historien romain le plus important - fait état du fait le plus important
de l’histoire : le christianisme et la mort violente de son fondateur, le Christ.
1. Tacite, Annales, L. XV, 38-44
« Le hasard, ou peut-être un coup secret du prince [car l'une et l'autre opinion a ses
autorités], causa le plus grand et le plus horrible désastre que Rome eût jamais éprouvé de la
violence des flammes.
(...)
« De plus, les lamentations des
femmes éperdues, l'âge qui ôte la force
aux vieillards et la refuse à l'enfance,
cette foule où chacun s'agite pour se
sauver soi-même ou en sauver
d'autres, où les plus forts entraînent ou
attendent les plus faibles, où les uns
s'arrêtent, les autres se précipitent, tout
met obstacle aux secours. Souvent, en
regardant derrière soi, on était assailli
par devant ou par les côtés : on se
réfugiait dans le voisinage, et il était
envahi par la flamme ; on fuyait
encore, et les lieux qu'on en croyait le
plus loin s'y trouvaient également en
Peinture d'Hubert Robert
proie.
Le Havre, Musée des Beaux-Arts
(...)
« Et personne n'osait combattre l'incendie : des voix menaçantes défendaient de l'éteindre ;
des inconnus lançaient publiquement des torches, en criant qu'ils étaient autorisés ; soit qu'ils
voulussent piller avec plus de licence, soit qu'en effet ils agissent par ordre ».
(...)
« Pendant ce temps, Néron était à Antium et n'en revint que quand le feu approcha de la
maison qu'il avait bâtie pour joindre le palais des Césars aux jardins de Mécène.
(...)
« Néron, pour consoler le peuple fugitif et sans asile, ouvrit le Champ de Mars, les
monuments d'Agrippa et jusqu'à ses propres jardins. Il fit construire à la hâte des abris pour la
multitude indigente ; des meubles furent apportés d'Ortie et des municipes voisins, et le prix du
blé fut baissé jusqu'à trois sesterces. Mais toute cette popularité manqua son effet, car c'était un
bruit général qu'au moment où la ville était en flammes il était monté sur son théâtre
domestique et avait déclamé la ruine de Troie, cherchant, dans les calamités des vieux âges, des
allusions au désastre présent.
« Le sixième jour enfin, on arrêta le feu au pied des Esquilies, en abattant un nombre
immense d'édifices, afin d'opposer à sa contagion dévorante une plaine nue et pour ainsi dire le
vide des cieux. La terreur n'était pas encore dissipée quand l'incendie se ralluma, moins violent,
toutefois, parce que ce fut dans un quartier plus ouvert : cela fit aussi que moins d'hommes y
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périrent ; mais les temples des dieux, mais les portiques destinés à l'agrément, laissèrent une
plus vaste ruine. Ce dernier embrasement excita d'autant plus de soupçons, qu'il était parti d'une
maison de Tigellin dans la rue Émilienne. On crut que Néron ambitionnait la gloire de fonder
une ville nouvelle et de lui donner son nom.
(...)
« Néron mit à profit la destruction de sa patrie, et bâtit un palais où l’or et les pierreries
n'étaient pas ce qui étonnait davantage ; ce luxe est depuis longtemps ordinaire et commun mais
il enfermait des champs cultivés, des lacs, des solitudes artificielles, bois, esplanades, lointains.
(...)
« La prudence humaine avait ordonné tout ce qui dépend de ses conseils : on songea bientôt
à fléchir les dieux, et l'on ouvrit les livres sibyllins. D'après ce qu'on y lut, des prières furent
adressées à Vulcain, à Cérès et à Proserpine : des dames romaines implorèrent Junon,
premièrement au Capitole, puis au bord de la mer la plus voisine, où l'on puisa de l'eau pour
faire des aspersions sur les murs du temple et la statue de la déesse.
(...)
Henryk Siemiradzki
Les torches de Néron - Musée de Cracovie
« Mais aucun moyen humain, ni largesses impériales, ni cérémonies expiatoires ne faisaient
taire le cri public qui accusait Néron d'avoir ordonné l'incendie. Pour apaiser ces rumeurs, il
offrit d'autres coupables, et fit souffrir les tortures les plus raffinées à une classe d'hommes
détestés pour leurs abominations et que le vulgaire appelait chrétiens. Ce nom leur vient de
Christ, qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Pontius Pilatus. Réprimée un
instant, cette exécrable superstition débordait de nouveau, non seulement dans la Judée, où elle
avait sa source, mais dans Rome même, où tout ce que le monde enferme d'infamies et
d'horreurs afflue et trouve des partisans.
(...)
« On saisit d'abord ceux qui avouaient leur secte ; et, sur leurs révélations, une infinité
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D’autres qui furent bien moins convaincus d'incendie que de haine pour le genre humain. On fit
de leurs supplices un divertissement : les uns, couverts de peaux de bêtes, périssaient dévorés
par des chiens ; d'autres mouraient sur des croix, ou bien ils étaient enduits de matières
inflammables, et, quand le jour cessait de luire, on les brûlait en place de flambeaux. Néron
prêtait ses jardins pour ce spectacle, et donnait en même temps des jeux au Cirque, où tantôt il
se mêlait au peuple en habit de cocher, et tantôt conduisait un char. Aussi, quoique ces hommes
fussent coupables et eussent mérité les dernières rigueurs, les coeurs s'ouvraient à la
compassion, en pensant que ce n'était pas au bien public, mais à la cruauté d'un seul, qu'ils
étaient immolés ».
2. L’incendie de Rome d’après Suétone (Vie des Douze Césars, Néron, 38)
« (Néron) n'épargna ni le peuple ni les murs de sa patrie. Quelqu'un, dans un entretien familier,
ayant cité ce vers grec: “Que la terre, après moi, périsse par le feu!”, “Non, reprit-il, que ce soit
de mon vivant.” Et il accomplit son voeu. En effet, choqué de la laideur des anciens édifices,
ainsi que des rues étroites et tortueuses de Rome, il y mit le feu si publiquement, que plusieurs
consulaires n'osèrent pas arrêter les esclaves de sa chambre qu'ils surprirent dans leurs maisons,
avec des étoupes et des flambeaux. Des greniers, voisins de la Maison dorée, et dont le terrain
lui faisait envie, furent abattus par des machines de guerre et incendiés, parce qu'ils étaient bâtis
en pierres de taille. Le fléau exerça ses fureurs durant six jours et sept nuits. Le peuple n'eut
d'autre refuge que les monuments et les tombeaux.
Outre un nombre infini d'édifices publics, le feu consuma les demeures des anciens généraux
romains, encore parées des dépouilles des ennemis, les temples bâtis et consacrés par les rois de
Rome ou pendant les guerres des Gaules et de Carthage, enfin tout ce que l'antiquité avait
laissé de curieux et de mémorable.
Il regardait ce spectacle du haut de la tour de Mécène, charmé, disait-il, de la beauté de la
flamme, et chantant la prise de Troie, revêtu de son costume de comédien. De peur de laisser
échapper cette occasion de pillage et de butin, il promit de faire enlever gratuitement les
cadavres et les décombres; mais il ne permit à personne d'approcher des restes de sa propriété.
Il reçut et même exigea des contributions pour les réparations de la ville, et faillit ainsi ruiner
les provinces et les revenus des particuliers ».
________
Ndt : (1) « J'aime à lire les Actes des Martyrs ; mais j'avoue mon attrait particulier pour ceux qui retracent les
combats qu'ont soutenus les femmes chrétiennes. Plus faible est l'athlète, plus glorieuse est la victoire ; car c'est
alors que l'ennemi voit venir sa défaite du côté même où jusqu'alors il triomphait. Ce fut par la femme qu'il nous
vainquit ; et c'est maintenant par elle qu'il est terrassé. Elle fut entre ses mains une arme contre nous ; elle
devient le glaive qui le transperce. Au commencement, la femme pécha, et pour prix de son péché eut la mort en
partage ; la martyre meurt, mais elle meurt pour ne pas pécher. Séduite par une promesse mensongère, la femme
viola le précepte de Dieu ; pour ne pas enfreindre sa fidélité envers son dite vin bienfaiteur, la martyre sacrifie
plutôt sa vie. Quelle excuse maintenant présentera l'homme pour se faire pardonner la mollesse, quand de
simples femmes déploient un si mâle courage ; quand on les a vues, faibles et délicates, triompher de l'infériorité
de leur sexe, et, fortifiées par la grâce, remporter de si éclatantes victoires ? » (s. Jean Chrysostome, Homil. De
diversis novi Testamenti locis.).
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