Juste valeur

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MAI 2014
Juste valeur des immobilisations corporelles
d’ une entité à la première application des
Normes comptables pour les entreprises à
capital fermé — point de vue d’ un expert
en évaluation d’ entreprises
NCECF
Catherine Tremblay, DPA, CPA, CA, EEE, ASA
Richard M. Wise, FCPA, CA, CA•EJC, FEEE, FASA, MCBA, CVA
Introduction
Les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé (NCECF) offrent
aux préparateurs d’états financiers un choix non récurrent, selon lequel une
entité peut décider d’évaluer une immobilisation corporelle à sa juste valeur à
la date de transition des PCGR canadiens aux NCECF1. Ce choix peut s’appliquer
à n’importe quelle immobilisation corporelle à la date de transition aux NCECF.
Faire le choix non récurrent d’évaluer des immobilisations corporelles à leur
juste valeur aux fins du passage aux NCECF peut aussi avoir d’autres utilités,
notamment pour le calcul des charges contributives applicables lorsqu’on
détermine la valeur des immobilisations incorporelles et qu’on évalue la dépréciation des écarts d’acquisition et des actifs à long terme.
Le présent article se penche sur certaines questions d’ordre pratique découlant de
l’évaluation des immobilisations corporelles à la juste valeur, dans le contexte
de l’application des NCECF.
1
NCECF 1500, paragraphe 12.
1
Définition de la « juste valeur »
L’annexe du chapitre 3063 des NCECF fournit des indications sur l’évaluation à la
juste valeur. La juste valeur est définie comme étant le « montant de la contrepartie dont conviendraient des parties compétentes agissant en toute liberté dans
des conditions de pleine concurrence2 ». Cela signifie que la transaction n’est pas
une vente forcée ou une liquidation.
Cette définition correspond raisonnablement à celle de la « juste valeur de marché »
qui est normalement utilisée pour déterminer la valeur de marché théorique
(par exemple pour les roulements fiscaux, pour l’application de clauses de rachat
d’actions contenues dans des conventions entre actionnaires, etc.). Toutefois,
les normalisateurs en comptabilité voulaient distinguer la « juste valeur » appliquée à des fins comptables de la « juste valeur de marché » qui est issue de la
jurisprudence et qui est très souvent liée à des opérations ou à des opérations
présumées en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Approches en matière d’évaluation
Trois approches générales peuvent être utilisées pour l’évaluation d’une immobilisation corporelle ou incorporelle, d’une entreprise ou d’une valeur mobilière :
• l’approche par les coûts;
• l’approche par les résultats;
• l’approche par le marché.
Différentes méthodes ou techniques peuvent s’appliquer pour chacune de ces
approches. Par exemple, pour une immobilisation corporelle, l’approche par les
coûts peut consister à calculer le coût de remplacement, après amortissement
ou non. Selon l’approche par les résultats, les techniques d’évaluation possibles
comprennent l’analyse des flux de trésorerie actualisés et la capitalisation des flux
de trésorerie ou des bénéfices. Selon l’approche par le marché, on peut appliquer
une technique qui fait appel à des transactions comparables, si l’on dispose de
suffisamment d’informations sur des opérations qui visaient des biens comparables en substance et qui ont été récemment conclues dans des conditions de
concurrence normales.
2 NCECF : chapitre 1582, « Regroupements d’entreprises », paragraphe .03(i); chapitre 3063,
« Dépréciation d’actifs à long terme », paragraphe .03(b).
2
Juste valeur des immobilisations corporelles d’une entité — NCECF 3063
Il peut convenir d’utiliser une seule de ces approches ou de les combiner,
selon la nature de l’immobilisation et les informations disponibles, comme
expliqué ci-après.
Hiérarchie des approches
L’annexe du chapitre 3063 des NCECF établit la hiérarchie suivante entre les
approches pour l’évaluation de la juste valeur :
A2 « Les prix cotés des marchés actifs constituent les éléments probants
les plus fiables pour établir la juste valeur et servent de fondement à
l’évaluation, lorsqu’ils existent. »
A3 « En l’absence de prix cotés, l’estimation de la juste valeur est fondée
sur les meilleures informations disponibles, y compris les prix d’éléments
similaires et les résultats de l’application d’autres techniques d’évaluation.
Les techniques d’évaluation employées sont conformes à l’objectif visé :
la mesure de la juste valeur. »
Les normes comptables préconisent donc l’approche par le marché et l’utilisation
des prix des marchés actifs pour les éléments identiques (par exemple, les titres
négociables cotés en bourse). Toutefois, ces informations sont rarement disponibles dans le cas des immobilisations corporelles.
L’approche par le marché permet également l’utilisation du prix d’éléments
similaires. Par exemple, bien que chaque bien immobilier soit unique, la comparaison avec des biens immobiliers semblables vendus récemment sur un territoire
raisonnablement rapproché peut fournir des informations significatives sur la
valeur. Certains ajustements peuvent être nécessaires pour tenir compte des
différences entre le bien visé et les biens comparables ou ceux des transactions
comparables. À l’achat d’une maison, par exemple, on analyse le prix des autres
maisons vendues dans les environs, puis on apporte des ajustements selon les
différences de dimensions, le nombre de chambres et de salles de bain, les
rénovations récentes, etc. De la même manière, les immobilisations corporelles
inscrites au bilan d’une entreprise, comme les biens immobiliers commerciaux,
doivent faire l’objet d’ajustements pour que les différences entre les biens en
question et les biens comparables soient prises en compte. Ces ajustements sont
souvent subjectifs, ce qui entraîne un certain degré d’incertitude dans l’estimation. Par conséquent, il est souvent nécessaire de faire appel à un évaluateur
dont l’expérience et l’expertise portent sur le type de bien visé, par exemple,
un évaluateur spécialisé en biens immobiliers ou en matériel et outillage.
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Les autres techniques d’évaluation sont celles utilisées dans le cadre des approches
par les coûts et par les résultats. L’annexe du chapitre 3063 des NCECF traite de
l’application de techniques d’évaluation de la valeur actualisée pour estimer la
juste valeur d’un actif à long terme, ce qui suppose une estimation des flux de
trésorerie futurs qui découleraient de l’utilisation de l’ actif. Cette estimation est
généralement fondée sur des hypothèses quant au montant et au calendrier des flux
de trésorerie futurs, et comporte un certain degré de subjectivité dans l’établissement
des prévisions de trésorerie et des taux d’actualisation correspondants. L’incertitude
qui en découle entraîne une préférence pour les données de marché observables,
comme réitéré à l’annexe du chapitre 3063 des NCECF :
A25 « Lorsque les prix d’un actif ou d’un passif ou d’un actif ou d’un passif
essentiellement similaire peuvent être observés sur le marché, il n’est pas
nécessaire d’avoir recours à des évaluations de la valeur actualisée parce
que l’évaluation que le marché fait de la valeur actualisée est déjà reflétée
dans le prix. Toutefois, en l’absence de prix observables, les évaluations de
la valeur actualisée constituent souvent la meilleure technique pour estimer
un prix. Une entreprise sera ordinairement en mesure d’estimer les flux de
trésorerie prévus d’un actif ou d’un passif, mais il pourra s’avérer difficile de
déterminer la prime de risque appropriée compatible avec la juste valeur. »
Exigences de l’auditeur
Lorsqu’elle prépare les estimations de la juste valeur, la direction doit tenir compte
des exigences de l’auditeur afin de s’assurer que le résultat net satisfasse aux
critères d’audit. La Norme canadienne d’audit (NCA) 5403 traite des responsabilités qui incombent à l’auditeur en ce qui concerne les estimations comptables,
y compris les estimations comptables en juste valeur, et les informations y afférentes à fournir dans les états financiers. La variation de la nature et de la fiabilité
des informations sur lesquelles la direction peut s’appuyer influe sur le degré
d’incertitude de mesure inhérent à l’évaluation de la juste valeur. L’auditeur doit
tenir compte du caractère subjectif des hypothèses utilisées par la direction et de
l’éventualité d’un parti pris (volontaire ou involontaire) de la part de la direction
dans la préparation des estimations comptables en juste valeur. L’auditeur doit
ensuite évaluer si les hypothèses importantes retenues par la direction sont raisonnables et déterminer l’incidence de tout risque d’anomalie significative sur
son évaluation.
3 « Audit des estimations comptables, y compris les estimations comptables en juste valeur,
et des informations y afférentes à fournir ».
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Juste valeur des immobilisations corporelles d’une entité — NCECF 3063
Par conséquent, la direction doit chercher à maximiser l’utilisation de données
observables (comme les taux de location sur le marché) lorsqu’elle évalue la
juste valeur, puisque ces données sont souvent plus objectives et moins
susceptibles d’entraîner un parti pris. Les données non observables (par exemple,
les projections de la direction à l’égard des prix futurs des matières premières
dans le cadre d’une analyse des flux monétaires actualisés visant à déterminer
les flux de trésorerie futurs d’une usine) peuvent être plus subjectives, donc plus
difficiles à corroborer pour l’auditeur.
Intervenants du marché et utilisation optimale
Lorsqu’elle prépare les projections de flux de trésorerie dans le but de réaliser
une estimation de la juste valeur, la direction doit se demander ce que feraient
les intervenants du marché dans des circonstances similaires, comme il est indiqué à l’annexe du chapitre 3063 des NCECF :
A7 « Les estimations des flux de trésorerie intègrent les hypothèses que les
intervenants du marché utilisent dans leurs estimations de la juste valeur,
lorsque ces informations peuvent être obtenues moyennant un coût et
un effort raisonnables. Autrement, l’entreprise peut utiliser ses propres
hypothèses. L’utilisation, par une entreprise, de ses propres hypothèses
sur les flux de trésorerie futurs est compatible avec une estimation de la
juste valeur, à la condition qu’aucune donnée contraire n’indique que les
intervenants du marché utiliseraient des hypothèses différentes. Lorsqu’ il
existe de telles données, l’entreprise doit modifier ses hypothèses afin
d’ y intégrer ces informations relatives au marché. »
Cela signifie que les estimations de la juste valeur devraient être fondées sur
l’utilisation optimale de l’actif, sans égard à la manière dont la direction compte
réellement l’utiliser. Par exemple, si une entité exploite un bien immobilier au
centre-ville de Montréal, comme un parc de stationnement, mais que les intervenants du marché pourraient vraisemblablement déterminer que l’utilisation optimale de ce bien serait d’y ériger une tour de bureaux, cette dernière hypothèse
devrait être utilisée pour en déterminer la juste valeur. Le concept de l’ « utilisation
optimale » d’une propriété immobilière requiert généralement que l’utilisation soit
raisonnablement probable, physiquement réalisable, conforme aux règlements de
zonage et de construction, et financièrement possible, en plus de maximiser la
rentabilité de la propriété en question.
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Pour déterminer la juste valeur d’actifs qui ne sont pas utilisés de façon optimale in situ (« valeur d’utilité » à l’emplacement de l’actif), l’évaluateur doit
déterminer si ces actifs auraient une plus grande valeur s’ils étaient vendus
en pièces détachées (« valeur d’échange »), dans l’éventualité où ils peuvent
être déplacés. Par exemple, la machinerie et l’outillage d’une usine de textile
au Canada pourraient avoir une plus grande valeur en Asie, même en tenant
compte des coûts de la transaction, du transport et autres coûts liés à leur
déplacement vers leur lieu d’utilisation.
Techniques d’actualisation
Deux techniques sont décrites à l’annexe du chapitre 3063 des NCECF :
la technique d’actualisation traditionnelle et la technique de la valeur
actualisée prévue.
Dans le cadre de l’approche traditionnelle, on utilise un ensemble unique de flux
de trésorerie, qui représente la meilleure estimation que peut faire la direction du
montant le plus probable, actualisé à un taux de rendement unique qui reflète
le niveau de risque prévu et les attentes concernant les flux de trésorerie futurs.
La technique de la valeur actualisée prévue fait quant à elle intervenir différents scénarios qui reflètent la fourchette des résultats possibles. Des taux de
probabilité estimatifs sont appliqués à chaque scénario, et un taux d’actualisation approprié est établi. Celui-ci tient compte du risque inhérent à l’actif
évalué, mais non du risque lié à la variabilité des flux de trésorerie, lequel est
déjà pris en compte dans les scénarios (et serait autrement compté deux fois).
La technique de la valeur actualisée prévue est utilisée lorsqu’il y a une fourchette de résultats possibles et lorsqu’un ensemble unique de flux de trésorerie
ne peut raisonnablement être estimé.
Constat de la valeur
Lorsqu’il fait le constat de la valeur, l’évaluateur se penche sur les forces et
les faiblesses des chiffres obtenus au moyen de l’application des différentes
approches. Tout en exerçant son jugement professionnel, l’évaluateur doit
se fier davantage aux méthodes qui offrent le plus d’informations fiables
(par exemple, des données observables), en tenant compte de la hiérarchie
établie dans les normes comptables.
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Juste valeur des immobilisations corporelles d’une entité — NCECF 3063
Exemple — bien immobilier
Le bien immobilier est un autre actif présenté dans les états financiers et dont
la juste valeur peut être très différente de la valeur comptable. La direction
peut être tentée de se servir de la valeur qu’utilise la municipalité aux fins de
la taxe foncière comme estimation de la juste valeur, mais ce « raccourci »
peut être inapproprié car il arrive souvent que les évaluations municipales ne
reflètent pas les justes valeurs de marché, comme on peut l’observer en comparant les prix de vente réels de biens immobiliers aux données municipales
sur leur valeur. Ces dernières sont généralement mises à jour aux trois ans et
ne reflètent donc pas nécessairement les dernières tendances du marché de
l’immobilier, qui évoluent parfois très rapidement. Par conséquent, pour l’évaluation de tout bien immobilier important, nous recommandons généralement
à la direction de retenir les services d’un évaluateur spécialisé dans la zone
géographique et dans le type d’immeuble (par exemple, commercial, industriel
ou résidentiel) en cause. En effet, les évaluateurs peuvent consulter des bases
de données sur l’historique des transactions immobilières qui ne sont pas facilement accessibles au public. Ils possèdent également l’expertise nécessaire
pour interpréter ces données et pour apporter les ajustements relatifs aux différences entre les transactions comparables et le bien visé, comme mentionné
précédemment.
L’Institut canadien des évaluateurs et l’ American Institute of Real Estate Appraisers proposent une définition4 de la « valeur marchande », ou valeur de marché,
qui correspond généralement à celle de « juste valeur » selon les normes
comptables :
La juste valeur marchande représente le prix le plus probable que
devrait rapporter un bien à une date donnée dans un marché libre
et concurrentiel, dans toutes les conditions nécessaires à une vente
équitable, l’acheteur et le vendeur agissant avec prudence et de
manière avisée, en supposant que le prix n’est pas indûment stimulé.
Les évaluateurs de biens immobiliers appliquent eux aussi les trois approches
générales d’évaluation précédemment décrites, soit par le marché (« comparaison
directe »), par les résultats et par les coûts.
4 La définition à utiliser pour une mission donnée peut varier selon le ressort territorial, par exemple lorsqu’une
évaluation est fournie dans le contexte d’un procès.
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L’approche par comparaison directe repose sur le principe qu’un acquéreur éclairé
ne paierait pas plus pour un bien immobilier que ce que lui coûterait un autre
bien immobilier équivalent. L’estimation de la valeur repose sur des ventes ou des
inscriptions de biens immobiliers comparables dotés de caractéristiques semblables
dans une zone géographique pertinente. L’ évaluateur peut hausser ou réduire
la valeur d’un bien immobilier pour combler les écarts de taille, d’emplacement,
de taux d’intérêt et autres entre le bien visé et des biens comparables.
L’approche par les résultats repose sur le principe que la valeur correspond à
la valeur actualisée des flux de trésorerie futurs que le bien immobilier est en
mesure de produire s’il atteint son utilisation optimale. Selon cette approche,
deux méthodes peuvent s’appliquer : celle de la capitalisation directe ou celle
de l’actualisation des flux de trésorerie. Selon la méthode de la capitalisation
directe, il s’agit de calculer la valeur de location (souvent exprimée en dollars
par pied carré) qui correspond au marché pour le bien immobilier en se fondant
sur les modalités des contrats de location de biens immobiliers similaires, le taux
d’inoccupation prévu, les créances irrécouvrables et les frais d’exploitation.
Le montant théorique du bénéfice d’exploitation net annuel qui en découle est
capitalisé à un taux de rendement approprié, qui tient compte des conditions
probables du financement hypothécaire, pour déterminer la valeur du bien
immobilier. La méthode de l’actualisation des flux de trésorerie consiste à faire
une projection du résultat net le plus probable sur une certaine période et à
présupposer que le bien immobilier sera revendu la dernière année de la
projection, puis à actualiser les flux de trésorerie connexes selon un taux
d’actualisation tenant compte du risque.
L’approche par les coûts consiste à estimer les coûts, aux prix actuels, pour la
construction d’un nouveau bien immobilier d’une utilité équivalente à celle du
bien évalué, en en soustrayant une provision pour dépréciation (physique, fonctionnelle et économique) et en y additionnant la valeur estimative du terrain.
Exemple — immobilisations de production
Nous avons participé à la détermination de la juste valeur d’une usine en exploitation dans le contexte de l’évaluation d’une perte de valeur d’actifs à long terme
(après avoir établi que l’usine avait échoué au test de recouvrabilité selon l’ancien chapitre 3063 du Manuel de CPA Canada – Comptabilité). Toutes les immobilisations corporelles de l’usine ont été considérées comme un groupe d’actifs,
au plus bas niveau de regroupement d’actifs et de passifs pour lequel les flux
de trésorerie identifiables étaient dans une large mesure indépendants de ceux
d’autres actifs et passifs5.
5 NCECF 3063, paragraphe 12.
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Juste valeur des immobilisations corporelles d’une entité — NCECF 3063
Puisque la valeur de l’usine ne pouvait être observée sur le marché, nous avons
dû utiliser d’autres techniques d’évaluation. Nous avons adopté deux approches
d’évaluation : i) l’ approche par les résultats, au moyen de l’analyse des flux de trésorerie actualisés et de la technique de la valeur actualisée prévue; ii) l’ approche
par les coûts, au moyen du coût de remplacement après amortissement.
Approche par les résultats
Nous avons déterminé qu’il était nécessaire d’appliquer la technique de la valeur
actualisée prévue plutôt que la technique d’actualisation traditionnelle, puisque
la direction a identifié plusieurs scénarios possibles à l’égard des coûts futurs des
matières premières, qui pourraient varier en fonction de certains événements
dans le secteur d’activité et du résultat des négociations avec un fournisseur.
L’application de la technique de la valeur actualisée prévue a nécessité les
étapes suivantes :
• obtention de la direction d’une projection des flux de trésorerie prévus selon
trois scénarios possibles, fondés sur l’estimation par la direction des attentes
vraisemblables des intervenants du marché quant aux résultats d’exploitation
futurs de l’entreprise;
• obtention de la direction de son estimation du taux de probabilité de chacun
des trois scénarios;
• examen des projections et analyse des hypothèses importantes sous - jacentes;
• discussion avec la direction au sujet des hypothèses et obtention de données
justificatives provenant de la direction et de sources indépendantes du secteur
d’activité (comme des résultats financiers historiques et des tendances
de l’industrie);
• multiplication des flux de trésorerie de chaque scénario par le taux de probabilité
du scénario en question pour chaque année couverte par la projection des flux
de trésorerie, pour en arriver aux flux de trésorerie prévus pour l’année;
• détermination d’un taux d’actualisation approprié à appliquer aux flux de
trésorerie prévus, soit le coût moyen pondéré du capital (CMPC) de l’usine;
• application du CMPC aux flux de trésorerie prévus pour obtenir leur
valeur actualisée;
• regroupement de la valeur actualisée des flux de trésorerie prévus en une
seule somme, soit la juste valeur de l’usine à la date d’évaluation.
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Pour déterminer le CMPC6 , nous avons calculé le taux de rendement qu’un
intervenant du marché exigerait des immobilisations de production, en tenant
compte du fait que l’incertitude liée à la volatilité du prix des matières premières
avait été prise en considération dans les trois scénarios élaborés par la direction,
mais aussi que cette incertitude entraînait des coûts qui ont été pris en compte
au moyen d’un facteur de risque.
6 La formule qui sert à déterminer le CMPC est bien établie dans la théorie financière, et se traduit par
l’équation suivante (pour une entreprise ayant une structure financière simple composée d’éléments
de capitaux propres et de capitaux empruntés) :
CMPC = (KB
eB
× WB ) + (KB
eB
dB
× WB )
dB
Où :
K
eB
= Coût des capitaux propres
WB = Capitaux propres pondérés (valeur des capitaux propres divisée par le capital investi)
eB
KB = Coût de la dette après impôts
dB
W = Dette pondérée (valeur de la dette portant intérêt divisée par le capital investi)
dB
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Juste valeur des immobilisations corporelles d’une entité — NCECF 3063
Nous avons utilisé une méthode dite « additive » pour calculer le coût des
capitaux propres. Nous avions envisagé d’appliquer le modèle d’évaluation
des actifs financiers7 (MEDAF), mais nous avons plutôt opté pour la méthode
additive en raison du manque de fiabilité du coefficient bêta8.
La méthode additive repose sur le principe qu’un taux d’actualisation comprend
un certain nombre de facteurs de risque identifiables qui, lorsqu’on les additionne,
représentent le rendement total requis sur un placement dans les actifs en
question.
Cette méthode comporte plusieurs étapes qui permettent d’établir le rendement moyen sur le marché d’un placement en titres de capitaux propres. La
première étape consiste à déterminer le taux sans risque à la date d’évaluation.
On y additionne ensuite : a) la prime de risque sur capitaux propres nécessaire
pour qu’un investisseur en instruments de capitaux propres reçoive le taux de
rendement du marché; b) une prime de risque (ou une réduction) propre au
placement, liée au risque perçu dans l’objet de l’évaluation (notamment selon
sa taille).
Le taux de rendement acceptable changera avec le temps et selon le contexte.
Toutefois, les facteurs dont il faut tenir compte pour établir ce taux comprennent
un certain nombre d’éléments internes et externes ayant une incidence sur l’objet
de l’évaluation.
7 Il s’agit d’un modèle selon lequel le coût du capital pour toute action ou tout portefeuille d’actions correspond
à un taux sans risque plus une prime de risque proportionnelle au risque systématique lié à l’action ou au
portefeuille. Le MEDAF est un élément fondamental de la théorie des marchés financiers, qui partage le
risque en deux composantes : le risque systématique et le risque spécifique. Le risque systématique est
inhérent à tous les titres qui comportent un risque et ne peut être éliminé par la diversification. Le coefficient
de mesure du risque systématique lié aux actions est le coefficient bêta. Le risque spécifique est propre
à un titre donné (selon les caractéristiques du secteur d’activité ou de l’entreprise émettrice), et peut être
écarté par la diversification. L’hypothèse fondamentale du MEDAF est que le rendement prévu d’un titre
est fonction du risque systématique lié à ce titre et que le risque spécifique est considéré comme éliminé
puisque les investisseurs ont la possibilité de détenir des portefeuilles importants et très diversifiés.
8 Le coefficient bêta est le coefficient de mesure du risque systématique d’une action donnée, soit la tendance
du cours d’une action à fluctuer en fonction des variations d’un indice donné. Le coefficient bêta dépend de
la relation entre le rendement du titre et celui du marché, évalué selon un indice boursier général comme le
S&P/TSX.
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Facteurs internes
Ces facteurs sont liés aux différents actifs évalués et peuvent, par exemple,
comprendre les éléments suivants :
• la stabilité, l’expérience et les réalisations de l’équipe de direction;
• la dépendance à l’égard du personnel clé;
• la dépendance à l’égard de gros clients;
• la concurrence, la part de marché et l’étendue des services;
• la diversité de la clientèle;
• la situation financière, la liquidité et le niveau d’endettement;
• le risque de projection lié au caractère audacieux des prévisions en matière
de flux de trésorerie;
• l’état matériel des actifs;
• la rentabilité ou les déficits historiques.
Facteurs externes
Ces facteurs sont liés aux forces externes (incontrôlables) qui ont une incidence
sur l’usine, par exemple :
• la conjoncture économique générale prévue pour la période de projection;
• les conditions générales du marché et l’activité en matière
de regroupements d’entreprises;
• les taux d’intérêt;
• les conditions du secteur d’activité;
• la demande du marché;
• le caractère cyclique du secteur d’activité;
• l’incidence des fluctuations des cours du change;
• l’incidence de la réglementation gouvernementale.
Nous n’avons pas tenu compte de la variabilité des coûts des matières premières
pour l’établissement du taux d’actualisation applicable, puisque la direction
l’avait déjà fait lors de l’élaboration des trois scénarios possibles en matière de
flux de trésorerie. Nous avons appliqué le CMPC, résultant de l’examen de tous
les facteurs susmentionnés, aux flux de trésorerie prévus pour estimer la juste
valeur combinée des immobilisations de production (dans leur ensemble) à la
date d’évaluation.
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Approche par les coûts
Pour corroborer nos conclusions issues de l’approche par les résultats, nous
avons fait appel à une firme d’ingénierie spécialisée en projets de développements
dans le secteur d’activité visé pour obtenir une estimation du coût de remplacement après amortissement des immobilisations de production. Compte tenu du
haut degré de spécialisation et de la nature technique du travail que suppose
l’approche par les coûts, nous avons jugé que celle-ci dépassait le champ de
nos compétences de comptables professionnels agréés et d’experts en évaluation d’entreprises, et nous avons donc retenu les services d’un expert compétent
en la matière.
Selon notre compréhension, le travail de cet expert comprenait ce qui suit :
• une visite des lieux afin de faire une inspection visuelle
des immobilisations corporelles;
• des discussions avec la direction sur l’historique d’exploitation
des immobilisations de production;
• une estimation de la valeur de marché actuelle des immobilisations
de production, lorsque les prix d’immobilisations équivalentes pouvaient
être observés sur le marché;
• lorsqu’il était impossible d’obtenir la valeur de marché de l’immobilisation
(en raison de sa nature spécialisée), l’obtention du coût historique des immobilisations de production selon les documents comptables de l’entreprise et
l’utilisation de techniques d’indexation afin d’estimer la valeur équivalente en
dollars courants (selon les indices de coûts propres au secteur d’activité);
• l’application d’un facteur d’amortissement pour tenir compte de la condition
physique et de l’âge des immobilisations de production par rapport à leur
durée de vie utile.
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Les conclusions dégagées au terme des deux approches présentaient des différences significatives. La valeur obtenue au moyen de l’approche par les résultats
correspondait à environ la moitié de celle obtenue au moyen de l’approche par les
coûts. Nous en avons conclu que l’approche par les résultats permettait d’obtenir
une valeur plus représentative de celle qu’un intervenant du marché assignerait
aux immobilisations de production, compte tenu des réalités désavantageuses du
marché et de l’improbabilité que l’intervenant construise une nouvelle usine. (Dans
le cas inverse, plus d’importance aurait pu être accordée à l’approche par le coût
de remplacement après amortissement.)
Conclusion
Faire le choix non récurrent d’évaluer des immobilisations corporelles à leur juste
valeur, aux fins du passage aux NCECF, peut vraisemblablement entraîner l’application de techniques d’évaluation spécialisées. La direction pourrait envisager de
retenir les services d’un expert en évaluation pour déterminer la juste valeur de ces
immobilisations, afin de s’assurer que les montants présentés au bilan de l’entité
reflètent les valeurs appropriées et satisfont aux exigences de l’auditeur.
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Juste valeur des immobilisations corporelles d’une entité — NCECF 3063
Catherine Tremblay
est associée au sein des Services de consultation du bureau de Montréal de MNP
s.e.n.c.r.l. Mme Tremblay a réalisé de nombreuses missions d’évaluation d’entreprise dans le contexte de fusions et d’acquisitions, de soutien en litige et de
restructurations d’entreprises. Elle possède également une vaste expérience en
évaluation à la juste valeur aux fins de la présentation de l’information financière,
y compris en évaluation d’immobilisations incorporelles pour la répartition du
coût d’acquisition dans le cadre de regroupements d’entreprises et de tests de
dépréciation des écarts d’acquisition, sujets sur lesquels elle a rédigé des publications et donné des conférences. Elle a agi à titre de conseillère auprès de l’Autorité des marchés
financiers du Québec en matière de répartition du coût d’acquisition et de communication de l’information financière. Elle est également reconnue par les tribunaux comme témoin - expert en évaluation
d’entreprises.
Richard M. Wise
est associé au sein des Services de consultation du bureau de Montréal de MNP
s.e.n.c.r.l. Il occupait le poste de directeur principal chez Wise, Blackman s.e.n.c.r.l.
avant la fusion de ce cabinet avec MNP. Il est membre du Business Valuation
Standards Committee de l’ASA depuis plus de 20 ans et détient le titre de Master
Certified Business Appraiser aux États-Unis. M. Wise est l’un des premiers récipiendaires du titre de CA•EJC. M. Wise est le principal coauteur du Guide to
Canadian Business Valuations (Thomson Carswell) et de l’outil d’aide à la pratique
de l’ICCA intitulé Introduction to Investigative and Forensic Practice Issues.
Il a été témoin-expert en évaluation devant différents tribunaux et dans de nombreuses causes au
Canada et aux États-Unis. Il a également agi pour l’Agence du revenu du Canada, Justice Canada,
le Bureau de la concurrence, le procureur général de l’Ontario, le Bureau du Tuteur et curateur public
de l’Ontario et l’Autorité des marchés financiers du Québec, et a été l’adjoint spécial du ministre du
Revenu national. M. Wise a reçu du Gouverneur général la médaille commémorative du 125e anniversaire du Canada et a été nommé au College of Fellows of the American Society of Appraisers
en 2006.
CPA Canada entreprend des initiatives visant à aider les professionnels en exercice et les entreprises. Le présent bulletin s’appuie sur les NCECF
en vigueur en mai 2014. Il contient des indications de mise en œuvre ne faisant pas autorité et n’a pas été adopté, sanctionné, approuvé ou
influencé de quelque autre façon que ce soit par le Conseil des normes comptables, ou par tout autre conseil ou comité de CPA Canada, ou par
les instances dirigeantes ou les membres de CPA Canada ou d’un ordre provincial. Le professionnel en exercice doit exercer son jugement
professionnel pour déterminer si les indications contenues dans le présent bulletin sont appropriées et pertinentes compte tenu des circonstances
propres à la mission d’audit qu’il réalise.
Copyright © 2014 Comptables professionnels agréés du Canada
MAI 2014
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