3 Stabilisation : 9 mai 2006 2
J’ai cité, au début des deux dernières leçons la belle phrase de Michel Foucault qui me sert
de devise : « Travailler c’est entreprendre de penser autre chose que ce qu’on pensait avant. »1
Penser autre chose (1), sur la classification : il n’existe pas une bonne classe dont les
membres sont des classifications naturelles. Plus brièvement, une classe des sortes naturelles
n’existe pas.
Penser autre chose (2), sur les gens : l’idée de sortes interactives que j’ai proposée dans la
leçon inaugurale (page 23) ne marche pas. On ne peut pas distinguer les sciences humaines et
sociales des sciences naturelles et biologiques par le caractère indifférent et interactif des
classes (page 21).
Néanmoins, il reste beaucoup de mes hypothèses sur les types de gens. Ce sont les idées
que je désigne par les expressions « façonner les gens », « effet de boucle », « nominalisme
dynamique ». Penser autre chose, c’est réviser et non pas abandonner des recherches, des
projets et des programmes.
Un bref excursus pour remercier une personne de notre auditoire. J’avais demandé la
semaine dernière si quelqu’un disposait chez lui d’un petit Larousse un peu ancien, pour
comparer les définitions de l’autisme : l’une des personnes présentes m’a aimablement
communiqué des informations. Voici donc une réponse.
Dans le Petit Larousse, 1980 :
autisme (grec autos, soi-même): Repli pathologique d’un enfant, d’un adulte sur
son monde intérieur avec perte du contacte avec la réalité extérieure, accompagné pour lui de
l’impossibilité de contact avec les autres.
Dans le Petit Larousse, 1999 :
autisme (grec autos, soi-même): Trouble psychiatrique caractérisé par un repli
pathologique sur soi accompagné de la perte du contact avec le monde extérieur, typique de la
schizophrénie chez l’adulte, observé également chez l’enfant.
L’autisme de l’enfant a une origine discutée, neurologique ou psychique. Il apparaît dès les
premières années de la vie et se marque par le désintérêt total à l’égard de l’entourage, le
besoin impérieux de se repérer constamment dans l’espace, des gestes stéréotypés, des
troubles du langage et l’inadaptation dans la communication : l’enfant ne parle pas ou émet un
jargon qui a la mélodie du langage, mais qui n’a aucune signification.
La raison
Penser autre chose (3), sur la raison : quelles sont les révisions que je voudrais apporter
à la leçon inaugurale ou au cours de 2003 au sujet des styles de raisonnement ?
Premièrement, j’ai parlé de la vérité dans la leçon inaugurale. « Ce qui me tient à cœur,
c’est la vérité elle-même. » (page 10) « Je prétends même qu’un style crée ses critères de
vérité. » Cette année j’ai introduit un changement : je suis passé de la vérité à la véracité. J’ai
emprunté cette idée au livre récent de Bernard Williams. J’ai parlé des changements dans la
conception de ce que c’est que dire la vérité. La vérité demeure comme un concept formel,
mais la véracité, dans le sens de Williams, est historique. Elle a une généalogie. Il faut donc
modifier l’expression de la thèse 2 du cours de 2003. Je l’avais formulée ainsi :
2 Les critères de validité ou de justesse. […] Un style n’est pas bon parce qu’il nous
1 Michel Foucault, « Le Souci de la Vérité ». Interview avec F. Ewald, Magazine littéraire o 207, mai 1984. Dits
et écrits No 350. Gallimard. Éd. Quarto, 2 vols., vol. II, p. 1487.