BEYROUTH LA STRUCTURATION D’UNE POLITIQUE DE TRANSPORT A L’ECHELLE DE L’AGGLOMERATION Mots clés : Gouvernance urbaine ; Modes non motorisés ; Systèmes de transports artisanaux Monographie rédigée par Charles SIMON et validée par Julien ALLAIRE. Propriété intellectuelle de CODATU Dernière mise à jour : 30/07/2012 Beyrouth LA STRUCTURATION D’UNE POLITIQUE DE TRANSPORT A La grande région métropolitaine de Beyrouth comprend plus de 1,9 millions d’habitants soit presque la moitié de la population totale du Liban. Capitale politique, économique et culturelle, Beyrouth occupe une position stratégique en étant au carrefour de trois continents : Asie, Europe et Afrique. Capitale d’un pays meurtri par la guerre, Beyrouth fut encore récemment le lieu de violents affrontements. Malgré tout, la grande région métropolitaine de Beyrouth se développe et est confrontée, comme la plupart des grandes agglomérations mondiales, à des problèmes de congestion. La municipalité a mis en place plusieurs actions en partenariat avec différents acteurs internationaux pour faire face à ces difficultés. Le constat est aujourd’hui mitigé et une refonte du système institutionnel du pays semble s’imposer. L’ECHELLE DE L’AGGLOMERATION Liban Population : 4 227 000 hab. Beyrouth Population : 1 937 000 hab. Superficie : 10 452 km² Densité : 404,4 hab./km² Taux de croissance annuel de la population urbaine (2005 – 2010) : 0.98% Taux d’urbanisation : 87,2 % PIB / habitant : 9 228 $ IDH : 0,739/1 Taux de motorisation : NC Véhicules par kilomètre de route : NC Accidentologie : 1,21 accident mortel pour 10 000 hab. Superficie : 232 km² Densité : 8 349 hab./km² Population en 2025 : 2 135 000 hab. Sources : Banque mondiale – Schéma d’aménagement du Territoire – mappemonde.mgm Mots clés : Gouvernance urbaine ; Modes non motorisés ; Système de transports artisanaux L’intégration du Liban à l’économie mondiale ne s’est pas faite sans difficultés et reste encore aujourd’hui relativement difficile. Bien qu’ayant de multiples accords commerciaux avec différents partenaires, le Liban ne dispose pas d’une productivité ni d’une compétitivité suffisantes pour pouvoir faire face à la forte concurrence qu’entraîne la suppression des barrières douanières. Beyrouth fait figure d’exception dans le pays et est parvenue à s’intégrer dans l’économie mondiale en s’appuyant sur une économie basée sur le tertiaire. Le contexte géopolitique du pays reste particulièrement tendu et instable. Le Liban pâtit des différents affrontements qui ont lieux dans les pays limitrophes. Le développement du pays est directement affecté par cette situation. Malgré une croissance démographique modérée, l’agglomération de Beyrouth connaît d’importants problèmes de congestion. Le taux de motorisation du Liban est particulièrement élevé avec 320 véhicules pour 1 000 habitants. La croissance économique de l’agglomération a rendu possible l’acquisition de véhicules particuliers pour de nombreux habitants sans pour autant que cela s’accompagne d’une réelle politique des transports. A l’heure actuelle, Beyrouth ne dispose pas d’infrastructures routières suffisantes bien que de nombreux travaux soient entrepris et l’offre de transports collectifs publics est quasiment absente. En 1995, un Plan de Transport du Grand Beyrouth fut élaboré en partenariat avec l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile de France. Ce plan prévoyait la promotion d’un réseau de transport conséquent et la construction d’infrastructures routières. Un parc de 200 bus, acheté à une compagnie tchèque, fut mis à disposition de l’Office des Chemins de Fer des Transports en Communs (OCFTC), mais la gestion et l’exploitation du réseau se sont avérées être un échec. Les autobus, non adaptés aux conditions climatiques du pays, tombèrent régulièrement en panne et l’entretien fut rapidement un gouffre financier. A l’heure actuelle le réseau de bus publics du Grand Beyrouth ne comprend plus qu’une dizaine de bus et l’OCFTC est en grande difficulté financière. Face à cette situation, le secteur privé est venu pallier à cette insuffisance en transport collectif. La principale compagnie, Lebanese Commuting Company, comprend un réseau de 225 autobus pour une dizaine de lignes. Cette compagnie de bus assure le transport de 18 millions de personnes par an. En parallèle, les taxis et les minibus dont le nombre dans l’agglomération de Beyrouth avoisine les 40 000, représentent une importante offre de transport à laquelle s’ajoute les taxis et minibus illégaux dont le nombre est estimé à 30 000. Les politiques publiques ont principalement été orientées vers le développement d’infrastructures routières. Toutefois, du fait de la forte croissance du nombre de véhicules particuliers dans la capitale, cette politique n’a pas résolu les problèmes de congestion. Malgré tout, le Schéma d’Aménagement du Territoire Libanais pour 2030 (SDATL) préconise de poursuivre dans cette voie par la construction de nouvelles infrastructures routières capables de contenir l’ensemble du parc automobile de l’agglomération de Beyrouth. En 2011, sur les 2 millions de déplacements motorisés journaliers, 83 % d’entre eux ont été effectués en voiture particulière contre 17 % en transports collectifs. Le SDATL avait estimé qu’entre 2000 et 2030 le parc automobile et le nombre de déplacements motorisés par jour et par personne, connaîtraient une augmentation de 57 %. Etant donnée la congestion actuelle des infrastructures routières, ces prévisions sont pour le moins inquiétantes. Pour les modes actifs (marche, vélo, etc.) la situation est particulièrement difficile. La place prépondérante accordée à la voiture, fait passer au second plan les utilisateurs de modes doux. En effet, certains pans de la voirie piétonne ont été rétrécis au profit d’un agrandissement de ceux réservés aux voitures. D’autre part, les règles de stationnement ne sont pas respectées et il n’existe pas de police chargée de veiller au respect des règles en vigueur. Figure 1 : Schéma directeur d’Aménagement du Territoire libanais : Organisation du territoire QUELLE AUTORITE COMPETENTE POUR FAIRE FACE A CES ENJEUX ? Le système de gouvernance libanais est particulièrement centralisé. Le schéma ci-dessous montre la prédominance du pouvoir central dans les prises de décisions. Etat Mohazef Communes Figure 2 : Système de gouvernance libanais. Les communes constituent la seule forme de décentralisation territoriale du Liban. Leur représentation politique se compose d’une assemblée élue qui dispose, depuis 1998, de la pleine juridiction au niveau local dans tous les actes et activités publics. Pour autant, le pouvoir exécutif est détenu par l’Etat qui est représenté au niveau local par le Mohazef. Cette situation tend à réduire le rôle du conseil municipal. D’autre part, le Grand Beyrouth se décompose en plus de 200 communes sans pour autant qu’il y est une réelle autorité capable de planifier le développement de l’agglomération. Dans la logique du SDATL, l’Etat, par le biais d’une maitrise d’ouvrage déléguée, confie au Conseil de Développement et de Reconstruction (CDR) la construction des infrastructures routières. Cet organisme public a été créé dans les années 1970 pour prendre en charge la reconstruction du Liban suite à la guerre « des deux ans ». Le CDR était chargé de «planifier et programmer la reconstruction et le développement, assurer le financement des projets ainsi formulés, et en superviser l’exécution et l’exploitation en contribuant à la réhabilitation des institutions publiques, et assumer la charge de l’exécution de projets sur instruction du Conseil des Ministres »1. Aujourd’hui le CDR prend en charge tous les grands projets d’aménagement du pays et notamment de Beyrouth. Toutefois depuis 2000, il existe deux autres institutions publiques en charge de la gestion du trafic à Beyrouth : - Organisation de gestion du trafic (TMO) - Centre de gestion du trafic (TMC) Depuis plus de dix ans, une coopération existe entre la ville de Beyrouth et la région Ile-de-France. En 2009, ces deux parties ont conjointement lancé un projet de développement urbain : renforcement des capacités d’action de la municipalité de Beyrouth en matière de développement urbain et de planification stratégique. Ce projet doit donner naissance à un Plan de Déplacements Doux pour 1 www.cdr.gov.lb faciliter leur circulation. Par ailleurs, la région Ile-De-France souhaite sensibiliser les élus de la municipalité de Beyrouth aux problématiques de planification stratégique et former du personnel technique afin que la collectivité locale puisse disposer des capacités nécessaires pour établir une politique de transport durable. REGULER LE TRAFIC DE BEYROUTH Pour répondre aux problèmes de congestion et d’encombrement de la voirie, l’Etat libanais en partenariat avec la Banque Mondiale, a lancé un projet de développement de transport urbain (UTDP) et en a confié la gestion au CDR. Le début des opérations de ce plan d’action qui définit quatre objectifs prioritaires, fut lancé en 2005. - Construction d’équipements d’infrastructures sur les axes principaux de circulation : croisements dénivelés, carrefours. - Système de contrôle et de gestion du trafic par la mise en place d’un réseau de caméras de surveillance et de feux de signalisation. Tous ces équipements sont connectés au TMC qui en a la charge. - Gestion du parc de stationnement par la mise en place de parcmètres. La gestion du stationnement revient à la TMO, mais l’installation et la maintenance des machines sont gérées par deux opérateurs privés. Mais plus important encore, une réduction de 30 % des violations des règles de stationnement a été observée entre 2008 et 2011. - Pour des opérations à plus long terme, la Banque Mondiale apporte une assistance technique en matière de planification des transports et notamment par la promotion des transports publics. Des études ont été réalisées ou sont en cours afin de proposer des solutions pour revitaliser les transports publics de Beyrouth. Le coût total de ce projet est estimé à 231,1 millions de dollars. Le coût de l’opération est supporté par plusieurs acteurs avec en premier lieu la Banque mondiale (134,7 millions de dollars), la Banque Européenne d’Investissement, le Fonds Arabe de Développement Economique et Social, le Fonds Koweïtien pour le développement économique et la Banque Islamique de Développement (69,5 millions de dollars), l’Etat libanais (26,9 millions de dollars). Pour les années à venir il est envisagé, toujours en partenariat avec la Banque Mondiale, de mettre en place un système de transport collectif intégré et une police de la circulation efficace. CONCLUSION Le système de transport de Beyrouth aurait besoin d’un certain nombre d’ajustements. La mise en place d’un système clair de gouvernance dans le domaine de la planification urbaine semble être aujourd’hui la priorité. Sans qu’elle ne soit nécessairement mise en place au niveau local, il est important de doter une institution de moyens suffisants pour mettre en œuvre une politique des transports durables qui réhabilite les transports collectifs et améliore les conditions d’usage des modes de déplacements doux afin de décongestionner le Grand Beyrouth.2 2 DAR – IAURIF, Schéma d’Aménagement du Territoire Libanais – Rapport final, 2004 Région Île-de-France, La Région Île-de-France à Beyrouth – Bulletin de la coopération décentralisée, Edition n°1 de mai 2011 Le Commerce du Levant, Transport dans le Grand Beyrouth : la saturation, Août 2009 http://web.worldbank.org http://idf-beyrouth.com http://www.senat.fr http://www.cdr.gov.lb