Celui qui ne sait pas chanter !
Je suis le cousin du pic vert et pourtant personne ne me connait !
Bien sûr je ne sais pas chanter, juste quelques « puik » «tik » « Pik » bruyants mais insignifiants.
Pourtant je suis beau, c’est vexant à la fin, je suis le PIC EPEICHE.
Le pic vert, lui, affectionne les espaces dégagés, les parcs riches en vieux arbres, il apprécie les pelouses dans
lesquelles il déloge de nombreux vers ou insectes. Moi, le pic épeiche, je préfère le secret des forêts, je ne descends
que très rarement au sol, je passe inaperçu dans les branches des grands arbres.
Nous, les pics nous sommes faits pour vivre dans les arbres. Quand vous aurez lu cet article, vous saurez me
reconnaître. Je me pose souplement contre un tronc, je peux y rester des heures sans aucun effort. Mes doigts très
longs, robustes et armés d’ongles acérés se plantent dans l’écorce à la manière des griffes d’élagueur. Je possède 2
doigts en avant et 2 doigts en arrière (1 seul en arrière chez les autres oiseaux). Je m’appuie sur un véritable trépied
naturel, mon 3e point d’appui, constitué par ma queue composée de 10 plumes noires et blanches à la fois très
raides et très souples qui prend l’aspect d’une lame de ressort. Je suis littéralement « fiché » dans l’arbre. C’est
d’ailleurs dans cette posture que je passe généralement la nuit.
Comme vous avez lu, je ne sais pas chanter, c’est vrai, pourtant quand vient le printemps, je me sens soudain une
envie de fonder une famille, alors comment faire ?
Tous les oiseaux au printemps, s’approprient un territoire (une portion de forêt, de marais, de prairie…) sur lequel ils
règnent en maître et où ils ne tolèrent aucune concurrence de la part d’un autre individu de la même espèce (par
exemple une mésange charbonnière n’acceptera pas une autre mésange charbonnière dans son royaume mais elle
s’accommodera fort bien d’une mésange bleue ou d’un autre passereau). Ce territoire est choisi pour sa tranquillité
et sa surface est déterminée en fonction de la quantité de nourriture qu’il y trouvera pour élever sa nichée. Le rôle
principal du chant est précisément de lui permettre de « marquer » les limites de ce fameux domaine. L’oiseau en
fait le tour plusieurs fois par jour, en chantant à des postes bien particuliers (tel arbre, tel poteau, tel fil électrique,
etc…) qui constituent les frontières à ne pas franchir pour les intrus. Si un de ces intrus se présente, les deux
adversaires s’insultent longuement…en chantant ! Ils prennent des allures féroces jusqu’au moment où le plus
impressionné cède le terrain à son adversaire, à moins qu’une bagarre soignée ne se solde par des blessures. Une
fois installé dans sa portion de terrain, il fait son intéressant pour pouvoir conquérir le cœur d’une femelle séduite
par son ramage.
Seulement voilà, notre pic épeiche ne sait pas
chanter ! Heureusement, Dame Nature qui pense à
tout, l’a doté d’un bec très puissant digne d’un
instrument à percussion pour interpréter un air -pas
très varié, certes- mais qui a le mérite de faire
beaucoup de bruit. Il choisit une branche morte qui
résonne, généralement dans la moitié supérieure d’un
arbre et il la frappe du bec avec frénésie (5 à 20 coups
de bec par seconde)… faute de mieux, on a pu le voir
taper sur des antennes ou des gouttières... Résultat :
une vibration très sonore durant à peine une seconde
renouvelée à intervalles réguliers. On peut entendre
ces tambourinements dès la fin janvier. C’est à cette
période que l’on peut le plus facilement l’observer, en
se rapprochant de ces percussions répétées quand les
feuilles des arbres ne nous cachent pas la vue.
Mâle à gauche - Femelle à droite Photos J. Fouarge