L'ingéniosité et le sens pratique de cet oiseau se manifestent surtout quand il
recherche sa nourriture. D'une part, fidèle à la tradition de famille, il explore les troncs et
les branches, martèle les écorces et s'empare ainsi de nombreuses larves de coléoptères
et de lépidoptères. Il faut y ajouter les autres insectes qu'il peut capturer, notamment les
fourmis, les guêpes, les libellules, les sauterelles, etc. ; il ouvre les galles pour en extraire
la larve, et ne dédaigne pas les araignées. Selon de nombreux témoignages, les nids des
Mésanges, des Sittelles, des Hirondelles, etc. tentent fort certains spécialistes du pillage,
qui enlèvent aussi bien les œufs que les jeunes oiseaux, après effraction.
Très éclectique, l'Epeiche n'en reste pas au
règne animal, surtout à la mauvaise saison. C'est
un grand amateur de graines de conifères. J'ai
bien des fois découvert son atelier, sa « forge »,
en remarquant au pied d'un arbre un amas de
cônes déchiquetés ; plus haut, dans les sillons de
l'écorce, d'autres sont fichés ou coincés. Pendant
une grande partie de l'année, de fin juin au début
d'avril, le Pic vient y travailler. D'un sapin ou d'un
pin du voisinage, il détache un cône, et le
transporte au bec -parfois dans les pattes-
jusqu'à son établi. Là, après avoir jeté l'ancien
hors de son étau, il fixe son butin dans la
crevasse et se met à ouvrir méthodiquement les
écailles pour avaler les graines. En cinq minutes il
a terminé et repart chercher un nouveau cône. Il
en use de même avec les galles de chêne, les
noyaux de fruits les plus divers, et même les
bourgeons.
Pic épeiche mâle montant en portant une pive
Certains individus adorent la sève douce ou la résine liquide, et percent au printemps des
séries assez régulières de trous dans l'écorce des conifères, des tilleuls, des hêtres, etc.,
puis lèchent les gouttes qui s'écoulent. Le régime de l'espèce est donc en partie
végétarien2. N'oublions pas qu'en hiver, il se hasarde jusque sur les fenêtres pour y
goûter aux aliments exposés à l'intention des Mésanges. Le Pic épeiche sait utiliser les
meilleures occasions ; cependant on le voit peu à terre, car ce n'est pas un grand amateur
de fourmis.
Ses facultés d'adaptation se révèlent aussi dans le choix de son habitat. On peut le
rencontrer partout où il y a des arbres : dans les bois et forêts de tout genre, et en
montagne jusqu'à la limite des massifs arborescents. Sa densité est cependant beaucoup
plus faible dans les peuplements purs de conifères et en altitude ; en plaine, il préfère les
arbres élevés aux haies et aux vergers qu'affectionne le Pic vert ; les parcs lui conviennent
à merveille, même au milieu des villes.
2 Nombreuses variations régionales. En Finlande, l'Epeiche vit même exclusivement des graines d'épicéa et de pin, de
novembre à mars (PYNNÖNEN 1943).