Le traitement des tumeurs neuroendocriniennes dépend du bilan

Santé Mag: Quelle est l’approche du
médecin gastro-entérologue, dans la
prise en charge des tumeurs neuroen-
docriniennes (TNE) ?
Pr Nassima Bounab: Le gastro-enté-
rologue intervient en premier lieu; car,
c’est lui qui fait le diagnostic. Il s’agit,
d’abord, de déceler les symptômes de
ces types de tumeurs, pour pouvoir
identifier la nature de la tumeur primi-
tive et d’en faire, ainsi, à partir d’un bilan
initial, le bilan d’extension, pour pouvoir,
en tout état de cause, établir un bilan
complet; ce qui nous permettra, alors,
une prise en charge thérapeutique
idoine. Cette approche est fondamen-
tale.
Comment reconnaître les symptômes ?
Il y a diérentes formes; à savoir: les
formes asymptomatiques découvertes,
d’ailleurs, fortuitement et ce sont les
plus nombreuses. Ces formes sont révé-
lées lors de complications, telles qu’une
occlusion ou de saignement dans les
selles. Les malades sont, donc, opérés
et c’est la pièce opératoire, soumise à
l’analyse anatomopathologique, qui en
confirme le diagnostic.
D’autre part, des formes symptoma-
tiques peu spécifiques existent, où l’on
constate une hépatomégalie, qui té-
moigne d’un stade avancé de la tumeur.
Enfin, on constate des formes fonction-
nelles, lesquelles se manifestent par un
syndrome clinique très évident; d’où,
découle un diagnostic, directement. Les
symptômes de ces formes fonction-
nelles sont spécifiques: il s’agit des in-
sulinomes (producteurs d'insuline), des
glucagonomes (producteurs de gluca-
gon), des gastrinomes (producteurs de
gastrine), etc….
Ces signes doivent nous orienter vers le
diagnostic. Aussi, à partir de ce tableau
clinique, il faudra préciser la nature de la
tumeur neuroendocrinienne, par dosage
de la chromogranine, qui est utilisée en
tant que marqueur tumoral général. A
côté de ce marqueur général, on note-
ra que des marqueurs plus spécifiques
existent également, nécessaires, pour
identifier un syndrome fonctionnel sus-
pecté.
Une fois la nature de la tumeur neu-
roendocrinienne précisée, il faut iden-
tifier le point de départ de la tumeur;
c'est-à-dire, la tumeur primitive et en
établir le bilan d’extension, comme nous
l’avons dit tantôt et dans ce cas, le rôle
du gastro-entérologue est de faire des
examens endoscopiques. Néanmoins,
ces examens sont utiles, uniquement,
pour les tumeurs accessibles et pour ce
qui concerne celles non accessibles à ce
type d’examens, on doit avoir recours à
d’autres explorations, comme au moyen
du scanner, de l’IRM et de l’entérosca-
ner, utile pour le diagnostic de l’intestin
grêle.
Il est procédé, en outre, à des explora-
tions fonctionnelles, comme la scinti-
graphie et à l’octréoscaner, s’agissant
de tumeurs bien diérenciées. Ceci per-
mettra, donc, de déceler la tumeur pri-
mitive et son extension.
Cependant, des cas peuvent se présen-
ter, où la scintigraphie à l’octréoscan
s’avère négative; alors, on aura recours
au PET scan, qui est une association de
la scintigraphie, avec le scanner. Ce sont
des coupes scanographiques et tomo-
graphiques, qui autorisent une meilleure
détection des tumeurs. Au demeurant,
ce procédé n’est indiqué, encore une
fois, que lorsque l’octréoscan est négatif.
On peut, donc, dire qu’il y a plusieurs
traceurs à utiliser en fonction de la tu-
meur, diérenciée ou non.
Le traitement des tumeurs
neuroendocriniennes
dépend du bilan initial
Pr Nassima Bounab*, à Santé Mag,
Propos recueillis par Tanina Ait
Concernant le diagnostic,
les moyens existent; mais,
pas susamment
Santé-MAG
N°48 - Février 2016
ACTUALITÉ
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Propos recueillis par Tanina Ait
En définitive, on rappellera que, pour confirmer la nature
endocrinienne, on procède à l’examen histologique, une
fois la tumeur primitive détectée, ou en cas de métas-
tases.
Voilà, donc, un bilan complet, à la lumière duquel le pa-
tient sera classé, pour recevoir un traitement adéquat.
Qu’en est-il justement du traitement ?
Pour le gastro-entérologue, la première étape du traite-
ment demeure symptomatique; mais, essentiellement,
chez le patient qui présente des tumeurs fonctionnelles
symptomatiques comme, par exemple, le syndrome car-
cinoïde; car, ce type de patient risque de faire une compli-
cation très grave, dans la mesure où l’on devrait procéder
à une biopsie, il fera, alors, une crise carcinoïde, qui met-
tra en jeu son pronostic vital.
Aussi, doit-on stabiliser le patient, pour un traitement
symptomatique, qui est, soit la Somatuline, soit l’octréo-
tide, action retard, sous forme LP.
Si nous sommes face à un gastrinome, on prescrit, essen-
tiellement, des IPP, afin d’éviter ses complications hémor-
ragiques. Ce traitement soulage les patients, en attendant
de l’orienter vers la chirurgie. En conséquence, dans le cas
d’une tumeur localisée, il faudra l’enlever. Si c’est métas-
tasé on aura recours à la chimiothérapie, à titre palliatif.
Quelles sont l’incidence et la prévalence des TNE ?
Nous ne possédons pas de registre, à l’heure actuelle, ni
au niveau régional, ni national et c’est à ce niveau que
réside la diculté.
Cependant, les structures d’anatomie-pathologie re-
çoivent les pièces opératoires et ce peut être, là, un départ
d’analyse statistique.
A l’échelle internationale, la prévalence est inférieure à 1%.
Concernant l’Algérie, je ne saurais vous le dire; mais, sans
aucun doute, la prévalence est sous-estimée.
Quelles sont les TNE les plus fréquentes ?
Les plus fréquentes sont celle de l’intestin grêle, puis, celle
du pancréas; néanmoins, on n’y retrouve pas, toujours, la
tumeur primitive, bien que les patients nous arrivent avec
un tableau clinique de syndrome fonctionnel évident.
Est-ce que tous les moyens humains et matériels sont
présents et disponibles, pour diagnostiquer les TNE ?
Concernant le diagnostic, les moyens existent; mais,
pas susamment. Les dosages biologiques, comme la
chromogranine, se font au CPMC;
par contre, ceux de
la gastrinémie s’établissent de manière irrégulière et à
titre externe, auprès des laboratoires privés et envoyés à
l’étranger, pour interprétation. Ces examens sont onéreux
et au frais du patient.
S’agissant des endoscopies, on ne constate pas de di-
cultés, pour le scanner et l’IRM. Quant à l’octréoscan, il n’y
a, malheureusement, que deux centres à Alger; à savoir, le
CHU Amine Debaghine, en médecine nucléaire (ceci de-
meure insusant, au vu de la forte demande) et au niveau
de l’hôpital de Ain Naâdja; mais, l’accès reste restreint.
Par ailleurs, de temps en temps, nous constatons des rup-
tures de consommables et de tout le matériel qui va avec
* Professeur Nassima Bounab,
service gastro-entérologie - CHU Mustapha Bacha – Alger.
Bientôt, l’élaboration
d’un registre de TNE,
à l’ouest du pays
Dr Nadia Ameziane*, à Santé Mag,
Santé Mag: Quel est l’état des lieux de la prise en charge des
TNE, à l’Ouest du pays ?
Dr Nadia Ameziane: Au niveau d’Oran, nous sommes en train
de lancer la prise en charge des TNE, afin déjà d’aboutir à un
registre y aérent, nécessaire à sa codification. Les TNE sont,
certes, des maladies rares et nous recevons 4 à 5 malades, par
an, au niveau de notre service; mais, leur thérapie nécessite une
approche pluridisciplinaire: oncologues, chirurgiens viscéra-
listes, gastro-entérologues, endocrinologues, radiologues etc…
Qu’en est-il des moyens de diagnostic et des médicaments
des TNE ?
Au plan de l’imagerie médicale, nous ne disposons pas, encore,
au CHU, de tout le matériel nécessaire; notamment, fonctionnel.
Aussi, doit-on disposer, au plus vite, de ce type d’équipement;
sinon, tous nos eorts seront vains, pour la prise en charge thé-
rapeutique, bien que les médicaments soient disponibles.
Y a-t-il une tranche d’âge plus touchée que d’autres, par les
TNE ?
La tranche d'âge la plus concernée se situe autour de 60 ans;
mais, comme il a été dit, par les diérents intervenants, il peut
être constaté des cas beaucoup plus jeunes; voire, 25 ans ou
beaucoup plus vieux avec, toutefois, une prédominance glo-
bale féminine et ce dernier point n’est pas, encore, élucidé.
Un mot, pour conclure….
Je souhaite, fortement et également, une plus grande concer-
tation entre les diérents spécialistes, impliqués dans le traite-
ment des TNE, pour en améliorer la prise en charge
* Docteur Nadia Ameziane,
maître-assistante, au CHU d’Oran.
Santé-MAG
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