Le système d’échange de quotas
américain en perspective
Points de vue de Steve Cochran et Manik Roy *
Quelles sont les principales dispositions
des propositions qui pourraient être
adoptées par la Chambre et le Sénat en
2008 ? En quoi ces propositions peu-
vent-elles différer ?
Manik Roy : Il est probable que les deux
propositions mettront en place un système
d’échange de quotas portant sur les six GES
de Kyoto, en couvrant les grands émetteurs
industriels et, éventuellement, le carburant du
transport. En outre, il est vraisemblable
qu’elles exigeront toutes deux une réduction
de 60 à 80 % des émissions actuelles à l’hori-
zon 2050, un accès à des crédits de compen-
sation, un mécanisme destiné à se couvrir
contre les fluctuations importantes des coûts,
des dispositions pour étendre le développe-
ment de la capture et de la séquestration du
carbone, une importante quantité de quotas
alloués gratuitement aux émetteurs visés au
commencement, et enfin un lien quelconque
avec le marché international.
Steve Cochran : Il semble y avoir suffi-
samment de points communs entre la pro-
position Lieberman-Warner du Sénat et les
intentions affichées par les députés de la
Chambre des Représentants pour réconci-
lier les deux et produire un texte à envoyer
au président pour signature en 2008.
Vous attendez-vous à beaucoup de
débats au cours de cette année à propos
d’une « safety valve »1qui plafonnerait le
prix des quotas ?
Manik Roy : L’année dernière, les séna-
teurs Bingaman et Specter ont présenté
une proposition qui plafonnerait initiale-
ment le prix du quota de GES à 12 $ la
tonne. Je n’envisage pas que cette propo-
sition passe puisque les projections indi-
quent qu’elle ne permettrait pas de réduire
les émissions de GES des États-Unis.
Néanmoins, je crois qu’un mécanisme de
maîtrise des coûts sera élaboré qui fournira
Le Congrès américain examine actuellement plusieurs
propositions qui rendraient obligatoire un système d’échange
de quotas pour les émissions nationales de gaz à effet
de serre (GES). Deux experts politiques évoquent la forme
que pourrait prendre cette loi sur le climat.
3
Entretien
une certaine protection contre les fluctua-
tions importantes des prix, sans nuire à l’in-
tégrité environnementale du programme.
Steve Cochran : Le débat semble
s’éloigner de l’idée d’une « safety valve »
pour se rapprocher des mécanismes qui ne
sacrifieront pas les objectifs environnemen-
taux au nom de la prévisibilité des coûts.
Ceux-ci incluent la capacité des émetteurs
réglementés à épargner ou à emprunter des
quotas, ou la mise en place d’un système
de compensation.
Qu’en est-il des discussions sur
des dispositions qui découragent les
importations en provenance de pays
sans contrôle des émissions de GES ?
Steve Cochran : La proposition
Lieberman-Warner comporte une série d’inci-
tations à l’adoption de plafonds d’émissions
par les pays en développement gros émet-
teurs. Après un certain temps, elle demande-
rait aux pays sans plafonnement d’émissions
d’acheter des quotas de GES pour leurs
exportations vers les États-Unis. La question
actuellement débattue est celle du temps qui
s’écoulera entre la mise en place des obliga-
tions des émetteurs américains et le moment
où des obligations seront appliquées aux par-
tenaires commerciaux des États-Unis.
Manik Roy: Comme Steve l’a mentionné,
le projet actuel du Sénat pourrait en fin de
compte exiger des importateurs de certains
produits à haute intensité énergétique, prove-
nant de pays sans plafonnement « compa-
rable » des GES, de payer des quotas pour
leurs produits importés. Beaucoup ont expri-
mé leurs préoccupations en raison de l’in-
fluence potentielle de cette mesure sur les
échanges internationaux. Si la proposition
finale ne reprendra peut-être pas cette dispo-
sition, je pense qu’elle devrait inclure une
mesure destinée à répondre aux préoccupa-
tions de ces producteurs.
Quelle est la position des décideurs
politiques quant au lien possible entre le
système d’échange américain et le mar-
ché international du carbone ?
Manik Roy : Le débat au Congrès est
actuellement plus centré sur les aspects
nationaux que sur les aspects internatio-
naux. De nombreux responsables poli-
tiques américains reconnaissent qu’en fin
de compte, il serait plus efficace d’intégrer
le système d’échange des États-Unis dans
le marché international. En conséquence, la
proposition finale pourrait autoriser l’utilisa-
tion de certains quotas de GES internatio-
naux dans le système américain.
Steve Cochran : La proposition
Lieberman-Warner prévoit d’autoriser les
entreprises à acheter des droits d’émission
auprès d’autres pays pour satisfaire jusqu’à
15 % de leurs obligations. Les décideurs
politiques s’intéressent de plus en plus aux
« tonnes forestières » - la récompense par
des crédits de la réduction d’émissions liées
à la déforestation. Un tel programme néces-
siterait des connexions internationales
qu’une « safety valve » pourrait empêcher.
Propos recueillis par Cate Hight
Tél. : 01 58 50 98 19
* Steve Cochran est directeur de la
Campagne Nationale sur le Climat de
l’ONG Environmental Defense.
Manik Roy est directeur des Affaires
du Congrès du Pew Center on Global
Climate Change.
1Soupape de sécurité.