ÉDITORIAL
La Lettre du Neurologue - n° 7 - vol. V - septembre 2001 295
Troubles du langage : dépistage
!P. Lacert*
a dyslexie est un trouble manifesté par des
difficultés significatives dans l’acquisition et
l’usage de la lecture. Ce trouble est intrin-
sèque à l’individu et présumé secondaire à un dysfonctionne-
ment du système nerveux central.
Bien qu’il puisse survenir de façon concomitante avec d’autres
affections handicapantes (par exemple, une déficience senso-
rielle, des perturbations sociales ou émotionnelles) ou des
influences environnementales (par exemple, des différences
culturelles, une instruction scolaire insuffisante ou inappro-
priée, des facteurs psychogènes), il n’est pas le résultat direct
de ces affections ou influences.” (National Joint Committee on
Learning Disabilities 1987, Hammil et al. 1937).
Avant d’entrer dans le vif du sujet, force est d’éloigner l’ambi-
guïté du titre et de bien se limiter aux troubles spécifiques de
l’installation de la langue au cours de la croissance d’un enfant.
Par “spécifique”, il faut entendre ici que le trouble langagier
domine en intensité, en antériorité au point que tout autre
symptôme, que l’on ne saurait exclure, se présente comme
secondaire, tantôt en intensité, tantôt par sa date d’installation,
parfois enfin pour les deux critères. Mais pour secondaires
qu’ils soient d’un point de vue nosographique, de pareils symp-
tômes n’en sont pas moins une préoccupation à l’heure de la
thérapeutique, d’autant qu’ils peuvent aggraver la gêne sociale
et entraver l’attaque thérapeutique du trouble langagier lui-
même.
Par ailleurs, les troubles peuvent exister de façon plus ou moins
évidente dès l’abord du langage oral ou n’être à l’origine de
difficultés socio-scolaires qu’à l’heure de l’abord de l’écrit.
Dans le premier cas, on aura affaire à une dysphasie de déve-
loppement, dans le second, à une dyslexie.
Le dépistage comporte, dans tous les cas, trois étapes : l’alarme
ou l’alerte, la certitude qu’une pathologie existe et la démons-
tration de la spécificité langagière de la pathologie. Ce chemi-
nement diagnostique ne prend de sens que si la mise en
place de la thérapeutique peut être accompagnée par une
prise en compte pédagogique ; c’est celle-ci, notamment, que
les recommandations ministérielles doivent s’efforcer de faire
éclore par leur mise en conformité avec les besoins réels.
L’ALERTE
Elle n’est pas le fait de personnes spécialisées. Toute per-
sonne en rapport avec l’enfant doit s’interroger si la communi-
cation, expression comme compréhension, ne semble pas s’éta-
blir de façon ordinaire. C’est dire que les adultes les plus
familiers sont les premiers concernés : les parents, bien sûr,
mais aussi les acteurs de PMI, les agents des crèches et garde-
ries, les enseignants de maternelle et, plus généralement, le
personnel de l’Éducation nationale, spécialement le personnel
de santé.
Pour que cette alerte ne tourne pas au drame ni à l’inquiétude
systématique et injustifiée, il est nécessaire que l’information
minimale soit diffusée et reçue comme un outil au service de
l’épanouissement de l’enfant. Elle ne peut être que le produit
de formateurs compétents, mais tous les outils de diffusion doi-
vent être mobilisables, sans négliger les grands médias, dont
l’usage devrait être ici celui d’un véritable service public, sans
souci d’audimat.
Il est également indispensable que l’interrogation constituée
par l’alerte trouve une personne ou une structure où la compé-
tence est suffisante pour distinguer les faits qui restent dans la
gamme de la normalité de ceux qui en sortent et justifient alors
le passage à l’étape suivante.
LA CERTITUDE PATHOLOGIQUE
Il s’agit d’une étape diagnostique essentielle qui repose sur des
critères quantitatifs mais aussi qualitatifs.
* Service de médecine physique et de réadaptation de l’enfant,
hôpital Raymond-Poincaré, Garches.
** Service de neuropédiatrie, hôpital Raymond-Poincaré, Garches.
Les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé ainsi que le secrétariat d’État aux personnes âgées et aux personnes
handicapées ont mis en place un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage. Les objectifs de ce plan
sont le repérage et la prévention de ces troubles, dès la maternelle. La France présente un retard par rapport aux pays anglo-saxons et
à ceux du nord de l’Europe en matière de prise en charge des enfants souffrant d’un trouble spécifique du langage. La reconnaissance
officielle de ces troubles apporte de nouveaux espoirs pour les enfants atteints et leurs familles, et de nouvelles perspectives pour les
professionnels de la santé et de l’éducation qui s’en occupent. J.M. Pinard**
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