É D I T O R I A L Troubles du langage : dépistage ! P. Lacert* Les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé ainsi que le secrétariat d’État aux personnes âgées et aux personnes handicapées ont mis en place un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage. Les objectifs de ce plan sont le repérage et la prévention de ces troubles, dès la maternelle. La France présente un retard par rapport aux pays anglo-saxons et à ceux du nord de l’Europe en matière de prise en charge des enfants souffrant d’un trouble spécifique du langage. La reconnaissance officielle de ces troubles apporte de nouveaux espoirs pour les enfants atteints et leurs familles, et de nouvelles perspectives pour les professionnels de la santé et de l’éducation qui s’en occupent. J.M. Pinard** “L a dyslexie est un trouble manifesté par des difficultés significatives dans l’acquisition et l’usage de la lecture. Ce trouble est intrinsèque à l’individu et présumé secondaire à un dysfonctionnement du système nerveux central. Bien qu’il puisse survenir de façon concomitante avec d’autres affections handicapantes (par exemple, une déficience sensorielle, des perturbations sociales ou émotionnelles) ou des influences environnementales (par exemple, des différences culturelles, une instruction scolaire insuffisante ou inappropriée, des facteurs psychogènes), il n’est pas le résultat direct de ces affections ou influences.” (National Joint Committee on Learning Disabilities 1987, Hammil et al. 1937). Avant d’entrer dans le vif du sujet, force est d’éloigner l’ambiguïté du titre et de bien se limiter aux troubles spécifiques de l’installation de la langue au cours de la croissance d’un enfant. Par “spécifique”, il faut entendre ici que le trouble langagier domine en intensité, en antériorité au point que tout autre symptôme, que l’on ne saurait exclure, se présente comme secondaire, tantôt en intensité, tantôt par sa date d’installation, parfois enfin pour les deux critères. Mais pour secondaires qu’ils soient d’un point de vue nosographique, de pareils symptômes n’en sont pas moins une préoccupation à l’heure de la thérapeutique, d’autant qu’ils peuvent aggraver la gêne sociale et entraver l’attaque thérapeutique du trouble langagier luimême. Par ailleurs, les troubles peuvent exister de façon plus ou moins évidente dès l’abord du langage oral ou n’être à l’origine de difficultés socio-scolaires qu’à l’heure de l’abord de l’écrit. Dans le premier cas, on aura affaire à une dysphasie de développement, dans le second, à une dyslexie. Le dépistage comporte, dans tous les cas, trois étapes : l’alarme ou l’alerte, la certitude qu’une pathologie existe et la démonstration de la spécificité langagière de la pathologie. Ce cheminement diagnostique ne prend de sens que si la mise en place de la thérapeutique peut être accompagnée par une prise en compte pédagogique ; c’est celle-ci, notamment, que les recommandations ministérielles doivent s’efforcer de faire éclore par leur mise en conformité avec les besoins réels. L’ALERTE Elle n’est pas le fait de personnes spécialisées. Toute personne en rapport avec l’enfant doit s’interroger si la communication, expression comme compréhension, ne semble pas s’établir de façon ordinaire. C’est dire que les adultes les plus familiers sont les premiers concernés : les parents, bien sûr, mais aussi les acteurs de PMI, les agents des crèches et garderies, les enseignants de maternelle et, plus généralement, le personnel de l’Éducation nationale, spécialement le personnel de santé. Pour que cette alerte ne tourne pas au drame ni à l’inquiétude systématique et injustifiée, il est nécessaire que l’information minimale soit diffusée et reçue comme un outil au service de l’épanouissement de l’enfant. Elle ne peut être que le produit de formateurs compétents, mais tous les outils de diffusion doivent être mobilisables, sans négliger les grands médias, dont l’usage devrait être ici celui d’un véritable service public, sans souci d’audimat. Il est également indispensable que l’interrogation constituée par l’alerte trouve une personne ou une structure où la compétence est suffisante pour distinguer les faits qui restent dans la gamme de la normalité de ceux qui en sortent et justifient alors le passage à l’étape suivante. LA CERTITUDE PATHOLOGIQUE * Service de médecine physique et de réadaptation de l’enfant, hôpital Raymond-Poincaré, Garches. ** Service de neuropédiatrie, hôpital Raymond-Poincaré, Garches. La Lettre du Neurologue - n° 7 - vol. V - septembre 2001 Il s’agit d’une étape diagnostique essentielle qui repose sur des critères quantitatifs mais aussi qualitatifs. 295 É D I T O R Les critères quantitatifs I A L LA SPÉCIFICITÉ LANGAGIÈRE Mis en avant dans les enquêtes de masse et assez faciles à recueillir à partir de questionnaires (tests ou batteries d’évaluation) dont le nombre grandit chaque jour, ils ne sont pertinents que si les outils sont véritablement étalonnés (on sait le travail que représente un étalonnage scientifiquement recevable) et si leurs résultats, interprétés judicieusement, ne sont utilisés que confrontés aux critères qualitatifs. Les critères qualitatifs Ils amorcent la démarche suivante en permettant d’identifier : – les déficits d’utilisation du langage, dont l’origine est à l’évidence autre que celle du développement du langage lui-même (trouble de la relation, du comportement, de la personnalité, du potentiel intellectuel…) ; – une suspicion suffisante de trouble dans la structure et la maturation du langage, qui font du déficit observé un très probable déficit développemental. IIes Journées d’enseignement supérieur de la SFEMC “Les céphalées aiguës” Conférences et ateliers pratiques Paris, 25-26 octobre 2001 Renseignements : BCA, 6, bd du Général-Leclerc, 92115 Clichy Cedex Tél. : 01 41 06 67 70 - Fax : 01 41 06 67 79 E-mail : [email protected] - Site : www.b-c-a. Dernière étape du diagnostic, la spécificité langagière est indispensable, surtout dans les cas difficiles, qui restent nombreux et pour lesquels l’étape précédente se termine sur un doute. Celui-ci doit être levé, car il y va de la qualité comme de la quantité de traitement nécessaire à un résultat optimal. En son absence, les erreurs et/ou les surdosages rééducatifs dispendieux, notamment en contraintes, sont aussi fréquents que néfastes. C’est pour confirmer la spécificité langagière de la pathologie dans ces cas difficiles que l’équipe pluridisciplinaire prend tout son sens. Si le médecin doit être capable de faire la synthèse, il ne faut pas le priver des savoirs spécifiques d’un(e) orthophoniste, d’un(e) psychologue au savoir orienté vers la pathologie cognitive ; les apports d’un(e) psychomotricien(ne), d’un(e) pédopsychiatre, ainsi que des familiers de la vie quotidienne sont souvent précieux ; ils deviennent indispensables à la mise en place de la nécessaire cohérence familio-thérapeutico-scolaire qu’on appelle habituellement la “prise en charge”. " Journées françaises de l’épilepsie “La guérison des épilepsies” Centre de congrès Vinci, à Tours, 10-13 novembre 2001 Renseignements : Pr B. de Toffol, Clinique neurologique, CHU Bretonneau, 37044 Tours Cedex Tél. : 02 47 47 37 24 - Fax : 02 47 47 38 08 E-mail : [email protected] 18e Réunion des sciences neurologiques Faculté de médecine de Dijon, 24 novembre 2001 Renseignements : A.D.S.N.B. (Association pour le développement des sciences neurologiques en Bourgogne) Professeur M. Giroud Service de neurologie, hôpital Général, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon Tél. : 03 80 29 37 53 - Fax : 03 80 29 36 72 296 La Lettre du Neurologue - n° 7 - vol. V - septembre 2001