La compétence langagière est-elle nécessaire à la réussite économique et sociale dans le pays d’accueil ? Notes pour la présentation du 28 mars 2004 Monica Heller (Université de Toronto) 1. Les présupposés sur les liens compétence langagière-« intégration » La politique publique tend à prendre pour acquis que les immigrés doivent maîtriser la ou les langues dominantes dans le pays d’accueil pour « s’intégrer » : quelle réalité se cache derrière cette idée ? 2. Déconstruire « intégration » : accès aux ressources, aux relations sociales Qui décide ce qui compte comme intégration ? S’agit-il toujours de l’accès aux mêmes ressources ? aux mêmes relations sociales ? aux mêmes pratiques et connaissances ? 3. Déconstruire « compétence langagière » Qui décide ce qui compte comme compétence langagière ? Que veut dire « maîtriser » une langue ? 4. Une relation contradictoire La langue peut servir de moyen d’inclusion et d’exclusion ; mais alors il faut se demander qui justement décide ce qui compte comme compétence. La langue n’est pas simplement une habileté ; elle est un outil de pouvoir. Les dominants peuvent toujours changer les règles du jeu langagières : on ne parlera jamais assez bien l’anglais ou le français si on ne participe pas aux cercles où le « bon » anglais ou le « bon » français se définit. Ce n’est pas toujours la forme standard qui sert de critère d’inclusion ou d’exclusion. Souvent ce sont les pratiques de la vie quotidienne, de la solidarité sociale, qui comptent le plus. Comment les « enseigner » ? Parfois, ce n’est pas la langue qui compte. Tout le monde peut raconter les histoires de personnes appartenant à des minorités visibles qui sont convoqués pour visiter un appartement au téléphone, mais qui se font dire en arrivant que l’appartement est déjà malheureusement loué. Ou encore, les professionnels qui entrent au Canada et qui se font refuser un emploi par manque de compétence canadienne, peu importe leur compétence langagière. Et finalement, il faut se rappeler qu’il y a des risques associés aux tentatives d’acquérir la langue dominante. D’une part, on ne sait jamais si ça va fonctionner ou pas : sera-t-on accepté comme locuteur ou locutrice légitime de la langue dominante ? D’autre part, cela peut menacer les relations de solidarité qui peuvent servir de filet de sécurité important dans les premiers mois ou années dans le pays d’accueil, pour ne pas dire la vie, et qui peuvent passer par des pratiques langagières autres que celles de la société dominante. Cela peut également menacer le maintien de liens avec d’autres ailleurs, dans un pays d’origine ou en diaspora. 5. Ce n’est donc pas la langue en soi, ni même toujours la langue, qui compte. C’est l’accès aux formes de langue légitimes, ce qui veut dire nécessairement aux espaces et aux réseaux où on définit cette légitimité. Peut-être est-il moins important d’enseigner la langue comme habileté, ou l’évaluer comme telle, mais plutôt de faire un travail, de bord et d’autre, sur les manières dont la langue est impliquée dans la construction de la différence sociale, et dans la construction de l’inégalité. Comment devenir un locuteur ou locutrice légitime de la langue légitime ? Quels risques encourons-nous à le devenir ou à ne pas le devenir ? Quels filets de sécurité pouvons-nous imaginer ?