exceptionnelle tant par la qualité de ses données que par le suivi de ses patients. Jacques
Fellay est d’ailleurs membre du conseil scientifique de cette cohorte VIH depuis 2011.
Pourquoi certains patients infectés par le VIH sont-ils moins touchés que d’autres ?
Pourquoi et comment la quantité de virus VIH dans le sang est parfois maîtrisée par le
patient, alors que dans la plupart des cas, cette charge virale augmente progressivement
après l’infection ? C’est cette question qui est au cœur des préoccupations scientifiques et
médicales de Jacques Fellay qui continuera d’étudier cette adéquation entre les
traitements antiviraux et les patients qui les reçoivent, en utilisant pour cela les outils les
plus modernes de la génomique. C’est en 2007 qu’il publie dans le magazine Science la
première étude solide d’association entre des variations génomiques, d’une part, et la
capacité de certains patients à contrôler le virus VIH-1, d’autre part. Ce sera là une de ses
lignes de recherches principales, sur laquelle il continue de aujourd’hui, ainsi que sur la
sensibilité des patients à d’autres virus voisins tels que celui de l’hépatite C.
C’est en effet en 2009 qu’il publie un travail remarquable dans le magazine Nature,
montrant qu’un polymorphisme proche du gène IL-28B peut prédire la qualité de la
réponse des patients positifs au VHC au traitement par l’interféron et la Ribavirin. Une
année plus tard, une autre publication dans Nature révèle la cause génétique qui fait que
certains patients traités pour une Hépatite C chronique ne développent pas d’anémie
hémolytique sévère comme effet secondaire. C’est là un domaine dans lequel il est
reconnu au niveau mondial, celui de la pharmacogénétique virale. C’est à ce titre qu’il est
membre de plusieurs réseaux internationaux et qu’il préside actuellement le consortium
international pour la génomique du virus VIH. C’est aussi pour ses travaux dans ce
domaine que la division biologie et médecine du Fonds national suisse de la recherche
scientifique a décidé avec enthousiasme de lui attribuer le Prix Latsis national.
Ces travaux remarquables de Jacques Fellay illustrent particulièrement bien l’inégalité des
êtres humains face à la maladie et permettront, à terme, de proposer des traitements
adaptés à la constitution génétique de chacun. C’est cette fameuse médecine génomique
personnalisée, dans laquelle les paramètres génétiques des patients seront pris en
compte, au même titre que leur environnement et leurs habitudes de vie. C’est là un
grand espoir pour le futur, mais également une source de préoccupations quant au respect
de la volonté des patients, de nous tous en fin de compte en ce qui concerne notre vie
privée et le degré d’introspection génétique que nous souhaitons avoir sur nous-mêmes.
Pour aborder sereinement ces problèmes qui vont heurter notre société dans un avenir
proche, Jacques Fellay est là encore bien équipé puisqu’il fait partie d’un groupe de travail
de l’office de recherche sur le sida à l’institut national de la santé aux USA, qui s’intéresse
aux questions éthiques liées à l’utilisation de la génomique.
L’intérêt de notre lauréat pour ces questions éthiques n’est pas vraiment une surprise et
se dégage déjà à l’examen de son parcours de vie ; Jacques Fellay s’est engagé dans la
recherche fondamentale pour servir les patients, plutôt que de les utiliser pour servir sa
carrière. C’est un homme des montagnes, qui a donc les pieds sur terre et qui recherche
la lumière en les gravissant, plutôt qu’en faisant de l’ombre aux autres. Ce n’est pas
forcément la règle dans ces domaines de recherche très compétitifs. Alors profitons donc
aujourd’hui de joindre l’agréable au mérité.
Cher Jacques, je suis convaincu que cette distinction prestigieuse ne sera que la première
d’une longue liste et nous sommes très heureux de savoir que les futurs enjeux de notre
société, dans le domaine biomédical, sont entre les mains de jeunes collègues tels que
vous-même, qui non seulement ont les capacités et les idées nécessaires, mais en qui, de
surcroît, nous pouvons avoir confiance.
Berne, le 10 janvier 2013