vous êtes le jeu et l’enjeu
Depuis juillet 2009 Arnaud Troalic travaille à la création de
son nouveau projet «Insultes au public», nouvelle traduction,
par Anne Monfort, de la pièce Publikumpsbeschimpfung de
l’auteur autrichien Peter Handke. Cette pièce, écrite en 1967,
fut traduite une première fois la même année par Jean Sigrid
qui avait fait le choix du titre Outrage au public, sans doute
pour annoncer un outrage aux formes théâtrales de l’époque.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’outrager le public, qui, à notre
époque, en a vu bien d’autres… Mais de l’interroger sur sa
place, sur sa responsabilité de spectateur, de jouer sur son
attente, et peut-être, à la n, de le convoquer à un rendez-
vous d’insultes.
Il n’est question, dans le texte de Handke que des codes de
représentation et de la place du public. C'est pourquoi il a
semblé nécessaire au metteur en scène, dès le début du travail,
d’être en présence de spectateurs, volontaires ou non. Il a donc
fallu extraire les répétitions de tout dispositif conventionnel.
Pour cela, les comédiens ont été installés dans un conteneur
en verre posé au beau milieu de l’espace public, où ils étaient
visibles par tous en permanence. A proximité de ce conteneur,
une borne munie de casques offrait aux passants la possibilité
d’entendre ce qui se jouait à l’intérieur. Cette installation a
permis de jouer avec les spectateurs, parfois même de les rendre
acteurs avec leur accord ou à leur insu.
Ce travail aura toute son importance dans la création du
spectacle, puisqu’il s’agit bel et bien de jouer avec le public, ou
de le faire jouer, à défaut de combler les attentes qu’il pourrait
avoir vis à vis d’une représentation. Ainsi le public, dans le
dispositif en salle du spectacle, est installé sur le plateau dans
le même espace que les comédiens, ce qui l'invite à
s'interroger sur son regard et sa position de spectateur. u
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« Il faudrait que les spectateurs
apprennent à démasquer le
naturel comme dramaturgie,
dramaturgie du système
dominant – non seulement au
théâtre, mais ailleurs. Pourtant
c’est au théâtre qu’il leur faudrait
l’apprendre, qu’il leur faudrait
acquérir un regardétranger. (…)
Seule l’esthétique peut rendre
l’appareil de perception si précis
qu’on reconnaitra le naturel de
cette société comme une chose
fabriquée et manipulée.
Seule une esthétique nouvelle
peut apporter aussi des preuves
et des arguments.»
Peter Handke
"J’habite une tour d’ivoire"
de l’outrage aux insultes