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29/02/2016 |
Economie monétaire
Dès lors qu'un Etat ou une société utilise la monnaie comme intermédiaire dans les échanges, on a affaire à
une économie monétaire, dont le développement (à savoir le degré de monétarisation) se mesure à la place
accordée aux trois fonctions de base de la monnaie: moyen de paiement, unité de compte et instrument de
réserve. Même des économies très développées peuvent être amenées, dans des situations de crise ou de
conflits armés, en cas d'inflation ou de déflation galopante, par exemple, à substituer provisoirement d'autres
monnaies ou instruments d'échange à leur propre monnaie.
Sur le territoire de la Suisse, on rencontre d'abord les frappes monétaires celtiques autour du IIe s. av. J.-C. A
l'époque romaine, la région fit partie d'une économie monétaire bien développée, qui dépérit durant les
invasions barbares. En dépit de frappes sporadiques par des ateliers monétaires locaux, l'économie largement
agraire du haut Moyen Age fonctionnait sur la base du troc. Dès cette époque-là néanmoins, des éléments
d'économie monétaire apparurent, telles les redevances féodales payables en espèces.
L'épanouissement des villes aux XIIe et XIIIe s., le développement du commerce et des transports, ainsi que la
poussée démographique entraînèrent une nouvelle expansion de l'économie monétaire, qui finit par englober
des régions rurales: la vente de produits agricoles sur les marchés urbains, mais aussi campagnards, ouvrit
une brèche dans l'économie de subsistance à base essentiellement familiale. De plus en plus, les paysans
purent transformer des redevances en nature (cens foncier, dîme et partiellement les corvées) en taxes
pécuniaires dont le montant était fixé une fois pour toutes. Des courants d'échanges s'établirent entre villes
et campagnes, indispensables aux unes comme aux autres, avec paiements en espèces. La spécialisation de
l'agriculture au bas Moyen Age, notamment dans les secteurs capitalistiques de l'élevage et de la viticulture,
accrut la monétarisation de la société rurale. Le crédit, octroyé en majeure partie par les bourgeois des villes,
joua un rôle toujours plus important et contribua à la création de monnaie. Le développement de l'économie
monétaire alla cependant de pair avec une aggravation de l'endettement agricole au bas Moyen Age et à
l'époque moderne.
Dès leur apparition au bas Moyen Age, les banques, qui naquirent du change, ainsi que les activités liées aux
mouvements de capitaux, prirent toujours plus d'importance dans le développement de l'économie monétaire
Il en va de même pour le trafic des paiements sans numéraire au moyen de lettres de change, qui se
substitua au transport d'espèces malcommode et dangereux et facilita ainsi les opérations commerciales des
négociants.
La monétarisation de la vie économique fut un processus de longue durée qui ne gagna pas simultanément
l'ensemble des régions et ne concerna pas dans la même mesure les divers groupes sociaux. Au XVIIIe s., les
prestations en nature et le troc faisaient encore partie du quotidien à la campagne, mais aussi en ville. Les
raisons en étaient, d'une part la pénurie chronique de monnaie, qui résultait de l'approvisionnement
insuffisant en métal précieux et qui pénalisa l'activité économique de la Confédération, à tous les niveaux,
jusqu'au milieu du XVIIe s., d'autre part les structures politiques décentralisées qui donnèrent naissance à une
multitude de territoires, souvent exigus, frappant monnaie. Le lent passage de l'économie de troc à
l'économie monétaire ne fut pas seulement jalonné de bouleversements économiques, mais entraîna une
modification durable des structures sociales: on constate d'un côté une concentration de la fortune dans les
mains d'un petit nombre et de l'autre une augmentation sensible de la masse des pauvres, en ville comme à
la campagne, au bas Moyen Age et à l'époque moderne; cette évolution frappa les esprits d'une bonne partie
de la population. Certains, surtout dans des milieux proches des Eglises, critiquèrent les excès de l'économie
monétaire et la "toute-puissance de l'argent".