Culte du dimanche 17 janvier 2010 (ED4)

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(Culte à Villefranche N°83)
Culte du dimanche 17 janvier 2010 (ED4)
- Lectures Bibliques : Matthieu 7, 1-5 et Luc 6, 36-42.
- Prédication.
Ce matin, je vous propose une réflexion sur « le jugement » que nous portons
les uns sur les autres. A vrai dire nous connaissons fort bien ceux qui nous jugent.
Disant cela je pense aux juges et tout simplement à nos supérieurs, ainsi qu’aux
employeurs qui nous évaluent, ou encore, tout simplement, aux enseignants et
professeurs. Mais porter un jugement sur les autres n'est pas une mince affaire !
Le plus souvent il faut être à plusieurs, s'entourer de garanties, placer des gardefous, et il faut à la fois le bon sens général et la finesse de multiples petites
balances. En fait, nous ne sommes pas à mêmes de porter un jugement objectif et
définitif sur les autres, mais parfois aussi sur nous-même. Un seul juge avec
Justice, c'est Jésus, comme il le dit à ses détracteurs : « Mon jugement est juste,
parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé »
(cf. Jean 5, 30). Nous ne sommes naturellement pas à mêmes de juger avec
justice, parce que nous sommes marqués par le Péché, obéissant d’abord à nos
désirs et à notre volonté. Pour autant, Jésus ne dit pas que l'on ne doit pas
chercher à « enlever la paille dans l'œil » de l'autre, ou plutôt… se préoccuper des
problèmes de l’autre, des péchés de l'autre, mais il nous dit d'enlever d'abord
« sa poutre », et ensuite nous verrons comment enlever la paille. Parce qu'avec
une poutre dans l’oeil, justement, nous ne voyons pas ! L'esprit de jugement est un
esprit qui voit mal ou pas du tout à cause de la poutre, du Péché et de la peur, qui
sont les deux mauvais conseillers. Enfin, lorsque je juge l'autre, c'est un peu
comme si je l'enfermais dans sa situation du moment, mettant en doute la capacité
de Dieu à agir dans sa vie, à le changer. Le jugement enferme et rigidifie, tandis
que la Miséricorde libère. Jésus n'est pas venu pour juger le monde, mais pour le
sauver, et nous sommes invités à ne pas juger les autres, mais recevoir le Salut.
L’Evangile nous invite donc à être toujours très prudent dans nos jugements ;
car, comme le Christ nous le rappelle : « On vous mesurera avec la mesure dont
vous mesurez » (cf. Matthieu 7, 2b). Ainsi, depuis le 11 septembre 2001, on ne
cesse de montrer l’Islam du doigt, associant cette religion, et surtout ses fidèles, à
une sorte de menace fanatique de plus en plus visible et envahissante. Certains
semblent même effrayés à la vue du moindre voile ; et pour d’autres, l’élévation de
minarets devient le signe d’une sournoise invasion... La paille et la poutre ! Mais,
souvenons-nous, il y a pas si longtemps que cela - un peu plus de 350 ans pour la
guerre de Tente ans en Allemagne, et 450 ans pour les guerres dites de religion en
France -, les fanatiques… c’étaient nous, les protestants, et bien sûr ceux d’en
face, les catholiques ! Tous chrétiens, peut-être… mais surtout tous assassins ! Et
puis, qui a dit : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! », lors de la « croisade
contre les Albigeois » ? Ben Laden ou Arnaud Amaury, Abbé de Citeaux et Légat
du Pape Innocent III ? Oui, n’oublions jamais ces horreurs, ces erreurs de notre
passé, à l’heure où nous montrons régulièrement du doigt le fanatisme de
certaines branches de l’Islam. Bien sûr, je ne peux ni ne veux nier le fanatisme
aveugle de certains musulmans, un fanatisme qui a aussi jadis condamné à mort
de grands penseurs ou mystiques de l’Islam comme Al-Hallaj (858-922), et surtout
jeté deux avions contre les tours jumelles du WTC ; mais, pour autant, à la suite du
Christ, je considère qu’avant de vouloir ôter la paille qui est dans l’œil de mon
frère, je dois d’abord ôter la poutre qui est dans le mien !
« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère, et n’aperçois-tu pas
la poutre qui est dans ton oeil ? » Jésus taxe d'hypocrite celui qui parle ainsi de
l’autre… des autres. L'hypocrite est ici celui qui fait semblant et, en effet, nous le
savons bien, il est plus facile de se pencher sur ce qui ne va pas chez les autres
que de faire le point de ce qui va pas en nous ou chez nous. De fait, cette notion
de jugement que nous méditons ce matin, voudrait une clairvoyance, une équité et
nous constatons tous qu'il est très facile de pointer les contradictions, les faiblesses
et même les erreurs, les petitesses. Pour être grand il y a deux solutions, grandir
effectivement ou rabaisser les autres. Et rabaisser les autres est bien plus facile,
mais l'enseignement du Christ nous pousse à devenir de plus en plus des enfants
de Dieu. Cet enseignement vise à laisser un salut grandir et se développer en
nous. Rabaisser les autres c'est en fait être petit, voir en l'autre un frère ou
quelqu'un qui nous est supérieur, c'est tout le sens de l'enseignement du Christ.
Oui il faut une dose d'aveuglement pour se croire supérieur aux autres, car, si nous
sommes différents les uns des autres, nous restons fondamentalement des
hommes et des femmes qui tentent de vivre en paix avec nous-mêmes, en paix
avec les autres. Et, avec ma longue expérience du dialogue interreligieux, je peux
témoigner que l’Imam de Chalon ou le porte parole de l’Association Franco-turque
de Villefranche… comme la majorité de nos concitoyens de confession islamiques,
souhaite autant vivre en citoyen respectueux des Lois de notre République, que
vous et moi !
Dans ces textes, Jésus ne nous fait donc pas « la morale » en affirmant qu'il
ne faut pas être plus sévère envers les autres que nous le sommes envers nousmêmes : il nous indique plutôt un chemin, une libération. Car, quand Jésus parle, il
est bien rare qu'il n'annonce pas en même temps une Bonne Nouvelle ! Quelle est
la Bonne Nouvelle de ce dimanche ? C'est quand le regard, la parole, l'attitude du
frère permet d'avoir un avenir, quand il nous aide à faire le point, à vivre
différemment. Ainsi, au-delà d’une simple morale disant qu'il n'est pas bon de juger
les autres... Jésus nous nous invite à laisser Dieu œuvrer en nous… jusqu’à « la
Nouvelle naissance ». Et là, au lieu de passer notre temps à nous juger les uns les
autres, un peu comme lorsque notre Eglise juge celle d’à côté, voire, celle dont elle
est partenaire… nous pouvons nous entraider les uns les autres, entre Eglises,
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entre croyants… et même entre citoyens, afin de parvenir à vivre mieux, tous
ensemble ! « Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux »,
nous dit Jésus. Enfin, voir enfin la poutre dans son œil, ne signifie pas que nous
serions pires que ceux qui n’auraient que de la paille
dans un œil ; cela signifie
d’abord que nous avons à commencer nous-mêmes le processus de guérison, à
nous placer dans la lumière, à enlever bloc après bloc, poutre après poutre, ce qui
nous pèse, nous fait peur, nous bloque et nous empêche d’avancer… pour vivre de
mieux en mieux comme des frères, enfants d’un même Père et citoyen d’une Terre
reçue en partage. Et si nous sommes en train de guérir, nous saurons venir en
aide à ceux qui connaissent des difficultés. Vivrons-nous ainsi ? Amen, en vérité,
nous devons vivre ainsi !
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