où la reconstitution de l’écosystème par
une simple mise en défens n’est plus possi-
ble, la réaffectation [2] par plantation
d’arbustes fourragers s’impose. Il y a lieu
cependant de mentionner que la plupart
des tentatives de resemis des parcours par
des espèces herbacées introduites [3, 4] et
des arbustes exotiques [5] ont été vouées à
l’échec en raison de la mauvaise adapta-
tion de ces espèces. Zaafouri a démontré
que dans les zones dont la pluviométrie est
comprise entre 150 et 200 mm, la réussite
des plantations est tributaire de leur locali-
sation dans les situations les plus favora-
bles (sol profond, apport d’eau de ruissel-
lement). Or, dans ces conditions, les
agriculteurs considèrent comme prioritai-
res les cultures vivrières, céréalières et
arboricoles. Dans les contextes écologi-
ques les plus défavorables, représentant la
majeure partie des superficies des systè-
mes écologiques, en Tunisie steppique, ce
même auteur fait remarquer que les espè-
ces autochtones sont les plus performan-
tes. En zones arides, seules ces espèces
peuvent en effet durablement conserver le
sol et constituer des réserves fourragères
sur pied pendant les années de disette.
La réussite des plantations est tributaire du
choix d’un matériel végétal adapté à la
nature du milieu édaphique, aux techni-
ques de culture des plants en pépinière qui
sont fortement liées à la connaissance de
l’architecture racinaire, des travaux
d’entretien et de sauvegarde et des techni-
ques de conduite et de gestion des planta-
tions [6].
L’utilisation des espèces autochtones pour
la réhabilitation des zones dégradées de
la Tunisie présaharienne nécessite plu-
sieurs informations précises sur les condi-
tions de leur installation et sur les modali-
tés de leur propagation [5].
C’est dans ce cadre que nous nous som-
mes proposés d’étudier trois espèces
arbustives autochtones — Acacia rad-
diana Savi (AR), Ceratonia siliqua L. (CS)
et Juniperus phoenicea L. (JP) — connues
pour leurs usages multiples en Tunisie méri-
dionale et leur rusticité face aux actions
anthropozoïques. Il s’agit, en effet, d’espè-
ces très prometteuses pour la réhabilitation
des milieux dégradés. Elles sont de ce fait
de plus en plus utilisées dans les program-
mes de reboisement par les services fores-
tiers de la Tunisie centrale et méridionale,
où leur réintroduction révèle un grand inté-
rêt économique et écologique.
Matériel et méthode
L’étude de la cinétique de croissance du
système racinaire a été réalisée dans des
rhizotrons de différentes dimensions
depuis 125 ans : [7-21]. Cette méthode
nous permet de visualiser certaines carac-
téristiques morphologiques du système
racinaire telles que la vitesse de crois-
sance radiculaire, les ramifications des
racines secondaires et leur positionnement
sur la racine principale [21].
Les pots utilisés sont des rhizotrons, rectan-
gulaires, de 96 cm de hauteur et de
50 × 15 cm de section et ayant un côté
vitré. Ils sont remplis d’un mélange sablo-
limoneux et placés inclinés à 10° par
rapport à la verticale dans des fosses où il
est possible de protéger la face vitrée de la
lumière. Cette face vitrée, qui permet lors
des observations régulières (tous les
3 jours) de visualiser une partie du sys-
tème racinaire et, donc, de suivre son
développement, est protégée contre la
lumière par des plaques de polystyrène de
9 cm d’épaisseur. Les rhizotrons sont pla-
cés en plein champ et exposés directement
aux rayons de soleil [8, 10, 12, 13].
Des graines des espèces cibles en prove-
nance de la banque de semences de l’ins-
titut des régions arides de Médenine ont
été utilisées après différents traitements
considérés comme efficaces à la levée de
leur dormance et/ou inhibitions [4, 22].
Ces graines sont traitées à l’acide sulfuri-
que concentré à 95 % pendant 45 minu-
tes pour J. phoenicea, 1 heure pour
A. raddiana et 2 heures pour C. siliqua.
Les graines bien immergées sont remuées
à l’aide d’une spatule. Elles sont ensuite
retirées, égouttées à l’aide d’un tamis, puis
lavées à l’eau courante pendant 10 à
15 minutes. Le semis a eu lieu le 23
novembre 2003, à proximité de la face
vitrée, dans 6 rhizotrons à raison de
2 rhizotrons par espèce et de 16 graines
par rhizotron réparties en quatre poquets.
Un arrosage a été effectué juste après le
semis. Par la suite, ils ont été effectués de
façon à maintenir le sol dans les rhizotrons
à un niveau proche de la capacité au
champ. Après émergence, seules 4 plantu-
les ont été conservées au niveau de cha-
que bac (8 plants par espèce). Il s’agit des
plantules situées loin des deux côtés et
proches de la face vitrée. Au niveau de
cette face, une feuille plastique transpa-
rente a été fixée. Sur cette feuille ont été
tracés, tous les trois jours, les changements
observés au niveau du développement des
racines. Les racines nouvelles et l’allonge-
ment des racines plus anciennes sont repé-
rés sur ce calque (marqués de feutre per-
manent avec changement de couleur
après chaque observation) [21].
Parallèlement au suivi du système raci-
naire, des mesures ont été effectuées sur la
partie aérienne des trois espèces étudiées.
L’apparition des feuilles et la ramification
de la partie aérienne ont été relevées. Afin
de comparer les différents paramètres et
descripteurs de croissance suivis chez ces
espèces (LCPA : longueur cumulée de la
partie aérienne ; LCPR : longueur cumulée
de la partie racinaire ; NbRS : nombre
des racines secondaires ; LRS : longueur
des racines secondaires ; NbF : nombre
des feuilles), nous avons procédé à des
analyses statistiques telles que l’analysis of
variance (Anova) et le test de Student-
Newman-Keuls.
Suite à la mort, sous l’effet du froid, de la
totalité des plants d’A.raddiana semés au
mois de novembre 2003 (AR1), nous
avons été contraints de reconduire l’essai
en effectuant un second semis au mois
d’avril 2004 (AR2). Les résultats présentés
dans le cadre de ce travail sont ceux
relatifs aux deux dates de semis. La
période d’observation qui a débuté au
semis était de 4 mois pour AR1, 2 mois
pour AR2 et six mois pour CS et JP.
La moyenne des températures mensuelles,
minimales nocturnes et journalières, au
cours de la période d’étude est rapportée
au tableau 1.
Résultats
Longueur cumulée des racines
et de la partie aérienne
Rappelons que la longueur cumulée des
racines et de la partie aérienne est obte-
Tableau I.Valeurs mensuelles moyennes des températures (°C) minimales nocturnes et journalières enregistrées pendant la période d’observation
(année biologique 2003–2004).
Automne Hiver Printemps
Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Février Mars Avril Mai
Température minimale nocturne 23,7 19,0 10,5 8,5 4,8 7,5 12,1 12,7 13,2
Température moyenne journalière 31,9 25,2 19,2 12,9 10,4 16,1 16,6 20,1 20,9
124 Sécheresse vol. 19, n° 2, avril-mai-juin 2008
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