L`évolution morphologique du cerveau. II, Les ventricules latéraux

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A. Delattre
R. Fenart
L'évolution morphologique du cerveau. II, Les ventricules
latéraux
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, X° Série, tome 3 fascicule 5-6, 1952. pp. 238-268.
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Delattre A., Fenart R. L'évolution morphologique du cerveau. II, Les ventricules latéraux. In: Bulletins et Mémoires de la Société
d'anthropologie de Paris, X° Série, tome 3 fascicule 5-6, 1952. pp. 238-268.
doi : 10.3406/bmsap.1952.2916
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1952_num_3_5_2916
238
L'ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
11. — LES VENTRICULES
LATÉRAUX (1)
par le D' A. DELATTRE, Professeur, et R. FENART, Aide d'Anatomie,
à la Faculté Libre de Médecine de Lille.
Nous n'avons pas l'intention de décrire en détail les prolonge
ments
et les cornes des ventricules latéraux, leurs dimensions ou
les reliefs qui altèrent leur surface intérieure. L'objet de ce tra
vail est de montrer comment sont situés les ventricules par rap
port au crâne. Il est très certain que leur position varie, elle n'est
pas la même si on l'envisage dans la série des Mammifères et
chez l'Homme. Fidèles à la méthode que l'un de nous a employée
dans un travail précédent (1), nous jugerons des changements de
position par rapport aux axes de référence, proposés par la mé
thode
vestibulaire. Cette méthode a établi, rappelons-le briève
ment, que la boîte crânienne se déplace en entier et se transforme
au cours de l'évolution autour de l'axe vestibien (2). Il s'ensuit
que la partie antérieure du cerveau est refoulée de bas en haut
et que sa région occipitale, rejetée en arrière, bascule autour de
cet axe. L'accroissement de volume du cerveau, chez les Anthro
poïdes et chez l'Homme, trouve un accroissement parallèle du
volume crânien dans la formation progressive de ce que nous
avons appelé l'Hiatus crânien. Ce véritable mouvement des
hémisphères cérébraux au cours du développement évolutif
doit s'accompagner d'un déplacement des ventricules latéraux.
La recherche de ces déplacements fait l'objet de cette présente
étude.
(1) Voir : Delattre (A.). Evolution morphologique du cerveau. Généralités. I. Le
lobe temporal. Bull, et Mém. Soc. Anth. Paris, 1951, pp 32-55.
(2) Ligne unissant le milieu des deux canaux semi-circulaires externes.
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
239
Technique (1).
Pour réaliser cette étude, voici comment nous avons procédé :
une dissection préliminaire du rocher a livré la position du canal
semi-circulaire horizontal et, par le fait, a permis de poser les
Fig. 1. — Dissection du ventricule latéral gauche d'Erythrocebus, après injection
ventriculaire (en noir) et conservation des lèvres de la scissure de Sylvius. Orien
tation vestibulaire.
plans de référence, perpendiculaires entre eux, indispensables.
Après ablation d'un volet osseux pariétal, l'hémisphère corre
spondant
est mis à jour ; une fixation formolée ayant été faite au
préalable.
(1) Nous remercions très sincèrement M. le Pr Millot et M. le Dr J. Anthony, assis
tant au Muséum, qui ont bien voulu nous procurer les pièces importantes néces
saires pour la confection de ce travail et nous aider dans leur préparation.
240
société d'anthropologie de paris
Une substance plastique colorée — solution de celluloïd dans
l'acétone — est injectée dans la cavité ventriculaire. Celle-ci
est abordée, soit par l'extrémité antérieure de la corne frontale
du ventricule chez la majorité des animaux, soit par la partie
antéro-supérieure de cette même corne, chez les animaux pour
vus d'un prolongement ventriculaire dans le bulbe olfactif.
Il faut procéder par ablation prudente et progressive de minces
tranches de substance cérébrale, et s'arrêter lorsque la membrane
épendymaire, plus élastique que les tissus environnants, fait en
quelque sorte hernie au-dessus de la tranche de section, la cavité
ventriculaire restant close.
Chez les animaux de petite taille, les ventricules latéraux sont
réduits à une étroite cavité ; on se contente d'une simple dissec
tiondu ventricule avec ablation de sa paroi supéro-externe.
Lorsque le ventricule est injecté, la plus grande partie de la
substance cérébrale est enlevée, en ayant soin toutefois de laisser
en place les lèvres de la pseudo-sylvia ou la scissure de Sylvius,
ainsi que la substance cérébrale sous-jacente. Cette partie du cer
veau
qui entoure la scissure latérale sert de repère, et situe les
ventricules par rapport à la surface cérébrale.
Par ailleurs, le crâne osseux est conservé dans sa moitié droite
(car la dissection des ventricules est toujours faite du côté gau
che afin de faciliter les comparaisons) et l'ensemble est soigneu
sement orienté à l'aide du système d'axes perpendiculaires vestibulaires. L'étude est faite actuellement par projection des ven
tricules
sur le plan médian sagittal. La direction de la pseudosylvia ou de la scissure de Sylvius est donnée par la valeur de
l'angle qu'elle forme, en projection sur le plan sagittal, avec le
plan vestibulaire. Il faut remarquer que chez les Lissencéphales,
et d'une façon particulière chez les Rongeurs et les Insectivores,
il n'y a pas de pseudo-sylvia. On peut alors se baser sur une l
égère
dépression qu'offre à ce niveau le cortex cérébral, vu à jour
frisant, et aussi sur l'origine d'une artère cérébrale qui occupe la
place de l'artère sylvienne (fig. 1).
Morphologie générale des ventricules latéraux.
Avant d'étudier la position des ventricules, il importe de con
naître
leur forme générale et les quelques variétés de forme ren
contrées
dans les divers groupes de Mammifères.
Ces cavités, placées symétriquement de part et d'autre du plan
médian sagittal, ont généralement une forme de fer à cheval,
à convexité moyenne dirigée vers le haut. Les deux jambages
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
241
du fer pointent vers le bas, mais de façon inégale, comme on le
verra au cours de cette étude.
Chez les animaux osmatiques existe un prolongement très
important de la partie frontale des ventricules. Situé à l'extré
mité
antéro-inférieure de celle-ci, il se dirige en avant en décrivant
une longue courbe à concavité supérieure : c'est le prolongement
olfactif, bien connu, des ventricules.
Il est particulièrement net chez les Ongulés et il est possible
de l'injecter. Par contre, nous ne l'avons pas retrouvé dans d'au
tres ordres d'animaux osmatiques. Cependant, nous avons tenu
Fig. 2
Corne ventriculaire (1) occipitale d'un Primate, montrant l'apparence
bifide de la cavité refoulée par le complexe calcarin (2).
à vérifier cette absence par des examens microscopiques. Nous
avons examiné les animaux suivants :
Pipisirella
Crocidura russula
Mus musculus
Cavia porcellus
Felis caius
parmi les Chiroptères,
parmi les Insectivores.
parmi les Rongeurs,
parmi les Carnivores.
Il n'a pas été possible de déceler une cavité épendymaire dans
le bulbe olfactif de ces animaux. Chez le Chat, on a pu, cependant,
mettre en évidence, au moyen de coupes microscopiques sériées,
une double rangée de cellules épendymaires dont l'ensemble,
en section transversale, présente un aspect allongé, témoin de la
cavité épendymaire primitive disparue.
Chez les Primates, les Anthropoïdes et l'Homme, on rencontre
une corne occipitale partant de la convexité postéro-supérieure
242
société d'anthropologie de paris
du fer à cheval ventriculaire et dont l'injection révèle une appa
rence bifide par refoulement de la cavité par le complexe calcarin (fig. 2).
Il paraît indispensable de donner à cette forme des ventricules
présentant ces accidents, ces prolongements, une systématisa
tion
permettant l'établissement d'indices ou d'angles facilitant
les mesures et permettant surtout de s'assurer s'il s'agit, dans
certains cas, d'un changement de position ou d'un changement
de forme.
Dans ce but, nous nous proposons de réduire le croissant ven
triculaire
à trois points formant triangle, et ceci de la façon su
ivante
(fig. 3).
Fig. 3. — Systématisation
h = hauteur
d'un ;AB
ventricule
= base latéral
(Vue latérale).
sans prolongement (Chat)
La base du triangle sera déterminée par les deux points de
tangence d'une droite passant par les extrémités des cornes anté
rieure ou frontale et postérieure ou temporale. Ce sera, en systé
matisant,
la largeur du fer à cheval ventriculaire. Sa hauteur sera
la distance séparant cette base d'une droite parallèle, tangente
au profil supérieur du ventricule. Dans cette définition, on sup
pose les ventricules démunis de leurs prolongements olfactif ou
occipital.
L'étude du rapport entre la hauteur et la largeur du croissant
permet de se rendre compte des variations de son ouverture.
Le tableau 1(1) donne les valeurs de l'indice obtenu en multi
pliant par 100 le rapport y.
(1) Dans l'établissement de ces chiffres, il faut tenir compte des erreurs diverses,
impossibles à éviter, dans des dissections aussi complexes : canaux horizontaux,
injections ventriculaires, etc..
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
243
Tableau I.
Indice
simple
Indice
olfactif
Indice
occipital
Insectivores ....
Talpa europaea
112
Rongeurs
Cavia porcellus
Lepus europaeus
Lepus cuniculus
Rattus rattus
var. blanche
— grise .
Mus. musculus
var. blanche
— grise
Eliomys quercinus
120
108
135
Ongulés
Equus caballus
Bos taurus
Antilope
Ovis aries . .
Sus domesticus
137
108
128
100
133
Carnivores ....
Canis familiaris
Felis leo
Felis domestica
Mustela putorius
114
137
118
134
Primates
Papio hamadryas
Erythrocebus
Pan troglodytes
129
120
129
160
148
166
Homo
114
114
103
103
103
103
123
75
67
77
66
76
Si l'on tient compte des prolongements des ventricules laté
raux, une autre droite tangente à la partie la plus inférieure du
prolongement olfactif servira avec la parallèle supérieure à l'ét
ablissement
d'un nouvel indice (fig. 4). De même, le prolongement
occipital sera mesuré par une parallèle à la base du triangle, et
la hauteur absolue (fig. 5) ainsi obtenue donnera les indications
d'un troisième indice. Ces valeurs sont données par le tableau I.
L'étude des différents indices montre que :
1° L'indice olfactif propre aux Ongulés est plus petit que l'in
dice simple ; ceci s'explique facilement car la largeur du triangle
est plus grande.
2° L'indice occipital des Primates et Anthropoïdes est plus
grand car la hauteur du croissant s'élève, mais chez l'Homme le
chiffre obtenu est le même de part et d'autre. Ceci dépend de l'in-
244
société d'anthropologie de paris
sertion différente de la corne occipitale. Elle se fait plus bas, vers
la corne temporale, et il semble exister une rotation en arrière de
la corne occipitale sur la corne temporale. Dès lors, la parallèle
supérieure à la convexité yentriculaire est également tangente à
la corne occipitale. Ainsi les deux droites supérieures se rappro
chentprogressivement jusqu'à se confondre chez l'Homme.
Fig. 4. — Systématisation d'un ventricule latéral avec prolongement olfactif {Bos
îaurus). Détermination, en pointillés
taurus).
Dointillés : de l'indice
rindir.fi olfactif ;• en traits pleins
nlpins : de
rie
l'indice simple.
и
/
В
Fig. 5. — Détermination de l'indice occipital (Cebus). Hauteur absolue : h'
3° La comparaison des différentes valeurs de l'indice ventriculaire simple, depuis les Insectivores jusqu'à l'Homme, indique
qu'il n'y a pas de grandes variations. Les valeurs s'étagent de
100 chez le Mouton à 137 chez le Lion et le Cheval, soit une diffé
rence d'environ un quart. De plus, il n'y a pas de parallélisme
entre la valeur de l'indice d'un animal et sa position dans l'échelle
évolutive des Mammifères. Ainsi les ventricules latéraux ne chan
gent guère de forme suivant les différents ordres de Mammifères,
On ne peut donc dire que cette forme si curieusement incurvée
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
245
en fer à cheval résulte d'un processus évolutif d'enroulement
progressif. Elle se présente d'emblée telle qu'elle sera observée
chez les Anthropoïdes, en faisant abstraction, bien entendu, des
prolongements olfactifs et des cornes occipitales. Cette forme
générale résulte d'un accolement de ce qui fut les parois externe
et interne des ventricules latéraux primitifs, au niveau des
noyaux gris centraux. Les parties antérieure, supérieure et
postérieure restent libres, offrant dès lors cet aspect commun
Fig. 6. — Processus d'accolement du pallium aux noyaux gris, chez : A, les Poissons ;
B, les Oiseaux ; C, les Mammifères. En traits hachurés : zone d'accolement.
en fer à cheval. L'accolement progresse d'avant en arrière ;
chez les Poissons, la face externe des noyaux est entièrement l
ibre ; l'accolement débute chez les Oiseaux ; chez les Mammifè
res,il se poursuit vers l'arrière (fig. 6). On sait, du reste, qu'un
processus semblable régit la formation des ventricules latéraux au
cours du développement embryonnaire du cerveau humain.
Position des ventricules latéraux chez les Mammifères
variations.
ses
D'une manière générale, on peut dire qu'au cours de l'évolution
les ventricules latéraux subissent un déplacement complexe, mais
suivant une direction régulière et progressive.
BULL. ET MÉM. SOCIÉTÉ ANTHROP. DE PARIS, T. 3, 10e SÉBIE, 1952.
17
246
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
Ce mouvement les porte en arrière et en haut, par rapport au
système d'axes rectangulaires vestibiens, précédemment définis.
Pour, analyser le déplacement, le mesurer et le comparer, dans
les différents ordres de Mammifères, pour étudier ses rapports
avec les parois crâniennes et la surface des hémisphères, nous
ET.
Fig. 7. — Lignes repères employées. P'S, direction de la scissure de Sylvius ; OEI,
vestibulo-iniaque; F F', foramen magnum; H, loge pituitaire ; OP-OP', distance du
centre des axes à l'intersection de la direction scissurale avec le plan horizontal.
avons utilisé les droites suivantes qui servent de témoins ; ce
sont les projections sur le plan médian sagittal :
1° du foramen magnum ou de sa direction,
2° de la ligne unissant le centre des axes de référence à l'endinion (1),
(1) Ou inion interne .
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
247
3° la direction de la pseudo-sylvia ou de la scissure de Sylvius,
son point de départ étant porté arbitrairement à son intersec
tion
avec le plan vestibulaire horizontal (fig. 7). Sur cet ensemble
d'axes et de droites exactement posé, est dessiné le profil, en
grandeur naturelle, du ventricule latéral pour chaque animal
étudié.
Les renseignements apportés par ces images nous indiquent
l'élévation du ventricule par rapport au plan horizontal, son
orientation par rapport au foramen magnum et à la scissure laté
rale, etc.. Renseignements précis qui peuvent être confrontés
avec les images des ventricules des différents animaux.
f s
f» 9 « S »
Fig.8 . — Diagrammes des valeurs de G, comparées aux poids des cerveaux, a, Ho
mo ; b, Equus caballus ; c, Bos taurus ; d, Antilope ; e, Pan troglodytes ; /, Ovis
aries ; g, Felis leo ; h, Papio papio ; i, Sus domesticus ; /, Erythrocebus ; k, Canis
familiaris ; /, Felis domestica ; m, Lepus cuniculus ; n, Lepus europaeus ; o, Cavia
porcellus ; p, Mustela putorius ; q, Rattus rattus ; r, Eliomys quercinus ; s, Talpa europaea ; l, Mus musculus. — ■ Courbe ascendante : valeurs de G; courbe des
cendante
: poids de l'encéphale en hectogrammes.
Pour les comparer entre elles, il est nécessaire d'établir d'abord
une constante. C'est la distance qui, chez l'Homme, sépare le
centre des axes, de l'intersection du plan horizontal avec la scis
sure de Sylvius (fig. 7). Ensuite, il est nécessaire de ramener les
profils ventriculaires à une commune mesure, en les réduisant ou
en augmentant leur image par un coefficient propre, en rapport
avec la commune mesure.
Le coefficient de réduction ou d'agrandissement, dont doit être
affectée chaque image ventriculaire, est évidemment donné par
le rapport entre deux, distances choisies comme base d'étude.
Ce sont, d'une part, la distance OP qui, chez l'Homme, sépare le
248
société d'anthropologie de paris
centre des axes de référence de l'intersection du plan horizontal
avec la scissure de Sylvius et, d'autre part, la même distance OP'
chez l'animal considéré (fig. 7). Ce rapport, ce coefficient que nous
appelons le coefficient G, varie d'un animal à l'autre. Il est na
turel ement
d'autant plus grand que le cerveau est plus petit,
puisqu'il est, par définition, égal à l'unité chez l'Homme.
La figure 8 montre ces différentes valeurs placées sur une
Fi£r g __ profils ventriculaires latéraux orientés et directions scissurales dans diffé
rents ordres de Mammifères. — A. Ongulés : a, Equus caballus ; b Bos taurus ;
с Antilope ; d, Ovis aries ; e, Sus domesticus. — B. Insectivores: Talpa europaea.
Se Carnivores : a, Canis familiaris ; b, Felis domestica ; c, Felis leo ; d, Mustela
putorius. — D. Rongeurs : a, Rattus rattus ; b, Mus musculus ; c, Eliomys quercinus ; d, Cavia porcellus ; e, Lepus europeus ; /, Lepus cumculus. — E. Primates .
a, Erythrocebus ; b, Papio papio.
courbe. Sur le même tableau, les poids des différents cerveaux
correspondants ont été placés et l'on voit que les courbes sont
de sens inverse. Ainsi que nous l'écrivions plus haut, les ventri
culesdes petits cerveaux doivent être augmentés considérabl
ement
pour être efficacement comparés aux ventricules du cer
veau
humain.
,
, ,
*
Les changements de position des ventricules latéraux se jugent
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
249
très facilement grâce aux axes de référence et aux droites
choisies.
Il importe d'étudier séparément la position des ventricules
dans les différents ordres de Mammifères, en faisant remarquer
que, dans chaque ordre, des variations peuvent se présenter
(fig. 9).
Ongulés (fig. 9 A). — Les animaux étudiés ont été : Equus
caballus, Ovis aries, Bos taurus, Sus scrofa, Antilope... Ils possè
denttous un prolongement olfactif. La position générale des ven
tricules
latéraux est très basse, particulièrement chez le Cheval
et le Veau. Une moitié des ventricules latéraux est située sous le
plan vestibulaire horizontal. Les ventricules du Mouton, de l'Anti
lopeet du Porc sont plus redressés.
Insectivores (fig. 9 В). — Les ventricules de la Taupe sont éle
vés ; cependant, les extrémités des cornes sont encore situées
en dessous du plan vestibulaire horizontal.
Rongeurs (fig. 9 G). — II existe chez ces animaux une assez
grande variation de position. Les Rat, Souris, Cobaye et Lérot
ont des ventricules à demi sous-vestibulaires ; mais le Lapin et
le Lièvre ont des cavités redressées, leur corne frontale dépasse
le plan vestibulaire. Il y a donc déjà une ébauche de rotation
des ventricules. Les directions des dépressions latérales des
hémisphères, que nous assimilons à la pseudo-sylvia, montrent
un même mouvement de rotation vers l'arrière.
Carnivores (fig. 9 D). — Leurs ventricules dépassent, en ma
jeure
partie, le plan horizontal, en particulier chez le Chien et le
Chat. Le Lion et le Putois sont encore à demi sous le plan, mais
une rotation a porté le jambage antérieur à un niveau supérieur
au jambage postérieur. De plus, la forme des ventricules est plus
déliée, ils ont un aspect moins trapu.
Primates (fig. 9 E). — Les ventricules ont quitté les abords
du plan vestibulaire tandis que la convexité du fer à cheval
atteint le plan frontal vestibien et le dépasse. Il y a donc à la
fois rotation et déplacement important des cavités vers le haut.
La scissure de Sylvius est fortement inclinée chez l'Erythrocebus
et l'Hamadryas.
Les Anthropoïdes et l'Homme (fig. 10). — Le ventricule latéral,
examiné chez un Chimpanzé de 18 mois, ne paraît pas avoir subi
250
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
un déplacement plus marqué que celui des Primates déjà étudiés.
Sa position est assez semblable parrapport aux plans de référence.
Il en est tout autrement du ventricule de l'Homme. Le plan
frontal vestibien coupe même la concavité du fer à cheval ventriculaire ; celui-ci est fortement penché vers l'occiput et la corne
occipitale a une direction presque horizontale.
Fig. 10. — Comme figure précédente, a' Pan troglodytes fh, Homo.
D'après les remarques que l'on peut faire sur les images ventriculaires, les cornes occipitales sont présentes lorsque la con
vexité
ventriculaire supérieure atteint le plan frontal vestibulaire. Ce fait mérite d'être souligné.
Ainsi, l'analyse sommaire des images ventriculaires, obtenues
dans les différents groupes de Mammifères, montre que les ventri
culeslatéraux se déplacentjau cours de l'évolution, d'un mouve
mentcomplexe qui, compte tenu de la réduction des images à une
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
251
commune mesure, peut se décomposer en une rotation et une
translation. La rotation s'effectue dans le sens des aiguilles d'une
montre (en considérant la face externe de l'hémisphère gauche),
tandis que la translation porte les ventricules en arrière et en
haut.
Facteurs déterminant le déplacement des ventricules.
Les ventricules latéraux, situés au centre des hémisphères,
sont solidaires de l'encéphale et subissent ses déplacements.
Nous avons déjà analysé ailleurs l'influence des changements de
forme du moule crânien, sur son contenant encéphalique.
Voici, brièvement rappelés, les divers phénomènes qui inte
rviennent
:
Les hémisphères se déplacent vers la région occipitale, tout en
augmentant de volume et en pivotant autour de leur attache hypophysaire qui, elle-même, s'élève. Les transformations osseuses
du crâne qui accompagnent ce mouvement sont :
1° Rotation de la base. — Avant la brisure de la base qui se
produit chez les Primates, l'axe basi-cranien ne présente natu
rellement
pas une orientation constante par rapport au plan
vestibulaire horizontal. Suivant les différents ordres de Mammif
ères
inférieurs : Carnivores, Rongeurs et Ongulés, on constate
une angulation variable correspondant à une rotation plus ou
moins marquée de toute la base du crâne autour de l'axe vestibien. Cette rotation relève le planum, la loge pituitaire et le
crible ; elle abaisse, par contre, la région basi-occipitale et fait
regarder le foramen magnum en arrière et en bas (fig. 11). En
conséquence, le pôle frontal du cerveau est repoussé vers le haut
ainsi que la corne frontale du ventricule.
2° Brisure de la base. — A partir des Primates, on constate une
angulation progressive de l'axe basai du crâne. L'angle ainsi
formé au niveau de la loge pituitaire pénètre dans la boîte crâ
nienne
dépassant, chez l'Homme, le plan vestibulaire horizontal.
L'hypophyse continue son ascension (fig. 12 et 13), entraînant le
troisième ventricule, les noyaux gris centraux et le pôle frontal
du cerveau. Une épaisseur croissante de substance nerveuse se
place en avant et en dessous de la corne frontale ventriculaire,
comblant l'espace laissé libre entre le planum et la cavité ventri
culaire en raison d'une différence d'amplitude entre les deux
mouvements (fig. 26).
3° Bascule occipitale. — La rotation globale de la base du crâne,
définie plus haut, entraîne une bascule du foramen magnum. La
252
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
__CHNIS._
•
Fig. 11. — Rotation, brisure de la base du crâne et ouverture de l'hiatus.
brisure de la base complète ce mouvement chez les Primates.
Ce mouvement est mesuré par l'angle que forme le plan du for
amen avec le plan vestibulaire horizontal. C'est l'angle foraminien
déterminé par la position de la ligne basion-opisthion.
La bascule de la région occipitale, constatée au cours de l'évo-
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
253
lution du crâne en même temps que la brisure de la base, en
traînent,
dans la voûte du crâne, l'ouverture d'un hiatus virtuel
dont la valeur s'accroît des Primates à l'Homme. Sa valeur angul
aire atteint chez l'Homme de 70° à 90°. Cette ouverture dans la
voûte est mesurée par le déplacement de l'inion. Une ligne vesti-
5-
Рои? • txoqLocLuta 5
Fig. 12. — Ascension de l'hypophyse et du pôle temporal du cerveau. L'hypophyse
est indiquée par le cercle noir.
bulo-iniaque, placée dans le plan sagittal médian, indique cette
migration. L'hiatus est une région nouvelle, en forme d'onglet
sphérique, d'un volume d'environ 400cm3 chez l'Homme. Dans
cette partie nouvelle du crâne vient se loger, chez l'Homme, la
région postérieure des hémisphères (fig. 11). Dans un travail
antérieur, Anthony et Picard-Leroy (1) ont montré que, parallè
lement à la rotation occipitale crânienne, existait, au cours de
(1) Anthony, J. et Picard-Leroy. Observations sur la rotation du lobe occipi
tal
du cerveau chez les Primates. Bull, et Mém. Soc. Anth. Paris, fasc. 4-6, 1950.
254
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
l'évolution, une véritable rotation de la région occipitale des
hémisphères, autour de la ligne biflocculaire.
4° A ces facteurs d'ordre crânien, osseux, extérieurs à l'encé
phale, agissant sur les ventricules, s'ajoute un facteur intérieur
propre au cerveau : c'est la modification du cortex en épaisseur
et en surface.
a) Le manteau des hémisphères prend, en certains points, une
grande épaisseur, dans le cours du développement évolutif ; il
Fig. 13. — Ascension relative de l'hypophyse par rapport au pôle temporal du
cerveau rendu commun ; même indicatif.
écarte progressivement les cavités centrales de la surface céré
brale et de la paroi crânienne. Cet écartement est particulièr
ement
net au niveau des cornes temporale et frontale des ventri
cules.
b) En d'autres points, la corticalité réduit sa surface ; il y a
atrophie des circonvolutions, particulièrement des circonvolu
tions
olfactives chez les animaux anosmatiques. Cette irrégula
rité
dans le développement du Pallium modifie les relations pr
imitives
du cortex avec les ventricules. Le manteau masque le
mouvement des ventricules, mais il se déplace également, nous
l'avons montré. Son développement n'est pas strictement pa
rallèle
à celui de la masse centrale.
Une zone toutefois échappe aux mouvements autonomes du
cortex, c'est l'Insula. L'Insula, fixée au claustrum et, par son
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
255
intermédiaire au putamen, suit les déplacements des noyaux
gris centraux, tandis que les bords de la fosse sylvienne la recou
vrent dans leur expansion évolutive et par leurs mouvements
propres.
Analyse des mouvements.
Même sans faire appel à la méthode d'orientation vestibulaire, il est possible de discerner ces mouvements des ventricules.
En effet ils sont situés en avant du conduit auditif chez les an
imaux
quadrupèdes, et le fer à cheval est vertical. Chez l'Homme,
au contraire, ils sont couchés sur l'horizontale et placés en partie
au-dessus du rocher.
La méthode d'étude vestibulaire permet de mesurer ces dé
placements,
lesquels sont une rotation des ventricules sur euxmêmes, et une translation en haut et en arrière.
A) Rotation.
La rotation est déterminée par la fixité relative de l'extré mité du lobe temporal et de la corne temporale du ventricule
dans le fond de la fosse sphéno-temporale. La corne frontale,
au contraire, suit d'abord le relèvement du planum, solidaire
de la position de l'étage antérieur de la base du crâne (1), puis est
repoussée vers le haut par le lobe frontal (fig. 26).
Pour faciliter l'étude de ce mouvement, le décomposer, le
mesurer et rechercher les facteurs qui semblent le provoquer,
il est indispensable de simplifier l'image ventriculaire et de la r
amener
à des lignes simples.
Nous avons essayé plusieurs procédés :
Le premier procédé apparemment le plus simple consiste à
choisir une ligne courbe moyenne, déterminée en prenant les
milieux des sections des images ventriculaires par des plans pa
rallèles.
Celles-ci peuvent être horizontales ou verticales (fig. 14
A-B). Mais les courbes ainsi obtenues altèrent la direction de la
corne temporale qui, dans son ensemble, suit la destinée de la
pseudo-sylvia ou de la scissure latérale, en lui restant parallèle.
Il faut trouver un procédé qui idéalise, en quelque sorte, ce pa
rallélisme.
La transformation des coordonnées rectangulaires en coor
données
polaires paraît commode pour comparer entre elles les
lignes obtenues, mais c'est une méthode complexe et malgré son
(1) Delattre (A.). Formation des étages de la base du crâne. C. R. Ass. des Anal.,
Nancy, 1951.
256
société d'anthropologie de paris
A.
/1
в.
Fig. 14. — Essais de systématisation du profil ventriculaire (Chat) à l'aide
A, de lignes horizontales ; B, de lignes verticales.
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
257
intérêt, on ne peut s'y attarder. Le procédé qui a été retenu cons
iste à objectiver le parallélisme entre la direction générale de la
corne temporale et la scissure latérale ou la pseudo-sylvia. Cette
corne postérieure est encadrée par deux droites parallèles à la
scissure, une troisième parallèle, intermédiaire aux deux pre
mières,
coupe le profil ventriculaire en un point supérieur et en
un point inférieur. Le point temporal inférieur, qui sera souvent
Fig. 15. — Systématisation du profil ventriculaire par des droites parallèles à la
scissure de Sylvius ; représentation triangulaire du ventricule sTc. Le côté Te
est parallèle à la scissure.
utilisé, sera appelé le point T. Une tangente parallèle aux autres
rencontre la surface externe de la corne antérieure en un point
antérieur. Les trois points ainsi déterminés (fig. 15) forment un
triangle, stylisation des ventricules, dont les déplacements se
ront
faciles à mesurer.
Ainsi le ventricule sera représenté par un triangle dont un côté
sera toujours parallèle à la scissure latérale (il l'est par construct
ion,
mais celle-ci ne fait qu'objectiver un fait général).
Grâce à ce procédé, il est facile de suivre les étapes de la rota
tion des ventricules dans les divers ordres de Mammifères. Cette
258
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
rotation sera ensuite comparée à celle des hémisphères et à la
rotation de la région occipitale.
I
1° Rotation des ventricules. — Elle est particulièrement visible
Fig. 16. — Profils systématisés des ventricules de différents animaux ; même
indicatif que fig. 9 et 10.
sur les images montrant les positions des triangles schématiques
dans les divers ordres d'animaux étudiés (fig. 16). Une superpos
ition
faite par les sommets inférieurs, ou points T, montre les
positions extrêmes des triangles : c'est-à-dire la position ventri-
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
259
culaire du Rat et celle d'un Homme. La différence angulaire est
de 70° environ (fig. 17). On peut écrire, qu'au cours de l'évolution,
les cavités ventriculaires latérales tournent sur elles-mêmes dans
le sens des aiguilles d'une montre de 70° (côté gauche), le centre
du mouvement de rotation étant l'extrémité inférieure de la corne
temporale ventriculaire rendue commune.
2° Rotation ventriculaire et position des hémisphères. — Lors
RflTTUS ..
Fig. 17. — Positions comparées des profils Rat et Homme ; différence : 70°.
des dissections des ventricules latéraux, les lèvres de la pseudosylvia ou de la Sylvienne ont toujours été soigneusement gar
dées.
Les directions scissurales s'intriquent dans les différents
ordres de Mammifères, mais, d'une. manière générale, l'inclinaison
vers la nuque du cortex entourant la scissure se poursuit progres
sivement
(fig. 18).
D'une façon générale les ventricules se déplacent en même
temps que la Scissure.
On peut écrire que la direction de la scissure indique également
la direction de la corne temporale ventriculaire. Nous avons
d'ailleurs utilisé cette relation pour la construction des triangles
shématiques.
Chez les Ongulés, la scissure latérale et la direction de la corne
temporale ne sont plus strictement parallèles. La bascule ventri-
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
260
culaire est plus marquée que la bascule scissurale. Nous avons
toutefois appliqué la même systématisation triangulaire du vent
ricule.
Les images rectifieront cette approximation (fig. 9 A).
Ces rapports avec la corticalité du cerveau s'accompagnent d'une
relation constante avec les formations limbiques, et en particul
ier
avec la corne d'Ammon (tableau II). Les angles sylvio-vestibulaire et ammo-vestibulaire peuvent, sur l'encéphale, indiquer
la direction de la jambe postérieure ou temporale du ventricule
latéral. Ces deux angles ont une valeur égale : l'un mesure la
position de l'écorce du cerveau, l'autre les rapports des plans
profonds.
Tableau II.
Ordre.
Insectivores. . . . .
Rongeurs
Ongulés
Carnivores . . . .
Primates
Espèce.
Talpa europaea
Rattus rattus
(var. g. et b.)
Mus musculus
(var. g. et b.)
Eliomys quercinus
Cavia porcellus
Lepus europaeus
Lepus cuniculus
Equus caballus
Bos taurus
Antilope
Ovis aries
Sus domesticus
Canis familiaris.
Felis domestica
Mustela putorius
Felis leo
Erythrocebus
Papio papio.
Pan troglodytes
Homo
Angle
vestibuloiniaque.
Angle sylviovestibien et
ammovestibien.
Angle
foraminovestibien.
85
80
75
108
107
108
105
92
74
88
65
95
105
84
83
76
91
77
73
75
45
40
49
12
103
91
85
79
73
100
97
85
83
81
87
72
66
63
61
51
55
40
108
93
72
83
63
88
110
83
76
82
89
80
64
72
51
40
45
0 à 16
3° Rotation venlriculaire et rotation occipitale. — Quels sont les
rapports entre ces deux mouvements ? Sont-ils synchrones ?
Sont-ils de même amplitude ?
Pour répondre à ces questions, il importe de comparer des
angles mesurant ces déplacements. Le déplacement occipital est
donné, d'une part, par la valeur de l'angle vestibulo-occipital
encore appelé foraminien défini plus haut (fig. 11).
DELATTRE. — ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
261
Le déplacement ventriculaire est mesuré, d'autre part, par
l'angle formé entre le côté postérieur du triangle schématique
avec une parallèle au plan vestibulaire menée par le point T
(fig. 16).
Les déplacements sont simultanés et ils ont une valeur presque
égale jusqu'aux Primates.
Pour expliquer les relations entre la rotation ventriculaire et
r
OliCULES\
,
/ P
\\l
\\//
Л
Fig. 18. — Positions successives de la scissure de Sylvius sur cerveaux orientés.
occipitale , il est indispensable de préciser à nouveau les modes de
transformation du crâne et du cerveau.
Jusqu'aux Primates exclusivement, la rotation de l'ensemble
de la base du crâne entraîne dans un même mouvement l'encé
phale et les parois crâniennes voisines de la base. On comprend
alors que les déplacements de la scissure latérale et ceux du for
amen soient liés.
A partir des Primates, le crâne s'ouvre par l'arrière et l'hiatus
se déploie autour de l'axe vestibien comme axe de rotation. Le
cerveau accommode ses contours à cette augmentation de la
capacité crânienne, mais il est fixé, épingle par l'hypophyse, dans
la loge pituitaire. Il bascule au cours de l'évolution autour d'un
axe transversal, passant par cette loge. Celle-ci est sur un plan
BULL. ET MI M. SOCIÉTL ANTIIROP. DE PARIS, T. 3, 10e SÉRIE, 1952.
18
société d'anthropologie de paris
262
antérieur à l'axe vestibien et elle remonte progressivement dans
la cavité crânienne. Les mouvements, même simultanés, parall
èlesdu crâne et du cerveau ne seront donc pas mesurés par des
angles exactement de même valeur.
anale, forttmiritc-n-
ig 19 — Valeurs comparées des angles sylviens et foraminiens. — E. q., Eliomys
quercinus ; A, Antilope ; M. P., Mustela putorius ; e. c, Erythrocebus ; P. t.,
Pan troglodytes ; P. p., Papio ; H., Homo. — Les valeurs des angles sont paral
lèles jusqu'aux Primates. L'angle foraminien diminue ensuite plus rapidement.
or.
Fig. 20.
L'angle de surrotation de la corne occipitale (Pan troglodytes) :
angle a.
^
Chez ces mêmes animaux, le mouvement de bascule du for
amen s'accélère par rapport au mouvement de l'encéphale (cor
tex). La figure 19 montre ce décalage entre les deux mouvements.
Cette accélération de la bascule occipitale influe sur la morphol
ogie
de l'extrémité postérieure des hémisphères et des ventri
cules. Elle s'accompagne de la formation d'un lobe occipital épais,
et sa masse entraîne vers le bas la corne occipitale du ventricule.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
DELATTRE.
263
II paraît logique d'appeler ce mouvement « la surrotation » de la
corne occipitale du ventricule. Pour préciser ceci, on peut définir
un « angle de surrotation » dont un côté est la hauteur h (indice
simple) et l'autre une droite joignant les deux points de tangence
supérieure au ventricule, selon que l'on tient compte ou non de
son prolongement occipital (fig. 20). Les valeurs seront les sui
vantes,
par ordre décroissant :
Fig. 21. — Positions extrêmes des ventricules ramenés à une même échelle.
Papio papio
Pan troglodytes (jeune)
Erythrocebus
Homo
B)
Translation
....
110°
107°
104°
90°
des ventricules latéraux.
Les cavités ventriculaires n'effectuent pas leur rotation sur
place autour du pôle inférieur immobile de leur corne temporale.
Les cavités s'élèvent et reculent tout en tournant sur elles-mêmes.
Cette élévation et ce recul se mesurent à l'aide des plans de réfé-
264
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
rence. Les positions extrêmes de l'animal à l'Homme, tracées
sur une même figure, montrent ce véritable cheminement des
ventricules (fig. 21).
Dans le travail antérieur déjà cité (1) nous avons dit que l'e
xtrémité
du lobe temporal du cerveau était un point relativement
fixe de l'encéphale, sa position dans la fosse sphéno-temporale
étant vérifiée par la méthode vestibulaire. Or, la corne tempo-
Fig. 22. — Méthode employée pour mesurer la distance « d » entre le pôle temporal
et l'extrémité de la corne temporale (Chat). — d : distance entre leurs deux tan
gentes,
elles-mêmes perpendiculaires à la direction de la scissure de Sylvius.
rale du ventricule s'élève néanmoins chez les Primates, les An
thropoïdes
et l'Homme. Cet écartement, nous l'avons écrit, est
lié à l'interposition d'une substance cérébrale d'épaisseur crois
sante entre les extrémités du lobe et de la corne. Les figures étant
reportées à une commune mesure (G), cette épaisseur mesurée
en millimètres, selon le procédé indiqué sur la figure 22 donne :
Ratlus (r)
Bos (b)
Talpa[t)
ymm
11
12
F élis calus (fc)
Erythrocebus (e)
Papio (p)
( 1 ) Loc. cilato, page 238.
14mm
26
30
Pan troglodytes (pt) 34mm
40
Homo (h)
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
265
Fig. 23. — Montée relative de l'extrémité inférieure de. la corne temporale ventriculaire par rapport à l'extrémité du lobe temporal rendue commune.
Fig. 24. — Surface balayée par le cheminement des hémisphères (ligne extérieure)
et des ventricules (ligne intérieure). En pointillés : montée de l'hypophyse.
266
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
Fig. 25. — Détail du cheminement ventriculaire, par ordres de Mammifères. En
hachures : zone des prolongements olfactif et occipital.
La figure 23 objective cet accroissement d'épaisseur. Un phé
nomène
identique se passe au niveau de la région frontale.
Cette translation des ventricules les porte vers cette région
nouvelle de la boîte crânienne, créée par la bascule occipitale.
Dans cet hiatus de valeur très importante (380 à 400 cm chez
l'Homme) vient se loger la partie postérieure des hémisphères.
DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
267
Le ventricule latéral se déplace dans le même sens. On peut réu
nir les traces des positions successivement occupées par les ventri
cules, réalisant ainsi une véritable surface « balayée » par le che-
-A
/
(м
ч
Fig. 26. — Constance des rapports des cavités ventriculaires avec l'axe médullaire
cervical au cours de l'évolution. — Positions extrêmes ; un angle voisin de 90°
mesure ces rapports entre la direction de la scissure de Sylvius et celle de l'axe
médullaire, solidaire des changements d'orientation du clivus.
minement des ventricules, dans une boîte crânienne elle-même en
transformation (fig. 24-25).
Les déplacements des ventricules latéraux, que nous venons
d'analyser et d'expliquer, modifient-ils les rapports réciproques
268
société d'anthropologie de paris
des cavités du télencéphale, du mésencéphale et du rhombencéphale ? Si curieux que cela puisse paraître, les cavités du névraxe ne subissent aucune angulation entre leurs diverses parties,
au cours de l'évolution. En effet, tandis que les ventricules lat
éraux se portent en arrière et en haut en tournant, l'aqueduc de
Sylvius, le quatrième ventricule et le canal de l'épendyme se
portent en avant, en bas, en se redressant.
Le troisième ventricule, fixé par le tuber cinereum à la loge
pituitaire, s'incline vers l'arrière, la tige hypophysaire étant le
pivot de l'ensemble cavitaire (fig. 26).
Ceci confirme ce que l'analyse séparée des mouvements crâ
niens
et encéphaliques avait déjà révélé. Le redressement du
corps et de la colonne vertébrale agit sur le crâne pour en accroî
tre
considérablement la capacité. L'encéphale augmentant son
volume y trouve un logement accru et se modèle sur son étui
osseux.
Nous nous proposons de compléter ces recherches à l'aide
d'un autre plan de projection et d'étudier ultérieurement la
destinée des noyaux gris centraux.
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