Géographie des cancers du poumon
des femmes en France
Introduction
Le développement du tabagisme féminin en France au cours des trente dernières
années constitue un fait majeur de santé publique. Phénomène récent par rapport
aux pays du Nord de l’Europe, les taux faibles, mais croissants, de mortalité
féminine par cancers du poumon ne traduisent pas encore toute la gravité de ce
phénomène. En matière d’attribution d’affections longues durées (ALD) pour
cancers bronchopulmonaires, on est toutefois passé de 14 % de femmes en 1990
à 20,5 % en 2001. En outre, le phénomène est socialement et spatialement
différencié. Cette analyse porte donc sur les disparités spatiales d’incidence du
cancer du poumon dans la population féminine vivant en France.
Méthode
L’analyse porte dans un premier temps sur les données d’entrée en ALD pour
cancer du poumon dans le régime des travailleurs salariés sur la période 1998-99.
Les taux d’incidence standardisés sur l’âge sont calculés et cartographiés, à partir
des codes postaux de résidence des malades, à l’échelle des zones d’emploi.
Afin d’apprécier les dynamiques spatiales à l’œuvre depuis une trentaine d’années,
les taux de mortalité standardisés sur l’âge sont ensuite analysés sur quatre périodes
centrées autour d’une année de recensement. La composante urbaine de la mortalité
féminine par cancers du poumon étant importante [Salem et al, 2000], l’analyse est
menée à l’échelle des unités urbaines de plus de 20 000 habitants, permettant un
croisement entre taille de la ville et taux de mortalité.
Dans un troisième temps, on confronte les incidences de cancer du poumon aux
prévalences de tabagisme des femmes de chaque zone géographique. Ces
données sont issues des informations collectées par les Centres d’examen de santé
lors des bilans de santé périodiques proposés aux assurés sociaux dépendant du
régime général.
Journées scientifiques de l’InVS
04
G. Salem1, S. Rican1, E. Jougla2, H. Isnard3, A. Weill4, D. Khayat5
1Université Paris X, Nanterre, Laboratoire espace, santé et territoire 2Inserm CépiDc 3InVS, Saint-Maurice 4Cnam 5Pitié-Salpétrière
Carte 1 – Taux standardisés d’incidence féminine du cancer du poumon
à l’échelle des zones d’emploi sur la période 1998-99
Carte 2 – Taux comparatifs féminins
de mortalité par cancers
bronchopulmonaires à l’échelle des
unités urbaines de plus de 20 000
habitants sur la période 1995-99
Carte 4 – Pourcentages de fumeurs
quotidiens parmi les femmes
adultes âgées de 40 à 55 ans
à l’échelle départementale sur la
période 1996-1999
Q6
Effectifs
insuffisants
25.3 %
0,0
5,5
9,9
12,5
14,7
22,1
35,1
en %
des fumeuses
Source : Cetaf
© Espace santé et territoire, 2002
Atlas de la santé en France - Vol 2
Effectifs
insuffisants
12,2
12,8
16,7
18,7
22,5
35,0
39,5
% de fumeuses
quotidiennes
26.3 %
Q6
© Espace santé et territoire, 2002
Atlas de la santé en France - Vol 2
Source : Cetaf
Population en 1990
20196
696819
1262342
9319367
Source : CépiDc, Insee
Traitement et infographie :
© Espace santé et territoire, 2002
Atlas de la santé en France
Q6
3,31
6,31
8,53
10,79
13,34
17,80
23,83
p 100 000
25 %
Sources : InVS, Insee
© Espace santé et territoire, 2003
Atlas de la santé en France, vol.2
0,0
7,6
12,0
15,4
19,5
25,2
33,4
Taux pour 100 000
25 %
Résultats
Les cancers du poumon sont actuellement responsables de plus de 3 000 mises en
ALD chaque année, soit 3,5 % des mises en ALD féminines pour cancers. Les taux
féminins dincidence restent, comparés aux taux masculins, relativement faibles. On
note toutefois de très fortes disparités sur le territoire français. Deux logiques sont à
l’œuvre dans la distribution des taux : une logique urbaine se traduisant par des taux
élevés dans la plupart des zones urbanisées, à lexception notable des villes du
Nord ; une logique régionale avec des taux globalement homogènes et forts en
Lorraine et Champagne-Ardennes, faibles dans un grand ouest de la France. On note
par ailleurs que les façades maritimes sont caractérisées par des taux forts. (carte 1).
Lanalyse de la mortalité à l'échelle des unités urbaines permettant de confronter
taille, appartenance régionale des villes et niveaux de mortalité, confirme cette
double logique spatiale (carte 2). Les taux sont globalement plus élevés dans les
grandes villes que dans les petites villes. Certaines régions sont par ailleurs
marquées par des taux élevés quelle que soit la taille de la ville (Lorraine,
Champagne-Ardennes).
Cependant, l’évolution des taux sur la période la plus récente tend à montrer une
augmentation plus rapide des taux dans les petites villes (carte 3). Une analyse
dynamique des disparités spatiales de mortalité menée sur les 25 dernières années,
permet de montrer deux phases dans l’évolution du cancer du poumon pour les
femmes françaises. Dans un premier temps, les taux ont fortement augmenté dans
les grandes villes puis, le phénomène sest propagé dans les petites villes. Au final,
sur lensemble de la période, on assiste à un mouvement de croissance généralisée
de ce cancer sur lensemble du territoire français.
Discussion
Les données dALD ne permettent de mesurer quune incidence médico-sociale de
la maladie. Toutefois dans le cas du cancer du poumon, la gravité de la maladie et
son fort taux de létalité, donnent la possibilité de comparer des données
dincidence et des données de mortalité. On note une bonne concordance entre les
cartes dincidence et les cartes de mortalité. Les données dALD restent toutefois
limitées dans la mesure ou la localisation des individus seffectue à l’échelle des
codes postaux, ce qui empêche une analyse selon le niveau durbanisation.
Afin de mieux comprendre les configurations spatiales observées, on peut chercher
à confronter ces cartes dincidence avec des cartes de consommation de tabac
pour des femmes âgées de plus de 40 ans (cartes 4 et 5). On note que ce nest pas
tant la part de fumeurs dans la population qui influe sur la distribution des taux
dincidence que la quantité consommée par les fumeuses. Ces pratiques répondent
à des logiques régionales et urbaines que lon ne retrouve pas systématiquement
pour les hommes.
Conclusion
Les conséquences sanitaires du développement du tabagisme féminin dans les
années 1970 ne se lisent quaujourdhui. Le processus de diffusion spatiale mis en
évidence dans cette étude traduit la véritable «épidémisation » de cette maladie
dans la société féminine française.
Carte 3 – Evolution du taux
comparatif féminin de mortalité par
cancers bronchopulmonaires à
l’échelle des unités urbaines de
plus de 20 000 habitants entre
1990 et 1999
Carte 5 – Répartition des femmes
adultes fumeurs (40-55 ans) selon
leur niveau quotidien de tabagisme
à l’échelle départementale sur la
période 1996-1999. Plus de 20
cigarettes par jour
Population en 1990
20196
696819
1262342
9319367
Q6
-8,71
-4,09
0,00
2,53
4,71
9,19
17,10
p 100 000
25 %
Source : CépiDc, Insee
Traitement et infographie :
© Espace santé et territoire, 2002
Atlas de la santé en France
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