La lettre de l’Institut
Année 6, N° 2 - Décembre 2011
LE PRINTEMPS ARABE : REVOLUTIONS, QUELLES REVOLUTIONS !
Les événements qui secouent le
Monde arabe depuis le mois de
décembre 2010 constituent une
véritable « onde de choc » pour le
monde entier. Par leurs protesta-
tions, révoltes et révolutions, les
Arabes redressent la tête ; ils
prouvent qu’ils peuvent exister par
eux-mêmes, prendre leur destin à
bras-le-corps et déterminer leur
sort et le modèle de société qui leur
convient. Désormais, ils sont présents
dans les médias, sur la toile, dans les
débats nationaux et internationaux,
on parle de leurs révolutions. Quelles
révolutions ! De ces événements, il
apparaît, entre autres, que les Arabes
se montrent ers de ce qu’ils sont
en train de réaliser, heureux d’avoir
retrouvé la dignité et la liberté tant
revendiquées.
Comment naît une révolution ?
Quelles sont les causes qui sont à
l’origine du déclenchement de la ré-
volution ? Comment bascule-t-on des
revendications et protestations vers
la révolution ? Ces questions sont
encore plus énigmatiques lorsque
l’on pense à la révolution tunisienne.
Comment se fait-il que la population
tunisienne, longtemps silencieuse, se
soit révoltée ? De toute évidence,
cette révolution était inattendue et
a surpris tout le monde y compris
les acteurs qui étaient à l’origine de
son déclenchement ; ceux qui l’ont
menée ne s’y attendaient pas. Elle
a eu lieu dans un contexte où elle
n’avait aucune chance de réussir, une
situation où la rébellion était impos-
sible à entrevoir dans la mesure où
les risques de répression étaient bien
pires que ce que l’on pouvait imagi-
ner. Et pourtant, la révolution fut ! Il
y a des révolutions, mais il n’y a pas
une théorie de la révolution. C’est
donc une révolution à la tunisienne,
devrait-on désormais dire. A cet
égard, l’exemple tunisien sera étudié
et enseigné pour lui-même, pour sa
singularité et son exemplarité.
Omnipotence des familles régnantes,
étouffement du jeu politique, népo-
tisme, corruption, frustration d’une
opinion publique muselée, disparités
sociales et régionales (ce n’est pas
un hasard qu’en Tunisie tout ait com-
mencé dans cette bourgade rurale
et marginalisée de Sidi Bouzid). On
peut énumérer à l’inni les motifs qui
ont poussé les populations arabes,
méprisées mais non résignées, à dire,
« trop, c’est trop ! ».
D’une certaine façon, un mot d’ordre
résumerait les aspirations de ces
populations : la quête de justice, de
dignité. C’est pour cette raison que
les manifestants, en Tunisie et ailleurs,
ont scandé des slogans très signica-
tifs : liberté, dignité, justice. Ces slo-
gans ont eu un écho considérable au-
près des populations, toutes classes
confondues, mobilisant les gens par-
tout, dans les villes et les régions, à la
campagne et dans les centres urbains.
Dans les sociétés arabes, il y a indé-
niablement un problème d’inéga-
lité et de justice distributive : tout
le monde ne prote pas du fruit du
développement économique ; les
richesses des pays sont accaparées
par une minorité de privilégiés. Les
classes moyennes ont pu à un certain
moment tirer prot de la croissance
économique mais la crise est venue
fragiliser leur pouvoir d’achat.
par Mohamed Nachi,
Sociologie des nouvelles dynamiques sociales
(Suite page 2)
DANS CE NUMÉRO
Editorial de M. Nachi 1-2
Entretien avec D. Vrancken 2-3
Congrès de l’AISLF 4
Les activités de l’ISHS 5
A venir 6
Sorties de presse 6
Défense de thèses 6
Activités préparatoires 2011 7
Proclamations 2011 7
Rentrée 2011 7
Nouvelles des Anciens 8
LE MOT DU PRÉSIDENT
Des vents du nord, des vents
du sud…
C’était la thématique choisie à
l’occasion de notre cérémonie
académique de proclamation
des résultats des étudiants de
Masters en septembre dernier.
Comment, au sein d’un Institut
comme le nôtre, demeurer indif-
férent aux bouleversements qui
s’observent en ce moment aux
quatre coins du monde ? Com-
ment ne pas accorder notre at-
tention aux événements qui se
sont produits il y a un an déjà en
Tunisie et ont charrié des vents
de liberté un peu partout dans le
monde ? Avec le retour à Liège
du Professeur Nachi, après un
séjour d’un an à l’Université de
Princeton, l’occasion était offerte
à La lettre de l’Institut, d’aborder
des événements politiques qui
questionnent profondément nos
sociétés. Sociétés, plus que jamais
confrontées à l’incertain, thème
qui sera d’ailleurs au cœur du
prochain congrès international
des sociologues de langue fran-
çaise précisément organisé au
Maroc, en juillet 2012.
Didier VRANCKEN
Président de l’Institut
des Sciences Humaines et Sociales