les couleurs de l’eau Sébastien Coëtmellec Dans ce petit document, je vous présente la propagation de la lumière sous l’eau. Quelques définitions sont rappellées. Bien évidemment, ce document est tiré d’un TD plus complexe, m’étant en oeuvre des équations de propagation impossible à exposer ici. L’objectif principale de cette exposé est de comprendre pourquoi l’eau prend des couleurs différentes, d’où le titre: les couleurs de l’eau. I. SPECTRE ÉLECTROMAGNÉTIQUE La lumière visible, appelée aussi spectre visible ou spectre optique est la partie du spectre électromagnétique qui est visible pour l’oeil humain. Les unités utilisées figure (1) sont le nanomètre (nm) qui vaut 10−9 m et le térahertz (THz) qui vaut 1012 Hz ou encore 1012 oscillations par seconde. FIG. 1: Le domaine visible du spectre électromagnétique La lumière est une entité ”bizarre” car soit elle peut être percu comme une ”boule de billard” soit elle peut être perçue comme une vibration (comme celle que l’on peut voir à la surface de l’eau quand on a jeté un cailloux). Dans 2 le cas de la réflexion, réfraction, la lumière est considérée comme une boule de billard et dans le cas de l’absorption et la diffusion elle est considérée comme une vibration. Nous savons que la lumière est constituée d’un certain nombre de couleurs visibles par l’oeil humain. Chaque couleur possède sa fréquence de vibration. Par exemple, dans l’air: couleur fréquence ν en THz rouge 428 vert 550 bleu 689 Pour comprendre la fréquence, imaginer la roue d’un vélo de diamètre 1m sur laquelle on a placé un repère. La fréquence de passage de ce repère face au frein du vélo est le nombre de tour qu’il va faire par seconde. En optique il s’agit presque de la même chose. Une vibration contient deux sommets et un creux ou deux creux et un sommet. Le nombre de creux ou de sommets par seconde représente la fréquence optique. La distance entre deux sommets ou entre deux creux s’appelle, en optique, la longueur d’onde (notée λ). Chaque couleur possède sa propre longueur d’onde, par exemple: couleur longueur d’onde λ(nm) rouge 700 vert 545 bleu 435 Il existe une relation entre la longueur d’onde et la fréquence de vibration: λ= c ν (1) La constante c est la vitesse de la lumière dans le vide. Elle vaut 300 000km/s. Il n’y a aucune limite exacte au spectre visible: l’oeil humain adapté à la lumière possède généralement une sensibilité maximale à la lumière de longueur d’onde d’environ 550 nm, ce qui correspond à une couleur verte. Généralement, on considère que la réponse de l’oeil couvre les longueurs d’ondes de 380 nm à 780 nm bien qu’une gamme de 400 nm à 700 nm soit plus commune. Cependant, l’oeil peut avoir une certaine réponse visuelle dans des gammes de longueurs d’onde encore plus larges. Les longueurs d’onde dans la gamme visible pour l’oeil occupent la majeure partie de la fenêtre optique, une gamme des longueurs d’onde qui sont facilement transmises par l’atmosphère de la Terre. L’ultraviolet (UV) et l’infrarouge (IR) sont souvent considérés comme ”lumière” mais ne sont pas visible par les humains sauf si une personne a subi une opération de la catarate. Dans cette opération une partie du cristallin est enlevée favorisant ainsi le passage des UV. On devient ainsi sensible aux UV. Mais la rétine n’aime pas ça... II. INDICE DE RÉFRACTION DE L’EAU L’indice de réfraction d’un milieu est un coefficient qui porte à la fois les propriétés du milieu et influence la vitesse de propagation de la lumière dans ce milieu. Si c est la vitesse de la lumière, n, l’indice de l’eau, la vitesse v de la lumière dans l’eau vaut: v≡ c 3 · 108 = = 2, 255 · 108 m/s = 225 000km/s. n 1, 33 (2) Une autre relation importante est celle qui relie les longueurs d’onde dans deux milieux différents, par exemple l’air et l’eau. On note λair la longueur d’onde dans l’air et λeau , la longueur d’onde dans l’eau. Ces 2 longueurs d’onde sont reliés par l’indice de réfraction de l’eau telles que: λeau = λair n Application: pour de l’eau d’indice n = 1, 33, on a: couleur longueur d’onde dans l’air longueur d’onde dans l’eau rouge 700 nm 526 nm (vert) vert 545 nm 409 nm (violet-bleu) bleu 435 nm 327 nm (violet) (3) 3 Autrement dit, la longueur d’onde change entre l’air et l’eau. Mais, me diriez-vous, un objet rouge reste rouge quand on le met sous l’eau. Il ne devient pas vert. Les raisons sont que la fréquence ν d’une onde dans l’eau est la même que dans l’air et l’oeil n’est sensible qu’aux fréquences de vibrations et non aux longueurs d’onde. En réalité, l’eau absorbe le rayonnement lumineux. Cette absorption est due au fait que l’indice de réfraction de l’eau n’est pas un nombre réel mais un nombre complexe. Par conséquent, l’intensité lumineuse I d’une couleur est fonction de la profondeur parcourue sous l’eau telle que I(prof ) = I0 exp [−a(λ) × prof ] , (4) où a(λ) est le coefficient d’absorption en fonction de la longueur d’onde. Des mesures récentes ont permis de mesurer les coefficients d’absorption d’une onde dans l’eau pure [1, 2]. La figure (2) illustrent une partie de des coefficients d’absorption. Bien qu’il s’agisse de l’eau pure, les résultats obtenus peuvent servir de référence dans le cas d’une eau douce. FIG. 2: Coefficient d’absorption en fonction de la longueur d’onde Le tableau ci-dessous donnent quelques valeurs de coefficients d’absorption en fonction des longueurs d’onde: λ0 (nm) a(λ0 ) (m−1 ) 400 0.00663 435 0.0053 500 0.0204 545 0.0511 600 0.2224 700 0.624 La figure (3) donne une représentation de l’atténuation en intensité des couleurs sous l’eau. On considere ici que le rouge est à une longueur d’onde de 700nm, le vert à 545nm et le bleu à 435nm. Ces résultats sont connus du niveau 4, lorsque l’on dit que l’intensité lumineuse diminue avec la profondeur et que le rouge est d’abord absorbé avant le bleu. Dans ces derniers exemples, soit on considère que l’onde se propage dans une seule direction: de la surface vers un fond hypothétiquement infini soit on se place comme observateur en pleine eau et on remarque que le rouge est perdu. Qu’en est-il d’un observateur en surface? Les fonds des océans ont une profondeur finie. Donc la lumière va faire un allé-retour. Cette distance de propagation sous l’eau va donc modifier les couleurs de l’eau que l’on regarde (en surface). D’ou la question: est-ce que l’on peut estimer la profondeur à partir des couleurs de l’eau ? 4 FIG. 3: I(prof ). λrouge =700nm, λvert =545nm et λbleu =435nm III. LES COULEURS DE L’EAU La question que l’on peut se poser, quand on regarde la photo du titre du présent document, est: pourquoi l’eau est cyan au premier plan et bleue foncée en arrière plan? L’eau est rigoureusement la même donc les coefficients d’atténuation sont les mêmes... Alors c’est quoi? Et bien c’est juste la profondeur qui joue. Explication. La lumière contient les 3 couleurs de base auquelles l’oeil est sensible: le Rouge, le Vert et le Bleu. 1. Si la lumière émergente du fond de l’eau ne perd aucunes couleurs alors l’eau sera blanche (Principe de la synthèse additive illustrée figure (4)). 2. Si la lumière émergente du fond de l’eau perd le rouge alors on verra une eau de couleur cyan (c’est exactement ce que l’on voit sur la photo d’Egypte) 3. Si la lumière émergente du fond de l’eau perd le rouge et le vert alors l’eau sera bleu foncée (c’est exactement ce que l’on observe en arrière plan de la photo d’Egypte). FIG. 4: Pourcentage des couleurs Rouge, Vert et Bleu Autrement dit, on peut conclure sur la chose suivante: la couleur de l’eau renseigne sur la profondeur. 5 Mais comment avoir une idée de la profondeur? La lumière transmise à travers la surface se propage jusqu’au fond de l’eau d’une profondeur h en étant partiellement absorbée. On supposera que le fond est plat et totalement réfléchissant (voir la photo du titre: photo d’Egypte). Si l’on cherche à connaitre la profondeur pour laquelle l’onde réfléchie sur le fond est égale à celle de l’onde réfléchie sur la surface de l’eau, on obtient: 1 4n h= ln 2 , (5) a(λ) n −1 L’équation précédente veut dire que: 1. le rouge (λ = 700nm) est perdu à partir de 3,1m 2. le vert (λ = 545nm) est perdu à partir de 37,8m, 3. le bleu (λ = 435nm) est perdu à partir de 365m Rappellons que a(λ) est le coefficient d’atténuation de l’onde lumineuse de longueur d’onde λ. Les valeurs de a(λ) sont données plus haut. L’indice de l’eau est noté n et vaut 1, 33. Il nous reste à tracer la profondeur h en fonction de la longueur d’onde et du coefficient d’atténuation a(λ) FIG. 5: Donner une profondeur relative par rapport à la couleur Maintenant si l’on revient à notre photo d’Egypte, on peut conclure que: • au premier plan, la profondeur est de l’ordre de 3m, • En arrière plan, la profondeur doit excéder les 365m, • Au centre, la pronfondeur doit aller de 3 à 365m en passant par les 37,8m. 6 FIG. 6: conclusion sur les profondeurs de notre site de plongée égyptien. L’eau est normalement incolore (il suffit de regarder une bouteille d’eau). Alors pourquoi l’eau des océans paraı̂t-elle bleue? En fait, si l’on regarde une eau pure et profonde (comme la mer), c’est la lumière du ciel qui se réfléchit à la surface de l’eau. Si le ciel est bleu alors l’eau est bleue, si le ciel est couvert de nuages alors la mer paraı̂t grise etc. Cependant, si l’eau n’est pas très profonde, la couleur dépend dans ce cas du fond de l’eau. Exemple : un fond sablonneux blanc donnera une merveilleuse eau bleue-verte. [1] Frank M. Sogandares and Edward S. Fry, Absorption spectrum (340-640nm) of pure water. I. Photothermal measurements, App. Optics, 36, 8699-8709 (1997). [2] Robin M. Pope and Edward S. Fry, Absorption spectrum (380-700nm) of pure water. II. Integrating cavity measurements, App. Optics, 36, 8710-8723 (1997).