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qui offrait un certain nombre de voies de recours à la victime d'un préjudice médical, notamment le
bénéfice de la lex Aquilia , détournée de ses objectifs initiaux.12 Si l'on se limite à la France et si l'on
se place sur le plan du vocabulaire formel, l'étymologie elle-même nous fait plonger dans l'abîme des
siècles, puisque le terme de patient, substantivé pour désigner le malade par rapport au médecin est
attesté dans le vocabulaire courant depuis le XIV° siècle,13 sans que l'on puisse pour autant en tirer
un fil conducteur très sûr. Car les textes de droit utilisent rarement ce terme, auquel les juristes
préféreront longtemps celui d'aegrotus, puis celui de malade. C'est celui que l'on trouve dans les
premiers jugements rendus en France sur la base du code civil. Sans revenir sur l'état de la question
en ancien droit,14 le droit à la réparation des fautes médicales existe depuis une décision de 183015 et,
quelques années plus tard, le contexte historique aidant,16 ce mode de règlement des litiges entre les
médecins et les personnes par eux soignées a été consacré par la Cour de cassation dans l'arrêt
Thouret-Noroy, en 1835.17 Toutefois, ce n'est pas sans abus que l'on pourrait parler de droits des
malades à cette époque. Car les victimes des médecins concernés ne mettaient pas en oeuvre des
droits spécifiques fondés sur un mécanisme de responsabilité, distinct du droit commun de la
responsabilité civile délictuelle.18 Et a fortiori serait-il contestable d'évoquer les droits des "patients",
car ce dernier mot ne se rencontre pas couramment dans les sources juridiques de cette période.19
Car, même s'il était d'utilisation ancienne, dans la langue courante, le terme n'était pas spécifique à
12 Voir dernièrement: B Winiger (éd) La Responsabilité Aquilienne en Droit Commun: Damnum Culpa Datum
(Helbing & Lichtenhahn, Genève-Bâle-Münich, 2002) 36, 53 et 215.
13 A Rey (dir) Dictionnaire Historique de la Langue Française (Le Robert, 2° éd Paris, 1998) 2609 a.
14 JC Careghi "Une Responsabilité Civile Médicale a-t-elle Existé dans l'ancien Droit Français? (XVI°-XVIII°
siècles)?" RRJ, 2003. Cette étude complète opportunément celle d'A Laingui, JIlles, "La Responsabilité
Pénale du Médecin dans l'ancien Droit", parue sous la direction de D Truchet, dans Études de Droit et
d'Economie de la Santé, Travaux et Recherches. Série Faculté des Sciences Juridiques de Rennes
(Economica, Paris, 1982).
15 Trib civ Domfront, Foucault c dr Hélie, 28 septembre 1830; comparer A Trébuchet Jurisprudence de la
Médecine, de la Chirurgie et de la Pharmacie en France (JB Baillière, Paris, 1834) 195-201.
16 En 1832, à l'occasion de la terrible épidémie de choléra, plusieurs médecins furent pris à partie (J Ruffié et JC
Sournia Les Epidémies dans l'Histoire de l'Homme (2° éd, Flammarion, Paris, 1995) 137).
17 Req 18 juin 1835 (S 1835, 1, 401). Cet arrêt a donné naissance à un contentieux qui, sans être comparable à
celui que nous connaissons aujourd'hui, était néanmoins important (Étienne-Martin Précis de Déontologie et
de Médecine Professionnelle (Masson, Paris, 1923) chap VIII, 87-88 "Responsabilité Médicale et
Notamment").
18 Les règles de droit commun de la responsabilité délictuelle ont été appliquées jusqu'à l'arrêt Mercier qui a
reconnu l'existence d'un contrat médical et fondé la responsabilité médicale sur le mécanisme civil de la
responsabilité contractuelle (Cass civ, Dr Nicolas c époux Mercier, 20 mai 1936, S1937.1.321; DP 1936, 1,
88).
19 Un exemple d'utilisation pourrait être donné chez M Simon Déontologie Médicale. Des Devoirs et des Droits
des Médecins (Baillière, Paris, 1845) 335.