l’initiative du Centre National
d’Etudes Spatiales, son
groupe de travail thématique
«Soleil- Héliosphère- Magné-
tosphère » (SHM) a mené en
2002 un exercice appro f o n d i
de prospective couvrant l’ensemble de ses
thématiques, à la suite d’un « Appel à Idées
» émis par le CNES en septembre 2001.
L’exercice devait porter sur la période 2005-
2015 et était accompag de cert a i n e s
hypothèses programmatiques et
b u d g é t a i res soumises aux groupes de
travail. Les propositions résumées ici ont
été remises au CNES en novembre 2002 ;
elles se veulent à la fois ambitieuses et
réalistes, prenant en compte à la fois la
diversité et la richesse des propositions des
équipes françaises et les possibilités de
missions spatiales que laissent entrevoir
les plans des différentes agences spatiales.
Il se veut aussi réaliste, en essayant de
rentrer dans une enveloppe financière qui a
peu de chances de croître…
Ce plan programmatique se veut d’une
grande cohérence dans le temps et s’appuie
sur les conclusions des précédents
Colloques du CN E S, en particulier celui
d ’ A rcachon de 1998 qui était, très
heureusement, couplé avec le Colloque de
l’INSU. Bien naturellement des évolutions se
font jour, qui tirent bénéfice des avancées
technologiques : possibilité d’approcher le
Soleil, stratégies spatiales offertes par les
constellations de satellites, explorations
p l a n é t a i res, etc. Les évolutions
thématiques sont, elles aussi, sensibles : la
compréhension du système Soleil-Te rre
dans sa globalité, incluant les effets sur
notre environnement, est et sera au centre
des préoccupations scientifiques de la
discipline dans les années à venir.
A
Soleil-héliosphère-
magnétosphère : priorités
scientifiques et
programmatiques pour
2005-2017
Introduction
57
Groupe « Soleil, hélio-
sphère, magnétosphère »
pour la prospective du
CNES.
Composition : T. Amari,
J.M. Bosqued (Président),
P. Boumier, T. Dudok de
Wit, L. Klein, R. Lallement,
J. Lilensten, Ph. Louarn,
R. Pottelette, J.Y. Prado,
L. Rezeau, J.C. Vial,
J.P. Villain.
es planètes du système solaire
et leur environnement proche -
qu’elles soient dotées ou non
d’une atmosphère et/ou d’un
champ magnétique intrinsèque-
sont totalement immergés dans
l’héliosphère, région de l’espace contrôlée
par le Soleil, son champ magnétique et
l’expansion de sa couronne ionisée, sous la
f o rme du vent solaire. Lunivers étant
constitué majoritairement de plasmas, il est
clair que l’étude coordonnée de cette
héliosphère, constituée donc de plasmas
« astrophysiques » directement accessibles
à l’observation in situ, est un champ
d’investigation privilég de pro c e s s u s
physiques universels. Au cours de cet
e x e rcice de prospective, et à partir des
bilans scientifiques des missions récentes,
ont été dégagées tout d’abord les grandes
questions scientifiques qui doivent, pour
ê t re résolues, bénéficier des moyens
spatiaux (mais aussi, dans de nombreux
cas, des moyens sol associés). Des priorités
programmatiques ont été alors émises en
direction du CNES, qui s’appuient sur les
domaines d’excellence et les compétences
technologiques incontestables de la
communauté française.
L
Les questions prioritaires
e CNES a souhaité que cet exercice de
p rospective soit ambitieux et capable,
dans chaque discipline, de dégager une
vision à 10-15 ans. Dans son champ
d’action le Groupe de Travail SH M a
considéré que les grands challenges, à
l’horizon 2015-2020, étaient de :
explorer par étapes la couronne solaire ;
comprendre les effets solaires sur l’environnement
t e rre s t re global, y compris les relations avec
l’atmosphère (climat?) ;
explorer des environnements ionisés planétaires
de plus en plus complexes;
atteindre les limites de l’héliosphère.
Les programmes scientifiques spatiaux proposés par
le groupe SHM visent à une meilleure compréhension
de l’ensemble des processus physiques qui agissent
dans l’héliosphère, puis à appréhender la globalité du
couplage Soleil - héliosphère - magnétosphère
t e rre s t re. Tout en s’inressant à chacun des
« objets » composant ce système unique, Soleil,
c o u r onne solaire, milieu interplanétaire ,
m a g n é t o s p h è re terre s t re, environnements ionisés
planétaires, le programme spatial proposé cherchera,
autour des directions scientifiques majeures, à
répondre avant tout à quelques grandes questions
scientifiques:
Structure interne du Soleil et son
champ magnétique
Quelle est l’origine du cycle magnétique ? Quelle
est la topologie interne du champ magnétique ?
Quelle est son évolution ? Quelle est la structure fine
de la tachocline, zone particulière de transition entre
deux régimes physiques différents ? Dans les régions
centrales (r < 0,2 rayon solaire, RS), quel est le taux
des réactions de fusion ? et la direction de l’axe de
rotation ?
Comment est engendré le champ magnétique
solaire ? Quelle est sa structure exacte au-dessus de
la photosphère, et l’origine de cette structure, au
niveau de la photosphère? Quel est le lien entre
cette structuration, «l’envol » des protubérances et
les éjections de matière coronale?
Processus fondamentaux de
physique des plasmas en action
dans le système solaire
Si l’exploration du système solaire a révé
l ’ i n c royable diversité des enviro n n e m e n t s
planétaires, tous ces environnements sont unifiés par
58
Spatial : Soleil, héliosphère, magtosphère
L
Tache solaire observée avec
la Coupole Tourelle du Pic
du Midi de l’Observatoire
Midi. Le plus petit détail
mesure 0,23 arcsec, soit
170 km. © Th . Roudier.
G. Molodij. OMP .
CNRS.
Le contexte programmatique spatial
international
Il est clair que tout exercice de prospective spatiale
au niveau national est largement tributaire des choix
des grandes agences: ES A , NA S A, NO A A,…. Pour
répondre aux questions fondamentales le Groupe
SHM a établi un plan d’action qui s’appuie sur trois
grands programmes spatiaux :
le programme spatial de l’Agence Euro p é e n n e
ESA : connu jusqu’en 2012, il permet de participer aux
missions exploratoires solaires et planétaires les plus
ambitieuses. Ce programme spatial européen doit
être privilégié dans le futur;
le programme spatial de la NASA qui est le plus
riche; la reconnaissance internationale de la
communauté devrait lui donner accès, pour un coût
relativement modéré, aux missions exploratoires et
multi- satellitaires ;
le programme national de micro s a t e l l i t e s ,
récemment conforté par les décisions du CAdu CNES.
Moyennant une maîtrise des délais et des coûts, ces
m i c ro-missions sont vitales et permettent des
« premières » scientifiques ou un apport national à
des missions déjà décidées par les autres agences.
D’autres voies existent de coopérations bilatérales
(Suède, Chine,…) qui permettent de participer à des
missions spatiales originales dans des conditions
avantageuses.
L’évolution de l’approche dans ces
disciplines
Lévolution de l’approche spatiale actuelle est
s i g n i f i c a t i v e : aux missions uniques de
« découverte », qui demeurent d’actualité pour les
gions inexplorées (missions planétaires par
exemple), vont se succéder des missions couplées ou
multi-missions qui sont les plus aptes à lever les
ambiguïtés spatio-temporelles habituelles.
En physique solaire, la stragie scientifique
s’appuiera sur le couplage d’appro c h e s
exrimentales compmentaire s : observ a t i o n s
d’imagerie à distance (à haute résolution angulaire),
o u v e rt u re de nouvelles « f e n ê t re s » en longueur
d’onde (IR, X et γ) et mesures in situ de plus en plus
performantes. Ces techniques seront mises en œuvre
tout d’abord à partir de points répartis à l’orbite
terrestre (c’est le cas de la mission STEREO), puis
des processus plasma basiques : création de champs
électriques et magnétiques, accélération de
p a rticules énergétiques, couplages multi-échelles,
transformation de l’énergie magnétique en énergie
cinétique du plasma (reconnexions magnétiques).
Plus précisément, les questions qui se posent sont :
Chauffage des ions : comment la couronne solaire
est- elle chauff é e ? Comment les ions sont-ils
a rrachés aux ionosphères planétaires, puis
accélérés ?
Reconnexion magnétique : quel est le mécanisme
physique de la reconnexion magnétique en milieu
non- collisionnel ? Comment, et où, se déclenche-t-
il ? Comment la structure des boucles magnétiques
solaires est- elle brisée, pour former un vent ?
Transport du plasma : en l’absence de collisions,
comment s’effectue le transport à travers les
frontières magnétiques ? (ex : transport à travers la
magnétopause terre s t re ) ? Quel est le le des
courants paralles dans le couplage avec
l’ionosphère ? Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas
d ’ i o n o s p h è r e (Merc u re ) ? Quelles sont les
conséquences de l’absence d’ionosphère sur
l’interaction vent solaire/champ magnétique
planétaire ?
Acration des particules énerg é t i q u e s :
comment sont produites les particules énergétiques,
dans la couronne, le vent solaire, les
m a g n é t o s p h è re s ? le des chocs
(perpendiculaires/parallèles), des champs électriques
parallèles, et des ondes ? Dynamique des processus
d’accélération ?
Les relations Soleil–Terre et leur
impact sur les activités humaines :
vers une météorologie de l’espace
Déterminer les effets des variations à court terme
sur le climat spatial et, plus tard, et plus ambitieux,
sur les changements du climat de la Terre. Quels
paramètres utiliser pour prédire l’activité solaire ?
Comment prédire l’impact des pert u r b a t i o n s
interplanétaires sur l’environnement terrestre ?
C o m p re n d re et modéliser la dynamique des
p a rticules énertiques dans les ceintures de
rayonnement.
59
Le programme spatial
depuis des points d’observation inédits, de plus en
plus proches du Soleil, tout en quittant le plan de
l’écliptique et viser des latitudes héliosphèriques
plus élevées. Ainsi la mission Solar Orbiter de l’ESA,
planifiée pour 2013-2015 atteindra 0,45 RSet 30°.
Quant à la Sonde solaire, prioritaire dans toutes les
« RoadMaps » américaines, elle pourrait plonger,
autour de 2015-2020, dans la couronne solaire et
s’approcher à ~ 4 RSdu Soleil.
En ce qui concerne le programme de magnétosphère
terrestre, la mission récente CLUSTER a démontré que
l’approche « multi-points » est incontournable et
impérative, qu’il s’agisse de missions multi-
satellitaires (constellations plus ou moins séparées
dans l’espace) ou bien de missions relativement
distantes mais couplées dans leurs objectifs
scientifiques. Les régions à étudier par ces
constellations de satellites sont les régions dites
«c r i t i q u e s », c’est-dire des fro n t i è res
s’effectuent les échanges de particules, d’impulsion
et d’énergie. Les techniques émergentes d’imagerie
globale (imagerie atomes neutres, UV, sondage radio,
i n t e rf é rotrie radio,…) doivent perm e t t r e
d’analyser l’évolution dynamique (sous-orages).
Les environnements ionisés des planètes, lorsqu’ils
existent, sont extrêmement divers et leurs propriétés
dynamiques dépendent de toute une série de
paramètres :
existence ou non d’un champ magnétique
intrinsèque ;
propriétés « locales » du vent solaire et champ
magtique interplanétaire pendantes de la
distance au Soleil ;
présence (ou non) d’atmosphères et ionosphères
planétaires (et de leurs propriétés) ;
présence de satellites naturels, sources de gaz et
plasmas.
Les missions planétaires devraient, elles, se focaliser
sur des environnements planétaires non encore
explorés : dans un proche avenir, Mercure, à plus
long terme Pluton, et à moyen terme les régions
aurorales et polaires de Jupiter.
On notera avec intérêt l’importance des
développements instrumentaux et technologiques
actuellement en cours (par exemple l’interférométrie
radio et optique) et de nouveaux concepts de
missions (par ex : vols en formation, nano-
satellites,…). De nouvelles possibilités originales
devraient donc émerger dans un avenir proche.
Les priorités émises par le Groupe
SHM pour les 10-15 ans à venir
Chercher à apporter une réponse aux questions ci-
dessus revient à explorer un certain nombre de
« régions » de l’héliosphère; dans une subdivision
traditionnelle, l’exploration spatiale va s’organiser
autour de l’observation d’un certain nombre d’objets :
(a) le Soleil, (b) la magnétosphère terrestre, (c) les
environnements ionisés des planètes. Les couplages
Soleil-milieu interplanétaire - m a g n é t o s p h è re sont,
eux, au centre d’une nouvelle approche que l’on
appelle la « Météorologie spatiale ».
Physique solaire
Les techniques d’héliosismologie, par exemple GOLF
à bord de SOHO, ont révélé la complexité de l’intérieur
du Soleil. Après 2010, il est proposé de poursuivre cet
effort, par sondage des couches les plus profondes du
Soleil, mesure des modes globaux de pression et
s u r tout de gravité au moyen d’une nouvelle
génération de spectromètre à résonance, sensible à la
60
Spatial : Soleil, héliosphère, magtosphère
L’observatoire SOHO. © ESA. NASA.
vitesse Doppler des couches photosphériques
échantillonnées à plusieurs altitudes. Le cadre de
réalisation demeure à trouver, soit un microsatellite
national dédié (GOLF-NG), soit une contribution à une
mission SMEX de la NASA, soit, enfin, une participation
au programme ILWS (voir plus loin) de la NASA.
L’étude de l’activité de la chromosphère et de la
basse couronne solaire à haute résolution spatiale et
t e m p o relle, au moyen d’un imageur et d’un
coronographe fonctionnant tous deux en Ly−α, peut
apporter des informations décisives sur les Ejections
de Masse Coronale (CMEs) et l’identification de leurs
gions sources. C’est le but du micro s a t e l l i t e
national LYOT dont l’apport dans l’identification des
signes précurseurs des CMEs, ou la surveillance de la
distribution spatiale et de la variabilité du flux
c h r omosphérique et coronal VU V et EU V, a de
n o m b reuses applications dans le domaine de la
« météorologie de l’espace ».
Le spectre continu IR du Soleil comprend le
rayonnement synchro t ron d’électrons ultra
relativistes accélés lors des éruptions. Aussi,
l’ouverture de la fenêtre infrarouge, dernière fenêtre
non utilisée pour l’observation des éru p t i o n s
solaires, peut donner de nouvelles informations sur
les processus d’accélération de particules. La mission
MIRAGES, elle aussi proposée et soutenue dans le
c a d re du programme national de micro s a t e l l i t e s ,
envisage d’étudier ces divers mécanismes
d’accélération. La mesure du spectre IR serait
couplée à des mesures des émissions X et gamma
générées par le rayonnement de freinage électrons et
p rotons aclérés dans basse couro n n e ,
p a rtiellement pgés dans la couronne, et
p a rtiellement précipis dans la chro m o s p h è re
dense.
Les propriétés de la chromosphère et de la couronne,
et, en particulier, son chauffage, sont mal connues et
nécessitent des mesures à haute résolution spatiale
et temporelle des plasmas et du champ magnétique,
associées à des mesures multi spectrales. L’origine
du vent solaire demeure, par exemple, une question
encore ouverte : comment ce vent est-il chauffé et
accéléré ? Quelle est sa structure 3D, dont le double
état (rapide ou lent) a été mis en évidence hors de
l’écliptique par Ulysses ? Des observations de plus
en plus proches du Soleil, qu’elles soient « à
distance » ou in situ, sont absolument requises, et au
centre des missions planifiées pour les prochaines
quinze années.
En toute première priorité pour le groupe SHM se
situe la mission Solar Orbiter de l’ESA qui explorera
à très haute résolution l’héliosphère interne et le
Soleil, depuis une distance proche du Soleil (~ 45 RS)
et, en fin de mission, hors de l’écliptique (< 38°). Les
objectifs scientifiques couvrent l’étude des propriétés
in situ et dynamique des plasmas, champs et
particules dans l’héliosphère proche du Soleil, la
s t ru c t u re à petite échelle et la dynamique de
l ’ a t m o s p h è re magnétisée solaire (par spectro -
imagerie haute résolution), l’identification des liens
entre l’activité à la surface du Soleil et l’évolution
résultante de la couronne, la nature et la dynamique
globale des éruptions solaires (flares, CMEs,…).
La mission Sonde SolaireSolar Probe » de la
NASA) est encore plus ambitieuse. Si le concept est
ancien, les solutions technologiques perm e t t a n t
d’envoyer une sonde dans la couronne solaire
(périhélie autour de ~ 4 RS) existent aujourd’hui1.
Ses objectifs scientifiques sont cents sur les
processus d’accélération et sur l’étude de la source
des vents « rapides » et « lents », sur les processus
de chauffage de la couronne, la structure du champ
magnétique polaire, les mécanismes d’accélération et
les régions sources des particules énergétiques, le
rôle des ondes plasma et de la turbulence. Outre
l’intérêt scientifique démontré depuis longtemps par
la communauté française, les arguments en faveur de
sa participation sont solides2, tant au niveau des
instruments (in situ, spectro- imagerie) que des tests
thermiques et de la réalisation de certains systèmes
critiques, comme le bouclier thermique et/ou la
partie chaude des instruments visant le soleil.
Physique de la magnétosphère terrestre
Les résultats très récents de CLUSTER démontrent que
la magtosphère terre s t re est un sysme
extrêmement complexe et variable dans le temps,
avec de très forts couplages internes (par exemple
entre l’ionosphère et les régions équatoriales) et
e x t e rnes (milieu interplanétaire). Ils démontre n t
aussi que les régions d’interface doivent être ciblées
en priorité par les programmes futurs. La
61
1La mission Solar Probe a été classée en première priorité à la fois par le « NASA Sun-Earth Connection RoadMap 2003-
2028» (Sept. 2002), et le National Acad. of Sciences/ NRC «The Sun to the Earth- and Beyond : A Decadal Research Strategy
in Solar and Space» en Août 2002.
2Compte-tenu des points forts de la communauté française (forte mobilisation autour du projet, études R&D démarrées
dans divers laboratoires, compétences industrielles en France, moyens d’essais au four solaire d’Odeillo,…) une
participation française significative avait été classée en première priorité lors du précédent colloque de prospective du
CNES (Arcachon, Mars 1998).
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