Soleil-héliosphèremagnétosphère : priorités scientifiques et programmatiques pour 2005-2017 A l’initiative du Centre National d’Etudes Spatiales, son groupe de travail thématique « Soleil- Héliosphère- Magnétosphère » (SHM) a mené en 2002 un exercice approfondi de prospective couvrant l’ensemble de ses thématiques, à la suite d’un « Appel à Idées » émis par le CNES en septembre 2001. L’exercice devait porter sur la période 20052015 et était accompagné de certaines hypothèses programmatiques et budgétaires soumises aux groupes de travail. Les propositions résumées ici ont été remises au CNES en novembre 2002 ; elles se veulent à la fois ambitieuses et réalistes, prenant en compte à la fois la diversité et la richesse des propositions des équipes françaises et les possibilités de missions spatiales que laissent entrevoir les plans des différentes agences spatiales. Il se veut aussi réaliste, en essayant de rentrer dans une enveloppe financière qui a peu de chances de croître… Ce plan programmatique se veut d’une grande cohérence dans le temps et s’appuie sur les conclusions des précédents Colloques du CNES, en particulier celui d’Arcachon de 1998 qui était, très heureusement, couplé avec le Colloque de l’INSU. Bien naturellement des évolutions se font jour, qui tirent bénéfice des avancées technologiques : possibilité d’approcher le Soleil, stratégies spatiales offertes par les constellations de satellites, explorations planétaires, etc. Les évolutions thématiques sont, elles aussi, sensibles : la compréhension du système Soleil-Terre dans sa globalité, incluant les effets sur notre environnement, est et sera au centre des préoccupations scientifiques de la discipline dans les années à venir. Introduction L es planètes du système solaire et leur environnement proche qu’elles soient dotées ou non d’une atmosphère et/ou d’un champ magnétique intrinsèquesont totalement immergés dans l’héliosphère, région de l’espace contrôlée par le Soleil, son champ magnétique et l’expansion de sa couronne ionisée, sous la forme du vent solaire. L’univers étant constitué majoritairement de plasmas, il est clair que l’étude coordonnée de cette héliosphère, constituée donc de plasmas « astrophysiques » directement accessibles à l’observation in situ, est un champ d’investigation privilégié de processus physiques universels. Au cours de cet exercice de prospective, et à partir des bilans scientifiques des missions récentes, ont été dégagées tout d’abord les grandes questions scientifiques qui doivent, pour être résolues, bénéficier des moyens spatiaux (mais aussi, dans de nombreux cas, des moyens sol associés). Des priorités programmatiques ont été alors émises en direction du CNES, qui s’appuient sur les domaines d’excellence et les compétences technologiques incontestables de la communauté française. Groupe « Soleil, héliosphère, magnétosphère » pour la prospective du CNES. Composition : T. Amari, J.M. Bosqued (Président), P. Boumier, T. Dudok de Wit, L. Klein, R. Lallement, J. Lilensten, Ph. Louarn, R. Pottelette, J.Y. Prado, L. Rezeau, J.C. Vial, J.P. Villain. 57 • Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère Les questions prioritaires L e CNES a souhaité que cet exercice de prospective soit ambitieux et capable, dans chaque discipline, de dégager une vision à 10-15 ans. Dans son champ d’action le Groupe de Travail SHM a considéré que les grands challenges, à l’horizon 2015-2020, étaient de : explorer par étapes la couronne solaire ; comprendre les effets solaires sur l’environnement terrestre global, y compris les relations avec l’atmosphère (climat?) ; explorer des environnements ionisés planétaires de plus en plus complexes; atteindre les limites de l’héliosphère. Les programmes scientifiques spatiaux proposés par le groupe S HM visent à une meilleure compréhension de l’ensemble des processus physiques qui agissent dans l’héliosphère, puis à appréhender la globalité du couplage Soleil - héliosphère - magnétosphère terrestre. Tout en s’intéressant à chacun des « objets » composant ce système unique, Soleil, couronne solaire, milieu interplanétaire, magnétosphère terrestre, environnements ionisés planétaires, le programme spatial proposé cherchera, autour des directions scientifiques majeures, à répondre avant tout à quelques grandes questions scientifiques: Structure interne du Soleil et son champ magnétique Quelle est l’origine du cycle magnétique ? Quelle est la topologie interne du champ magnétique ? Quelle est son évolution ? Quelle est la structure fine de la tachocline, zone particulière de transition entre deux régimes physiques différents ? Dans les régions centrales (r < 0,2 rayon solaire, RS), quel est le taux des réactions de fusion ? et la direction de l’axe de rotation ? Comment est engendré le champ magnétique solaire ? Quelle est sa structure exacte au-dessus de la photosphère, et l’origine de cette structure, au niveau de la photosphère ? Quel est le lien entre cette structuration, «l’envol » des protubérances et les éjections de matière coronale? Processus fondamentaux de physique des plasmas en action dans le système solaire Si l’exploration du système solaire a révélé l’incroyable diversité des environnements planétaires, tous ces environnements sont unifiés par Tache solaire observée avec la Coupole Tourelle du Pic du Midi de l’Observatoire Midi. Le plus petit détail mesure 0,23 arcsec, soit 170 km. © Th . Roudier. G. Molodij. OMP . CNRS. 58 des processus plasma basiques : création de champs électriques et magnétiques, accélération de particules énergétiques, couplages multi-échelles, transformation de l’énergie magnétique en énergie cinétique du plasma (reconnexions magnétiques). Plus précisément, les questions qui se posent sont : Chauffage des ions : comment la couronne solaire est- elle chauffée ? Comment les ions sont-ils arrachés aux ionosphères planétaires, puis accélérés ? Reconnexion magnétique : quel est le mécanisme physique de la reconnexion magnétique en milieu non- collisionnel ? Comment, et où, se déclenche-til ? Comment la structure des boucles magnétiques solaires est- elle brisée, pour former un vent ? Transport du plasma : en l’absence de collisions, comment s’effectue le transport à travers les frontières magnétiques ? (ex : transport à travers la magnétopause terrestre) ? Quel est le rôle des courants parallèles dans le couplage avec l’ionosphère ? Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas d’ionosphère (Mercure) ? Quelles sont les conséquences de l’absence d’ionosphère sur l’interaction vent solaire/champ magnétique planétaire ? Accélération des particules énergétiques : comment sont produites les particules énergétiques, dans la couronne, le vent solaire, les magnétosphères ? Rôle des chocs (perpendiculaires/parallèles), des champs électriques parallèles, et des ondes ? Dynamique des processus d’accélération ? Les relations Soleil–Terre et leur impact sur les activités humaines : vers une météorologie de l’espace Déterminer les effets des variations à court terme sur le climat spatial et, plus tard, et plus ambitieux, sur les changements du climat de la Terre. Quels paramètres utiliser pour prédire l’activité solaire ? Comment prédire l’impact des perturbations interplanétaires sur l’environnement terrestre ? Comprendre et modéliser la dynamique des particules énergétiques dans les ceintures de rayonnement. Le programme spatial Le contexte programmatique spatial international Il est clair que tout exercice de prospective spatiale au niveau national est largement tributaire des choix des grandes agences: ESA, N ASA, N OAA,…. Pour répondre aux questions fondamentales le Groupe SHM a établi un plan d’action qui s’appuie sur trois grands programmes spatiaux : le programme spatial de l’Agence Européenne ESA : connu jusqu’en 2012, il permet de participer aux missions exploratoires solaires et planétaires les plus ambitieuses. Ce programme spatial européen doit être privilégié dans le futur ; le programme spatial de la NASA qui est le plus riche; la reconnaissance internationale de la communauté devrait lui donner accès, pour un coût relativement modéré, aux missions exploratoires et multi- satellitaires ; le programme national de microsatellites, récemment conforté par les décisions du CA du CNES. Moyennant une maîtrise des délais et des coûts, ces micro-missions sont vitales et permettent des « premières » scientifiques ou un apport national à des missions déjà décidées par les autres agences. D’autres voies existent de coopérations bilatérales (Suède, Chine,…) qui permettent de participer à des missions spatiales originales dans des conditions avantageuses. L’évolution de l’approche dans ces disciplines L’évolution de l’approche spatiale actuelle est significative : aux missions uniques de « découverte », qui demeurent d’actualité pour les régions inexplorées (missions planétaires par exemple), vont se succéder des missions couplées ou multi-missions qui sont les plus aptes à lever les ambiguïtés spatio-temporelles habituelles. En physique solaire, la stratégie scientifique s’appuiera sur le couplage d’approches expérimentales complémentaires : observations d’imagerie à distance (à haute résolution angulaire), ouverture de nouvelles « fenêtres » en longueur d’onde (I R, X et γ) et mesures in situ de plus en plus performantes. Ces techniques seront mises en œuvre tout d’abord à partir de points répartis à l’orbite terrestre (c’est le cas de la mission STEREO), puis 59 • Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère depuis des points d’observation inédits, de plus en plus proches du Soleil, tout en quittant le plan de l’écliptique et viser des latitudes héliosphèriques plus élevées. Ainsi la mission Solar Orbiter de l’ESA, planifiée pour 2013-2015 atteindra 0,45 RS et 30°. Quant à la Sonde solaire, prioritaire dans toutes les « RoadMaps » américaines, elle pourrait plonger, autour de 2015-2020, dans la couronne solaire et s’approcher à ~ 4 R S du Soleil. En ce qui concerne le programme de magnétosphère terrestre, la mission récente CLUSTER a démontré que l’approche « multi-points » est incontournable et impérative, qu’il s’agisse de missions multisatellitaires (constellations plus ou moins séparées dans l’espace) ou bien de missions relativement distantes mais couplées dans leurs objectifs scientifiques. Les régions à étudier par ces constellations de satellites sont les régions dites « critiques », c’est-à-dire des frontières où s’effectuent les échanges de particules, d’impulsion et d’énergie. Les techniques émergentes d’imagerie globale (imagerie atomes neutres, UV, sondage radio, interférométrie radio,…) doivent permettre d’analyser l’évolution dynamique (sous-orages). Les environnements ionisés des planètes, lorsqu’ils existent, sont extrêmement divers et leurs propriétés dynamiques dépendent de toute une série de paramètres : existence ou non d’un champ magnétique intrinsèque ; propriétés « locales » du vent solaire et champ magnétique interplanétaire dépendantes de la distance au Soleil ; présence (ou non) d’atmosphères et ionosphères planétaires (et de leurs propriétés) ; présence de satellites naturels, sources de gaz et plasmas. Les missions planétaires devraient, elles, se focaliser sur des environnements planétaires non encore explorés : dans un proche avenir, Mercure, à plus long terme Pluton, et à moyen terme les régions aurorales et polaires de Jupiter. On notera avec intérêt l’importance des développements instrumentaux et technologiques actuellement en cours (par exemple l’interférométrie radio et optique) et de nouveaux concepts de missions (par ex : vols en formation, nanosatellites,…). De nouvelles possibilités originales devraient donc émerger dans un avenir proche. Les priorités émises par le Groupe SHM pour les 10-15 ans à venir Chercher à apporter une réponse aux questions cidessus revient à explorer un certain nombre de « régions » de l’héliosphère ; dans une subdivision traditionnelle, l’exploration spatiale va s’organiser autour de l’observation d’un certain nombre d’objets : (a) le Soleil, (b) la magnétosphère terrestre, (c) les environnements ionisés des planètes. Les couplages Soleil-milieu interplanétaire-magnétosphère sont, eux, au centre d’une nouvelle approche que l’on appelle la « Météorologie spatiale ». Physique solaire Les techniques d’héliosismologie, par exemple GOLF à bord de SOHO, ont révélé la complexité de l’intérieur du Soleil. Après 2010, il est proposé de poursuivre cet effort, par sondage des couches les plus profondes du Soleil, mesure des modes globaux de pression et surtout de gravité au moyen d’une nouvelle génération de spectromètre à résonance, sensible à la L’observatoire SOHO. © E SA. NASA. 60 vitesse Doppler des couches photosphériques échantillonnées à plusieurs altitudes. Le cadre de réalisation demeure à trouver, soit un microsatellite national dédié (GOLF-NG), soit une contribution à une mission SMEX de la NASA, soit, enfin, une participation au programme I LWS (voir plus loin) de la NASA. L’étude de l’activité de la chromosphère et de la basse couronne solaire à haute résolution spatiale et temporelle, au moyen d’un imageur et d’un coronographe fonctionnant tous deux en Ly−α, peut apporter des informations décisives sur les Ejections de Masse Coronale (CMEs) et l’identification de leurs régions sources. C’est le but du microsatellite national LYOT dont l’apport dans l’identification des signes précurseurs des CMEs, ou la surveillance de la distribution spatiale et de la variabilité du flux chromosphérique et coronal VUV et EUV, a de nombreuses applications dans le domaine de la « météorologie de l’espace ». Le spectre continu IR du Soleil comprend le rayonnement synchrotron d’électrons ultra relativistes accélérés lors des éruptions. Aussi, l’ouverture de la fenêtre infrarouge, dernière fenêtre non utilisée pour l’observation des éruptions solaires, peut donner de nouvelles informations sur les processus d’accélération de particules. La mission MIRAGES, elle aussi proposée et soutenue dans le cadre du programme national de microsatellites, envisage d’étudier ces divers mécanismes d’accélération. La mesure du spectre IR serait couplée à des mesures des émissions X et gamma générées par le rayonnement de freinage électrons et protons accélérés dans basse couronne, partiellement piégés dans la couronne, et partiellement précipités dans la chromosphère dense. Les propriétés de la chromosphère et de la couronne, et, en particulier, son chauffage, sont mal connues et nécessitent des mesures à haute résolution spatiale et temporelle des plasmas et du champ magnétique, associées à des mesures multi spectrales. L’origine du vent solaire demeure, par exemple, une question encore ouverte : comment ce vent est-il chauffé et accéléré ? Quelle est sa structure 3D, dont le double état (rapide ou lent) a été mis en évidence hors de l’écliptique par Ulysses ? Des observations de plus en plus proches du Soleil, qu’elles soient « à distance » ou in situ, sont absolument requises, et au centre des missions planifiées pour les prochaines quinze années. En toute première priorité pour le groupe SHM se situe la mission Solar Orbiter de l’E SA qui explorera à très haute résolution l’héliosphère interne et le Soleil, depuis une distance proche du Soleil (~ 45 RS) et, en fin de mission, hors de l’écliptique (< 38°). Les objectifs scientifiques couvrent l’étude des propriétés in situ et dynamique des plasmas, champs et particules dans l’héliosphère proche du Soleil, la structure à petite échelle et la dynamique de l’atmosphère magnétisée solaire (par spectroimagerie haute résolution), l’identification des liens entre l’activité à la surface du Soleil et l’évolution résultante de la couronne, la nature et la dynamique globale des éruptions solaires (flares, C MEs,…). La mission Sonde Solaire (« Solar Probe » de la NASA) est encore plus ambitieuse. Si le concept est ancien, les solutions technologiques permettant d’envoyer une sonde dans la couronne solaire (périhélie autour de ~ 4 RS) existent aujourd’hui1. Ses objectifs scientifiques sont centrés sur les processus d’accélération et sur l’étude de la source des vents « rapides » et « lents », sur les processus de chauffage de la couronne, la structure du champ magnétique polaire, les mécanismes d’accélération et les régions sources des particules énergétiques, le rôle des ondes plasma et de la turbulence. Outre l’intérêt scientifique démontré depuis longtemps par la communauté française, les arguments en faveur de sa participation sont solides2, tant au niveau des instruments (in situ, spectro- imagerie) que des tests thermiques et de la réalisation de certains systèmes critiques, comme le bouclier thermique et/ou la partie chaude des instruments visant le soleil. Physique de la magnétosphère terrestre Les résultats très récents de C LUSTER démontrent que la magnétosphère terrestre est un système extrêmement complexe et variable dans le temps, avec de très forts couplages internes (par exemple entre l’ionosphère et les régions équatoriales) et externes (milieu interplanétaire). Ils démontrent aussi que les régions d’interface doivent être ciblées en priorité par les programmes futurs. La 1 La mission Solar Probe a été classée en première priorité à la fois par le « NASA Sun-Earth Connection RoadMap 20032028» (Sept. 2002), et le National Acad. of Sciences/ NRC «The Sun to the Earth- and Beyond : A Decadal Research Strategy in Solar and Space» en Août 2002. 2 Compte-tenu des points forts de la communauté française (forte mobilisation autour du projet, études R&D démarrées dans divers laboratoires, compétences industrielles en France, moyens d’essais au four solaire d’Odeillo,…) une participation française significative avait été classée en première priorité lors du précédent colloque de prospective du CNES (Arcachon, Mars 1998). 61 • Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère microphysique de ces régions frontières, en particulier dans la région d’interface sub-solaire (choc frontal, magnétopause, magnétogaine), les couplages multi- échelles qui s’y déroulent, nécessitent une résolution spatio-temporelle qui peut atteindre 1 km en distance et quelques ms en temps. Très ambitieuse, la mission MMS («Magnetospheric MultiScale ») de la NASA est planifiée pour 2007-2008. Parmi ses objectifs scientifiques, l’étude des processus plasmas à petite échelle qui transportent, accélèrent les plasmas dans les régions frontières (feuillets de courants) est centrale. La configuration spatiale de ses 5 satellites identiques (variable de ~ 1 km à plusieurs rayons terrestres [RT] au cours des diverses phases de la mission) permettra de comprendre comment les processus à petite échelle peuvent contrôler la dynamique à grande échelle. Compte-tenu de son implication dans CLUSTER la communauté française se trouve en excellente position pour être fortement associée aux diverses contributions à cette mission centrale de la prochaine décennie. Par ailleurs, par son couplage avec le milieu interplanétaire, la magnétosphère terrestre est extrêmement active (par exemple lorsque le champ interplanétaire est dirigé vers le sud) sous la forme de « sous-orages ». L’étude de ces instabilités à très grande échelle qui, pour être enfin comprises, nécessitent le lancement de constellations de satellites séparés de plusieurs rayons terrestres, demeure l’une des premières priorités pour les années à venir : quel(s) est(sont) le(s) mécanisme(s) de déclenchement ? Quelle est leur dynamique ? Une participation française à la mission multi satellitaire THEMIS3 (Midex NASA) est une première priorité affichée, car cette mission originale devrait permettre dès 2006 de déterminer sans ambiguïté la région de déclenchement des sous-orages et l’étude des modes de reconfiguration de la queue magnétique. Plus tard, de nouveaux concepts d’« essaims » de satellites devraient faire leur apparition : c’est le cas du scénario HERAKLES , système global permettant une étude multi-échelle de la magnétosphère terrestre dans tous ses aspects: microphysique locale, dynamique globale. Les réponses de la magnétosphère interne lors d’un orage magnétique, la physique du courant annulaire qui s’y développe, l’alimentation des ceintures de radiation en particules énergétiques, l’accélération de ces particules, les couplages avec l’ionosphère où peuvent se dérouler des accélérations (parallèle) aurorales, sont autant de thématiques dont la priorité est renforcée par leur intérêt dans une meilleure connaissance de notre environnement. L’énergie accumulée dans la magnétosphère se dissipe, en définitive, dans l’ionosphère aurorale et la thermosphère. En région aurorale, la détermination des échelles (spatiales et temporelles) des structures de plasma où se produit l’accélération parallèle trouvera sa réponse dans une mission de 2 ou 4 microsatellites en orbite polaire haute, dans un cadre européen à définir, et embarquant des instruments miniaturisés de hautes performances. Dans le plan équatorial, la mission STORMS (3 satellites) est un concept d’étude des orages magnétiques et de la magnétosphère interne (ceintures de radiations et courant annulaire), qui mérite d’être approfondi, dans un cadre de coopération élargi. L’intérêt de cette mission dans le cadre de la « Météorologie spatiale » et en particulier sur la réponse de la magnétosphère interne aux éjections de masse coronale est indéniable : « monitoring » en temps réel des particules les plus dangereuses, entrées pour les modèles magnétosphériques de prédiction, etc, … La stratégie orbitale choisie (3 satellites dans le plan équatorial, apogée à 8 RT, séparés par 120 ± 20°) et une partie des instruments (imagerie par atomes neutres) sont originales. Environnements ionisés des planètes Comme déjà mentionné, chaque environnement ionisé planétaire dépend de nombreuses conditions. L’étude comparée des environnements ionisés planétaires, qui demeure une priorité forte dans la continuité des exercices de prospective précédents, cherche à différencier ces différents paramètres. Par exemple, la réponse aux variations solaires des atmosphères et ionosphères planétaires sans champ magnétique intrinsèque (ou très faible) est l’objectif principal de missions en direction de Mars ou Vénus planifiées dans un avenir très proche. Pour le futur, une priorité très forte est accordée par la communauté française à la mission BepiColombo de l’ESA qui placera, au début de la prochaine décennie (2013-2015), en coopération avec le Japon, un satellite « magnétosphérique » autour de la planète Mercure. L’intérêt scientifique d’une telle mission est unique : il s’agit d’une planète sans atmosphère mais qui possède un champ magnétique intrinsèque faible mais suffisant pour organiser une magnétosphère très active, très différente de celle de 3 La mission T HEMIS (Responsable : V. Angelopoulos, UC Berkeley) vient d’être décidée par la NASA (Avril 2003). 62 la Terre (échelles de temps/espace beaucoup plus courtes, contact direct avec la surface). Les résultats de Hubble ont montré des régions aurorales de Jupiter complexes et très actives (aurores les plus intenses du système solaire). Si une mission Jupiter Polar Orbiter devait être planifiée par la NASA, il s’agirait d’une excellente opportunité pour étudier les mécanismes d’accélération auroraux en présence d’une planète, Jupiter, dont la rotation planétaire est très rapide et dont les sources de plasma internes sont importantes, dominées par le tore de gaz et plasma émanant de Io. Les relations Soleil-Terre et couplages : vers un programme de météorologie de l’espace Une attention croissante est apportée depuis une dizaine d’années aux effets de l’environnement spatial sur les technologies déployées dans l’espace et, plus généralement, les activités humaines. Citons, mais la liste est loin d’être exhaustive, les doses de radiations reçues par les satellites (et les astronautes), les effets de l’activité solaire sur les systèmes de navigation, les communications, les courant électriques induits dans le sol, et, bien sûr, les effets potentiels sur les changements dans l’atmosphère, et donc le climat. Le système couplé Soleil-magnétosphèreionosphère-thermosphère-atmosphère est extrêmement complexe. Son étude passe par une double approche : tout d’abord comprendre en détail toutes les composantes du système et, en particulier, leur réponse à l’énergie solaire émise sous de multiples formes ; ensuite, prédire la variabilité solaire et, par la suite, la chaîne d’effets prévisibles dans la magnétosphère et l’ionosphère. Dans cette chaîne, il s’agira en tout premier lieu de reconnaître les régions actives du Soleil où naissent les éruptions solaires et les éjections de matière coronale (CMEs). Puis, les mesures en un point avancé sur la ligne Soleil-Terre (point L1 de Lagrange) permettront d’obtenir des informations précieuses sur la propagation et le développement de ces CMEs environ une heure avant qu’elles n’atteignent l’orbite terrestre. A l’intérieur de la magnétosphère, la connaissance des ceintures de radiations, leur structure, leur dynamique, leur association avec les évènements solaires est absolument nécessaire et nécessite de multiples satellites sur des orbites adaptées. D’un point de vue prospectif, il est suggéré de privilégier les programmes cohérents et concertés, tel le programme ILWS (International Living With a Star) mis en place et coordonné par la NASA. Ce programme comporte plusieurs « maillons » : (a) Solar Dynamic Observatory (déjà décidé, lancement en 2007) qui étudiera la nature et les sources de la variabilité solaire, les variations du champ magnétique, les relations de ce champ avec l’éjection de masse et énergie ; (b) les « Geospace » missions (lancement en 2008) qui étudieront, d’une part la distribution et la variabilité des ceintures de radiations (2 satellites), d’autre part l’ionosphère des moyennes latitudes et le couplage ionosphère-thermosphère (2 satellites), le tout complété par une imagerie des régions basse et moyenne latitudes ; (c) des « Solar Sentinels » pour l’étude de l’évolution des éruptions du Soleil vers la magnétosphère terrestre. Forte de ses héritages SOHO-CLUSTER, la communauté française devrait trouver de nombreuses opportunités de participation à ce programme fédérateur, qui pourrait trouver dans un futur proche une composante européenne. Le groupe SHM a particulièrement mis en avant deux concepts de Les quatre satellites Cluster. © E SA. 63 • Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère mission, VIGIWIND et SOLIP. VIGIWIND consiste à mettre en place, en amont du point L1, un poste d’observation avancé des flux de particules d’origine solaire susceptibles d’interagir avec l’environnement géomagnétique terrestre. Toujours au point L1, SOLIP pourrait, par un concept original hérité de SOHO/SWAN, utiliser les variations de la distribution spatiale du H géocoronal pour prédire avec une grande fiabilité l’arrivée des régions actives du Soleil deux semaines à l’avance. climatiques qui tendent à associer la réduction de la constante solaire aux variations de la température observée et cherche à expliquer comment de tels effets peuvent se mettre en œuvre et affecter la structure thermique et dynamique de la stratosphère, puis de la troposphère. Les diagnostics observationnels sur la structure et sur la dynamique du Soleil demeurent les points forts de cette mission qui poursuit de nombreux objectifs à l’originalité incontestable. L’atmosphère est le maillon final de cette chaîne des relations Soleil-Terre, le lieu où se convertit l’énergie et influencer notre environnement proche. Ce maillon est sûrement le plus complexe et son étude ne peut que prendre de l’importance dans le futur. Aussi le groupe S HM4 a considéré le grand intérêt scientifique de deux missions dont l’originalité trouve (ou trouvera) parfaitement sa place dans un programme national qui doit être novateur : il s’agit des missions PICARD et TARANIS. Un autre aspect intéressant est l’étude de l’interaction entre l’atmosphère supérieure et l’ionosphère de la Terre qui est l’objectif central de la mission micro-satellitaire nationale TARANIS (Tool for the Analysis of Radiations from ligtNIng and Sprites). Les manifestations du couplage avec les cellules orageuses actives sont nombreuses : émissions lumineuses dans l’atmosphère moyenne (« sprites »), émissions gamma d’origine terrestre avec des énergies considérables, ondes électromagnétiques associées. Parmi les mécanismes possibles de couplage, un phénomène d’avalanche d’électrons relativistes déclenché par l’impact de rayons cosmiques pourrait être à la source des « sprites ». Par ailleurs, la propagation des ondes élecromagnétiques associées pourrait induire des couplages avec la magnétosphère terrestre et une perte des ceintures de radiation. La mission micro-satellitaire nationale PICARD est un apport français identifié au programme IIWS. Les objectifs scientifiques de cette mission en cours de réalisation5 sont : (a) l’amélioration de notre connaissance des relations entre le climat de la Terre et le Soleil, par des mesures simultanées en orbite de la constante solaire, de la forme du Soleil, de l’irradiance UV et de leur variabilité ; (b) par des mesures héliosismologiques, l’étude de la structure interne du Soleil. Cette mission s’appuie sur des données historiques Les deux tableaux finaux récapitulent l’intérêt scientifique de chaque mission proposée (tableau 1) ainsi que le calendrier prévisionnel de chaque agence spatiale (tableau 2). 4 Dans un souci permanent de tisser des liens avec d’autres disciplines le groupe SHM avait proposé et soutenu en 1998 (Colloque d’Arcachon) la mission DEMETER visant à rechercher dans l’ionosphère les signatures électro-magnétiques (ou autres) des séismes terrestres. Décidée, cette mission D EMETER sera lancée en 2004. 5 Pour des raisons budgétaires PICARD est actuellement « gelé », Décision du Conseil d’Administration du CNES, le 30 Avril 2003. 64 Tableau 1 Tableau 2 65