Soleil-héliosphère- magnétosphère : priorités

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Soleil-héliosphèremagnétosphère : priorités
scientifiques et
programmatiques pour
2005-2017
A
l’initiative du Centre National
d’Etudes
Spatiales,
son
groupe de travail thématique
« Soleil- Héliosphère- Magnétosphère » (SHM) a mené en
2002 un exercice approfondi
de prospective couvrant l’ensemble de ses
thématiques, à la suite d’un « Appel à Idées
» émis par le CNES en septembre 2001.
L’exercice devait porter sur la période 20052015 et était accompagné de certaines
hypothèses
programmatiques
et
budgétaires soumises aux groupes de
travail. Les propositions résumées ici ont
été remises au CNES en novembre 2002 ;
elles se veulent à la fois ambitieuses et
réalistes, prenant en compte à la fois la
diversité et la richesse des propositions des
équipes françaises et les possibilités de
missions spatiales que laissent entrevoir
les plans des différentes agences spatiales.
Il se veut aussi réaliste, en essayant de
rentrer dans une enveloppe financière qui a
peu de chances de croître…
Ce plan programmatique se veut d’une
grande cohérence dans le temps et s’appuie
sur les conclusions des précédents
Colloques du CNES, en particulier celui
d’Arcachon de 1998 qui était, très
heureusement, couplé avec le Colloque de
l’INSU. Bien naturellement des évolutions se
font jour, qui tirent bénéfice des avancées
technologiques : possibilité d’approcher le
Soleil, stratégies spatiales offertes par les
constellations de satellites, explorations
planétaires,
etc.
Les
évolutions
thématiques sont, elles aussi, sensibles : la
compréhension du système Soleil-Terre
dans sa globalité, incluant les effets sur
notre environnement, est et sera au centre
des préoccupations scientifiques de la
discipline dans les années à venir.
Introduction
L
es planètes du système solaire
et leur environnement proche qu’elles soient dotées ou non
d’une atmosphère et/ou d’un
champ magnétique intrinsèquesont totalement immergés dans
l’héliosphère, région de l’espace contrôlée
par le Soleil, son champ magnétique et
l’expansion de sa couronne ionisée, sous la
forme du vent solaire. L’univers étant
constitué majoritairement de plasmas, il est
clair que l’étude coordonnée de cette
héliosphère, constituée donc de plasmas
« astrophysiques » directement accessibles
à l’observation in situ, est un champ
d’investigation privilégié de processus
physiques universels. Au cours de cet
exercice de prospective, et à partir des
bilans scientifiques des missions récentes,
ont été dégagées tout d’abord les grandes
questions scientifiques qui doivent, pour
être résolues, bénéficier des moyens
spatiaux (mais aussi, dans de nombreux
cas, des moyens sol associés). Des priorités
programmatiques ont été alors émises en
direction du CNES, qui s’appuient sur les
domaines d’excellence et les compétences
technologiques incontestables de la
communauté française.
Groupe « Soleil, héliosphère, magnétosphère »
pour la prospective du
CNES.
Composition : T. Amari,
J.M. Bosqued (Président),
P. Boumier, T. Dudok de
Wit, L. Klein, R. Lallement,
J. Lilensten, Ph. Louarn,
R. Pottelette, J.Y. Prado,
L. Rezeau, J.C. Vial,
J.P. Villain.
57
• Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère
Les questions prioritaires
L
e CNES a souhaité que cet exercice de
prospective soit ambitieux et capable,
dans chaque discipline, de dégager une
vision à 10-15 ans. Dans son champ
d’action le Groupe de Travail SHM a
considéré que les grands challenges, à
l’horizon 2015-2020, étaient de :
explorer par étapes la couronne solaire ;
comprendre les effets solaires sur l’environnement
terrestre global, y compris les relations avec
l’atmosphère (climat?) ;
explorer des environnements ionisés planétaires
de plus en plus complexes;
atteindre les limites de l’héliosphère.
Les programmes scientifiques spatiaux proposés par
le groupe S HM visent à une meilleure compréhension
de l’ensemble des processus physiques qui agissent
dans l’héliosphère, puis à appréhender la globalité du
couplage Soleil - héliosphère - magnétosphère
terrestre. Tout en s’intéressant à chacun des
« objets » composant ce système unique, Soleil,
couronne
solaire,
milieu
interplanétaire,
magnétosphère terrestre, environnements ionisés
planétaires, le programme spatial proposé cherchera,
autour des directions scientifiques majeures, à
répondre avant tout à quelques grandes questions
scientifiques:
Structure interne du Soleil et son
champ magnétique
Quelle est l’origine du cycle magnétique ? Quelle
est la topologie interne du champ magnétique ?
Quelle est son évolution ? Quelle est la structure fine
de la tachocline, zone particulière de transition entre
deux régimes physiques différents ? Dans les régions
centrales (r < 0,2 rayon solaire, RS), quel est le taux
des réactions de fusion ? et la direction de l’axe de
rotation ?
Comment est engendré le champ magnétique
solaire ? Quelle est sa structure exacte au-dessus de
la photosphère, et l’origine de cette structure, au
niveau de la photosphère ? Quel est le lien entre
cette structuration, «l’envol » des protubérances et
les éjections de matière coronale?
Processus fondamentaux de
physique des plasmas en action
dans le système solaire
Si l’exploration du système solaire a révélé
l’incroyable
diversité
des
environnements
planétaires, tous ces environnements sont unifiés par
Tache solaire observée avec
la Coupole Tourelle du Pic
du Midi de l’Observatoire
Midi. Le plus petit détail
mesure 0,23 arcsec, soit
170 km. © Th . Roudier.
G. Molodij. OMP .
CNRS.
58
des processus plasma basiques : création de champs
électriques et magnétiques, accélération de
particules énergétiques, couplages multi-échelles,
transformation de l’énergie magnétique en énergie
cinétique du plasma (reconnexions magnétiques).
Plus précisément, les questions qui se posent sont :
Chauffage des ions : comment la couronne solaire
est- elle chauffée ? Comment les ions sont-ils
arrachés aux ionosphères planétaires, puis
accélérés ?
Reconnexion magnétique : quel est le mécanisme
physique de la reconnexion magnétique en milieu
non- collisionnel ? Comment, et où, se déclenche-til ? Comment la structure des boucles magnétiques
solaires est- elle brisée, pour former un vent ?
Transport du plasma : en l’absence de collisions,
comment s’effectue le transport à travers les
frontières magnétiques ? (ex : transport à travers la
magnétopause terrestre) ? Quel est le rôle des
courants parallèles dans le couplage avec
l’ionosphère ? Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas
d’ionosphère (Mercure) ?
Quelles sont les
conséquences de l’absence d’ionosphère sur
l’interaction vent solaire/champ magnétique
planétaire ?
Accélération des particules énergétiques :
comment sont produites les particules énergétiques,
dans la couronne, le vent solaire, les
magnétosphères
?
Rôle
des
chocs
(perpendiculaires/parallèles), des champs électriques
parallèles, et des ondes ? Dynamique des processus
d’accélération ?
Les relations Soleil–Terre et leur
impact sur les activités humaines :
vers une météorologie de l’espace
Déterminer les effets des variations à court terme
sur le climat spatial et, plus tard, et plus ambitieux,
sur les changements du climat de la Terre. Quels
paramètres utiliser pour prédire l’activité solaire ?
Comment prédire l’impact des perturbations
interplanétaires sur l’environnement terrestre ?
Comprendre et modéliser la dynamique des
particules énergétiques dans les ceintures de
rayonnement.
Le programme spatial
Le contexte programmatique spatial
international
Il est clair que tout exercice de prospective spatiale
au niveau national est largement tributaire des choix
des grandes agences: ESA, N ASA, N OAA,…. Pour
répondre aux questions fondamentales le Groupe
SHM a établi un plan d’action qui s’appuie sur trois
grands programmes spatiaux :
le programme spatial de l’Agence Européenne
ESA : connu jusqu’en 2012, il permet de participer aux
missions exploratoires solaires et planétaires les plus
ambitieuses. Ce programme spatial européen doit
être privilégié dans le futur ;
le programme spatial de la NASA qui est le plus
riche; la reconnaissance internationale de la
communauté devrait lui donner accès, pour un coût
relativement modéré, aux missions exploratoires et
multi- satellitaires ;
le programme national de microsatellites,
récemment conforté par les décisions du CA du CNES.
Moyennant une maîtrise des délais et des coûts, ces
micro-missions sont vitales et permettent des
« premières » scientifiques ou un apport national à
des missions déjà décidées par les autres agences.
D’autres voies existent de coopérations bilatérales
(Suède, Chine,…) qui permettent de participer à des
missions spatiales originales dans des conditions
avantageuses.
L’évolution de l’approche dans ces
disciplines
L’évolution de l’approche spatiale actuelle est
significative :
aux
missions
uniques
de
« découverte », qui demeurent d’actualité pour les
régions inexplorées (missions planétaires par
exemple), vont se succéder des missions couplées ou
multi-missions qui sont les plus aptes à lever les
ambiguïtés spatio-temporelles habituelles.
En physique solaire, la stratégie scientifique
s’appuiera
sur
le
couplage
d’approches
expérimentales complémentaires : observations
d’imagerie à distance (à haute résolution angulaire),
ouverture de nouvelles « fenêtres » en longueur
d’onde (I R, X et γ) et mesures in situ de plus en plus
performantes. Ces techniques seront mises en œuvre
tout d’abord à partir de points répartis à l’orbite
terrestre (c’est le cas de la mission STEREO), puis
59
• Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère
depuis des points d’observation inédits, de plus en
plus proches du Soleil, tout en quittant le plan de
l’écliptique et viser des latitudes héliosphèriques
plus élevées. Ainsi la mission Solar Orbiter de l’ESA,
planifiée pour 2013-2015 atteindra 0,45 RS et 30°.
Quant à la Sonde solaire, prioritaire dans toutes les
« RoadMaps » américaines, elle pourrait plonger,
autour de 2015-2020, dans la couronne solaire et
s’approcher à ~ 4 R S du Soleil.
En ce qui concerne le programme de magnétosphère
terrestre, la mission récente CLUSTER a démontré que
l’approche « multi-points » est incontournable et
impérative, qu’il s’agisse de missions multisatellitaires (constellations plus ou moins séparées
dans l’espace) ou bien de missions relativement
distantes mais couplées dans leurs objectifs
scientifiques. Les régions à étudier par ces
constellations de satellites sont les régions dites
« critiques », c’est-à-dire des frontières où
s’effectuent les échanges de particules, d’impulsion
et d’énergie. Les techniques émergentes d’imagerie
globale (imagerie atomes neutres, UV, sondage radio,
interférométrie radio,…) doivent permettre
d’analyser l’évolution dynamique (sous-orages).
Les environnements ionisés des planètes, lorsqu’ils
existent, sont extrêmement divers et leurs propriétés
dynamiques dépendent de toute une série de
paramètres :
existence ou non d’un champ magnétique
intrinsèque ;
propriétés « locales » du vent solaire et champ
magnétique interplanétaire dépendantes de la
distance au Soleil ;
présence (ou non) d’atmosphères et ionosphères
planétaires (et de leurs propriétés) ;
présence de satellites naturels, sources de gaz et
plasmas.
Les missions planétaires devraient, elles, se focaliser
sur des environnements planétaires non encore
explorés : dans un proche avenir, Mercure, à plus
long terme Pluton, et à moyen terme les régions
aurorales et polaires de Jupiter.
On notera avec intérêt l’importance des
développements instrumentaux et technologiques
actuellement en cours (par exemple l’interférométrie
radio et optique) et de nouveaux concepts de
missions (par ex : vols en formation, nanosatellites,…). De nouvelles possibilités originales
devraient donc émerger dans un avenir proche.
Les priorités émises par le Groupe
SHM pour les 10-15 ans à venir
Chercher à apporter une réponse aux questions cidessus revient à explorer un certain nombre de
« régions » de l’héliosphère ; dans une subdivision
traditionnelle, l’exploration spatiale va s’organiser
autour de l’observation d’un certain nombre d’objets :
(a) le Soleil, (b) la magnétosphère terrestre, (c) les
environnements ionisés des planètes. Les couplages
Soleil-milieu interplanétaire-magnétosphère sont,
eux, au centre d’une nouvelle approche que l’on
appelle la « Météorologie spatiale ».
Physique solaire
Les techniques d’héliosismologie, par exemple GOLF
à bord de SOHO, ont révélé la complexité de l’intérieur
du Soleil. Après 2010, il est proposé de poursuivre cet
effort, par sondage des couches les plus profondes du
Soleil, mesure des modes globaux de pression et
surtout de gravité au moyen d’une nouvelle
génération de spectromètre à résonance, sensible à la
L’observatoire SOHO. © E SA. NASA.
60
vitesse Doppler des couches photosphériques
échantillonnées à plusieurs altitudes. Le cadre de
réalisation demeure à trouver, soit un microsatellite
national dédié (GOLF-NG), soit une contribution à une
mission SMEX de la NASA, soit, enfin, une participation
au programme I LWS (voir plus loin) de la NASA.
L’étude de l’activité de la chromosphère et de la
basse couronne solaire à haute résolution spatiale et
temporelle, au moyen d’un imageur et d’un
coronographe fonctionnant tous deux en Ly−α, peut
apporter des informations décisives sur les Ejections
de Masse Coronale (CMEs) et l’identification de leurs
régions sources. C’est le but du microsatellite
national LYOT dont l’apport dans l’identification des
signes précurseurs des CMEs, ou la surveillance de la
distribution spatiale et de la variabilité du flux
chromosphérique et coronal VUV et EUV, a de
nombreuses applications dans le domaine de la
« météorologie de l’espace ».
Le spectre continu IR du Soleil comprend le
rayonnement
synchrotron
d’électrons
ultra
relativistes accélérés lors des éruptions. Aussi,
l’ouverture de la fenêtre infrarouge, dernière fenêtre
non utilisée pour l’observation des éruptions
solaires, peut donner de nouvelles informations sur
les processus d’accélération de particules. La mission
MIRAGES, elle aussi proposée et soutenue dans le
cadre du programme national de microsatellites,
envisage d’étudier ces divers mécanismes
d’accélération. La mesure du spectre IR serait
couplée à des mesures des émissions X et gamma
générées par le rayonnement de freinage électrons et
protons
accélérés
dans
basse
couronne,
partiellement piégés dans la couronne, et
partiellement précipités dans la chromosphère
dense.
Les propriétés de la chromosphère et de la couronne,
et, en particulier, son chauffage, sont mal connues et
nécessitent des mesures à haute résolution spatiale
et temporelle des plasmas et du champ magnétique,
associées à des mesures multi spectrales. L’origine
du vent solaire demeure, par exemple, une question
encore ouverte : comment ce vent est-il chauffé et
accéléré ? Quelle est sa structure 3D, dont le double
état (rapide ou lent) a été mis en évidence hors de
l’écliptique par Ulysses ? Des observations de plus
en plus proches du Soleil, qu’elles soient « à
distance » ou in situ, sont absolument requises, et au
centre des missions planifiées pour les prochaines
quinze années.
En toute première priorité pour le groupe SHM se
situe la mission Solar Orbiter de l’E SA qui explorera
à très haute résolution l’héliosphère interne et le
Soleil, depuis une distance proche du Soleil (~ 45 RS)
et, en fin de mission, hors de l’écliptique (< 38°). Les
objectifs scientifiques couvrent l’étude des propriétés
in situ et dynamique des plasmas, champs et
particules dans l’héliosphère proche du Soleil, la
structure à petite échelle et la dynamique de
l’atmosphère magnétisée solaire (par spectroimagerie haute résolution), l’identification des liens
entre l’activité à la surface du Soleil et l’évolution
résultante de la couronne, la nature et la dynamique
globale des éruptions solaires (flares, C MEs,…).
La mission Sonde Solaire (« Solar Probe » de la
NASA) est encore plus ambitieuse. Si le concept est
ancien, les solutions technologiques permettant
d’envoyer une sonde dans la couronne solaire
(périhélie autour de ~ 4 RS) existent aujourd’hui1.
Ses objectifs scientifiques sont centrés sur les
processus d’accélération et sur l’étude de la source
des vents « rapides » et « lents », sur les processus
de chauffage de la couronne, la structure du champ
magnétique polaire, les mécanismes d’accélération et
les régions sources des particules énergétiques, le
rôle des ondes plasma et de la turbulence. Outre
l’intérêt scientifique démontré depuis longtemps par
la communauté française, les arguments en faveur de
sa participation sont solides2, tant au niveau des
instruments (in situ, spectro- imagerie) que des tests
thermiques et de la réalisation de certains systèmes
critiques, comme le bouclier thermique et/ou la
partie chaude des instruments visant le soleil.
Physique de la magnétosphère terrestre
Les résultats très récents de C LUSTER démontrent que
la magnétosphère terrestre est un système
extrêmement complexe et variable dans le temps,
avec de très forts couplages internes (par exemple
entre l’ionosphère et les régions équatoriales) et
externes (milieu interplanétaire). Ils démontrent
aussi que les régions d’interface doivent être ciblées
en priorité par les programmes futurs. La
1 La mission Solar Probe a été classée en première priorité à la fois par le « NASA Sun-Earth Connection RoadMap 20032028» (Sept. 2002), et le National Acad. of Sciences/ NRC «The Sun to the Earth- and Beyond : A Decadal Research Strategy
in Solar and Space» en Août 2002.
2 Compte-tenu des points forts de la communauté française (forte mobilisation autour du projet, études R&D démarrées
dans divers laboratoires, compétences industrielles en France, moyens d’essais au four solaire d’Odeillo,…) une
participation française significative avait été classée en première priorité lors du précédent colloque de prospective du
CNES (Arcachon, Mars 1998).
61
• Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère
microphysique de ces régions frontières, en
particulier dans la région d’interface sub-solaire
(choc frontal, magnétopause, magnétogaine), les
couplages multi- échelles qui s’y déroulent,
nécessitent une résolution spatio-temporelle qui
peut atteindre 1 km en distance et quelques ms en
temps. Très ambitieuse, la mission MMS
(«Magnetospheric MultiScale ») de la NASA est
planifiée pour 2007-2008. Parmi ses objectifs
scientifiques, l’étude des processus plasmas à petite
échelle qui transportent, accélèrent les plasmas dans
les régions frontières (feuillets de courants) est
centrale. La configuration spatiale de ses 5 satellites
identiques (variable de ~ 1 km à plusieurs rayons
terrestres [RT] au cours des diverses phases de la
mission) permettra de comprendre comment les
processus à petite échelle peuvent contrôler la
dynamique à grande échelle. Compte-tenu de son
implication dans CLUSTER la communauté française se
trouve en excellente position pour être fortement
associée aux diverses contributions à cette mission
centrale de la prochaine décennie.
Par ailleurs, par son couplage avec le milieu
interplanétaire, la magnétosphère terrestre est
extrêmement active (par exemple lorsque le champ
interplanétaire est dirigé vers le sud) sous la forme de
« sous-orages ». L’étude de ces instabilités à très
grande échelle qui, pour être enfin comprises,
nécessitent le lancement de constellations de
satellites séparés de plusieurs rayons terrestres,
demeure l’une des premières priorités pour les
années à venir : quel(s) est(sont) le(s) mécanisme(s)
de déclenchement ? Quelle est leur dynamique ?
Une participation française à la mission multi
satellitaire THEMIS3 (Midex NASA) est une première
priorité affichée, car cette mission originale devrait
permettre dès 2006 de déterminer sans ambiguïté la
région de déclenchement des sous-orages et l’étude
des modes de reconfiguration de la queue
magnétique. Plus tard, de nouveaux concepts
d’« essaims » de satellites devraient faire leur
apparition : c’est le cas du scénario HERAKLES ,
système global permettant une étude multi-échelle
de la magnétosphère terrestre dans tous ses aspects:
microphysique locale, dynamique globale.
Les réponses de la magnétosphère interne lors d’un
orage magnétique, la physique du courant annulaire
qui s’y développe, l’alimentation des ceintures de
radiation en particules énergétiques, l’accélération
de ces particules, les couplages avec l’ionosphère où
peuvent se dérouler des accélérations (parallèle)
aurorales, sont autant de thématiques dont la priorité
est renforcée par leur intérêt dans une meilleure
connaissance de notre environnement. L’énergie
accumulée dans la magnétosphère se dissipe, en
définitive, dans l’ionosphère aurorale et la
thermosphère.
En région aurorale, la détermination des échelles
(spatiales et temporelles) des structures de plasma
où se produit l’accélération parallèle trouvera sa
réponse dans une mission de 2 ou 4 microsatellites
en orbite polaire haute, dans un cadre européen à
définir, et embarquant des instruments miniaturisés
de hautes performances.
Dans le plan équatorial, la mission STORMS
(3 satellites) est un concept d’étude des orages
magnétiques et de la magnétosphère interne
(ceintures de radiations et courant annulaire), qui
mérite d’être approfondi, dans un cadre de
coopération élargi. L’intérêt de cette mission dans le
cadre de la « Météorologie spatiale » et en
particulier sur la réponse de la magnétosphère
interne aux éjections de masse coronale est
indéniable : « monitoring » en temps réel des
particules les plus dangereuses, entrées pour les
modèles magnétosphériques de prédiction, etc, … La
stratégie orbitale choisie (3 satellites dans le plan
équatorial, apogée à 8 RT, séparés par 120 ± 20°) et
une partie des instruments (imagerie par atomes
neutres) sont originales.
Environnements ionisés des planètes
Comme déjà mentionné, chaque environnement
ionisé planétaire dépend de nombreuses conditions.
L’étude comparée des environnements ionisés
planétaires, qui demeure une priorité forte dans la
continuité des exercices de prospective précédents,
cherche à différencier ces différents paramètres. Par
exemple, la réponse aux variations solaires des
atmosphères et ionosphères planétaires sans champ
magnétique intrinsèque (ou très faible) est l’objectif
principal de missions en direction de Mars ou Vénus
planifiées dans un avenir très proche.
Pour le futur, une priorité très forte est accordée par
la communauté française à la mission BepiColombo
de l’ESA qui placera, au début de la prochaine
décennie (2013-2015), en coopération avec le Japon,
un satellite « magnétosphérique » autour de la
planète Mercure. L’intérêt scientifique d’une telle
mission est unique : il s’agit d’une planète sans
atmosphère mais qui possède un champ magnétique
intrinsèque faible mais suffisant pour organiser une
magnétosphère très active, très différente de celle de
3 La mission T HEMIS (Responsable : V. Angelopoulos, UC Berkeley) vient d’être décidée par la NASA (Avril 2003).
62
la Terre (échelles de temps/espace beaucoup plus
courtes, contact direct avec la surface).
Les résultats de Hubble ont montré des régions
aurorales de Jupiter complexes et très actives
(aurores les plus intenses du système solaire). Si une
mission Jupiter Polar Orbiter devait être planifiée
par la NASA, il s’agirait d’une excellente opportunité
pour étudier les mécanismes d’accélération auroraux
en présence d’une planète, Jupiter, dont la rotation
planétaire est très rapide et dont les sources de
plasma internes sont importantes, dominées par le
tore de gaz et plasma émanant de Io.
Les relations Soleil-Terre et couplages :
vers un programme de météorologie de
l’espace
Une attention croissante est apportée depuis une
dizaine d’années aux effets de l’environnement
spatial sur les technologies déployées dans l’espace
et, plus généralement, les activités humaines. Citons,
mais la liste est loin d’être exhaustive, les doses de
radiations reçues par les satellites (et les
astronautes), les effets de l’activité solaire sur les
systèmes de navigation, les communications, les
courant électriques induits dans le sol, et, bien sûr,
les effets potentiels sur les changements dans
l’atmosphère, et donc le climat.
Le
système
couplé
Soleil-magnétosphèreionosphère-thermosphère-atmosphère est extrêmement complexe. Son étude passe par une double
approche :
tout d’abord comprendre en détail toutes les
composantes du système et, en particulier, leur
réponse à l’énergie solaire émise sous de multiples
formes ;
ensuite, prédire la variabilité solaire et, par la suite, la
chaîne d’effets prévisibles dans la magnétosphère et
l’ionosphère.
Dans cette chaîne, il s’agira en tout premier lieu de
reconnaître les régions actives du Soleil où naissent
les éruptions solaires et les éjections de matière
coronale (CMEs). Puis, les mesures en un point avancé
sur la ligne Soleil-Terre (point L1 de Lagrange)
permettront d’obtenir des informations précieuses
sur la propagation et le développement de ces CMEs
environ une heure avant qu’elles n’atteignent l’orbite
terrestre. A l’intérieur de la magnétosphère, la
connaissance des ceintures de radiations, leur
structure, leur dynamique, leur association avec les
évènements solaires est absolument nécessaire et
nécessite de multiples satellites sur des orbites
adaptées.
D’un point de vue prospectif, il est suggéré de
privilégier les programmes cohérents et concertés, tel
le programme ILWS (International Living With a Star)
mis en place et coordonné par la NASA. Ce programme
comporte plusieurs « maillons » :
(a) Solar Dynamic Observatory (déjà décidé,
lancement en 2007) qui étudiera la nature et les
sources de la variabilité solaire, les variations du
champ magnétique, les relations de ce champ avec
l’éjection de masse et énergie ;
(b) les « Geospace » missions (lancement en 2008)
qui étudieront, d’une part la distribution et la
variabilité des ceintures de radiations (2 satellites),
d’autre part l’ionosphère des moyennes latitudes et
le couplage ionosphère-thermosphère (2 satellites),
le tout complété par une imagerie des régions basse
et moyenne latitudes ;
(c) des « Solar Sentinels » pour l’étude de
l’évolution des éruptions du Soleil vers la
magnétosphère terrestre.
Forte de ses héritages SOHO-CLUSTER, la communauté
française devrait trouver de nombreuses opportunités
de participation à ce programme fédérateur, qui
pourrait trouver dans un futur proche une
composante européenne. Le groupe SHM a
particulièrement mis en avant deux concepts de
Les quatre satellites Cluster. © E SA.
63
• Spatial : Soleil, héliosphère, magnétosphère
mission, VIGIWIND et SOLIP. VIGIWIND consiste à mettre
en place, en amont du point L1, un poste
d’observation avancé des flux de particules d’origine
solaire susceptibles d’interagir avec l’environnement
géomagnétique terrestre. Toujours au point L1, SOLIP
pourrait, par un concept original hérité de SOHO/SWAN,
utiliser les variations de la distribution spatiale du H
géocoronal pour prédire avec une grande fiabilité
l’arrivée des régions actives du Soleil deux semaines
à l’avance.
climatiques qui tendent à associer la réduction de la
constante solaire aux variations de la température
observée et cherche à expliquer comment de tels
effets peuvent se mettre en œuvre et affecter la
structure thermique et dynamique de la stratosphère,
puis de la troposphère. Les diagnostics
observationnels sur la structure et sur la dynamique
du Soleil demeurent les points forts de cette mission
qui poursuit de nombreux objectifs à l’originalité
incontestable.
L’atmosphère est le maillon final de cette chaîne des
relations Soleil-Terre, le lieu où se convertit l’énergie
et influencer notre environnement proche. Ce maillon
est sûrement le plus complexe et son étude ne peut
que prendre de l’importance dans le futur. Aussi le
groupe S HM4 a considéré le grand intérêt scientifique
de deux missions dont l’originalité trouve (ou
trouvera) parfaitement sa place dans un programme
national qui doit être novateur : il s’agit des missions
PICARD et TARANIS.
Un autre aspect intéressant est l’étude de
l’interaction entre l’atmosphère supérieure et
l’ionosphère de la Terre qui est l’objectif central de la
mission micro-satellitaire nationale TARANIS (Tool for
the Analysis of Radiations from ligtNIng and Sprites).
Les manifestations du couplage avec les cellules
orageuses actives sont nombreuses : émissions
lumineuses dans l’atmosphère moyenne (« sprites »),
émissions gamma d’origine terrestre avec des
énergies considérables, ondes électromagnétiques
associées. Parmi les mécanismes possibles de
couplage, un phénomène d’avalanche d’électrons
relativistes déclenché par l’impact de rayons
cosmiques pourrait être à la source des « sprites ».
Par ailleurs,
la
propagation des ondes
élecromagnétiques associées pourrait induire des
couplages avec la magnétosphère terrestre et une
perte des ceintures de radiation.
La mission micro-satellitaire nationale PICARD est un
apport français identifié au programme IIWS. Les
objectifs scientifiques de cette mission en cours de
réalisation5 sont :
(a) l’amélioration de notre connaissance des
relations entre le climat de la Terre et le Soleil, par
des mesures simultanées en orbite de la constante
solaire, de la forme du Soleil, de l’irradiance UV et de
leur variabilité ;
(b) par des mesures héliosismologiques, l’étude de
la structure interne du Soleil.
Cette mission s’appuie sur des données historiques
Les deux tableaux finaux récapitulent l’intérêt
scientifique de chaque mission proposée (tableau 1)
ainsi que le calendrier prévisionnel de chaque agence
spatiale (tableau 2).
4 Dans un souci permanent de tisser des liens avec d’autres disciplines le groupe SHM avait proposé et soutenu en 1998
(Colloque d’Arcachon) la mission DEMETER visant à rechercher dans l’ionosphère les signatures électro-magnétiques (ou
autres) des séismes terrestres. Décidée, cette mission D EMETER sera lancée en 2004.
5 Pour des raisons budgétaires PICARD est actuellement « gelé », Décision du Conseil d’Administration du CNES, le 30 Avril
2003.
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Tableau 1
Tableau 2
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