La phase active du travail – Active stage of labor

La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008
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On distingue depuis Friedman (1) une première phase
du travail qui se termine à dilatation complète, une
deuxième qui se termine à la sortie du fœtus, et une
troisième qui concerne la délivrance. La première phase est
subdivisée en phase de latence et en phase active. Cette phase
active comprend une phase d’accélération, une phase de dila-
tation maximale et une phase de décélération.
D’un point de vue clinique (1), la phase de latence et la phase
d’accélération peuvent être reliées dans une phase de prépara-
tion. Elles sont surveillées de la même manière et partagent les
mêmes anomalies. Puis, cest la phase de dilatation : pendant
un intervalle de temps assez court, la dilatation progresse. Elle
est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs : qualité
des contractions utérines (CU), souplesse du col, effet dilata-
teur de la présentation ou de la poche des eaux.
La phase pelvienne est la deuxième phase du travail, pendant
laquelle le fœtus descend dans lexcavation pelvienne, effectue
sa rotation et naît. Elle commence à dilatation complète ou
presque complète. Son étude sort de notre propos.
Ainsi, dans la phase active, la phase d’accélération est rattachée à
la phase de latence. Le début de la phase de dilatation correspond
au début du travail et la phase de célération est rattachée à la
phase pelvienne. Nous étudierons cette phase de dilatation.
LE DÉBUT DU TRAVAIL
éoriquement, le travail commence avec la phase de latence,
mais ce début nest homologable que lorsque l’on a atteint la
phase active. Il peut aussi débuter avec la phase de dilatation,
ce qui est le cas dans les études cliniques (2).
Le premier critère permettant de définir le début du travail est
celui de CU régulières perçues par la mère : cela suffit pour
Friedman (1).
Beaucoup d’auteurs demandent des CU régulières associées à
des modifications cervicales, mais le col peut se modifier long-
temps avant l’entrée en travail (3). Parmi ces modifications,
l’effacement est essentiel pour parler de vrai début du travail
et de début de la dilatation ; chez la multipare, comme la fin de
l’effacement et le début de la dilatation coïncident, une dilata-
tion à 4 cm est en général requise. Cest ensuite l’observation
d’une vitesse de dilatation d’au moins 1,2 cm/h chez la nulli-
pare et de 1,5 cm/h chez la multipare qui permet d’être sûr que
l’on est en phase active (4).
Léquipe de Dublin (5) est moins restrictive. Elle définit le
La phase active du travail
Active stage of labor
IP A. Fournié, L. Sentilhès, C. Lefebvre-Lacoeuille, B. Subayi, S. Madzou, P. Gillard, P. Descamps*
* Pôle de gynécologie obstétrique, médecine fœtale, reproduction humaine et orthogénie
(P. Descamps), CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers Cedex 01.
début du travail par des CU régulières douloureuses et soit
une rupture des membranes, soit un écoulement de mucus
sanguinolent, soit un effacement du col. La patiente est alors
admise en salle d’accouchement (et s’il y a un doute, le point
sera fait une heure plus tard).
En pratique, le début du travail correspond au début de la
phase active, et à 3-4 cm de dilatation. Ce diagnostic du début
du travail est essentiel, car il conditionne l’entrée en salle de
travail. Les patientes admises en faux travail ou avec une dys-
tocie de démarrage ont un moins bon pronostic obstétrical
que celles qui sont admises en travail. Ces anomalies sont plus
fréquentes chez les nullipares.
Bailit (6) note que le taux de césariennes réalisé chez les pri-
migestes admises avec une dilatation de moins de 4 cm est
plus important que chez celles qui sont admises en salle de
naissance après 4 cm (14,2 % contre 6,7 %, p < 0,001).
LA PHASE ACTIVE
Généralités
Une fois la dilatation commencée, le travail proprement dit débute :
c’est la phase active. La dilatation progresse de manière régulière,
de plus de 1 cm/h en moyenne. En général, la présentation pro-
gresse peu : elle descendra et tournera dans la phase pelvienne.
Interviennent dans la durée : l’analgésie péridurale (APD), les
variétés postérieures, qui sont à l’origine de dilatations traî-
nantes, et les thodes de direction du travail (rupture de la
poche des eaux, perfusion d’ocytocine).
Anomalies de la phase active
Elles sont regroupées sous trois grandes catégories :
– prolongation de la phase active, par lenteur excessive de la dila-
tation, c’est-à-dire par une dilatation inférieure au 5e percentile ;
– arrêt secondaire de la dilatation, pendant au moins 2 heures ;
anomalies combinées (arrêt après une phase de dilatation
traînante).
Trois causes sont possibles, qui peuvent s’associer :
une activité utérine insuffisante : la dilatation est traînante,
définie classiquement comme une dilatation inférieure à 1 ou
1,2 cm/h chez la nullipare, et à 1,5 cm/h chez la multipare ;
une disproportion céphalopelvienne : elle entraînerait plutôt
un arrêt de la dilatation après 5 cm. Les rétrécissements pelviens
anatomiques deviennent une cause rare de disproportion ;
les variétés postérieures : un défaut de sollicitation du col
pourrait diminuer l’intensité des CU (réflexe de Ferguson) ;
l’emploi de l’APD inhibe ce réflexe.
Marpeau (7) étudie les causes d’arrêt de la dilatation ; il note que
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les dimensions du troit supérieur sont normales dans 83 %
des cas de stagnation de plus de 2 heures ayant nécessité une
césarienne. Dans la moitié des cas, il existe une insuffisance de
CU et, dans de nombreux cas, une variété postérieure.
Le partogramme
Le partogramme est la représentation graphique du déroule-
ment du travail. Le partogramme reprend les éléments de la
surveillance du travail : surveillance de la dilatation et du rythme
cardiaque fœtal, de la hauteur de la présentation et de sa variété,
état de la poche des eaux et couleur du liquide, comportement
maternel, tension artérielle et température maternelle.
LAnaes (8) a défini une liste de critères qu’un partogramme
doit satisfaire. Le partogramme est commencé en général avec
la phase active ou l’admission en salle de travail, en excluant la
phase de latence (8, 9).
Avec Philpott (10, 11), une ligne d’alerte et une ligne d’action
ont été dressées et adoptées. La ligne d’alerte représente une
vitesse de dilatation de 1 cm/h, vitesse de dilatation communé-
ment admise chez la nulligeste comme étant la limite inférieure
de la normale. Cette vitesse correspond au 5e percentile de la
vitesse de dilatation. La vitesse de 1 cm/h reste le standard, et
si la courbe de dilatation est à droite de cette ligne, ou bien la
croise, on sort de la physiologie. La ligne d’action est une ligne
parallèle à cette ligne dalerte, et lorsqu’elle sera franchie, on doit
entreprendre une action correctrice. La période comprise entre
ligne d’alerte et ligne d’action est fixée arbitrairement par cha-
que unité : un grand intervalle diminue le besoin de stimuler
(55 % des nullipares si la ligne d’action est la même que la ligne
d’alerte, contre 19 % si elles sont séparées de deux heures). Les
souhaits de la femme, la philosophie de l’équipe, sa disponibilité
et les possibilités matérielles font adopter un délai plutôt qu’un
autre. La fréquence des touchers vaginaux (TV) dépend bien
sûr de ces recommandations : par exemple, si l’on doit agir au
bout de trois heures, on respecte, sauf événements intercurrents
(tels des troubles du rythme cardiaque fœtal, RCF), un inter-
valle de trois heures entre deux examens. Si la ligne d’action est
franchie, il va falloir corriger l’anomalie, et l’on a recours alors
à une technique ou méthode de direction du travail.
La direction du travail et ses moyens
La direction du travail est l’ensemble des mesures mises en
œuvre pour modifier le déroulement de l’accouchement (12).
On peut chercher, en dirigeant un travail : soit la normalisa-
tion d’un accouchement dont le déroulement n’est pas phy-
siologique, soit l’amélioration du confort maternel. Parfois
l’accouchement trop long, mal toléré, entraîne un surmenage
maternel, et par le biais de troubles acido-basiques, une souf-
france fœtale. Cette éventualité, fréquente avant un large accès
à l’APD, est actuellement très rare. Parfois la patiente, prépa-
rée ou non, souhaite ne pas souffrir alors que le travail paraît
normal. Dans ce cas, le travail doit rester physiologique. La
direction du travail ne doit nuire ni au fœtus, ni à la mère. Elle
engage la responsabilité de l’équipe obstétricale, mais l’absten-
tion engage aussi sa responsabilité.
Les moyens de renforcer l’activité utérine
L’activité utérine peut être renforcée par deux moyens : l’am-
niotomie et l’ocytocine.
Lamniotomie
Elle permet un meilleur contact entre le col et la présentation.
Elle occasionne une libération de prostaglandines endogènes.
Elle permet de contrôler l’aspect du liquide. Elle peut être suf-
fisante pour accélérer le travail et en raccourcir la durée.
Elle a plusieurs inconvénients théoriques. Elle ouvre la cavité
amniotique aux germes pathogènes vaginaux, entraîne un plus
grand nombre d’examens vaginaux et peut favoriser une proci-
dence du cordon. Elle favorise les phénomènes de compression
sur la tête, les déformations plastiques et les troubles du RCF.
Elle peut être réalisée à 3-4 cm, pour faciliter l’entrée en
phase active du travail ; elle peut aussi être faite avant (cas des
déclenchements) ou en cours de travail.
En pratique, il est très difficile d’isoler les seuls effets de l’am-
niotomie du reste de la prise en charge de l’accouchement. Les
études confirment :
– un raccourcissement du travail, sans incidence sur l’état
fœtal (13, 14) ;
une augmentation des troubles RCF (15), sans effets sur
l’état fœtal, mais à l’origine d’une augmentation du taux des
césariennes, plus ou moins significative. Il est évident que si
l’on ne pratique pas de contrôle de l’état fœtal par étude de
l’oxygénation ou de l’équilibre acido-basique du fœtus, le taux
de césariennes risque d’augmenter ;
une réduction de la fréquence des dystocies fonctionnelles
définies comme une stagnation d’au moins 4 heures avec une
dilatation inférieure à 0,5 cm/h.
Lemploi de l’ocytocine après rupture des membranes
Locytocine est utilisée en général après rupture des membra-
nes. Deux principaux schémas d’utilisation sont retrouvés :
les fortes posologies et les faibles posologies. Chaque publi-
cation taille son protocole et chaque service a ses modali-
tés d’emploi du produit, notamment la manière d’augmenter la
posologie. Tous les auteurs s’accordent à éviter une hyperstimu-
lation. La définition de l’hyperstimulation varie : plus de 5-6
CU/10 min, ou plus de 7 CU /15 min. Elle est parfois complé-
tée par une durée des CU, plus rarement par une activité uté-
rine définie en unités Montevideo ou en kilopascal. Un début
d’hyperstimulation conduit à réduire la dose d’ocytocine, en
revenant à la posologie précédente.
Les protocoles utilisant de fortes doses commencent avec
des doses de 5 mU/min, avec des paliers de 5 mU/15 min et
une dose maximale de 30 mU/min (16). Le protocole initial de
Dublin débute la perfusion à 6-7 mU/min, avec une posologie
maximale de 40 mU/min.
Un protocole intermédiaire débute avec 4 mU/min, puis avec
des paliers de 4 mU/15 min, et une dose maximale 40 mU/min. Ce
protocole diffère surtout du précédent par la seule dose de départ.
Les protocoles “faibles doses” commencent à 1 ou 2 mU/min.
Sadler (17) commence avec 1 mU/min, augmentée de 1 mU/min
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toutes les 10 minutes jusqu’à 8 mU/min, puis augmentée de
2 mU/min jusqu’à 40 mU/min. Beaucoup commencent à 2 mU/
min (18). La posologie est augmentée de 2 mU/min toutes les
30 minutes, pour obtenir 3 à 4 CU/10 min, et la dose minimale
pour obtenir ce nombre est conservée. En général, des CU effica-
ces sont obtenues pour 12 mU/min. La dose maximale autorisée
est de 32 mU/min. Cammu (19) commence à 2 mU/min, puis
passe avec des paliers de 20 minutes, à 4, 6, 9, 14, 20 et 30 mU/
min. Cette posologie est atteinte après 120 minutes.
Peu d’études sont conduites en tenant compte de l’intensité
des CU mesurée par monitorage interne. Avec la tocométrie
interne, l’activité utérine est mesurée en unités Montevideo
(ou en kilopascal) et elle est normalement comprise entre 200
et 300 unités Montevideo (somme de l’intensité des CU, en
mmHg, par 10 min). Le but est de maintenir une activité d’au
moins 200 unités Montevideo. Selon Chua (20), il n’y aurait
pas de bénéfice à utiliser un tel monitorage.
La comparaison des doses fortes et modérées a été réalisée par
Satin (21). Les doses fortes s’accompagnent de moins d’appli-
cations instrumentales et de moins de césariennes. On relève
aussi moins de chorio-amniotites et un travail plus court.
Satin (21) a aussi comparé un intervalle de 20 minutes à un
intervalle de 40 minutes : l’intervalle de 20 minutes s’accom-
pagne de moins de césariennes pour dystocies.
Locytocine utilisée sans amniotomie
Dans le travail de Pattinson (22) réalisé à Pretoria, une amnio-
tomie n’est pas réalisée de principe, en raison d’un taux impor-
tant d’infections par le VIH (20 %). Lauteur a comparé les
résultats d’une direction par ocytocine (faibles doses) lorsque
la ligne d’action est atteinte (TV toutes les 2 heures) à celle
d’une direction conduite après une ligne d’action située qua-
tre heures après la ligne d’alerte (TV toutes les 4 heures). Le
taux de césarienne est diminué, de même que celui des extrac-
tions instrumentales, avec les délais courts. Le nombre de
patientes requerrant une APD est identique.
La lutte contre la douleur
De nombreuses études ont étudié les effets de l’APD sur la durée
de la phase active, avec des résultats variables. En 2001, Howell
(23) relève une relation entre l’APD, une durée plus grande de la
première phase du travail, l’emploi d’ocytocine, une incidence
accrue de malpositions fœtales et d’extractions instrumentales.
Mais il ne relève pas d’augmentation du taux de césariennes.
Les alternatives
La balnéation, les doulas, les postures ont peu d’effets sur la
phase active. La mobilisation pendant la phase active ne modi-
fie pas celle-ci, de même que l’APD ambulatoire.
LA DIRECTION ACTIVE DU TRAVAIL
À la fin des années 1960, l’équipe du National Maternity Hospi-
tal de Dublin, avec O’Driscoll et Meagher, introduit la direction
active du travail (Active management of labour [AML]). Le point
de part d’O’Driscoll était l’abandon de la règle selon laquelle le
soleil ne devait pas se lever deux fois sur une femme en travail (24).
Le but était de limiter le travail prolongé : avec l’AML, la plus lon-
gue durée de travail tolérée est de 12 heures (10 pour la phase de
dilatation, deux pour la deuxième phase). Au National Maternity
Hospital, en 2000, l’incidence de travail long (plus de 12 heures) est
de 1,8 %, et la moitié de ces cas va demander une césarienne (16).
Le protocole de l’AML concerne uniquement les primigestes en
présentation céphalique, dont la grossesse n’a pas écompliquée,
entrées spontanément en travail et dont le liquide amniotique est
clair. Les éléments de l’AML comprennent :
une préparation à la naissance : les femmes sont averties
que leur travail ne durera pas plus de 12 heures, et qu’elles ne
seront jamais laissées seules ;
– un accompagnement (one-to-one) par une même sage-femme en
charge de la patiente ;
– une amniotomie précoce ;
– un TV est fait après deux heures ; si la dilatation a progressé
de 2 cm ou plus, un autre examen est réalideux heures après
le précédent ;
si cela nest pas le cas, la ligne d’alerte, de 1 cm de dilatation par
heure, est franchie, et l’emploi de l’ocytocine est requis (cf. poso-
logies données plus haut) ; l’intervention est précoce et concerne
50 % des patientes ;
– une APD, si elle est jugée nécessaire par la patiente.
Les résultats de cette direction active sont examinés et les cas sont
revus par un senior, le tout régulièrement.
Plus de 200 000 accouchements ont ainsi été réalisés selon ce pro-
tocole. Une évaluation globale est donnée dans les différentes édi-
tions du manuel dédié (5, 25). Avec le temps, le taux de césariennes
s’est accru au National Maternity Hospital de Dublin comme par-
tout dans le monde, mais le nombre de césariennes indiquées par
des dystocies, de la première phase notamment, reste à peu près
constant, alors que, dans le même intervalle de temps, dans beau-
coup d’établissements, la césarienne a été un moyen de résoudre
les dystocies, sans trop chercher à améliorer la direction du travail.
La totalité des études montre que les résultats néonatals sont
comparables à ceux des accouchements non dirigés ou dirigés
différemment, et sont bons.
Deux études récentes font une évaluation de la pratique du Natio-
nal Maternity Hospital. Impey (26) a étudié les 500 premiers
partogrammes obtenus en 1997 chez des nulligestes, en travail
spontané et à terme. Il rapporte une durée moyenne de dilatation
de 6,1 heures, une admission à une dilatation moyenne de 1,7 cm,
et un taux d’accouchements dans les 12 heures de 97,2 %. Le taux
de césariennes est de 5,4 % : sur les 27 cas, 14 pour dystocie, 12
pour souffrance fœtale et un cas pour chorio-amniotite.
Bohra (16) a repris les 1 000 premiers accouchements de primi-
gestes survenus dans le service de Dublin en 2000, et les compare
aux données d’O’Driscoll (5) et à celles de l’article de synthèse
d’Impey (27). Le taux de césariennes na pas beaucoup augmenté.
En 2000, Bohra rapporte un taux de 4,2 % (45 % pour défaut de
progression, 47,6 % pour suspicion de souffrance fœtale, 7,2 %
pour d’autres raisons). Le taux est de 4,8 % dans les cas une
APD est réalisée, contre 2,8 % sans (non significatif [ns]). Le taux
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d’extractions instrumentales est de 32 % avec APD, contre 9 %
sans. Dans l’étude initiale d’O’Driscoll (5), le taux d’APD était de
1,3 %, alors que dans le travail de Bohra (16), le taux est de 72,2 %.
Le taux d’extraction a augmenté (24 % contre 19,5 %), mais, en
2000, la majorité des extractions était effectuée par ventouses,
alors qu’en 1978, elle était effectuée par forceps.
À Dublin, l’admission en salle de naissance est précoce : à 2 cm
ou moins dans 81% des cas. La rupture des membranes, qui
nest réalisée que lorsque l’entrée en travail est actée, se fait en
moyenne à 1,8 cm. Ces résultats ont conduit beaucoup de servi-
ces à réfléchir sur leurs pratiques, à étudier lAML et à améliorer
leurs protocoles de surveillance du travail.
Résultats des protocoles appliqués
dans les années 1980
Une étude compare les résultats de Dublin à ceux relevés en
1978 aux États-Unis (28). Elle montre qu’à Dublin, le taux glo-
bal de césariennes, déclenchements du travail inclus, est de
4,8 % contre 15,2 % à New York. Les dystocies non réduites
représentaient 0,7 % à Dublin contre 4,7 % à New York.
Leveno (29) a réalisé en 1985 une comparaison des pratiques
entre le Parkland Memorial Hospital (Dallas) et le National
Maternity Hospital. Le taux global de césariennes à Dallas
était de 18 % contre 6 % à Dublin. Mais les populations ne sont
pas totalement comparables, les critères de diagnostic de la
souffrance fœtale non plus. O’Driscoll ne note pas de différen-
ces dans les résultats périnatals entre Dallas et Dublin (30).
Études comparatives historiques
Le fait de remplacer la conduite du travail habituelle par l’AML
témoigne de la volonté d’améliorer les résultats. Ces études his-
toriques montrent une diminution du taux de césariennes (31).
Létude de Hogston (32), réalisée à Portsmouth en 1993, com-
pare les données de deux unités d’accouchement voisines, une
pratiquant l’AML, l’autre une attitude classique. Il note dans
la première unité un travail plus court, moins d’extractions
instrumentales, moins de césariennes (ns) et une plus grande
satisfaction des patientes. Lauteur souligne l’intérêt d’un dia-
gnostic précis du début du travail, et celui du one-to-one.
Études randomisées
Globalement, ces études incluent des patientes à une dilata-
tion plus avancée que les études de Dublin. Elles notent une
réduction de la durée moyenne du travail et du nombre d’ac-
couchements durant plus de 12 heures. Les taux de césarien-
nes en première phase du travail sont proches. De plus, une
partie des différences dans les taux de césariennes peut prove-
nir de dystocies de la deuxième phase du travail.
Lopez-Zeno (33) rapporte avec l’AML une diminution du
nombre de dystocies (notamment par arrêt de la dilatation)
et de césariennes (10,5 % contre 14,1 %) et aussi de la durée du
travail de 1 h 40.
Une étude multicentrique, réalisée dans 14 centres par Fri-
goletto (34), relève avec l’AML moins de césariennes (ns), et
moins d’applications instrumentales (ns).
Cammu (19) compare une direction du travail commencée
précocement (4,2 cm, rupture précoce, ocytocine commencée
à 2 mU) à une direction plus tardive (5,2 cm, rupture si sta-
gnation, puis si nécessaire 2 h après ocytocine à faibles doses).
Il ne note pas de différences dans les taux de césariennes,
d’extractions instrumentales, et dans les paramètres fœtaux.
Il conclut que la direction précoce n’apporte pas de bénéfices
par rapport à une attitude à la demande, mais l’attitude dite
précoce est bien différente de celle proposée à Dublin.
Fraser (35) reprend en 1998 dans une taanalyse les études
comparatives. Il note que la puissance des études est trop fai-
ble pour conclure, et qu’il n’y a pas de critères communs pour
le diagnostic de dystocie.
La dernière étude de Sadler (17), en 2000, a un effectif assez
réduit (320/331). Les auteurs notent une réduction de la durée
du travail de 50 minutes et un nombre moins important de
travail prolongé, sans modification du taux de césariennes,
mais le protocole nest pas suivi strictement dans 40 % des cas,
et la présence constante d’une sage-femme n’est pas réalisée
dans 47 % des cas. La satisfaction des patientes est plus grande
dans le groupe AML (ns).
Commentaires sur ces études comparatives
Lorsque l’AML fut veloppée, peu d’équipes s’intéressaient
à la durée du travail et au confort des patientes. Cette prise
en charge a contribué à maintenir bas le taux de césariennes.
Avec l’amélioration des techniques de prise en charge, l’aug-
mentation des césariennes dues aux dystocies de la première
phase du travail s’est restreinte, en sachant qu’il reste un taux
de dystocies mal réductible, quelle que soit la technique de
direction du travail employée.
Les études observationnelles de Dublin et celles randomisées
donnent parfois des résultats différents (27). Un biais peut
venir de l’hétérogénéité des études randomisées. Celles-ci
incluent des patientes à une dilatation plus avancée que les
études de Dublin. De plus, un effet Hawthorne, renforçant l’at-
tention au respect des protocoles, est présent dans les études
randomisées. Cet effet ne peut jouer à Dublin, vu l’ancienneté
du protocole. Un soutien constant par un acteur de l’accouche-
ment est un apport important. Ce soutien est à Dublin celui de
la sage-femme référente, qui dirige le travail. Un soutien par
une doula ou un proche ne semble pas donner des résultats
nets sur le déroulement du travail.
QUAND COMMENCER LA DIRECTION DU TRAVAIL ?
Ligne d’alerte et ligne d’action sont confondues à Dublin. Lors-
qu’elles sont calées, on intervient après le passage de la ligne
d’action. Cette ligne est fixée à une heure (19), deux heures (33,
36), trois ou quatre heures (10, 11, 37) après la ligne d’alerte.
Une fois cette ligne franchie, on entreprend une action : amnio-
tomie si les membranes sont intactes et perfusion d’ocytocine.
Lavender (18) a comparé les limites de deux, trois et quatre
heures, et porte le diagnostic de dystocie plus fréquemment
avec deux heures (52 %) qu’avec quatre heures (38 %), ce qui
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paraît évident. Il opte pour deux heures en termes de ressenti
psychologique. Notons que la durée de deux heures est celle
préconisée par l’American College des gynécologues obstétri-
ciens.
Rouse (38) remet en cause l’action à deux heures. Il débute
l’ocytocine à faibles doses s’il y a un arrêt de dilatation (0,5 cm/h)
pendant deux heures. La plupart des femmes progressent
après deux heures de perfusion. Si l’on se donne quatre heures
au lieu de deux heures, 67 % des patientes qui navaient pas
assez progressé en deux heures accoucheront par voie basse.
Une césarienne est réalisée si la dystocie persiste quatre heures
avec une activité utérine supérieure à 200 unités Montevideo,
et six heures si cette activité ne peut être obtenue. Dans un
travail ultérieur, Rouse (36) confirme l’intérêt de savoir atten-
dre : 61 % des patientes qui présentent un arrêt de la dilatation
de deux heures, et qui ont une activité utérine normale, accou-
cheront par voie vaginale si la perfusion d’ocytocine est pour-
suivie. Le 10e percentile de la progression de la dilatation sous
ocytocine est de 0,6 cm/h, le 5e est de 0,5 cm/h : cette vitesse
est plus lente que celle définie par Friedman (1,2 cm/h), ce qui
peut être lié au taux d’APD (84 %). Dépasser deux heures est
possible et efficace pour éviter une césarienne.
DEGRÉ DE SATISFACTION DES PATIENTES
Si le travail est dystocique, les femmes préfèrent une interven-
tion rapide (39). LAML na pas d’effet fâcheux sur la satisfac-
tion maternelle, en raison de la duction du temps de travail
et du faible taux de travail prolongé. Les explications données
et la prise en charge correcte de la douleur font partie de la
satisfaction des patientes. Un soutien par une doula ou un
proche, sans donner des résultats nets sur le déroulement du
travail, satisfait les parturientes.
CAS PARTICULIER DES MULTIPARES
Les césariennes sont moins fréquentes avec la multiparité, si
l’on exclut les césariennes itératives (28). Le défaut de pro-
gression est dû à une disproportion fœtopelvienne. Les règles
données à Dublin sont d’administrer l’ocytocine à doses plus
faibles, pour obtenir 4 CU/10 min (CU > 40 sec). Comme on
peut le voir dans le tableau, les dystocies sont beaucoup plus
rares que chez la primipare (28).
Tableau.
Indications des césariennes chez les multipares (en dehors
des césariennes itératives).
Nullipares n = 3 106 (%) Multipares n = 5 636 (%)
Dystocies 1,5 0,2
Souffrance foetale 1 0,2
Sièges 0,8 0,3
Autres 2,2 2,1
Total 5,5 2,8
CONCLUSION
La phase active du travail se caractérise par une dilatation
assez rapide, normalement supérieure à 1 cm/h. Si cela n’est
pas le cas, la question se pose d’une intervention, cest-à-dire
d’une direction du travail. On peut intervenir tôt, dès la sta-
gnation, ou attendre. Le moment de l’intervention doit dépen-
dre de protocoles discutés en équipe, comme des désirs de la
patiente dûment informée. Linformation devrait être donnée
avant l’accouchement. Impey (27) distingue des femmes qui
demandent une césarienne avant le travail (pour “préserver
leur périnée”), d’autres qui demandent une non-intervention
(les naturocrates) et, enfin, certaines comprennent que l’on
peut améliorer leurs conditions d’accouchement. À nous de
leur expliquer ce que nous proposons.
RéféRences bibliogRaphiques
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La phase active du travail – Active stage of labor

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