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Automne 1996
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progression de l'armée turque s'accompagna du massacre systématique de
toute la population arménienne. La République fut acculée à une paix
draconienne, vite dépassée par l'avance de l'Armée Rouge au nord, qui
annexa fin 1920 ce petit territoire à la future URSS.
L'espoir se réduisait alors à la Cilicie, où la France, puissance
mandataire, avait encouragé le retour des rescapés. Là aussi, tout allait vite
s'écrouler, la France négociant secrètement avec les forces kémalistes
pour, finalement, brader progressivement la Cilicie toute entière. Seule
restait rattachée à la Syrie la région d'Antioche, appelée "Sandjak
d'Alexandrette", du nom de ce port, débouché maritime historique d'Alep
et de la Syrie septentrionale. Les Turcs n'y représentaient qu'une minorité
face à la majorité arabe et arménienne, mais, en juin 1939, Ankara
l'arracha au mandat français qui se fit complice d'élections truquées. La
Syrie revendique toujours le Sandjak. Il n'est pas superflu de préciser ici
l'important rôle de solidarité du monde arabe avec les Arméniens, qui
réduit à néant les tentatives d'expliquer le génocide des Arméniens par les
Turcs comme un conflit d'ordre religieux.
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La purification ethnique turque
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Le couronnement de la diplomatie turque, cinq ans après la
capitulation ottomane, fut le traité de Lausanne, signé en 1923,
remplaçant celui de Sèvres, et dans lequel on ne trouve pratiquement plus
aucune mention d'Arménie et des Arméniens. Aujourd'hui, il ne reste
qu'environ 50.000 Arméniens en République turque, en grande majorité
concentrés autour du Bosphore: un génocide réussi de main de maître.
Le traité de Lausanne a légalisé, voire encouragé, le premier nettoyage
ethnique "officiel" de l'Histoire qui ne toucha pas que les Arméniens. Les
importantes communautés grecques de Cappadoce, d'Ionie et du Pont
furent "échangées" par ce traité, suite à l'incendie de Smyrne de
septembre 1922. L'Asie Mineure, traditionnelle terre d'échanges, de
brassage et de coexistence entre de nombreux peuples, perdit totalement
cette richesse que même les sultans ottomans avaient su préserver et se
transforma en une "terre turque" presque "ethniquement pure", exceptés
les Kurdes, qui participèrent au génocide des Arméniens avant de subir
eux-mêmes la sanglante répression turque.
La République turque est probablement le seul Etat capable de réaliser
de tels nettoyages ethniques sans aucune protestation internationale. Elle
le prouva encore à Chypre en 1974: 36% du nord de cette île, grecque
depuis des millénaires, est totalement turquifiée, le temps jouant en faveur
de la pseudo "République turque de Chypre du Nord".
C'est dans un contexte analogue, qu'il faut analyser le problème du
Karabagh. En effet, comment peut-on, après 1915, obliger une
population arménienne à vivre sous une autorité turque?
Pourquoi et comment peut-on encore nier le génocide de 1915? Les