Le génocide des Arméniens - Association des Revues Plurielles

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Un "modèle" de nettoyage ethnique
Le génocide des Arméniens
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Claude Mutafian
A la suite de la prise de Constantinople en 1453, Mehmet II s e
trouva maître d'un grand empire multiethnique avec une composante
chrétienne majoritaire, et les principes de l'"ottomanisme"
consistaient à avoir des interlocuteurs représentant les groupes
ethniques.
Il y avait alors en Asie Mineure une très forte population grecque dont
le patriarche devint naturellement le représentant auprès du sultan. Parmi
les autres chrétiens, les plus nombreux étaient les Arméniens, avec des
centres de peuplement disséminés (en particulier la capitale) et deux
fortes concentrations. Tout d'abord la partie occidentale de la Grande
Arménie, entre l'Euphrate et l'Araxe, autour du lac de Van, c'est-à-dire le
territoire arménien historique, mais aussi la Cilicie, dans l'angle nord-est
de la Méditerranée, où une importante population perpétuait le souvenir
du dernier royaume arménien (1198-1375).
Moins de dix ans après la prise de Constantinople, Mehmet II
convoqua l'évêque arménien de Brousse et en fit le représentant de toute
la chrétienté non grecque d'Asie. Ce poste prit plus tard le nom de
"Patriarcat arménien de Constantinople" et son titulaire jouait de facto le
rôle de dirigeant de la communauté arménienne ottomane. Moyennant
certaines "règles du jeu" codifiées par le statut de "dhimmi", les Arméniens
continuèrent durant plusieurs siècles à vivre grosso modo sans être trop
inquiétés officiellement et sans inquiéter. On les appelait la "nation
fidèle", fournissant même nombre de cadres administratifs, de diplomates,
d'intellectuels et d'artistes à la Sublime Porte.
A partir du XIXème siècle, deux événements créèrent une nouvelle
donne. D'une part, à l'est et au nord, l'Empire russe affichait de plus en
plus ses ambitions expansionnistes, s'emparant de la majorité de l'Arménie
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orientale alors persane, ainsi que de quelques districts de l'Arménie
ottomane. Cette "force vive" chrétienne était un danger clair pour
l'Empire ottoman. D'autre part, l'époque de splendeur du "Grand Turc"
appartenait au passé. Cet empire était devenu "l'homme malade de
l'Europe", qui ne survivait que grâce à un statu quo plus ou moins tacite
entre les puissances européennes rivales entre elles et inquiètes elles aussi
des appétits russes. Or si un empire puissant peut se permettre le luxe de
la tolérance vis-à-vis de ses minorités, ce n'est pas le cas d'un Etat en
pleine décadence, noyé sous ses dettes et maintenu artificiellement en vie.
L'indépendance arrachée par la Grèce en 1827 créa un précédent qui
menaçait l'intégrité de l'Empire. Quelques tentatives de libéralisation
restèrent lettre morte et le "sultan rouge" Abdul Hamid, monté sur le trône
en 1876, allait bientôt montrer de quoi est capable un empire moribond,
prêt à massacrer comme un fauve blessé.
La situation des Arméniens se dégradait. Les conditions anarchiques
décuplaient la rapacité des fonctionnaires locaux assurés de l'impunité
ainsi que les exactions des bandits kurdes et turcomans qui voyaient
depuis des siècles les Arméniens comme des cibles de choix. Dans la
foulée des grandes idées libératrices qui agitaient alors l'intelligensia
européenne, la fin du XIXème siècle vit se former des partis politiques
arméniens qui commencèrent un patient travail de conscientisation, aussi
bien dans le peuple qu'auprès des élites. Un bon prétexte pour le sultan,
qui avait dans cette optique organisé les irréguliers kurdes en régiments
dits "hamidiés".
Un premier massacre systématique dans le fief arménien de Sassoun,
près du lac de Van, en 1894, fut suivi par deux années d'exterminations.
On prétendait qu'il y avait des soulèvements -purement fictifs- et l'on
donnait carte blanche à une population fanatisée. Le bilan de cette
première étape (1895-96) fut d'environ 300 000 morts.
Les partis arméniens, surtout la Fédération révolutionnaire arménienne
dite "Tachnak", proche du socialisme, sentirent le besoin de s'organiser
pour prévenir de nouvelles tueries en masse. Pendant ce temps de gros
changements se préparaient à la tête de l'empire à la suite du
développement d'un mouvement national turc au départ assez ambigu,
comprenant à la fois un courant sincèrement libéral et émancipateur et un
courant nationaliste et chauvin reprochant au sultan son incapacité. Ces
Jeunes Turcs fondèrent le Comité Union et Progrès, connu sous
l'abrévation d'"Ittihad", et obligèrent le sultan à rétablir en 1908 la
constitution qu'il avait abrogée en 1876.
Un moment, tout le monde fraternisa. L'heure de la réconciliation des
peuples sous la bannière de "l'ottomanisme" semblait à portée de main.
L'espoir ne dura pas longtemps. En 1909, les bords de la Méditerranée
allaient être le théâtre de la seconde étape de la liquidation des
Arméniens. Les "vêpres ciliciennes" furent en fait un "coup de sonde".
Les 30 000 victimes des massacres d'Adana et des environs n'ont
provoqué en Europe que des protestations purement formelles, prouvant
à la branche la plus chauviniste de l'Ittihad qu'elle ne serait pas inquiétée
outre mesure si elle opérait dans une conjoncture favorable.
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En ce début du XXème siècle, le conflit arméno-turc se propagait de
l'autre côté de la frontière, dans l'Empire russe, en Transcaucasie et en
particulier à Bakou: ce fut la guerre arméno-tatare (les Turcs de
Transcaucasie étaient encore à l'époque appelés Tatares du Caucase ce
n'estque plus tard qu'on leur attribua le nom d'Azéris).
Tous ces affrontements des deux côtés de la frontière sont à analyser
sous l'angle du panturquisme, doctrine qui prenait de l'ampleur à mesure
que l'Empire ottoman perdait ses territoires européens dans les Balkans.
Le panturquisme prônait un "retour aux sources", une reconstitution du
"Touran" du Bosphore à l'Asie centrale, regroupant tous les peuples de
souche turque. Cette bande ethnique était pratiquement continue, à une
interruption près: les Arméniens. Une raison de plus pour les liquider.
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La réalisation du génocide (1915-1917)
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La Première Guerre mondiale offrait un cadre rêvé. Le pouvoir dans
l'Empire ottoman était alors aux mains d'un triumvirat Jeune Turc, formé
des ministres de la marine, Djemal, de la guerre, Enver et de l'intérieur,
Talaat. L'instrument qu'ils allaient utiliser pour réaliser le projet de
liquidation des Arméniens était tout prêt: l' "Organisation spéciale",
formée de repris de justice fraichement libérés des geôles turques. Le
plan était savamment élaboré, présenté comme une "déportation" destinée
à éloigner "provisoirement" la population arménienne des zones proches
du front, afin d'éviter toute collusion avec l'ennemi russe. Après quelques
hésitations, les Jeunes Turcs étaient en effet entrés en guerre aux côtés des
puissances centrales.
Les soldats arméniens furent désarmés début 1915, après que le parti
Tachnag ait refusé la proposition ottomane de soulever contre le régime
tsariste la population arménienne de Russie. Il choisit de prôner le
loyalisme des deux côtés de la frontière.
L'autodéfense de Van fut présentée comme une insurrection contre le
régime, et en avril 1915 les Jeunes Turcs trouvèrent les conditions
remplies pour appliquer leur plan. Dans la nuit du 24 au 25 avril,
plusieurs centaines d'intellectuels arméniens de Constantinople, dont des
députés et d'anciens compagnons de lutte des Jeunes Turcs, furent arrêtés,
déportés et massacrés. Une fois la nation ainsi décapitée, la machine à
exterminer se mit en marche. Dans toutes les villes, dans toutes les
régions, les Arméniens furent regroupés et envoyés en déportation par
des itinéraires savamment étudiés, en direction du désert de Syrie. Dès la
sortie des villes, les hommes valides étaient isolés et exécutés, si bien que
les colonnes ne comprenaient plus que des femmes, des vieillards et des
enfants. Le processus se répéta partout, identique, même dans les régions
comme la Cilicie qui étaient éloignées de toute zone de guerre.
L'argument turc qui prétendait qu'il s'agissait d'un "déplacement
provisoire à cause de la proximité des zones de combat" est donc en
flagrante contradiction avec les faits. Seuls furent épargnés, à ce stade, les
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Arméniens de Constantinople et de Smyrne. Les premiers durent leur
salut à la présence internationale dans la ville, les seconds au général
allemand Liman von Sanders qui menaça de mort tout officiel turc qui
toucherait à la population civile. En dehors de ces deux villes, d'autres
Arméniens furent sauvés grâce à leur résistance. L'exemple le plus célèbre
se passa à la frontière syro-cilicienne, sur le Moussa Dagh près
d'Antioche, où quelque 4000 Arméniens se réfugièrent sur cette
Montagne de Moïse et résistèrent aux assauts turcs durant un mois et
demi. Ils furent sauvés par miracle grâce à une escadre alliée qui croisait
au large, dans le golfe d'Alexandrette, et qui vit les signaux qu'ils
faisaient.
La majeure partie des deux millions d'Arméniens ottomans périt en
1915-16. Les hommes valides ayant été tout de suite fusillés, les colonnes
de déportés furent décimées par la maladie, la faim, les attaques et les
massacres en cours de route, et ceux qui parvinrent à Deir ez Zor, dans le
désert syrien, furent achevés sur ordre de Talaat. Parfois, les méthodes
étaient plus directes. Ainsi à Trébizonde, au bord de la mer Noire, les
Arméniens étaient embarqués sur des navires dont on ouvrait le fond, une
fois au large.
En 1917, le gouvernement Jeune Turc avait pratiquement atteint son
but en Anatolie. Les seuls Arméniens survivants, hors de Smyrne et
Constantinople, étaient ceux qui avaient réussi à fuir l'enfer et ceux qui
avaient suivi dans sa retraite l'armée russe, un moment parvenue jusqu'à
Van et Erzeroum.
Une telle "réussite" ne suffisait pas aux panturquistes. Il y avait aussi
les Arméniens de Russie, contre lesquels les Jeunes Turcs lancèrent une
offensive à la suite de la révolution de 1917 qui avait dégarni le front du
Caucase. Une spectaculaire mobilisation populaire en Arménie orientale
parvint in extremis à arrêter l'armée turque à Sardarapat, aux portes
d'Erevan, en mai 1918. Peu après, cette Arménie orientale se constituait
en République d'Arménie — premier Etat arménien depuis la chute, en
1375, du Royaume arménien de Cilicie — ravagée par la misère, la faim
et le typhus, mais sauvée dans son existence par l'armistice de Moudros
qui marqua le 30 octobre 1918 la capitulation ottomane.
L'Empire ottoman étant dans le camp des vaincus, tous les espoirs
étaient permis pour les survivants, d'autant plus que la France se voyait
confier un mandat sur la Cilicie, la Syrie et le Liban, et que le traité de
Sèvres (10 août 1920) garantissait un Etat arménien dans des frontières
bien plus vastes que cette République d'Arménie, où le parti Tachnag
exerçait le pouvoir.
Ce qui restait encore de la nation arménienne semblait voir le bout du
tunnel. C'était sans compter sur la rivalité des puissances occidentales et
leur obséquiosité vis-à-vis du nouveau pouvoir turc, dirigé par Mustafa
Kémal. D'un côté, ce dernier menait une intense activité diplomatique
pour neutraliser les conditions du traité de Sèvres, jouant habilement les
Puissances entre elles. De l'autre, il envoyait le général Karabékir, épaulé
par la sinistre "Organisation spéciale", contre la République d'Arménie.
Cette offensive fut loin de se borner à des opérations militaires. La
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progression de l'armée turque s'accompagna du massacre systématique de
toute la population arménienne. La République fut acculée à une paix
draconienne, vite dépassée par l'avance de l'Armée Rouge au nord, qui
annexa fin 1920 ce petit territoire à la future URSS.
L'espoir se réduisait alors à la Cilicie, où la France, puissance
mandataire, avait encouragé le retour des rescapés. Là aussi, tout allait vite
s'écrouler, la France négociant secrètement avec les forces kémalistes
pour, finalement, brader progressivement la Cilicie toute entière. Seule
restait rattachée à la Syrie la région d'Antioche, appelée "Sandjak
d'Alexandrette", du nom de ce port, débouché maritime historique d'Alep
et de la Syrie septentrionale. Les Turcs n'y représentaient qu'une minorité
face à la majorité arabe et arménienne, mais, en juin 1939, Ankara
l'arracha au mandat français qui se fit complice d'élections truquées. La
Syrie revendique toujours le Sandjak. Il n'est pas superflu de préciser ici
l'important rôle de solidarité du monde arabe avec les Arméniens, qui
réduit à néant les tentatives d'expliquer le génocide des Arméniens par les
Turcs comme un conflit d'ordre religieux.
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La purification ethnique turque
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Le couronnement de la diplomatie turque, cinq ans après la
capitulation ottomane, fut le traité de Lausanne, signé en 1923,
remplaçant celui de Sèvres, et dans lequel on ne trouve pratiquement plus
aucune mention d'Arménie et des Arméniens. Aujourd'hui, il ne reste
qu'environ 50.000 Arméniens en République turque, en grande majorité
concentrés autour du Bosphore: un génocide réussi de main de maître.
Le traité de Lausanne a légalisé, voire encouragé, le premier nettoyage
ethnique "officiel" de l'Histoire qui ne toucha pas que les Arméniens. Les
importantes communautés grecques de Cappadoce, d'Ionie et du Pont
furent "échangées" par ce traité, suite à l'incendie de Smyrne de
septembre 1922. L'Asie Mineure, traditionnelle terre d'échanges, de
brassage et de coexistence entre de nombreux peuples, perdit totalement
cette richesse que même les sultans ottomans avaient su préserver et se
transforma en une "terre turque" presque "ethniquement pure", exceptés
les Kurdes, qui participèrent au génocide des Arméniens avant de subir
eux-mêmes la sanglante répression turque.
La République turque est probablement le seul Etat capable de réaliser
de tels nettoyages ethniques sans aucune protestation internationale. Elle
le prouva encore à Chypre en 1974: 36% du nord de cette île, grecque
depuis des millénaires, est totalement turquifiée, le temps jouant en faveur
de la pseudo "République turque de Chypre du Nord".
C'est dans un contexte analogue, qu'il faut analyser le problème du
Karabagh. En effet, comment peut-on, après 1915, obliger une
population arménienne à vivre sous une autorité turque?
Pourquoi et comment peut-on encore nier le génocide de 1915? Les
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preuves que l'on possède, malgré le "nettoyage" des archives ottomanes,
sont accablantes. Dès le lendemain de l'amnistie, en 1919, les nouvelles
autorités turques, transition entre les Jeunes Turcs et le kémalisme,
s'empressèrent d'organiser des procès afin de blanchir la "nation turque"
et de rejeter la responsabilité sur les anciens dirigeants. Il est facile de
refuser les conclusions de ces "procès des Unionistes" sous prétexte qu'ils
se sont tenus dans une capitale contrôlée par les vainqueurs. Mais
pourquoi ne fait-on pas la même objection à Nuremberg? Les procès de
Constantinople ont en fait réuni une somme impressionnante de
témoignages à charge dont la valeur est irréfutable. Est-ce un hasard si les
numéros du Journal Officiel turc de l'époque qui ont publié les actes de
ces procès ont tous disparu, sauf quelques exemplaires conservés dans des
bibliothèques hors de Turquie?
A côté de ces procès, un autre est particulièrement significatif. Les
principaux dirigeants de l'Ittihad avaient pris la fuite avant d'être
condamnés à mort. C'est une organisation arménienne, fondée par le parti
Tachnag, qui se chargea d'exécuter les accusés. Le 15 mars 1921, le jeune
Arménien Tehlirian abattit dans une rue de Berlin Talaat, le principal
responsable du génocide. Au terme du procès qui suivit, devant
l'abondance des preuves, le jury allemand acquitta Tehlirian.
Il existe une multitude de témoignages de journalistes et de personnel
médical qui étaient sur place. Quant aux archives des Etats en guerre en
1915, la modeste proportion de documents publiés suffit à rejeter la thèse
turque de "déplacement provisoire pour raison de sécurité" dû aux
"soulèvements des Arméniens traîtres à leur Etat". Les documents les plus
accablants proviennent des Etats neutres ou alliés de l'Empire ottoman.
Les Etats-Unis avaient des représentations jusqu'à leur entrée en guerre
en 1917. L'ambassadeur Morgenthau a publié ses mémoires, ne laissant
aucun doute sur le dessein des Jeunes Turcs. On a récemment retrouvé le
rapport de Leslie Davis, consul américain en poste à Kharpout, en plein
centre de l'Anatolie. Ses dépêches et descriptions suffiraient à elles seules.
Du côté turc, autrichien et surtout allemand, on croule sous les
preuves. Dès le début du génocide, le pasteur Johannes Lepsius recueillit
les actes diplomatiques allemands, publiant les dépêches des consuls et
relatant ses conversations avec les ambassadeurs à Constantinople. Citons
aussi le journaliste Harry Stürmer, le représentant de la Croix Rouge
Armin Wegner, l'interprète Heinrich Vierbücher, etc. Quant aux
Britanniques, ils ont publié leur Livre bleu, recueil de documents et de
témoignages de neutres, d'Autrichiens et d'Allemands.
Refusant de reconnaître l'évidence, la République turque est alors prise
dans l'engrenage du négationnisme. Elle lance même un défi à l'Histoire
en n'ayant aucun scrupule à glorifier le mausolée de Talaat pacha qui
trône sur la "colline des martyrs" à Constantinople.
Dans cette tragédie, tout le monde sait bien qu'il y a eu un génocide
dans le sens le plus complet du terme. Les gouvernements turcs le savent,
mais considèrent qu'il est de leur intérêt de le nier. Les Occidentaux le
savent, mais préfèrent éluder la question.
Ankara a senti le vent tourner et a changé de tactique. Plutôt que de
persister dans une tentative de "faire passer à la trappe" le problème
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arménien, elle a choisi d'utiliser des historiens occidentaux à sa solde. Le
plus célèbre est l'islamologue Bernard Lewis qui a été condamné
symboliquement par un tribunal civil français pour ses propos dans une
entrevue au journal Le Monde. Il a été relayé par d'autres historiens,
surtout anglo-saxons et français. Le 18 juin 1987, le parlement européen
de Strasbourg a voté une résolution qualifiant de "génocide" le massacre
systématique des Arméniens en 1915: comment peut-il dès lors examiner
la candidature turque sans mettre en préalable la reconnaissance de ce fait
historique établi au-delà du moindre doute?
Claude Mutafian est Maître de conférence à l'université Paris XIII
Bibliographie:
Jacques Derogy: Opération Némésis, les vengeurs arméniens,
Fayard, Paris, 1986.
Livre Bleu du gouvernement britannique concernant le
traitement des Arméniens dans l'Empire ottoman (1915-1916),
Payot, Paris, 1987.
Franz Werfel: Les 40 jours du Musa Dagh, Albin Michel, Paris,
1936-1986.
Armand Gaspard: Le combat arménien, L'Age d'Homme,
Lausanne, 1984.
Jean Marie Carzou: Un génocide exemplaire, Flammarion,
Paris, 1975.
Johannès Lepsius: Archives du génocide des Arméniens,
Fayard,Paris, 1986.
Claude Mutafian: Un aperçu sur le génocide des Arméniens,
Comité pour la commémoration du 24 avril 1915, Paris, 1995.
Yves Ternon: Les Arméniens, Histoire d'un génocide, Seuil,
Paris, 1977. Edition revue et mise à jour par l'auteur, Seuil,
1996.
Yves Ternon: Enquête sur la négation d'un génocide,
Parenthèses, Marseille, 1989.
Arnold Toynbee: Les massacres des Arméniens, Payot, Paris,
1987.
Gérard Chaliand, Yves Ternon: Le génocide des Arméniens,
Complexe, Bruxelles, 1980.
Vahakn Dadrian: Histoire du génocide arménien, Stock, Paris
1996.
Vahakn Dadrian: Autopsie du génocide arménien, Complexe,
Bruxelles, 1995.
Leslie Davis: La province de la mort, Complexe, Bruxelles, 1994.
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Dans son numéro d'avril 1996, Nouvelles d'Arménie
Magazine a publié un sondage réalisé par l'Institut Louis
Harris les 1 et 2 mars 1996 sur un échantillon de 1002
personnes résidant en France:
* Connaissez-vous ou avez-vous entendu parler du génocide
arménien, c'est-à-dire des massacres perpétrés en 1915 en
Turquie contre les populations arméniennes? OUI: 69%.
* Savez-vous que l'Etat turc n'a jamais reconnu le génocide arménien? OUI: 49%, NON:
51%.
* Pensez-vous qu'à l'heure actuelle les autorités françaises devraient reconnaître
officiellement le génocide dont ont été victimes les Arméniens? OUI: 75%, NON: 14%,
NSP: 11%.
* Vous savez que les déclarations mettant en cause la réalité du génocide perpétré entre
1939 et 1945 contre les juifs sont sanctionnées par la loi française. Pensez-vous qu'il
devrait en être de même pour les déclarations mettant en cause la réalité du génocide
perpétré en 1915 contre les Arméniens? OUI: 75%, NON: 13%, NSP: 8%.
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