Hématome du cervelet

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Urgence vasculaire
Sang Thrombose Vaisseaux 2003 ;
15, n° 8 : 464–7
Hématome du cervelet
Kamel Bahloul, Michel Kalamarides
Service de neurochirurgie, hôpital Beaujon, AP-HP Beaujon
100, boulevard du Général-Leclerc, 92118 Clichy cedex, France
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L
hématome du cervelet est une urgence médico-chirurgicale potentielle, avec possibilité de guérison avec ou sans séquelle. C’est une
collection vasculaire sanguine dans le parenchyme cérébelleux qui
résulte d’une rupture souvent artérielle et rarement veineuse. Il se
développe dans les zones de moindres résistances tel que les noyaux dentelés et
peut se rompre dans le 4e ventricule.
L’hématome du cervelet représente 5 à 10 % des AVC hémorragiques, son
incidence augmentant avec l’âge (les deux tiers des patients sont âgés plus de
60 ans) [1, 2]. Sa gravité réside en fait par la possibilité de compression du tronc
cérébral et/ou le développement d’une hydrocéphalie, cela permettant de distinguer entre deux formes d’hématome de cervelet :
a) les formes avec coma d’emblée par atteinte du tronc cérébral, de pronostic
sombre ;
b) les formes de gravité et de pronostic variés avec conscience variable.
Physiopathologie
Du point de vue physiopathologique, durant les premiers 48 heures, l’extravasation du sang dans le parenchyme cérébelleux va déterminer une dilacération du
tissu avoisinant, une élévation de la pression intracrânienne et une ischémie par
compression du parenchyme avoisinant précipitant vers l’œdème cérébral [3].
La tolérance du tissu cérébral entourant l’hématome dépend de son volume.
Jusqu’à 50 mL, ce tissu est simplement refoulé sans être lésé. Au-delà de ce
volume, une nécrose irréversible ou moins étendue au parenchyme avoisinant se
produit. À un stade tardif la détersion de la lésion entraîne la libération de
produits de dégradation des hématies responsables d’une vasoconstriction et de
l’œdème vasogénique [4].
Diagnostic clinique
Les symptômes sont des céphalées, vomissements et vertiges d’installation
brutale et instabilité de la position debout. Il s’y ajoute souvent des signes
cérébelleux et l’ataxie. Les hématomes cérébelleux avec extension et/ou compression du tronc cérébral s’accompagnent d’un coma profond avec bradycardie, abolition du réflexe cornéen et des autres réflexes du tronc cérébral.
Correspondance :
Michel Kalamarides
E-mail :
[email protected]
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Diagnostic radiologique
Le diagnostic de l’hématome cérébelleux est porté sur le scanner cérébral sans
injection de produit de contraste ou l’IRM cérébrale. Réalisé en urgence, il
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A
B
Figure 1. Cas 1 : patient de 46 ans qui a présenté de façon brutale une céphalée occipitale et vertiges suivie d’un état de coma et
bradycardie. Le scanner qui a été fait en urgence a montré un hématome cérébelleux hémisphérique gauche avec effet de masse sur le
quatrième ventricule et hydrocéphalie (figure 1A). Il a été opéré en urgence, abord chirurgical direct de l’hématome avec une bonne
évolution clinique et radiologique (figure 1B).
permet un diagnostic différentiel immédiat entre un accident ischémique ou hémorragique, précise le caractère expansif et distingue entre hématome et infarctus hémorragique.
L’angioscanner ou l’angiographie par résonance magnétique permet de détecter la plupart des lésions vasculaires
responsables du saignement à savoir un anévrysme de la
circulation postérieure ou une malformation artérioveineuse [5, 6].
L’angiographie ne sera justifiée que si une anomalie a été
objectivée à l’angioscanner ou à l’angiographie par résonance magnétique, ce d’autant qu’il s’agit le plus souvent
de malade dont l’état vasculaire constitue un risque non
négligeable.
L’IRM montre des lésions associées à l’hématome : telles
que une veine de drainage, ou un cavernome [1, 5, 7, 8].
Étiologie
La cause la plus fréquente est l’HTA [2]. Parmi les autres
causes figurent les malformations vasculaires qui ne sont
cependant pas l’apanage exclusif des sujets jeunes. Le
traitement anticoagulant accroît l’incidence des hématomes cérébelleux tout comme les troubles de la crase sanguine et certaines hémopathies [9]. L’hématome cérébelleux d’origine tumorale est surtout fréquent dans les
métastases. Certaines étiologies rares sont à évoquer tel
qu’une septicémie ou une méningite [5, 10]. Enfin 25 % des
cas restent de cause inconnue malgré les moyens diagnostiques.
Traitement
Le principe du traitement est d’agir sur la compression
directe du tronc cérébral et le développement d’une hydrocéphalie susceptibles d’influencer défavorablement
l’évolution.
Une abstention chirurgicale paraît logique chez les patients
avec coma d’emblée et abolition des réflexes du tronc
cérébral, le plus souvent par extension de l’hémorragie
dans le tronc cérébral. À l’autre extrémité, une abstention
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chirurgicale est possible chez les patients conscients avec
un hématome n’excédant pas 3,5 cm de diamètre. Pour les
autres formes le traitement oscille entre l’évacuation chirurgicale de l’hématome et la dérivation ventriculaire dans
le cadre d’une surveillance stricte en milieu neurochirurgical.
L’histoire du traitement chirurgical de l’hématome cérébelleux est passé par deux époques : avant 1991, une dérivation du liquide céphalorachidien par ponction ventriculaire
était le traitement de choix, et une craniotomie était réservée aux cas qui ne répondaient pas à ce geste thérapeutique
[10].
Depuis lors, la décision d’évacuer un hématome est prise
plus vite quand l’état de conscience se détériore ou en cas
de signes cliniques ou tomodensitométriques de compression du tronc (effet de masse sur le quatrième ventricule).
L’abord direct doit être dans la mesure du possible différé
d’au moins 48 heures. En urgence il comporte l’inconvénient d’une intervention majeure chez un malade souvent
âgé en mauvais état général. L’hémostase peut être difficile
avec reprise du saignement [8], tandis que l’œdème peut
rapidement occuper la place de l’hématome. Quant au
drainage de l’hydrocéphalie sans évacuer l’hématome, il
risque parfois de favoriser l’engagement du culmen cérébelleux vers le haut avec une aggravation du tableau neurologique [1, 2, 11].
Malgré son risque infectieux majeur, le drainage ventriculaire externe doit être tenté en premier lieu et a l’avantage
d’épargner au malade un shunt définitif. Toutefois le recours au drainage définitif par une DVP s’impose devant
l’absence de régression de l’hydrocéphalie et la dépendance vis-à-vis du drainage ventriculaire externe. La ventriculocisternostomie par voie endoscopique est une indication idéale et élégante dans les hématomes cérébelleux
ayant entraîner une hydrocéphalie par compression du quatrième ventricule [12].
Le résultat du traitement chirurgical de l’hématome du
cervelet varie selon les auteurs d’une récupération complète à une mortalité de 7 à 50 % [2, 4]. Les complications
post opératoires les plus fréquentes sont la récidive de
l’hématome, l’infection, les collections sous-cutanées de
LCR, les séquelles neuro-psychologiques et le mutisme
akinétique [1, 13].
Facteurs décisionnels thérapeutiques
D’une façon générale le choix thérapeutique et le résultat
sont conditionnés par des facteurs pronostiques qui, sont de
deux types :
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Figure 2. Cas 2 : patient de 78 ans, hypertendu qui a présenté un
état de coma brutal. Le scanner a montré un hématome cérébelleux droit avec hydrocéphalie (figure 2). Une dérivation ventriculaire
externe a été mise en place en urgence avec bonne évolution.
Facteurs cliniques
L’âge ne semble pas un facteur de pronostic défavorable
[1, 13]. L’état général ne semble pas influencer le résultat.
La mortalité ne diffère pas de façon significative avant ou
après 75 ans, ni entre les classes de l’ASA [13]. Ceci
n’exclut pas qu’une décision thérapeutique d’un traitement
très agressif chez un patient très âgé avec un pronostic
neurologique défavorable reste discutable. Hautement significatifs, en revanche, sont les paramètres neurologiques
de l’atteinte du tronc cérébral : réflexes du tronc et état de
conscience.
Facteurs radiologiques
Le diamètre de l’hématome et la compression de la citerne
quadrigéminale sont très significatifs avec une mortalité
quasi nulle pour les hématomes de moins de 2,5 cm avec
citernes de la base normales. Les hématomes de plus de
5 cm sont associés à une mortalité augmentée jusqu’à 69 %
[13]. Le degré de la dilatation ventriculaire ne semble pas
influencer le pronostic. La taille de l’hématome est suscep-
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3) Sujet inconscient, taille de l’hématome supérieur à
3,5 cm avec ou sans hydrocéphalie : abord chirurgical direct de l’hématome.
Conscience
Normale
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Surveillance
Conclusion
Altérée
Hématome
< 3,5 cm et hydrocéphalie
Hématome
> 3,5 cm avec
ou sans hydrocéphale
DVE ou endoscopie
et si aggravation
abord direct
Abord direct
de première intention
tible d’influencer l’état de conscience et c’est ainsi qu’un
diamètre maximum de 3,5 cm altère nettement l’état de
conscience entre J0 et J3 [3]. La localisation médiane,
para-médiane ou latérale ne semble pas influencer la conscience mais favorise la survenue de l’hydrocéphalie surtout
pour les localisations médianes et para-médianes dans 75 %
des cas [13].
Pour l’hydrocéphalie, sa présence a J0 ou son développement entre J0 et J3 influence de façon significative l’aggravation de la conscience [3], son incidence étant nettement
augmentée dans les hématomes volumineux avec un diamètre excédant à 3,5 cm.
D’autres facteurs sont, néanmoins à prendre en considération dans la genèse d’une hydrocéphalie, notamment la
présence du sang dans les espaces liquidiens, soit par effraction dans le IVe ventricule, soit par irruption dans les
espaces sous arachnoïdiens recouvrant le cervelet. L’extension de l’hémorragie au tronc cérébral constitue un autre
élément d’évolution rapidement défavorable.
En définitive, la taille de l’hématome, la compression de la
citerne quadrigéminale, l’hydrocéphalie, l’état de conscience et les réflexes du tronc sont les signes radiologiques
et cliniques qui dictent la conduite thérapeutique. L’arbre
décisionnel peut être le suivante :
1) Sujet conscient, taille de l’hématome inférieur à
3,5 cm : surveillance clinique et radiologique.
2) Sujet inconscient, taille de l’hématome inférieur à
3,5 cm avec hydrocéphalie : drainage liquidien premier, si
aggravation abord chirurgical direct.
L’hématome du cervelet, constitue une urgence diagnostique et thérapeutique car elle met en péril la vie du patient
dans l’immédiat et l’expose à des séquelles fonctionnelles à
long terme. La taille de l’hématome et les signes cliques et
radiologiques de compression du tronc cérébral constituent
les éléments pronostiques du schéma thérapeutique qui
reste un sujet de discussion variant d’un interventionnisme
prônant l’évacuation précoce et systématique de l’hématome à un conservatisme limité au drainage d’une hydrocéphalie ■
Références
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