42 Éducation thérapeutique
B
.
Sandrin-B
e
rthon
Médecin de santé
publique
,
C
omité régional
d
'
éducation
pour
la
san
t
é
(C
RE
S)
L
angu
e
doc-
R
oussillon
,
H
ôpital
L
a
Colombière
,
Montpellier.
Prés
id
ent
e
d
e
la
Commission maladies
chroniques et incapacités au sein
du Haut Conseil de
la
santé publique.
Éduqu
e
r
l
e
s
patient
s
?
Que
lle
drôl
e
d'idée!
Plan
pour
l
'amélior
a
tion
de la
qualité
de vie des
pe
r
sonnes
atteint
es
d
e
m
a
l
a
di
e
ch
r
onique,
r
eco
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Haut
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-
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ode
,
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n
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l
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n
s
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ordre
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l
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n
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pe
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s
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Correspondance:
Bri
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Comité
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l
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34
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M
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© 2008 -
El
sev
ier
M
as
son SAS
-
T
o
us
d
roits
r
é
se
rvés
.
Patient et
soignant:
qui éduque
l'autre?
Des
témoignages
de
soignants
En
évoquant
leur
travail
auprès de
patients atteints de maladie chronique
ou de handicap, les professionnels de
santé témoignent souvent de ce
qu
'
il
s
appre
n
nent au contact de ces person-
nes
,
en particulier quand
il
s
enrichissent
leur démarche de
so
i
ns
d
'
une dimension
éducative.
Par
e
x
emp
l
e
,
à
propos de son
tra
v
ail
aux
côtés
de
familles confrontées à
la naissance
d
'
un enfant gravement
malade ou
handicapé
,
une infirmière
i
mpliquée dans un programme spécifi-
que
d
'
intervention
é
crit:
«
Aujourd
'
hui
,
je me
sou
v
iens encore de ne pas
a
v
o
i
r
eu conscience de ce que
j'
a
ll
ais décou-
v
rir.
J
e
m
e suis
imm
i
scée dans une
a
v
enture sans
sa
v
oir que je ne serais
plus
jama
i
s
l
a
même après cette
e
x
pé-
rience
d
'
apprent
i
ssage
,
ni
comme
personne ni comme
inf
i
rmière.
J
e
me
suis alors
i
nscrite dans ce que
j
'appelle
maintenant un
appre
n
t
i
ssage perpétuel
des
e
x
pér
i
ences
familia
l
es uniques et
prop
r
es à chacune
d
'
elles
.
J
'
a
i
a
l
ors
compris
que
seu
l
s leurs
h
i
sto
ir
es et
le
u
rs bagages
pouva
i
ent
m
'
aider
à
les
a
i
der. " [1].
Dans un
tout
au
t
re
doma
i
ne
,
la
parti-
cipa
ti
on de quelques patients atteints
d
'
artérite
des membres
inférieurs à
l
'
é
l
aboration
d
'
un programme
d
'
édu
-
cation
t
hérapeutique
a
modif
i
é
la repré-
sentation que les soignants avaient de
ce type de
ma
l
ades
:
ils
l
es décrivaient
i
nit
i
alement
comme des
tabagiques
i
nvétérés
,
peu
comp
l
iants
,
individua
-
l
istes et
fat
a
l
istes
,
sa
ns
moti
v
ation pour
arrêter de fumer ou marcher
réguliè
-
rement.
En
les
rencontrant
e
t en
l
e
s
écoutant dans un cadre inhabituel
,
ils
les ont peu
à
peu considérés comme
des partenaires
à
part
ent
i
ère
.
L
es soi-
gnants ont
per
ç
u
le
ca
l
age entre les
critères
médicau
x
d
'
éva
l
uation de la
maladie et
la
perception par le patient
de sa qualité de
v
ie.
Ils ont
reco
n
nu
leu
r
besoin
d
'
être écoutés et
d
'
être accom-
pagnés. Ils ont perçu
l
'
écart entre les
e
x
pl
i
cations
qu
'
ils
pensent délivrer
au
x patients et ce que
le
s patients en
retiennent
,
par
e
x
emp
l
e
à
propos de
la
ch
i
rurgi
e
ou du suivi à
l
ong
terme
.
Il
s
ont
décou
v
ert que les personnes
attein
-
tes de cette même maladie
trou
v
aient
de
l
'
intérêt à se réunir pour échanger
entre elles
[2]
.
La question posée dans le titre de cet
art
i
cle
,
aussi
provocatr
i
ce
qu
'
e
ll
e
puisse
apparaître en première
l
ecture, mérite
donc d'être approfondie.
L'éclairage philosophique
L
a
p
l
upart des équipes qui
prat
i
quent
l
'
éducat
i
o
n
t
hérapeutique affichent
pour
ambi
t
ion
d'accroî
t
re
l
'
au
tonom
i
e
des patients
.
Or
,
sur
le
plan
ph
i
losophi
-
que
,
le
concept
d
'
autonom
i
e
s
'
enrac
i
ne
da
n
s
ce
l
ui
de réciprocité.
«
La
relat
i
on
humaine
fondamentale
,
écr
i
t
Jean
-
F
rançois
Ma
l
herbe, est
ce
ll
e
de
l
'
accou-
chement mutuel. Un enfant ne
de
v
ient
lui-même
qu'a
v
ec
l
'
aide de
s
on
pèr
e
et de sa
mère
.
U
ne femme ne devient
mère
qu
'
a
v
ec
l
'
a
i
de
d
'
un homme et
l
a
présence
d
'
un
enfant
.
Un homme
ne
de
v
ient
p
è
re
qu
'
a
v
e
c
l
'
aide
d
'
une
d
ec
in
e
des
m
a
l
a
di
es
M
é
taboli
q
u
es
-
Octo
br
e
2008 -
V
o
l.
2
-
W5
-
P
52
0
-523
Pa
t
ien
t et
so
i
gnant
:
qui
éduque l'autre?
I
43
femme et
la
présence
d
'
un enfant. Plus
généralement
,
nous ne devenons nous-
mêmes
qu
'
à partir de la
convocation
d
'
autrui et de son
appui
.
L
'
être humain
est
essentiellement
maïeutique,
tour
à
tour obstétricien
et
accouché
.
[
...
]
Nous sommes
toujours
insérés dans
une structure de
réciprocité
.
C'est sans
doute
le
fait humain le plus
fonda-
mental.
»
[3]
.
À
partir de ce principe de
réciprocité
,
l'auteur formule ainsi
l
'
im-
pératif éthique
fondamental:
" Agis en
toutes circonstances de façon
à
culti-
v
e
r
l
'
autonomie
d
'
autrui et la tienne se
développera par surcroît. " Si, par son
action éducative,
le
soignant parvient
à promouvoir l'autonomie
de la per-
sonne malade, sa
rencontre
avec le
patient
lui
permettra
de
progresser
lui-même sur
le
chemin
de
l'autono-
mie
.
L'éducation
se
fera bien dans
les deux sens.
Quel modèle de relation thérapeutique
est compatible avec
la
quête d'autono-
mie?
En
1956
,
des sociologues améri-
cains,
T
.
S.
Szasz et
M.H
.
Hollender
[4]
,
présentaient
la
«
participation
mutuelle
"
comme un modèle de relation médecin-
malade
particulièrement
adapté aux
s
ituations dans lesquelles
le
patient doit
prendre en charge lui-même son traite-
ment et l'adapter aux différents événe-
ments de sa vie
quotidienne
.
Ils
regret-
taient toutefois que ce type de relation
soit
" essentiellement étranger
à
la
méde-
cine -. notamment
parce
que chacun est
prisonnier de son rôle
social
:
celui de
médecin ou celui de patient. Que nous
le
regrettions ou non, en tant que méde-
cins
,
nous avons été formés à savoir pour
a
ut
ru
i
et
l
e patient qui
fa
it
appe
l
à
nous
attend que nous lui disions ce qui est
bon pour lui. Cela conduit
à
une relation
paternaliste du
type
" direction-coopéra-
tion
"
qui ne favorise pas l'autonomie:
le
médecin est dans une situation
d
'
auto-
rité vis-à-vis de son patient et celui-ci
l
'
admet
volontiers
,
voire
le
revendique
:
«
Docteur,
c
'
est vous qui
savez
.
»
.
La
«
participation
mutuelle"
est
à
rap-
procher du " modèle synergique
»
décrit
par Jean-François
Malherbe
,
le
théra-
peute et
la
personne qu'il soigne repré-
sentent
" deux volontés de santé qui
conjuguent leurs efforts spécifiques en
vue
d
'
atteindre un objectif commun ".
Selon
l
'
auteur
,
seul ce modèle permet
au
x deux interlocuteurs de progresser
sur
le
chemin de
l
'
autonomie
[3]
.
Ce
partenariat entre le soignant et
le
soi-
gné questionne profondément
l
'
identité
même du
médecin
.
Cela peut être très
déstabilisant et donc provoquer de gran-
des résistances. Je ne suis
plus
" celui
qui sait pour l'autre
»,
je
suis
" celui qui
doit découvrir avec l'autre ce qui est
le
mieux pour
lui
»
..
.
sans renier mon
sa
v
oir
médical évidemment.
Cela suppose un changement de rap-
port au savoir
scientifique:
il
s
'
agit de
passer de la transmission d'un savoir
(du médecin au patient ou du maître au
disciple
,
dans le cadre
d
'
une relation
binaire)
à
la
médiation
[5].
Dans
le
cadre
d
'
une relation
triangulaire
,
le médecin
va servir de médiateur entre le savoir
savant et
le
patient
,
lui
aussi détenteur
d
'
un savoir que l'on pourrait qualifier
de profane (pas toujours) et
d
'
intime
.
Il
va aider
le
patient
à
s
'
approprier les
éléments du savoir scientifique qui lui
seront utiles. Cette médiation est au
cœur de la démarche éducative. Mon
objectif
n
'
est pas de rendre
le
patient
plus
savant
,
mais de
l
'
aider
à
utiliser
le
savoir savant que je
possède
.
Ce savoir
savant
n
'
a d
'
intérêt pour
le
patient que
s'il peut
lui
donner du sens par rapport
à
son histoire personnelle: les connais-
sances médicales résultent
d'études
statistiques
et
celles-ci n'ont
aucun
sens à
l
'
échelle
d
'
un individu particu-
lier
.
Si
le
médecin
s
'
assimile au savoir
qu'il détient,
il
n
'
y
a
plus
d
'
espace de
négociation avec
le
patient.
Or
,
actuellement encore
,
la formation
initiale des médecins les prépare mieux
à
p
r
endre en
cha
r
ge
le
s
patholog
i
es
aiguës qu'à accompagner les person-
nes atteintes de maladie
chron
i
que
.
Tout
l
'
enseignement est fondé sur
le
résultat
d
'
études randomisées, dans lesquel-
les
il
faut
à
tout prix éliminer les
biais
,
la
subjectivité
,
autrement dit
le
facteur
humain. Le médecin
,
au cours de sa
formation, n'apprend pas
à
être un thé-
rapeute (encore moins un éducateur).
II
est
s
y
mptomatique
d'obser
v
er que la
plupart des médecins ne
s
'
incluent pas
dans
la
communauté des
soignants
,
réser
v
ant ce terme aux professionnels
paramédicau
x.
Le partenariat ou
la
participation mutuelle
ne masquent pas que
la
relation thé-
Médecin
e
de
s
m
a
l
a
di
es
Métaboliqu
es - Octobre 2008 - Vol.
2
-
N
°
5
- P
520-523
.1-
'
rapeutique est une relation asymétri-
que (notamment parce que
le
patient
demande de l'aide et que le profession-
nel de santé est
r
é
munéré pour
la
lui
apporter). Mais
c
'
est une relation d'équi-
valence morale qui se
tradu
i
t notamment
par
la
réciprocité des
apprentissages
.
Le
médecin apprend de ses patients
tout
autant que
le
patient apprend de son
médecin.
Un essai de
modélisation
Dans un effort de modélisation de la
réciprocité
éducative
,
J.M
.
Labelle décrit
corrélativement les activités du forma-
teur et celles de
l
'
apprenant qui
v
ont
permettre
à
l
'
un et à l'autre de
«
penser
en leur nom propre
-
.
autrement dit de
gagner en autonomie
[6].
C
.
Bolly et
V.
Grandjean
,
respectivement médecin et
infirmière
,
décrivent quant
à
elles une
démarche de soins éthique, centrée sur
le
récit du patient: leur approche narra-
tive vise
à
" créer une alliance entre le
savoir du soignant et
le
récit du patient
pour co-élaborer une suite
à
son his-
toire
,
une histoire qui ait du sens
»
[7].
En
situant
l'
é
ducation thérapeutique
à la
rencontre
du monde des soins
et
du monde de
l'éducation,
on peut
ten-
ter
de
conjuguer
ces deux
modèles:
il
s'agit
de décrire une démarche éduca-
tive intégrée aux soins
et promotrice
d'autonomie pour
le
patient
et
pour
le
soignant.
Reconnaissons
d
'
abord que
le
savoir
ne se transmet
pas
,
il
s
'
élabore.
«
Les
paroles que [le formateur]
prononce
,
les
mo
t
s
qu
'
i
l
écri
t,
l
es geste
s
qu
'
il
po
s
e,
ne sont que des signes
matér
i
els qui ne
contiennent qu'en puissance
la
science
à
acquérir
.
C
'
est à partir de ces signes
que, par une opération
active
,
celui qui
apprend produit cette
sc
i
ence
en
lui et
par lui-même.
[
.
..
].
Le savoir
n
'
est pas
un
objet mais une suite
d
'
opérations qui
combinent
I
'
expérientiel et
le
réflexif
.
"
[6].
Entre patients et
soignants
,
de quelle
nature sont les savoirs qui
s'élaborent
?
Si le
patient
et le
soignant s'éduquent
l'un
l'autre
,
quels sont leurs appren-
tissages respectifs?
On peut
tenter
de les décrire en même temps que l'on
décrit les activités de chaque partenaire
qui vont permettre leur production. La
44
Éducation thérapeutique
démarche
d
'
éducation
thér
a
peutique
semble s'inscrire
dans un
dialogue
en
trois temps
:
1.
Le soignant
inv
i
te le patient
à
s
'
expri-
mer et
l'écoute
de manière non
sélec-
tive. Le patient fait le récit de sa vie avec
la maladie,
dévoi
l
e ses
émotions,
ses
connaissances, ses
questionnements.
«
Par les termes
qu
'
,
il
choisit,
il
représente
et
transmet
son
expérience
,
il
propose
aux événements un ordre
cohérent
et
significatif,
il
donne forme
à
son
vécu
.
"
.
Le
soignant
cherche
à
comprendre
,
le
mieux possible,
le
point de vue du patient
et son
ressenti
.
II
s
'
applique
à
reconnaître
pour lui-même les émotions et les juge-
ments spontanés que
le
récit du patient
fait
naître en lui. Le savoir qui
s
'
échange
alors peut sans
doute
être
qualifié
de
savoir
d'humanité
.
2
.
Le soignant oriente le patient vers des
sources d'information
il
pourra trouver
des éléments de réponse
au
x questions
qu'il se
pose
.
Le patient cherche, tâtonne
et se
documente
.
II
arrive
qu
'
il
oriente
lui aussi le soignant vers de nouvelles
sources
d'information
.
Le savoir qui
s'ac-
quiert alors est un
savoir
scientifique
.
3
.
Le
patient utilise, expérimente
le
savoir qu'il a acquis. Le soignant valide
les
conditions
de
l'expérience
.
II
en
engrange les résultats forgeant ainsi, au
fil du temps et des patients
qu
'
il
rencon-
tre, sa propre expérience. Le savoir en
jeu est un
saeoír
d'expérience
.
C'est en parcourant ces différents niveaux
de
savoir
(savoir
d'humanité
,
savoir
scientifique, savoir
d
'
expérience) que le
soignant et
le
soigné s'éduquent en réci-
procité et gagnent en
autonomie
.
En éla-
borant progressivement des réponses
à
la
situation de crise provoquée par la mala-
die, en prenant des
déc
i
sions concertées,
ils créent ensemble un nouveau savoir,
de leur rencontre singulière.
Retour
à la
pratique
Une
démarche
d
'
éducation thérapeu-
tique dont
la
finalité
est de
promou-
voir l'autonomie
repose
sur plusieurs
convictions qu'il vaut mieux rendre
exp
l
icites:
Le patient et ses proches d'une part, les
professionnels de santé d'autre part, dis-
posent de compétences spécifiques
;
Le,SJJ,oint
ft~sent
i
els
~
Les professionnels de santé témoignent souvent de ce qu'ils apprennent au contact
des patients atteints de pathologie chronique, en particulier quand ils s'efforcent
d'accroître l'autonomie des personnes
malades
.
à
travers une démarche d'éducation
thérapeutique.
Or,
sur le plan philosophique,
le
concept d'autonomie s'enracine dans
celui de réciprocité. Si, par son action éducative, le soignant parvient
à
promouvoir
l'autonomie de la personne malade, sa rencontre avec le patient lui permettra donc
de progresser lui-même sur le chemin de l'autonomie.
L
'
éducation se fera bien dans
,
les deux sens.
Cela suppose un changement de rapport au savoir scientifique: si le médecin
s'as
-
simile au savoir qu'il détient,
il
n'y a plus
d
'
espace de négociation avec le patient.
C'est en parcourant dìfférents niveaux de savoir (savoir d'humanité, savoir scientifique,
savoir d'expérience) que le soignant et le soigné s'éduquent en réciprocité et gagnent
en autonomie. En élaborant progressivement des réponses
à
la
s
i
tuation de crise pro-
voquée par
la
maladie, en prenant des décisions concertées, ils créent ensemble un
nouveau savoir, de leur rencontre singulière.
Pour mettre en œuvre une démarche d'éducation thérapeutique auprès des patients,
les soignants doivent aménager des moments de
"
bilan éducatif partagé» au cours
desquels il s'agit toujours d'évaluer ensemble (la situation du patient,
l
'
atteinte des
objectifs, le bien fondé d'une décfsion antérieure ...
l
et de convenir (de priorités,
d
'
ob-
jectifs, de la participation
à
un atelier collectif, d'un changement de traitement,
d
'
un
plan d'action ...
l.
a
; ....
1
c:
L'expertise
des uns et des autres et
leur collaboration sont nécessaires pour
construire
des
solutions
adaptées
à
la
situation particulière du
patient
;
Chaque professionnel reconnaît que
ses
avis
,
ses manières de réagir et
d'in-
tervenir auprès des patients ne sont pas
le
fruit
de sa seule formation
médica
l
e
,
mais
également forgés
pas son
his-
toire
personnelle
,
ses
émotions
et ses
va
l
eurs
.
Par
ailleurs
,
accompagner un patient dans
une démarche
d
'
éducation
thérapeut
i
que
nécessite
,
me
semble-t-il,
d
'
aménager
des moments de bilan partagé au cours
desquels
il
s
'
agit
toujours:
d
'
évaluer ensemble
(
l
a
situation
du
patient
,
l'atteinte
des
objectifs
,
le bien
fondé
d
'
une décision antérieure
..
.
)
;
et de
convenir
(de
pr
i
orités,
d'objec-
tifs, de la participation
à
un
ate
l
ier collec-
tif, d'un changement de traitement, d'un
plan
d'action
.
..
)
.
Un premier entretien permet au soignant
d'expliquer
ses intentions
éducat
i
ves et
la démarche proposée,
d
'
être
à
l
'
écoute
du patient dans sa complexité et sa sin-
gularité,
d
'
évaluer avec lui sa situation
(dans toutes ses
dimensions:
médicale
,
psychologique,
famil
i
ale
,
professionnelle
,
sociale
..
.
),
puis de convenir avec
lu
i
de
priorités et
d
'
un plan
d'act
i
on
.
Dans les entretiens
suivants
,
il
s'agira
toujours de
confronter
les
préoccupa-
tions du patient et celles du
so
i
gnant,
d
'
analyser le
chem
i
n
parcouru
depu
i
s
la
précédente rencontre et,
à
nouveau
,
de
convenir
d
'
un plan d'action.
Ces
"bilans éducatifs
partagés
"
concrétisent la collaboration et l'alliance
entre le
profess
i
onnel et le patient. Ils
constituent
aussi un cadre qui garantit
la
réciprocité
de
l'éducation.
Chacun
- soignant ou malade -
construit
,
dans
son échange avec
l'autre,
sa
propre
expérience et progresse sur le chemin
de
l
'
autonomie. Ces moments privilégiés
d
'
échanges devraient rythmer le suivi
à
long terme des personnes atteintes de
maladie
chron
i
que
.
Le terme de
«
bilan
éducatif
partagé"
me paraît préférable à
ce
l
ui
de
«
diagnostic
éducatif
", si sou-
vent utilisé dans le domaine de l'éduca-
tion thérapeutique du patient.
D
'
une part,
dans le monde du soin, le diagnostic ren-
vo
i
e
,
qu
'
on
le
veuille ou non, au
diagnos
-
tic établi par la seule équipe
médicale:
c'est
le
point de vue que le professionnel
porte sur
l
'
état de santé du
pat
i
ent. Le
risque est donc que les soignants posent
M
é
decine
de
s maladies
Métabolique
s -
Octobr
e 2008 - Vol. 2 -
W
5
-
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520-523
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et
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on
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'
ils posent et
é
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un
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i
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médical
,
puis
qu
'
ils
pres-
crivent au patient les compétences
qu
'
il
d
e
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ou
l
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l
devra adopter de
l
a
même façon
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complémentaires
.
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'
autre part,
et notamment quand
il
s'ag
i
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r
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l
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l
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v
ent établi une fois
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r
toutes. Quand
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cha-soc
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l
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de
l
a
santé
,
donc
l
a
recon-
naissance
d
'
une dynamique permanente
chez
l
e
pat
i
ent. Le terme de
d
i
agnostic
éducatif ne
fac
ili
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l
'
appropr
i
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le
s
sa
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démarc
h
e
éducative
,
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'
il
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'
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pture
a
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la
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habitue
ll
e
de
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l
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r
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d
'
établir un bilan
éducat
i
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partagé
,
l
'
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il
i
sat
i
on d'un guide
d
'
entret
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en
cons
t
itué de quelques ques-
tions
ou
v
ertes permet
au
x soignants de
s
'
ent
r
aîner
à
pratiquer une écoute non
sélecti
v
e
.
Il
s apprennent
a
i
nsi
à
changer
de posture.
II
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i
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d
'
i
ncu
l
quer au patient de
nou
v
elles
compétences
,
n
i
de
l
e
rééduquer en
fonction
de normes
arbitraires
,
mai
s
de
l
'aider
,
par
l
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b
i
ais de la
re
l
ation
,
à
retrou
v
er ses capacités et
à
s
'
équi
l
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dans
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Référence
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Bouchard
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Apprendre
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