COMBATTRE LE FRONT NATIONAL Contribution de Jean-Paul ALDUY, ancien Sénateur-Maire de Perpignan, Président régional PR du Languedoc-Roussillon Aussi bien les élections municipales que départementales ont démontré que le vote « Front National » n’est plus un vote de refus ambigu, diaboliquement capté par Jean Marie Le Pen, mais un vote d’adhésion à la vision et au programme porté par ce parti dont la mise en œuvre, pourtant, conduirait notre pays dans une spirale infernale de décomposition économique, sociale et culturelle de la Nation française. Anatomie d'un succès Un environnement favorable Alors que la crise économique s'est durablement installée, entrainant la crise du modèle social français de plus en plus perçu comme injuste, que la crise urbaine et l’échec des politiques d’intégration se muent en crise identitaire sur fond d’islamophobie, les partis de gouvernement (qualifiés de « système UMPS ») apparaissent frappés d'impuissance, incapables de proposer une voie de sortie. Cette situation crédibilise l'idée que le FN est « l’autre solution, celle que l’on n’a pas encore essayé ». Bien évidemment, pour arriver à ce résultat, Marine Le Pen ne donne pas de solutions mais désigne le coupable : le « mondialisme » qui est une « vaste entreprise de destruction de notre Nation, de son économie, de son identité ». Une manipulation du langage Celle-ci se caractérise par une substitution des termes trop agressifs par d’autres expressions. C’est ainsi que la « priorité nationale » se substitue à la « préférence nationale » ou que le « communautarisme » se substitue à « immigrés » ou « Français de l’immigration ». Elle se caractérise aussi par le détournement des mots qui appartiennent au socle du patrimoine des partis républicains : égalité, mérite, patriotisme, laïcité, démocratie etc. Ainsi, le « patriotisme social » devient la légitimation du fameux « La France aux Français » de JeanMarie Le Pen. De même, la laïcité n’est plus la revendication d’un droit à la différence mais la barrière érigée contre l’invasion musulmane. Un brouillage des repères Affirmant que tous les désordres de la société (insécurité, chômage, perte de pouvoir d’achat, crise financière, immigration etc.) sont, d’une manière où d’une autre, liés à la mondialistion, le Front national substitue à l’opposition « GaucheDroite » celui des « mondialistes » contre les « nationalistes ». En conséquence, la logique du programme FN doit être un nationalisme total, économique, ethnique, social, culturel et même religieux s’opposant au mondialisme ; le combat politique dès lors se réduirait à l’affrontement entre le FN et « l’UMPS ». Un projet rassurant Comportant plusieurs centaines de propositions ou de mesures, le « Programme Politique du Front National » s'appuie sur un populisme « ramasse tout » qui masque, en raison de leur dispersion les marqueurs appartenant au patrimoine culturel du FN mais qui sont là pour rassurer ses militants. A titre d’exemple: « l’application ferme sur tout le territoire de la loi de 1905 de défense de la laïcité » côtoie la « mise en place d’un Ministère de l’intérieur, de l’immigration et de la laïcité » puis « l’assimilation (et non l’intégration !) via l’école notammentdoit redevenir la règle et le communautarisme banni » ; le « recrutement des agents publics par voie de concours anonymes » est complété par « l’ENA veillera à recruter des hauts fonctionnaires patriotes » ; ou encore « assurer l’application des peines de prison en supprimant les remises automatiques de peine »est complété par le « rétablissement de la peine de mort » dans le chapitre « Sécurité ». Toutefois, immigration zéro, préférence nationale , sortie de l’Euro et de l’Europe sont à l’évidence les trois piliers du projet frontiste ceux sur qui peut reposer tous les discours, tous les mythes, toutes les mesures phares. Methodologie d'une riposte Décrypter le programme Le décryptage du programme politique du FN reste un exercice nécessaire. Il s'agit par exemple de démontrer l’incohérence et les dangers des mesures économiques proposées alors même que le parti se cherche une crédibilité sur ce sujet. Il faut donc répondre point par point et dénoncer les dangers mortifères pour l’économie française de ses propositions. Faire une telle démonstration n'est pas le plus difficile à condition de ne pas la négliger ! Défendre nos valeurs La tâche urgente et incontournable, par contre, est de réinvestir le champ des valeurs républicaines à commencer par celles qui en sont le socle, à redonner aux mots qui les désignent toute la clarté et le rayonnement qu’ils ont perdus ces dernières années. Ainsi, il ne faut pas laisser le FN s’approprier le mot « patriotisme » défini par Romain Gary comme « l’amour des siens alors que le nationalisme c’est la haine des autres ! ». Cela nécessite également d'arrêter de brouiller le message avec les discours sur le patriotisme industriel et les slogans tels que « achetons français ! » qui renforcent le camp nationaliste. Le patriotisme doit être réconcilié avec le projet européen, notre plus belle utopie, qui reste indissociable du projet républicain que l’on porte. Le même raisonnement s'applique pour le mot « laïcité » que le FN utilise pour mettre des barrières à ce qu’il appelle l’invasion musulmane, destructrice de l’identité chrétienne de « la France, une et indivisible». Il faut sans cesse rappeler que c’est la laïcité comprise comme le respect et l’ouverture aux autres qui construit et protège le vivre ensemble et la fraternité. Affirmons que la République est une et indivisible mais que la France est plurielle ! Quant au déni de démocratie dont le FN est la victime avec seulement deux Députés il oblige les partis républicains à poser la question de l'introduction de la proportionnelle et à ouvrir le débat sur la Constitution de la V éme République. Plus globalement, pour gagner la bataille des idées il faut être force de proposition, certes, mais, dans le même temps, il ne faut rien laisser passer et rappeler tous les « dérapages » qui sont le produit direct de la culture FN. Proposer une nouvelle vision La dénonciation des dangers portés par le programme du FN et la bataille sur le champ des idées républicaines sont nécessaires mais insuffisantes. Pour gagner la guerre, il faut opposer une autre vision du monde à la dramaturgie mise en scène par le FN où la mondialisation des échanges est la machine infernale responsable de tous nos maux. Il est surtout impératif de proposer un autre rêve que le nationalisme aux relents xénophobes et racistes. L'exercice n'est pas simple tant le « chant des Sirènes » qui fait appel à la résistance, à la mémoire de la vraie France et à la mobilisation pour la renaissance nationale est agréable à entendre, particulièrement par les jeunes ! Et ce, alors que plus aucun homme ou femme politique du camp républicain ne produit le moindre rêve, ni le moindre enthousiasme. Notre seule alternative est proposer une vision et un projet qui se fondent sur le renforcement de la puissance politique, économique, monétaire, financière, militaire, culturelle de l’Europe, seule perspective à l’échelle des grands défis de la mondialisation des échanges. Le Parti Radical, humaniste et européen, exigeant sur la défense de la République et de ses valeurs fondatrices d’égalité, de démocratie, de laïcité et de patriotisme se voit donc aujourd’hui une nouvelle responsabilité historique, celle de construire la Force face au Front.