ACTUALITÉ DOSSIER EXPRESSION SYNDICAT SOCIÉTÉ ➔ Vous avez dit patriotisme économique ? Le patriotisme économique, un concept vieux de quelque 200 ans, a été remis au goût du jour par Dominique de Villepin lors de son appel à « rassembler toutes nos énergies autour d’un véritable patriotisme économique » lancé le 27 juillet 2005 à l’occasion de sa deuxième conférence de presse. Un concept à la mode… L e patriotisme économique ne se limite pas à une considération de l’entreprise en tant que telle – considération micro-économique – mais se comprend comme une pratique visant la protection d’industries nationales vitales à la robustesse à venir de notre économie, assortie d’une veille stratégique permanente sur les usages en cours en matière de fusion-acquisition dans les autres pays… pour mieux s’en défendre. La question que chacun est en droit de se poser est : pourquoi à l’heure où les économies sont de plus en plus entremêlées, où l’on parle de village mondial, remettre en avant un concept, voire un précepte, teinté de nationalisme ? Conserver les fleurons français n’est pas seulement une affaire de fierté nationale c’est avant tout une question d’emplois. En effet, si la protection de secteurs hautement stratégiques pour un État tels la défense, l’industrie du satellite, la cryptographie ou encore la santé va de soit, celle d’un géant du yaourt ou de la sidérurgie peut laisser coi. Un mouvement de fusion-acquisition s’est engagé ces derniers mois, à l’échelle du globe et les multinationales françaises n’ont pas été les dernières à lancer des Offres publiques d’achat (OPA) hostiles sur leurs concurrentes étrangères (PernodRicard s’est récemment offert le Britannique Allied Domecq pour 10,7 milliards d’euros, devenant ainsi le deuxième mondial des spiritueux ; GDF est devenu majoritaire dans le capital du belge SPE ; Saint-Gobain a lancé une OPA hostile 10 EM 131 - février 2006 sur le plâtrier britannique BPB pour 5,4 milliards d’euros…) sans que cela ne nous émeuve. On ne peut décemment pas mener une guerre – aussi économique soit-elle – sans attendre du belligérant qu’il ne riposte un jour ou l’autre et ne soit tenté de ravir à son adversaire ses positions stratégiques. Pour se prémunir de telles manœuvres, plutôt que de crier au loup, il serait plutôt temps de veiller au verrouillage du capital des entreprises du CAC 40, qui se caractérise par un actionnariat éparpillé, ce qui les expose clairement aux OPA hostiles. Pour autant, si la question de la nationalité des entreprises se (re)trouve posée aujourd’hui, c’est parce que conserver les fleurons français n’est pas seulement une affaire de fierté nationale c’est avant tout une question d’emplois. Il est intéressant de noter que la part des salariés français dans l’effectif total des multinationales tricolores est bien plus importante que la part du CA réalisé par ces groupes sur notre territoire, ce qui signifie que les centres de décision de ces entreprises, et les services fortement créateurs de valeur ajoutée comme le marketing ou la R&D restent implantés dans l’hexagone. Cela n’est pas neutre en termes d’emplois directs qualifiés, mais aussi en termes d’emplois induits chez les sous-traitants et en termes d’effets d’entraînement sur les centres de recherche et les universités… Faire du patriotisme économique serait donc le moyen de conserver sur son sol les centres de décisions économiques, la création de valeur ajoutée et l’emploi qui les accompagne mais aussi peut-être de pouvoir à plus long terme espérer peser sur les décisions économiques prises par ces firmes lorsque les menaces ■ de licenciement se font jour… [[email protected]]