Lepatriotisme économique ne se
limite pas à une considération de
l’entreprise en tant que telle – considé-
ration micro-économique – mais se com-
prend comme une pratique visant la pro-
tection d’industries nationales vitales à
la robustesse à venir de notre économie,
assortie d’une veille stratégique perma-
nente sur les usages en cours en matière
de fusion-acquisition dans les autres
pays… pour mieux s’en défendre.La
question que chacun est en droit de se
poser est : pourquoi à l’heure où les éco-
nomies sont de plus en plus entremê-
lées, où l’on parle de village mondial,
remettre en avant un concept, voire un
précepte, teinté de nationalisme?
sur le plâtrier britannique BPB pour 5,4
milliards d’euros…) sans que cela ne
nous émeuve. On ne peut décemment
pas mener une guerre – aussi économique
soit-elle – sans attendre du belligérant
qu’il ne riposte un jour ou l’autre et ne
soit tenté de ravir à son adversaire ses
positions stratégiques. Pour se prémunir
de telles manœuvres, plutôt que de crier
au loup, il serait plutôt temps de veiller
au verrouillage du capital des entrepri-
ses du CAC 40, qui se caractérise par un
actionnariat éparpillé, ce qui les expose
clairement aux OPA hostiles.
Pour autant, si la question de la nationa-
lité des entreprises se (re)trouve posée
aujourd’hui, c’est parce que conserver les
fleurons français n’est pas seulement une
affaire de fierté nationale c’est avant tout
une question d’emplois. Il est intéressant
de noter que la part des salariés français
dans l’effectif total des multinationales
tricolores est bien plus importante que la
partdu CA réalisé par ces groupes sur
notre territoire, ce qui signifie que les cen-
tres de décision de ces entreprises, et les
services fortement créateurs de valeur
ajoutée comme le marketing ou la R&D
restent implantés dans l’hexagone. Cela
n’est pas neutre en termes d’emplois
directs qualifiés, mais aussi en termes
d’emplois induits chez les sous-traitants et
en termes d’effets d’entraînement sur les
centres de recherche et les universités…
Faire du patriotisme économique serait
donc le moyen de conserver sur son sol
les centres de décisions économiques,
la création de valeur ajoutée et l’emploi
qui les accompagne mais aussi peut-être
de pouvoir à plus long terme espérer
peser sur les décisions économiques pri-
ses par ces firmes lorsque les menaces
de licenciement se font jour… ■
ACTUALITÉ DOSSIER EXPRESSION SYNDICAT SOCIÉTÉ
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10 EM 131 - février 2006
Vous avez dit patriotisme
économique?
Le patriotisme économique, un concept vieux de quelque 200 ans, a été remis au goût du jour par
Dominique de Villepin lors de son appel à «rassembler toutes nos énergies autour d’un véritable
patriotisme économique» lancé le 27 juillet 2005 à l’occasion de sa deuxième conférence de
presse. Un concept à la mode…
Conserver les fleurons français
n’est pas seulement une affaire
de fierté nationale c’est avant
tout une question d’emplois.
En effet, si la protection de secteurs hau-
tement stratégiques pour un État tels la
défense, l’industrie du satellite, la cryp-
tographie ou encore la santé va de soit,
celle d’un géant du yaourt ou de la sidé-
rurgie peut laisser coi. Un mouvement
de fusion-acquisition s’est engagé ces
derniers mois, à l’échelle du globe et les
multinationales françaises n’ont pas été
les dernières à lancer des Offres
publiques d’achat (OPA) hostiles sur
leurs concurrentes étrangères (Pernod-
Ricard s’est récemment offert le Britan-
nique Allied Domecq pour 10,7 milliards
d’euros, devenant ainsi le deuxième mon-
dial des spiritueux;GDF est devenu
majoritaire dans le capital du belge SPE;
Saint-Gobain a lancé une OPA hostile