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LES DOSSIERS DU GÉNÉRALISTE
1
BURGER/PHAMIE
Hospitalisé malgré lui
Hospitalisation et transport des patients sans leur consentement
Dr Eric Torres*, Dr Marie-Pierre Rudelin**, Nicolas Couessurel***
La loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des
personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions
d’hospitalisation a remplacé la loi du 30 juin 1838 qui organisait les
différents modes de placement des malades mentaux dans les
établissements psychiatriques. Ce texte, en application depuis près de neuf
ans, pose cependant encore de nombreux problèmes aux médecins amenés
à gérer ces situations dans le cadre de l’urgence. Nous faisons le point.
LAloi n° 90-527 du 27 juin
1990 est souvent vécue
comme très contraignante
par les intervenants de l’ur-
gence. Nous ne devons cependant
pas oublier que ces contraintes
sont le prix à payer pour mieux
garantir les droits des personnes
hospitalisées sans leur consente-
ment. Il s’agit de rendre pratique-
ment nul le risque d’internement
abusif. En ce qui concerne le
transport des patients, force est de
constater que la diversité profes-
sionnelle des intervenants
(sapeurs-pompiers, Samu, Smur,
forces de l’ordre, ambulanciers,
infirmiers...) nécessite une clarifi-
cation des rôles et des fonctions
de chacun afin qu’une collabora-
tion harmonieuse puisse s’organi-
ser pour garantir le caractère légal
de ces prises en charge.
Quoi de neuf 150 ans
plus tard?
Les principales améliorations
qu’apporte la loi du 27 juin 1990
par rapport au texte de 1838 sont
les suivantes.
• L’hospitalisation sur deman-
de d’un tiers remplace l’ancienne
notion de placement volontaire et
définit de façon plus détaillée
cette forme d’hospitalisation com-
me une mesure de soins obliga-
toires. La protection contre le
risque d’hospitalisation abusive est
renforcée par la nécessité de pro-
duire deux certificats médicaux
circonstanciés et concordants.
L’hospitalisation d’office
remplace l’ancienne notion de
placement d’office et limite égale-
ment le risque d’hospitalisation
abusive, en rendant obligatoire la
rédaction d’un certificat médical
circonstancié par un médecin
étranger à l’établissement d’ac-
cueil et en imposant à l’arrêté pré-
fectoral d’énoncer avec précision
les circonstances qui ont rendu
l’hospitalisation nécessaire.
L’hospitalisation
sur demande
d’un tiers
L’HOSPITALISATION sur demande
d’un tiers ne peut être envisa-
gée que si les deux conditions sui-
vantes sont réunies :
— le patient doit présenter des
troubles mentaux rendant im-
possible son consentement;
— son état doit imposer des
soins immédiats assortis d’une
surveillance constante en milieu
hospitalier (art. L 333 du code de
la santé publique).
La procédure
normale
Pour que l’admission soit vali-
de, la procédure normale exige
que trois documents soient pré-
sentés : une demande d’admis-
sion rédigée par le tiers et deux
certificats médicaux. Une lettre
cachetée destinée au médecin du
service d’accueil, mentionnant
d’éventuelles données médico-
psychiatriques complémentaires
n’apparaissant pas dans les certifi-
cats, constitue une pièce non obli-
gatoire, mais souvent très
appréciée.
Les deux certificats, obliga-
toires dans la procédure normale,
doivent être concordants et cir-
constanciés. Ils doivent mention-
ner la description du comporte-
ment et de l’état mental du
patient, ainsi que les symptômes
présentés, sans faire état du dia-
gnostic. Le médecin doit donc se
limiter à constater l’état mental de
la personne et à indiquer les par-
ticularités de sa maladie. Ces cer-
tificats ne peuvent être rédigés et
signés qu’après examen du pa-
tient. Ils doivent dater de moins
de quinze jours. Enfin, il ne doit
pas exister de liens de parenté
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HOSPITALISÉ MALGRÉ LUI
2
Modèle de certificat médical
d’hospitalisation
sur demande d’un tiers
Je soussigné (e) docteur [nom, prénom], exerçant en tant que […]
à […], certifie avoir examiné ce jour M. (ou Mme) [nom, prénom],né
(e) le […] […], demeurant à […], exerçant la profession de […],
et avoir constaté les éléments suivants : [description circonstanciée du
comportement et de l’état mental du patient].
Attestant l’impossibilité pour M. (ou Mme) [nom] de consentir à
son hospitalisation en raison des troubles mentaux actuels, et ayant
constaté que son état impose des soins immédiats assortis d’une
surveillance constante en milieu hospitalier, je conclus que les condi-
tions médicales prévues par l’article L 333 du code de la santé pu-
blique sont remplies pour l’hospitalisation de M. (ou Mme) [nom],
sans son consentement,sur demande d’un tiers, en établissement ha-
bilité (art. L 331, CSP), conformément aux dispositions de la loi
n° 90-527 du 27 juin 1990.
Fait à […], le […]
Signature.
[Ce certificat médical manuscrit doit être rédigé sur papier à en-tête,
la signature doit être accompagnée du tampon du médecin.]
ses fonctions
dans l’établisse-
ment d’accueil du
patient.
La demande
d’admission du
tiers constitue
une pièce obli-
gatoire qui doit
être manuscrite
et signée par la
personne qui la
formule. Elle ne
peut être rédigée
sans qu’une ren-
contre ait eu
lieu entre le pa-
tient et le tiers.
Cette demande
doit comporter
les noms, pré-
noms, âges,
adresses et pro-
fessions de la
personne signa-
taire et du pa-
tient. Elle doit
faire mention de
la nature des re-
lations et, s’il y a
lieu, du degré de
parenté entre le tiers et le pa-
tient. Elle doit être rédigée de
manière que la demande d’hos-
pitalisation soit clairement for-
mulée.
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3
Des mesures administratives visent à éviter les
internements abusifs.
La demande du tiers peut éma-
ner d’un membre de la famille du
patient, d’un ami, du tuteur ou
du curateur (dans ce cas un ex-
trait de jugement de mise sous tu-
telle ou curatelle est exigé), ou de
toute personne susceptible d’agir
dans l’intérêt du patient.
Dans le cas particulier où le
patient arrive seul aux urgences,
il faut joindre à la demande d’hos-
pitalisation sur demande d’un
tiers une copie de la carte d’iden-
tité du tiers et lui demander de
préciser son adresse profession-
nelle dans sa lettre. La seule res-
triction existant dans le choix du
(jusqu’au quatrième degré inclus)
ou d’alliance entre les médecins
signataires, ni entre ces médecins
et le patient, ni entre le médecin
et la tierce personne demandant
l’admission et le directeur de
l’établissement d’accueil.
Le premier certificat doit être
impérativement établi par un
docteur en médecine n’exerçant
pas dans l’établissement d’accueil
du patient. Il ne doit donc exister
aucun lien juridique formel entre
ce praticien et l’établissement en
question. Ce médecin peut être li-
béral ou hospitalier (rattaché à
un établissement autre que celui
d’accueil), généraliste ou spécia-
liste, psychiatre ou non.
Le second certificat doit être
établi par un docteur en médeci-
ne, libéral ou hospitalier, généra-
liste ou spécialiste, psychiatre ou
non, ce praticien pouvant exercer
tiers concerne les personnes fai-
sant partie du personnel soignant
de l’établissement psychiatrique
d’accueil. Précisons que l’assis-
tante sociale de l’établissement
psychiatrique d’accueil n’est pas
concernée par cette restriction,
car elle fait partie, au sens juri-
dique du terme, de l’équipe pluri-
disciplinaire de prise en charge et
non de l’équipe soignante. Si un
salarié de l’hôpital accepte de
jouer le rôle de tiers, cette dé-
marche doit rester personnelle et
indépendante de tout lien de su-
bordination vis-à-vis du médecin
de garde ou du directeur de l’éta-
blissement.
La procédure d’urgence
La procédure dite « hospitali-
sation sur demande d’un tiers
Modèle de lettre
de demande
d’admission du
tiers
Je soussigné (e) [nom, pré-
nom], né (e) le […] […],exer-
çant la profession de […],de-
meurant à […], demande en ma
qualité de [lien de parenté ou na-
ture des relations avec le patient],
conformément à la loi du 27 juin
1990 (ou de l’art. L 333 du code
de la santé publique) et aux
conclusions du (ou des) certifi-
cat (s) médical (aux) ci-joint (s)
l’admission de M. (ou Mme)
[nom, prénom], âgé (e) de […],
exerçant la profession de […],et
demeurant à […],
à l’hôpital de […].
Fait à […], le […]
Signature.
[Cette lettre manuscrite doit
être rédigée sur papier libre.]
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d’urgence » constitue une mesure
exceptionnelle qui ne s’applique
que dans le cas où un péril immi-
nent menace la santé du patient
(article L 333-2 du code de la san-
té publique). Dans ce cas (et seu-
lement dans ce cas), l’hospitalisa-
tion peut être réalisée sans
disposer du premier certificat
médical. La demande du tiers
reste cependant obligatoire.
Cet unique certificat médical
peut être établi par tout docteur
en médecine, même si celui-ci
exerce ses fonctions au sein de
l’établissement d’accueil du
patient. Il ne doit pas exister de
liens de parenté (jusqu’au qua-
trième degré inclus) ou d’alliance
entre le médecin signataire et le
patient, la tierce personne de-
mandant l’admission et le direc-
teur de l’établissement d’accueil.
Ce certificat s’apparente donc au
second certificat de la procédure
d’hospitalisation sur demande
d’un tiers normale. Il s’en
distingue néanmoins par la
notion de péril imminent qu’il se
doit de faire apparaître en la justi-
fiant de manière circonstanciée et
cohérente.
Les cas particuliers
Lorsque la conduite du pa-
tient compromet la sûreté des per-
sonnes ou l’ordre public, l’hospi-
talisation sur demande d’un tiers
n’est pas indiquée et c’est l’hospi-
talisation d’office qui s’impose
[voir plus loin].
Lorsque le patient est mineur
(majorité légale de 18 ans à ne pas
confondre avec la majorité admi-
nistrative de 15 ans et
3 mois), la procédure d’hospitali-
sation sur demande d’un tiers ne se
justifie pas. Dans cette situation,
c’est à la personne titulaire de l’au-
torité parentale, ou susceptible de
la remplacer, aux termes de la loi,
qu’il appartient de faire hospitali-
ser le mineur en cas de nécessité.
• Lorsque l’état de santé du pa-
tient justifie l’hospitalisation, mais
que le patient oppose un refus dis-
cutable de par la nature de ses
troubles et que, de plus, tous les
tiers concernés y sont opposés,
l’hospitalisation sur demande d’un
tiers n’est pas indiquée car la pro-
cédure serait inopérante à très
court terme en raison des disposi-
tions légales concernant la procé-
dure de cessation de l’hospitalisa-
tion sur demande d’un tiers
(art. L 339 du code de la santé
publique).
« Pas d'abus! »
Un certain nombre de mesures
administratives de sécurité sont
prévues pour éviter les interne-
ments abusifs et pour autoriser la
cessation de l’hospitalisation sur
demande d’un tiers.
Vérification des identités du
patient et du demandeur. C’est la
personne responsable de l’admis-
sion qui doit vérifier la validité
des pièces d’identité du patient et
du demandeur, ainsi que leur de-
gré de parenté. On ne peut exiger
une véritable enquête préalable à
l’admission, mais la prudence est
de mise. Des vérifications ulté-
rieures seront parfois nécessaires
en cas de doute.
Certificat des 24 heures.
Pour maintenir la validité de la
procédure d’hospitalisation sur
demande d’un tiers, un nouveau
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HOSPITALISÉ MALGRÉ LUI
4
Modèle de certificat médical
d’hospitalisation
sur demande d’un tiers
(procédure d’urgence)
Je soussigné (e) docteur [nom, prénom], exerçant en tant que […]
à […], certifie avoir examiné ce jour M. (ou Mme) [nom, prénom],né
(e) le […] […], demeurant à […], exerçant la profession de […],
et avoir constaté les éléments suivants : [description circonstanciée du
comportement et de l’état mental du patient].
Attestant l’impossibilité pour M. (ou Mme) [nom] de consentir à
son hospitalisation en raison des troubles mentaux actuels et ayant
constaté que son état impose des soins immédiats assortis d’une
surveillance constante en milieu hospitalier, je conclus que les condi-
tions médicales prévues par l’article L 333 du code de la santé pu-
blique sont remplies pour l’hospitalisation de M. (ou Mme) [nom],
sans son consentement, sur demande d’un tiers, en établissement
habilité (art. L 331 CSP), conformément aux dispositions de la loi
n° 90-527 du 27 juin 1990.
De plus, en raison d’un péril imminent pour la santé de ce patient,
je précise que, à titre exceptionnel, les modalités de l’article L 333-
2 CSP s’appliquent.
Fait à […], le […]
Signature.
[Ce certificat médical manuscrit doit être rédigé sur papier à en-tête,
la signature doit être accompagnée du tampon du médecin.]
certificat doit être produit par un
autre médecin de l’établissement
d’accueil. Ce certificat doit être re-
nouvelé tous les quatorze jours.
Recours possibles. Le pa-
tient est laissé libre d’écrire, sans
aucune contrainte, au procureur
de la République ou au maire de
la commune. Par ailleurs, le tiers
ayant demandé l’hospitalisation
conserve la possibilité de faire
lever la procédure d’hospitalisa-
tion sur demande d’un tiers, de
même que le conjoint de la per-
sonne hospitalisée, son curateur
et ses ascendants majeurs (sauf
opposition familiale).
Hospitalisation
d’office
L’HOSPITALISATION d’office est in-
diquée pour des individus
dont les troubles mentaux com-
promettent l’ordre public ou la
sûreté des personnes. Le choix de
cette modalité de placement peut
être médical, mais peut aussi être
le fait des autorités civiles ou mi-
litaires (gendarmerie) respon-
sables de l’ordre public, lorsqu’il
existe une notion de danger im-
minent pour la sûreté des per-
sonnes. Contrairement à l’hospi-
talisation sur demande d’un tiers,
l’hospitalisation d’office est pos-
sible pour les mineurs, mais cette
mesure ne s’applique, en pratique,
que dans des circonstances tout à
fait exceptionnelles.
La procédure
normale
L’hospitalisation d’office est
prononcée par arrêté préfectoral
(préfet de police à Paris). En rai-
son de leurs compétences en ma-
tière de mesures provisoires (loi
du 7 janvier 1993, art. L 183-1 du
code des communes), les maires
(les commissaires de police à
Paris) sont également habilités à
prononcer les arrêtés d’hospitali-
sation d’office. Dans tous les cas,
ces arrêtés sont pris au vu d’un
certificat médical circonstancié.
Le certificat médical doit être
impérativement établi par un doc-
teur en médecine n’exerçant pas
dans l’établissement d’accueil du
patient. Il ne doit donc exister au-
cun lien juridique formel entre ce
praticien et l’établissement en
question. Ce médecin peut être li-
béral ou hospitalier (rattaché à un
établissement autre que celui
d’accueil), généraliste ou spécia-
liste, psychiatre ou non. Le certi-
ficat médical circonstancié, obli-
gatoire dans la procédure
normale, doit mentionner la des-
cription du comportement et de
l’état mental du patient. Il peut
être rédigé sans examen clinique
direct du patient lorsque la dange-
rosité de celui-ci rend cet examen
impossible ou hasardeux. Le cer-
tificat doit spécifier qu’il existe un
péril imminent pour la personne
examinée ou pour les personnes
environnantes. En cas d’urgence,
ce document doit être adressé
sans tarder à l’organisme compé-
tent pour permettre la délivrance
de l’arrêté préfectoral (par téléco-
pie si besoin).
Contrairement au certificat
d’hospitalisation sur demande
d’un tiers (valable quinze jours),
la loi ne précise pas de date de pé-
remption pour le certificat médi-
cal d’hospitalisation d’office. En
cas de non-exécution dans un dé-
lai de quarante-huit heures, l’arrê-
té devient caduc et un nouvel ar-
rêté devient nécessaire si le
danger persiste. L’article L 343 du
code de santé publique précise,
par ailleurs, qu’en l’absence de dé-
cision préfectorale, les mesures
d’hospitalisation d’office provi-
soires prises par les maires, en cas
de danger imminent, sont ca-
duques au terme d’une durée de
quarante-huit heures.
L’arrêté préfectoral (ou munici-
pal) est fourni par la préfecture, la
mairie (maire ou adjoint ayant dé-
légation en la matière), ou par les
services administratifs de la Ddass.
Il peut être adressé par télécopie et
doit énoncer avec précision les cir-
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HOSPITALISÉ MALGRÉ LUI
5
Références
réglementaires
pour le transport
des patients
Loi n° 86-11 du 6 janvier
1986 relative à l’aide médi-
cale urgente et aux trans-
ports sanitaires.
Décret n° 87-1005 du 16
décembre 1987 relatif aux
missions et à l’organisation
des unités participant au
service d’aide médicale
urgente appelées Samu.
Références
réglementaires
pour
l’hospitalisation
sur demande
d’un tiers
Art. L 333 à L 335, art.
L 337, L 341, L 332-4 du co-
de de la santé publique.
Loi n° 90-527 du 27 juin
1990 relative aux droits et à
la protection des personnes
hospitalisées en raison de
troubles mentaux et à leurs
conditions d’hospitalisation.
Art. L 356 du code de la san-
té publique relatif à l’exerci-
ce de la profession de méde-
cin (diplôme, nationalité,
inscription à un tableau de
l’ordre des médecins).
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