Le modèle économique et social français doit s`adapter pour durer

Le modèle économique et social
français doit s’adapter pour durer
Avril 2012
Arnaud Chéron
Professeur des Universités,
Directeur de recherche, EDHEC Business School
Stéphane Gregoir
Directeur, pôle de recherche en Economie, EDHEC Business School
Directeur de la recherche, EDHEC Business School
EDHEC BUSINESS SCHOOL
PÔLE DE RECHERCHE EN ÉCONOMIE,
ÉVALUATION DES POLITIQUES
PUBLIQUES ET RÉFORME DE L'ÉTAT
393-400 promenade des Anglais
06202 Nice Cedex 3
Tél. : +33 (0)4 93 18 32 53
Fax : +33 (0)4 93 18 78 40
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Force est de constater que l’analyse des
défis auxquels notre modèle économique
et social au sens large est confronté a
été absente du débat politique jusqu’à
présent. Elle n’a donc pu être à l’origine
de proposition de réformes susceptibles de
contribuer à son adaptation compte tenu
de la situation des finances publiques et de
l’évolution de l’environnement économique
de la France. Les débats économiques
ont porté sur des mesures fiscales et des
réductions ou nouvelles dépenses publiques
en laissant implicite la perspective d’un
retour à la situation d’antan. Enfin, les
efforts financiers envisagés ont été minorés
en faisant le pari d’un retour à des niveaux
de croissance que l’économie française n’a
pas connus depuis de nombreuses années.
Cependant, si un retour à l’équilibre
budgétaire est visé à l’horizon du
quinquennat à venir, il s’agit de générer par
rapport à la situation actuelle plus de 400
milliards d’euro de réduction de dépenses
ou d’augmentation d’impôts cumulés sur la
durée du mandat. Le niveau d’endettement
de la France atteint sera alors voisin de
80% du PIB et des efforts supplémentaires
seront nécessaires pour le réduire aux
60% envisagés dans le cadre du traité de
Maastricht et réaffirmés dans l’accord de
Bruxelles de décembre 2011. Une adaptation
de notre modèle économique et social est
implicitement nécessaire et il nous paraît
primordial d’un point de vue démocratique
de débattre de ces questions lors de cette
campagne présidentielle aux risques
en son absence de faire le lit des partis
extrémistes pour la prochaine mandature.
La contribution d’un tel débat n’est pas
que politique. Les ménages conscients
de la nécessité de ces ajustements mais
sans perspectives politiques et d’idée de
l’ampleur des efforts à produire épargnent
massivement lorsqu’ils en ont la possibilité.
Les entreprises en situation d’incertitude
accrue réévaluent et éventuellement
décalent leurs projets.
Il est donc souhaitable de discuter des
ajustements possibles qui seront propices
au maintien d’une protection sociale
adaptée au monde d’aujourd’hui. Le rapide
tour d’horizon que nous dressons suggère
que, si dans les secteurs de la santé ou des
retraites, des réformes ont été engagées
et doivent être complètement mises en
œuvre et poursuivies, les priorités actuelles
selon nous concernent le marché du travail
au travers du système éducatif et de la
protection sociale des travailleurs. Les
principes et objectifs qui ont été mobilisés
il y a quelques décennies pour construire
le modèle social français dans ce domaine
doivent s’adapter à notre environnement
actuel. Nous sommes dans une économie
globalisée plus complexe requérant plus
de compétences en évolution rapide et
dans laquelle seront bien peu nombreux
les travailleurs qui ne connaîtront qu’un
seul employeur au cours d’une carrière
professionnelle toujours plus longue.
Sur ces deux terrains, l’EDHEC fait des
propositions. D’une part, le financement
de l’enseignement du supérieur et les
incitations à la formation continue devraient
être repensés, par le biais d’un contrat
d’enseignement supérieur impliquant
financièrement le jeune diplômé en cas de
succès professionnel et d’une modulation
des subventions à la formation en fonction
de la rémunération des travailleurs, en lieu
et place du dispositif « former ou payer ».
D’autre part, la législation entourant les
modalités de licenciement devraient être
revues, car en l’état elles se traduisent
par une forte protection des adultes au
détriment des jeunes.
Résumé
Ce document constitue une synthèse de travaux scientifiques conduits au sein de l'EDHEC. Pour plus d'informations, nous
vous prions de vous adresser à la direction de la recherche de l'EDHEC :
Les opinions exprimées sont celles des auteurs et n'engagent pas la responsabilité de l'EDHEC.
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A propos des auteurs
Arnaud Chéron est professeur des Universités
en Sciences Economiques (Le Mans) et
directeur de recherche sur l'évaluation
des politiques de l'emploi au sein du pôle
économie de l’EDHEC. Ancien chercheur à
l’EUREQua et au CEPREMAP, il a obtenu son
doctorat en 2000 à l’Université de Paris I
Panthéon-Sorbonne. Il a effectué des
recherches dans les domaines de l’économie
de l’emploi, les politiques publiques et les
cycles économiques, donnant lieu à de
nombreuses publications dans des revues
académiques françaises et internationales
(
Annales d’Economie et Statistiques, Revue
Française d’Economie, Journal of Economic
Theory, Review of Economic Dynamics
)
ainsi qu’à des réalisations professionnelles
(contrats avec le Ministère du Travail,
le Commissariat Général au Plan et la
Commission européenne).
Stéphane Gregoir est professeur en
économie, directeur du pôle de recherche
en économie et directeur de la recherche à
l’EDHEC. Il est économètre et économiste.
Il a été précédemment directeur du CREST
(Paris) et a occupé différents postes
d’étude et d’analyse économique auprès du
Ministère des Finances français. Stéphane
Gregoir a enseigné à l’Ecole Centrale,
l’Université Paris IX Dauphine, ENSAE,
l’Université d’Evry et l’Ecole Polytechnique.
Il a publié de nombreux papiers en
économétrie et macroéconomie appliquée.
Lauréat du prix international Tjalling C.
Koopmans pour une contribution à la
théorie économétrique (1997-1999), il
a été éditeur des
Annales d’Economie
et de Statistiques
, éditeur associé du
Econometrics Journal
et membre du
comité éditorial de différentes revues
scientifiques.
Table des matières
4
Introduction ........................................................................................................................................5
1. Quels gains de productivité pour quelle croissance ? ...........................................................8
2. La pérennité du système de santé à assurer .......................................................................11
3. A propos du système de formation : repenser le financement de l’enseignement
du supérieur et subventionner la formation continue ......................................................... 15
4. Un système de protection des travailleurs qui protège les
insiders ..............................
20
Conclusion ........................................................................................................................................ 24
Position Papers
et Publications du Pôle de Recherche en Economie
de l’EDHEC (2009-2012) ................................................................................................................ 25
5
Introduction
A deux semaines du premier tour de l’élection
présidentielle, il est difficile de retenir des
propositions économiques « phares » au sein
des projets portés par les grands prétendants
à l’élection présidentielle. Dans un contexte
miné par la crise et l’endettement public, les
principaux candidats à la fonction suprême
se limitent à promouvoir la crédibilité
de leur scénario de retour à l’équilibre
des finances publiques, en essayant de
faire émerger quelques mesures, pouvant
souvent apparaître comme techniques et
partageant un objectif pour le moins
louable : faire de l’emploi une priorité, en
mettant l’accent sur les jeunes, la formation,
et ré-industrialisation la France… tout
en augmentant quelques prélèvements
obligatoires et quelques dépenses publiques.
Sur le terrain des prévisions de croissance
et du retour à l’équilibre budgétaire, les
scenarii considérés par François Hollande et
Nicolas Sarkozy sont relativement proches :
le premier table sur un taux de croissance
de 0,5% en 2012, 1,7% en 2013, 2% en
2014, et de 2,5% à partir de cette date, et
un retour à un déficit budgétaire nul à partir
de cette date. Pour le second, les prévisions
gouvernementales issues de l’INSEE viennent
d’être révisées : à la hausse pour le taux de
croissance de 0,5 à 0,7% pour 2012, mais
en revanche à la baisse pour 2013 de 2% à
1,75%. Le retour à l’équilibre budgétaire est
lui prévu en 2016.
Ces prévisions de croissance demeurent
relativement élevées pour 2013, au regard
des estimations données par l’OCDE et le
FMI, avec entre 0,7 et 0,3 point d’écart selon
la prévision considérée (voir le tableau 1).
Evidemment, la conséquence immédiate
est que si la croissance s’avérait plus faible
qu’escomptée par l’INSEE et les candidats
à l’élection présidentielle, les projets
économiques actuellement présentés ne
seraient plus financièrement tenables, et se
réduiraient
in fine
à « peau de chagrin ».
Pourquoi, dès lors, ne pas profiter de ce
rendez-vous de l’élection présidentielle
pour poser la question de l’évaluation du
modèle économique et social français, c'est-
à-dire de son financement, de son efficacité
économique et de son équité ? N’y aurait-
il pas des réformes structurelles à engager,
permettant non seulement de garantir un
assainissement des finances de l’Etat sans
être « au fil du rasoir » comme dans les
scenarii actuels, et parallèlement de gagner
en efficacité et équité du système et de
renforcer les conditions de sa soutenabilité
pour les générations à venir ?
Ainsi, au-delà de la problématique des
prévisions macroéconomiques à très court
terme, il semble que deux types de questions
doivent être posées :
Qu’en est-il de notre capacité à générer
2% ou plus de croissance au-delà de 2014,
comme peuvent l’espérer les candidats
actuels ? Il en va de la crédibilité des
programmes proposés. Ceci nécessite
d’examiner plus en détails les ressorts des
gains de productivité, principaux moteurs
de la croissance économique.
Reste-t-il des leviers à actionner
permettant de faire « coup double » :
favoriser la réduction des déficits publics et
s’inscrire simultanément dans une réflexion
de long terme, guidée par l’efficacité
économique et l’équité.
Les réponses apportées à ces questions sont
liées, puisque une plus grande efficacité
économique constitue un terrain sur lequel
peuvent précisément se nourrir les gains
de productivité. Les marges de manœuvre
sont bien sûr réduites, précisément à
cause du cahier des charges pour le moins
contraignant imposé par le rééquilibrage de
nos finances publiques, et qui explique en
partie la faible différenciation des projets
rédigés par les principaux candidats à
l’élection présidentielle.
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