article original
Prélèvements bactériologiques des surfaces :
importance de l’étape d’enrichissement
et du choix des milieux de culture
O. Meunier
C. Hernandez
M. Piroird
R. Heilig
D. Steinbach
A. Freyd
Laboratoire d’hygiène hospitalière,
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
Article reçu le 18 mars 2005,
accepté le 17 mai 2005
Tirés à part : O. Meunier
Résumé.Nous avons étudié, à partir d’un même prélèvement, l’efficacité de
quatre modes opératoires différents pour isoler les bactéries de prélèvements
des surfaces en milieu hospitalier. Les techniques étudiées utilisent soit des
milieux riches soit des milieux pauvres avec ou sans étape d’enrichissement en
bouillon. Les prélèvements de surfaces dans les services de soins de l’hôpital
ont été effectués à l’aide d’un écouvillon stérile humidifié qui est déchar
successivement à la surface du milieu TCSA (technique 1) puis d’un milieu
enrichi au sang de mouton (GS) (technique 2) avant d’être immergé dans un
bouillon nutritif pour enrichissement. Le lendemain, le bouillon sert à ense-
mencer deux nouveaux milieux TCSA (technique 3) et GS (technique 4). Pour
chaque prélèvement, le nombre d’espèces bactériennes différentes isolées par
l’ensemble des quatre techniques sert de référence pour évaluer l’efficacité de
chacune des techniques. Trois cent soixante frottis ont été effectués, 718 sou-
ches bactériennes ont été isolées au total. Les techniques 1 et 2 sans enrichisse-
ment permettent d’isoler respectivement 10,86 et 13,37 % des souches totales
alors que les techniques 3 et 4, avec enrichissement préalable, permettent
d’isoler 69,08 % des souches sur le milieu TCSA et 90,53 % des souches sur le
milieu GS. La combinaison de l’étape d’enrichissement et de l’utilisation d’un
milieu de culture enrichi permet d’obtenir un excellent rendement pour mettre
en évidence et identifier les bactéries isolées à partir de prélèvements de surfa-
ces en milieu hospitalier.
Mots clés :hygiène hospitalière, infection nosocomiale, environnement,
bactériologie, prélèvement de surface
Abstract.This study tested the efficiency of four different procedures for
isolating bacteria found on hospital surfaces. The techniques studied use both
rich and poor media with or without enrichment in nutritive broth. The sam-
pling of surfaces in hospital care departments was carried out using a dampe-
ned sterile flue brush. Bacteria samples were then placed on TCSA agar plates
(method 1) and blood agar plates (GS) (method 2) before immersion in a
nutritive broth for enrichment. The following day, the broth was used to pro-
duce two new media: TCSA (method 3) and GS (method 4). For each sample,
we established the global amount of different bacterial species isolated by all 4
methods combined. These values were then used as a reference to evaluate the
efficiency of each technique. 360 smears were carried out, and a total of 718
bacterial strains were isolated. Methods 1 and 2 (without enrichment) permit-
ted the isolation of 10.86 and 13.37% respectively of the total number of
strains. Methods 3 and 4, with preliminary enrichment, made it possible to
isolate 69.08% of bacterial strains on TCSA medium and 90.53% on GS
medium. The combination of the enrichment stage and an enriched culture
medium lead to an excellent output that highlights and identifies bacteria
isolated from samples taken from hospital surfaces.
Key words:hygiene, nosocomial infection, hospital environment,
bacteriology, sampling of inanimate surface
abc
Ann Biol Clin 2005 ; 63 (5) : 481-6
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005 481
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Les surfaces inertes à l’hôpital constituent-elles des réser-
voirs microbiens susceptibles de contaminer les personnes
hospitalisées directement ou indirectement par l’intermé-
diaire des dispositifs médicaux ou des mains du person-
nel ? Certainement, mais le risque est difficile à évaluer :
certains le considèrent comme négligeable, d’autres pen-
sent que l’environnement sert de relais dans les transmis-
sions croisées notamment pour les bactéries à Gram posi-
tif [1-3]. Ce risque dépend du micro-organisme et de sa
survie sur une surface inerte. Il n’est pas identique partout
dans l’hôpital et dépend de l’usage qui est fait des locaux.
Pour l’évaluer, l’étude de la contamination des surfaces
est un préliminaire indispensable mais qui nécessite une
technique de prélèvement adaptée à la mise en évidence
des espèces les plus souvent impliquées dans les infec-
tions nosocomiales. Nous avons comparé les performan-
ces de plusieurs techniques de culture pour la mise en
évidence des espèces bactériennes présentes. Nous avons
testé la pertinence d’une étape d’enrichissement en
bouillon et l’efficacité d’un milieu de culture bactériologi-
que de base comme le milieu « trypticase caséine soja
agar » (TCSA) ou d’un milieu enrichi représenté par la
gélose Columbia enrichie au sang de mouton (GS).
Matériels et méthodes
Les prélèvements de surfaces sont effectués à l’aide d’un
écouvillon stérile humidifié à l’eau distillée stérile.
Celui-ci est acheminé rapidement (moins de 2 heures) au
laboratoire dans son étui de protection stérile pour être
déchargé successivement sur la surface du milieu TCSA
(Difco, BD, France) (technique 1 : « Direct TCSA ») puis
d’un milieu enrichi GS (Oxoid, France) (technique 2 :
« Direct GS »). L’écouvillon est ensuite immergé dans un
bouillon nutritif liquide trypticase soja (Oxoid, France) et
incubé à 37 °C pendant 18 heures. Ce bouillon sert ensuite
à ensemencer deux nouveaux milieux TCSA (technique
3 : « Enrichissement TCSA ») et GS (Technique 4 :
« Enrichissement GS »).
Tous les milieux de culture gélosés sont incubés à 37 °C
pendant 24 à 48 heures, les colonies d’espèces différentes
sont comptabilisées et seules les bactéries fréquemment
responsables d’infections nosocomiales sont identifiées
jusqu’au stade de l’espèce. Les bacilles à Gram positif,
sont dénommées Bacillus sp sans identification complé-
mentaire. Parmi les cocci à Gram positif, Staphylococcus
aureus est identifié par la mise en évidence d’une coagu-
lase sur plasma de lapin (Biorad, France) et par agglutina-
tion (StaphyTest plus, Oxoid, France). Pour les staphylo-
coques à coagulase négative, l’identification de
Staphylococcus epidermidis est effectuée par l’absence de
fermentation des sucres sur le milieu au tréhalose et man-
nitol (TMA), les colonies se développent sur le milieu qui
garde sa couleur violette. La sensibilité de la technique
pour l’identification de S. epidermidis parmi les staphylo-
coques à coagulase négative a été évaluée à 95,5 % dans
une étude préalable (données personnelles).
Pour les bacilles à Gram négatif du genre Acinetobacter,
l’identification de A. baumannii est basée sur sa thermoré-
sistance à 44 °C en bouillon trypticase soja.
Les entérobactéries sont identifiées par ensemencement de
galeries test Api20E (Biomérieux, France). Pour cette
famille de bactéries, dans l’interprétation des résultats
nous regrouperons les entérobactéries opportunistes fré-
quemment responsables d’infections nosocomiales
comme E. coli, Enterobacter aerogenes, E. cloacae,
Klebsiella pneumoniae, K. oxytoca, Citrobacter freundii,
Proteus mirabilis, et les séparerons des entérobactéries
« environnementales » rarement isolées en clinique
humaine comme E. sakasakii, Pantoea agglomerans,
Leclercia adecarboxylata, E. vulneris, E. Amnigenus, E.
intermedius.
Pour chaque prélèvement, le nombre d’espèces bactérien-
nes différentes isolées par l’ensemble des quatre techni-
ques sert de référence pour évaluer l’efficacité de chacune
des techniques. Nous comparons ainsi la capacité de ces
techniques à mettre en évidence les différentes espèces de
bactéries de l’environnement hospitalier.
Résultats
Résultats toutes techniques confondues
Trois cent soixante frottis de surface ont été réalisés dans
les services cliniques à proximité des patients ou dans les
locaux de soins. Quarante-sept prélèvements (13,0 %)
n’ont pas permis de mettre en évidence de colonies bacté-
riennes, par l’une ou l’autre des quatre techniques et sont
dits « négatif ». Sur l’ensemble des 313 prélèvements
positifs, 718 souches bactériennes d’espèces différentes
ont été isolées et identifiées. L’association des quatre tech-
niques a permis d’isoler et d’identifier 1 seule espèce bac-
térienne dans 94 cas (26,1 % des prélèvements), 2 espèces
bactériennes différentes dans 103 cas (28,6 % des prélève-
ments), 3 espèces bactériennes dans 77 cas (21,4 % des
prélèvements) et 4, 5, 6, 7, 8 et 9 espèces bactériennes
différentes dans respectivement, 22, 10, 3, 2, 1 et 1 cas. En
moyenne, 1,99 bactéries ont ainsi été isolées et identifiées
pour l’ensemble des 360 prélèvements et une moyenne de
2,29 bactéries pour chaque prélèvement positif.
Sensibilité des quatre techniques de culture
Les quatre techniques n’ont pas la même capacité à mettre
en évidence les bactéries prélevées sur les surfaces. La
technique 1 « Direct TCSA » permet de mettre en évi-
article original
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005482
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
dence 78 souches bactériennes sur 718 (tableau 1), soit
10,86 % des souches isolées par l’ensemble des quatre
techniques (moyenne 0,25 souche par prélèvement posi-
tif) ; la technique 2 « Direct GS » permet d’isoler 96 sou-
ches, soit 13,37 % des souches isolées (moyenne de 0,31
souche par prélèvement positif) ; la technique 3 « Enri-
chissement TCSA » permet d’isoler 496 souches, soit
69,08 % des souches isolées (moyenne de 1,58 souche par
prélèvement positif) ; la technique 4 « Enrichissement
GS » permet d’isoler 650 souches, soit 90,53 % des sou-
ches isolées (moyenne de 2,08 souches par prélèvement
positif).
Les quatre techniques ont été comparées pour leur capa-
cité à isoler les différentes espèces ou groupes d’espèces
bactériennes. Les résultats sont exprimés dans le
tableau 1. Pour les espèces les plus représentées, on cons-
tate au total que sur les 226 souches de Bacillus sp mises
en évidence par l’ensemble des quatre techniques, sur les
313 frottis positifs, la technique 1 « Direct TCSA » per-
met d’en isoler 7,1 %, contre 100 % avec la technique 4
« Enrichissement GS ». Nous obtenons les mêmes écarts
de performance pour la recherche des bactéries de la flore
hydrique (P. aeruginosa, S. maltophilia, A. hydrophila,
Pseudomonas spp autres que P.aeruginosa). La techni-
que 4 « Enrichissement GS » permet d’isoler 98,2 % de
ces mêmes souches (n = 56) alors que sans enrichissement
les performances ne sont que de 30,4 % par la technique 1
sur TCSA et 35,7 % par la technique 2 sur GS.
Les résultats sont encore plus contrastés pour la recherche
des entérobactéries, encore une fois les techniques avec
enrichissements sont plus performantes et l’utilisation de
la gélose au sang (technique 4) permet d’isoler plus de
98 % (n = 104) des souches d’entérobactéries.
Pour les cocci à Gram positif, 100 % des souches
(n = 247) sont mises en évidence par la technique asso-
ciant enrichissement et inoculation d’une gélose au sang
(technique 4) alors que le milieu TGSA même avec une
pré-étape d’enrichissement (technique 3) ne permet d’iso-
ler que 55,1 % des souches. Cette dernière technique
détecte 69,3 % des staphylocoques à coagulase négative
différents de S. epidermidis, 40,7 % des souches de S.
epidermidis (n = 91) mais seulement 21,1 % des souches
de S. aureus (n = 19).
Discussion
Les indications actuelles des prélèvements microbiologi-
ques de l’environnement sont maintenant bien définies
dans le domaine de l’hygiène hospitalière [4, 5]. Ils ont un
intérêt pédagogique indéniable pour faire prendre cons-
cience de la contamination bactérienne ou fongique des
surfaces. Ils permettent de rechercher un réservoir micro-
bien à l’origine de cas groupés d’infection ou d’épidémie,
même s’il est souvent difficile de conclure quant au rôle
de l’environnement dans la genèse de l’infection. Enfin,
les prélèvements microbiens des surfaces peuvent permet-
tre d’évaluer l’impact de nouvelles mesures de nettoyage,
de désinfection ou d’hygiène des mains par exemple [4].
Une fois les indications posées, il convient de vérifier que
les techniques utilisées ont un rendement suffisant et
répondent effectivement aux attentes. Il faut en effet que la
Tableau 1. Récapitulatif des résultats obtenus par les quatres techniques en fonction des espèces, des genres ou des flores
bactériens.
Nombre
de prélèvements positifs
Bacillus sp
Pseudomonas sp
Pseudomonas
aeruginosa
Stenotrophomonas
maltophilia
Aeromonas
hydromphila
Total des bactéries
de la flore hydrique
S. coagulase négative
différent de S. epidermidis
Staphylococcus
epidermidis
S. aureus
Staphylococcus sp
Streptococcus
Total Entérobactéries
Entérobactéries
“pathogènes”
Acinetobacter sp
Acinetobacter
baumannii
Micrococcus
Direct + TCSA 78 16 890017141322901312300
7,1 % 50,0 % 23,7 % 0,0 % 0,0 % 30,4 % 10,2 % 14,3 % 10,5 % 11,7 % 0,0 % 12,5 % 15,0 % 75,0 % 0,0 % 0,0 %
Direct + GS 96 15 10 8 2 0 20 22 20 3 45 0 12 11 2 0 2
6,6 % 62,5 % 21,1 % 100,0 % 0,0 % 35,7 % 16,1 % 22,0 % 15,8 % 18,2 % 0,0 % 11,5 % 13,8 % 50,0 % 0,0 % 66,7 %
Enricht + TCSA 496 222 7 34 1 0 42 95 37 4 136 7 82 71 3 3 1
98,2 % 43,8 % 89,5 % 50,0 % 0,0 % 75,0 % 69,3 % 40,7 % 21,1 % 55,1 % 87,5 % 78,8 % 88,8 % 75,0 % 60,0 % 33,3 %
Enricht + GS 650 226 16 38 1 1 56 137 91 19 247 8 102 79 4 5 3
100,0 % 100,0 % 100,0 % 50,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 98,1 % 98,8 % 100,0 % 100,0 %100,0 %
Nombre total
de souches
226 16 38 2 1 56 137 91 19 247 8 104 80 4 5 3
Les résultats sont donnés en valeur absolue et pourcentage par rapport au nombre total de souches.
Prélèvements bactériologiques des surfaces
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005 483
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
technique retenue permette de mettre en évidence les
contaminants présents, de les identifier et éventuellement
de les quantifier. En effet, même pour un impact pédagogi-
que, les résultats obtenus doivent être les plus proches
possibles de la contamination réelle. Dans la recherche
d’un réservoir microbien, la technique doit être à même de
trouver les bactéries à l’origine de l’épidémie.
Plusieurs techniques de prélèvements sont proposées dans
la littérature [6, 7] comme les empreintes directes à l’aide
de lame gélosées ou de géloses contacts « count tact » ou
« Rodac », le transfert sur velours, le « brossage-lavage-
récupération », « l’aspersion-récupération » et l’écou-
villonnage à l’aide d’un écouvillon humide pressé dans
l’eau stérile ou simplement épuisé dans un milieu de cul-
ture. Le rendement de chacune de ces méthodes est varia-
ble, fonction d’un coefficient « d’arrachement » des
micro-organismes à la surface prélevée, qui dépend
notamment de la nature de cette surface et des espèces
bactériennes présentes. La standardisation de ces métho-
des n’est pas toujours possible, en effet, les paramètres qui
interviennent au cours du prélèvement sont sujets à de
nombreuses variables.
Le prélèvement par la technique « count tact » ou « gélose
Rodac » n’est possible que sur les surfaces planes, même
si les pressions sont standardisées. Mais les incertitudes
sont nombreuses quant au rendement d’extraction qui
dépend du type de surface, de l’espèce voire de la souche
bactérienne et rendent les bénéfices attendus minces. Le
Rodac peut néanmoins être utilisé à des fins de comparai-
son des procédures de bionettoyage par exemple, à condi-
tion que le rendement d’extraction soit suffisant pour la
surface étudiée et permette effectivement d’isoler suffi-
samment d’espèces bactériennes pour une comparaison de
résultats. Lemmen et al. [8] montrent néanmoins une dif-
férence d’efficacité des méthodes de prélèvements de
surfaces en fonction des espèces identifiées. Ainsi, la tech-
nique Rodac a, selon ces auteurs, une sensibilité proche de
70 % pour isoler les bactéries à Gram positif alors que les
écouvillons seraient mieux adaptés à la mise en évidence
des bactéries à Gram négatif (sensibilité de 74,4 %) [8].
Nous avons choisi une technique simple qui permet
d’effectuer les prélèvements sur tous les types de surfaces
et notamment celles qui sont le plus manipulées, qui pour-
raient par conséquent être contaminées et donc constituer
des réservoirs pour les espèces manuportées.
Nous avons volontairement privilégié la comparaison des
techniques à partir de prélèvements effectués sur des sur-
faces hospitalières plutôt que des surfaces artificiellement
contaminées. De même, nous ne calculons pas de rende-
ments d’extraction [9] qui ne peuvent être réalisés que sur
des surfaces planes par la technique des empreintes gélo-
sées et devraient être calculés pour chaque type de surface.
Nous comparons quatre techniques associant ou non une
étape d’enrichissement et un milieu de culture pauvre ou
riche, à partir d’un même prélèvement effectué par un seul
écouvillon.
Les recommandations en matière de prélèvements micro-
biologiques des surfaces proposent les indications de ces
analyses mais ne détaillent pas la méthodologie à suivre
[5, 6]. Les milieux de culture à utiliser ne sont notamment
pas spécifiés et le choix de ces milieux est aussi contro-
versé entre des milieux dits pauvres, permettant la culture
des bactéries stressées par un environnement hostile à leur
survie et les milieux enrichis comme les géloses au sang.
La microbiologie de l’environnement recommande
notamment pour la mise en évidence et la quantification
des bactéries dans l’eau l’utilisation de milieu nutritifs très
pauvres comme le milieu R2A qui ne contient que 1,5 %
d’extraits protéiques (tryptone : 0,25 % ; peptones :
0,75 % et extrait de levure : 0,5 %), des milieux comme le
TGEA ou des milieux « à l’eau » afin de maintenir les
bactéries dans des milieux les plus proches possibles de
leur écosystème naturel.
Nos résultats montrent que l’utilisation de milieux pauvres
ne se justifie manifestement pas pour la recherche des
bactéries de surfaces qui, bien que stressées par leur man-
que de nutriments, retrouvent rapidement la vitalité néces-
saire à leur mise en évidence par une étape d’enrichisse-
ment en milieu nutritif riche liquide.
Nous avons voulu comparer quatre techniques dont deux
incluent une étape d’enrichissement en milieu liquide.
Cette étape s’apparente à la « revitalisation » des bactéries
telle qu’elle est préconisée en microbiologie des aliments
par exemple. Elle permet une première culture des bacté-
ries présentes et une prolifération facilitant leur mise en
évidence secondaire à la surface d’un milieu gélosé. À la
lecture de nos résultats, cette étape d’enrichissement,
même si elle nécessite une incubation supplémentaire de
18 heures, est fondamentale pour la mise en évidence de
nombreuses espèces bactériennes pertinentes en hygiène
hospitalière comme Staphylococcus aureus, Pseudomo-
nas aeruginosa ou E. coli, responsables respectivement de
19,8, 11,1 et 22,6 % des infections nosocomiales en
France [10].
Dans notre travail, les résultats obtenus par les techniques
sans enrichissement (techniques 1 et 2) pourraient être
comparés à des prélèvements de type Rodac puisque dans
les deux cas, c’est l’application directe sur le milieu
gélosé des bactéries provenant de la surface. Or nous mon-
trons une très faible efficacité de cette méthode pour isoler
les bactéries d’intérêt en termes d’hygiène hospitalière et
d’infections nosocomiales. Même les espèces omnipré-
sentes dans un environnement fréquenté par l’homme
(Bacillus sp et Staphylococcus sp) ne sont pas systémati-
quement mises en évidence.
article original
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005484
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Nos résultats montrent une forte contamination des surfa-
ces. Seulement 13 % des prélèvements ne mettent en évi-
dence aucune bactérie, et selon notre technique, 43 %
mettent en évidence S. aureus, P. aeruginosa ou entéro-
bactéries « pathogènes », les trois espèces ou familles bac-
tériennes les plus souvent responsables d’infections noso-
comiales [10]. Les résultats obtenus au bloc opératoire par
une équipe de Tours [11] sont très différents puisque sur
les 5 384 analyses effectuées, ils n’isolent que 10 germes
annoncés comme pathogènes : P. fluorescens, P. putida et
S. aureus. La technique sans être détaillée est certaine-
ment très différente et ne permet pas le même rendement
d’extraction ou de mise en culture des bactéries. En effet,
dans notre expérience, même au bloc opératoire, nous iso-
lons sur la presque totalité des frottis : Bacillus sp,Sta-
phylococcus à coagulase négative epidermidis ou non epi-
dermidis. D’autres auteurs [3, 8, 12, 13] se sont intéressés
aux contaminations de l’environnement immédiats des
patients infectés par des bactéries multirésistantes aux
antibiotiques et ont recherché ces pathogènes particuliers.
Ils ne donnent pas de résultats de la contamination « de
base » de l’établissement hors épidémie. Les résultats sont
donc difficilement comparables tant que les modalités pré-
cises des prélèvements d’une part et de mise en culture
avec le détail des milieux utilisés, d’autre part, ne seront
pas détaillés.
À la lecture de nos résultats nous constatons que les
bacilles à Gram positif (Bacillus sp) sont présents sur
67 % des prélèvements et par conséquent leur présence
pourrait constituer un marqueur d’efficacité de la techni-
que pour mettre en évidence les bactéries à partir des
surfaces. En effet, ces bactéries omniprésentes dans notre
environnement semblent être peu accessibles au bionet-
toyage, probablement par leur capacité à sporuler, et
seront donc quasi constamment retrouvées dans l’environ-
nement par la technique 4 « enrichissement GS » sans
pour autant masquer d’autres espèces plus fragiles. Nous
montrons en effet que cette technique est la plus perfor-
mante pour chacune des espèces. De la même façon, S.
epidermidis et l’association S. epidermidis, S. aureus et
« Staphylococques à coagulase négatif différent de S. epi-
dermidis » sont retrouvés par la même technique respecti-
vement dans plus de 25 et 68 % des prélèvements. La mise
en évidence de ces bactéries issues des flores cutanées
humaines constitue par leur présence un bon reflet de
l’activité humaine dans les locaux.
Conclusion
En associant une étape d’enrichissement en bouillon à
partir de l’écouvillon ayant servi au prélèvement et l’ino-
culation d’un milieu riche comme une gélose au sang de
mouton, nous isolons de très nombreuses espèces bacté-
riennes de l’environnement hospitalier, à proximité des
malades. Le fait d’isoler des surfaces des bactéries de type
Bacillus sp valide la qualité de la technique de prélève-
ment et de mise en culture, la mise en évidence de bacté-
ries du genre Staphylococcus sp renseigne sur l’occupa-
tion humaine récente des locaux. De plus, ces résultats
répondent aux objectifs de l’hygiéniste et aux indications
actuelles des prélèvements de surface à l’hôpital. Ils nous
apportent de réelles informations dans la recherche de
réservoirs microbiens mais permettent surtout de visuali-
ser les zones les moins souvent nettoyées et donc de cibler
les messages pédagogiques sur le manuportage des bacté-
ries pathogènes et la dispersion des bactéries multi-
résistantes aux antibiotiques dans l’environnement notam-
ment [14].
Les prélèvements de surfaces sont maintenant souvent exi-
gés dans les textes [15], mais sans pour l’instant que ne
soit donné de directives ni sur les techniques à utiliser ni
sur l’interprétation des résultats. L’Aspec [16] propose
des normes en fonction de l’utilisation des locaux : locaux
à risques et à haut risque infectieux mais ne précise pas les
modalités techniques des prélèvements de surfaces. Or
nous voyons que les résultats varient considérablement
selon la technique mise en œuvre pour une même surface
prélevée et que les techniques mettant en œuvre une étape
d’enrichissement en bouillon suivie d’une culture sur
gélose au sang ont une bien meilleure efficacité ou sensi-
bilité pour la mise en évidence et l’identification des espè-
ces bactériennes qui intéressent l’hygiéniste.
La technique que nous décrivons pourrait être recomman-
dée dans les textes exigeant des contrôles microbiologi-
ques des locaux hospitaliers avec comme interprétation
des résultats l’exigence de ne pas isoler de bactéries
pathogènes ou opportunistes, notamment les espèces res-
ponsables de la plupart des infections nosocomiales, la
mise en évidence des bactéries des flores environnementa-
les et/ou de S. epidermidis validant la technique.
Références
1. Talon D. The role of the hospital environment in the epidemiology of
multi-resistant bacteria. J Hosp Infect 1999 ; 43 : 13-7.
2. Bertrou A, Chapuis C, Hajjar J. Relations entre contamination et envi-
ronnement hospitalier. Hygienes 2000 ; 3 : 143-6.
3. Lemmen SW, Häfner H, Zolldann D, Stanzel S, Lütticken R. Distribu-
tion of multi-resistant Gram-negative versus Gram-positive bacteria in
the hospital inanimate environment. J Hosp Infect 2004 ; 56 : 191-7.
4. Infection Control Practices Advisory Comitee. Recommandations of
CDC and Healthcare. Guidelines for environmental infection control in
health care facilities. MMWR 2003;52:RR10.
5. Ministère chargé de la Santé. Surveillance microbiologique de l’envi-
ronnement dans les établissements de santé : air, eaux, surfaces.
DGS/DHOS/CTIN, 2002.
Prélèvements bactériologiques des surfaces
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 5, septembre-octobre 2005 485
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !