Création et essor de l`Institut Havrais de Sociologie

publicité
Création et essor de l’Institut Havrais de Sociologie
économique et de Psychologie des Peuples de l’hiver
1937 aux années 1970.
Frédéric Carbonel
To cite this version:
Frédéric Carbonel. Création et essor de l’Institut Havrais de Sociologie économique et de
Psychologie des Peuples de l’hiver 1937 aux années 1970.. 2006. <halshs-00090431>
HAL Id: halshs-00090431
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00090431
Submitted on 30 Aug 2006
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from
teaching and research institutions in France or
abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est
destinée au dépôt et à la diffusion de documents
scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
émanant des établissements d’enseignement et de
recherche français ou étrangers, des laboratoires
publics ou privés.
Création et essor de l’Institut Havrais de Sociologie économique et de Psychologie des
peuples de l’hiver 1937 aux années 1970.
« Il y a dans la psychologie des peuples un fond de permanence qui se retrouve
toujours » (André Siegfried, L’âme des peuples, 1950).
L’Institut Havrais de Sociologie économique et de Psychologie des Peuples a été
fondé deux ans avant la Seconde guerre mondiale, avec pour cadre le Front Populaire et la
colonisation. Dans un premier temps, nous verrons les rapports entre la naissance de la
psychologie des peuples et l’essor de l’idéologie républicaine au tournant du siècle. Dans un
second temps, nous nous attarderons sur la figure emblèmatique du politologue havrais André
Siegfried et sur son rôle pour la fondation d’une psychologie des peuples en tant que
discipline scientifique française à part entière. Enfin, nous verrons l’implantation et le
rayonnement de cette dernière à partir de la création d’un Institut Havrais au cours de l’hiver
1937. Tout en montrant ses développement, puis ses atermoiements, nous insisterons sur
l’action d’un autre protestant havrais qui eut une fonction de premier plan: le philosophe Abel
Miroglio. De plus, contrairement à une certaine idée reçue la Psychologie des peuples n’a pas
été un obstacle1 à l’émergence des sciences dites sociales mais bien au contraire elle y a eu un
véritable écho voire de nombreux soutiens au Havre, en France mais aussi à l’étranger.
I-La naissance de la psychologie des peuples et le renforcement de l’idéologie républicaine au
tournant du siècle (années 1890- années 1910):
Alfred Fouillée (1838-1912) joua un rôle de premier plan auprès des élites françaises
au cours des années 1890-1910. Il permit notamment par ses écrits le passage de la
psychologie collective à la psychologie des Peuples initiée par Gabriel Tarde, auteur des Lois
de l’imitation, et Gustave Le Bon2, auteur de la Psychologie des foules en 1895 et de Lois
psychologiques de l’évolution des peuples en 1894.
1)- A. Fouillée, de la psychologie collective à la psychologie des peuples3.
Epoux de Mme Bruno, l’auteur du célèbre best seller le Tour de France par deux
enfants paru en 18774, Fouillée produisit de nombreux articles et ouvrages sur les droits
nationaux : en 1878, par exemple, L’idée moderne du droit en Allemagne, en Angleterre et en
1
Mucchielli (L.), « L’obstacle de la psychologie des peuples » et « Le modèle de l’enracinement dans le sol
naturel » dans La découverte du social : naissance de la sociologie en France, Paris, La Découverte, 1998,
pp319-321 et pp384-387.
2
Sur Gustave Le Bon voir Thiec (Y.), « Gustave Le Bon, prophète de l’irrationalisme » dans Revue Française
de Sociologie, 1981, vol.22, n°3, pp409-428. et Thiec (Y.), Gustave Le Bon, la psychologie des foules, la
fondation de la psychologie collective et sa propagation dans les sciences sociales à la fin du XIX e siècle, Institut
universitaire européen, thèse de doctorat, 1982.
3
Pour cette partie nous nous appuyons essentiellement sur le mémoire de Le Quintrec (G.), « Alfred Fouillée et
la psychologie des peuples », Op. Cit. , juin 1991, pp35-60. (article issu d’un mémoire de D.E.A., Dir. P. Nora,
E.H.E.S.S, 1989). Voir aussi Claret (Ph.), « Psychologie collective, psychologie des peuples et Science politique
en France depuis 1870 : histoire d’un rendez-vous manqué » dans La psychologie des peuples et ses dérives, Op.
Cit., 1999, pp63-80. et Rosanvallon (P.), Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en
France, Paris, Gallimard, 1998 (notamment le chapitre III « Sociologie et démocratie », pp131-175).
4
Voir Ozouf (J.) et Ozouf (M.), « Le tour de France par deux enfants, Le petit livre rouge de la République »,
Op. Cit. t.1, La République, Paris, Gallimard, 1984, pp291-321.
France, en 1895, Tempéraments et caractères selon les individus, les sexes et les races, en
1910, La démocratie politique et sociale en France. Ayant le projet d’une synthèse
républicaine qui ferait consensus à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Fouillée
débuta comme maître de conférence à l’E.N.S. en 1872 puis fut élu à l’Académie des Sciences
Morales et Politiques en 1894. Ses livres eurent 16 traductions différentes. Fouillée s’opposait
au déterminisme racial de l’allemand Otto Ammon, théoricien de l’anthroposociologie5. Pour
lui, en effet, il n’y a pas de « races » mais des « peuples » auxquels il accole néanmoins des
sous catégories : « types » et « sous races ». Fouillée s’oppose fermement à Vacher de
Lapouge, « socialiste raciste », dont les idées se rapprochaient du darwiniste social allemand
Ammon (Lois de Lapouge-Ammon6). Au contraire, Fouillée s’inscrit comme un précurseur du
solidarisme7 et dans la tradition des philosophes républicains opposés, et très critiques, vis à
vis des multiples théories du darwinisme social. Fouillée voulait mettre en évidence les
« caractères » de la nation, tout comme celui du génie national français issu des principes de
1789, bien contraires aux « caractères » allemands du pangermanisme et de l’anthropologie
raciale. Pour Fouillée, la psychologie des peuples devait prouver son utilité en vue d’assimiler
et d’assumer le génie national (à travers le système éducatif par exemple) : il écrivit ainsi un
Enseignement au point de vue national en 1891. C’est à cette époque qu’il fut remarqué pour
ses travaux sur la Psychologie du peuple français (1898) et son Esquisse psychologique des
peuples européens (1903).
2)-Quotient intellectuel, race et psychologie des peuples.
A la fin du XIXe siècle la psychologie devient discipline universitaire avec Théodule
Ribot, Pierre Janet et Alfred Binet (fondateur de L’Année psychologique en 1895) voire Emile
Boutmy et Alfred Fouillée. L’intellect, l’imaginaire, le normal et le pathologique sont de plus
en plus l’objet de considération. Ces sciences humaines accompagnent la meilleure
connaissance des individus mais aussi des masses8. Ces divers domaines entretiennent alors, à
cette époque, une relation particulière avec la physiologie, la craniologie de Broca,
l’anthropométrie d’Alphonse Bertillon, la physiognomonie, la criminologie et la psychiatrie.
Elles représentent une part importante des articles de l’Année Psychologique comme de
l’Année sociologique. La recherche des lois génétiques régissant les comportements humains
supposait inmanquablement une étude des différences individuelles et des inégalités. Ainsi, va
naître la psychologie différentielle qui va s’attacher à classer les individus en fonction
d’indices mesurables : les fameux tests mentaux Binet-Simon reconnus par l’Instruction
Publique (1905, 1908 et 1911)9. Par ailleurs, l’anglais Francis Galton va s’attacher à renforcer
les théories sur l’hérédité des supériorités ou des infériorités. Les tests du quotient intellectuel
eurent dans le même temps un large écho au sein de la psychologie américaine qui s’évertuait
à classer les différentes catégories de population : L’intelligence des enfants chinois à San
Francisco, les Caractères psychologiques des Nègres des Etats du Sud, la Psychologie
différentielle des juifs, Le domaine de la psychologie des races, l’Etat actuel de la question
5
Sur l’anthropo-sociologie voir Ammon (O.), « Histoire d’une idée : l’anthropo-sociologie » dans Revue
internationale de Sociologie, 6e année, n°3, mars 1888.
6
Sur Vacher de Lapouge voir Thuillier (G.), « Un anarchiste positiviste : Georges Vacher de Lapouge » dans
Guiral (P.) et Témine (E.), Op. Cit., Paris, 1977, pp48-65.
7
Audier (S.), Les théories de la République, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 2004, 119p.
8
Voir Nye (Robert A.), The Origins of crowd psychology. Gustave Le Bon and the Crisis of Mass Democracy in
the third republic, London/Beverly Hills: Sage, 1975, 248p.
9
Voir Liauzu (Cl.), « Psychologie des peuples et des races » dans Race et civilisation. L’autre dans la culture
occidentale. Anthologie critique, Paris, Syros, 1992, 492p. (notamment Quotient intellectuel, Psychologie et
races, pp108-120).
des différences entre races, l’ Intelligence des Blancs et des Nègres10. Ils eurent un tel succès
aux Etats-Unis que lors du recrutement des cadres de l’armée américaine en 1917 on crut
s’apercevoir des maigres scores des soldats noirs à la différence des WASP. Apparemment
détachée de tels intérêts pseudo-scientifiques, l’école de psychologie française à ses débuts va
néanmoins développer un terreau favorable à la psychologie des foules11 puis à celle des
peuples répondant en cela aux préoccupations républicaines du temps12. Ce fut dans cette
perspective que s’inscrivit le travail du célèbre havrais André Siegfried.
II-La figure emblèmatique du politologue normand A. Siegfried et son héritage intellectuel
(France des années 30 et pays anglo-saxons).
1)-André Siegfried, sa pensée, son milieu intellectuel et culturel de la veille de la
première guerre mondiale à l’après seconde guerre mondiale :
-le parcours d’un « grand havrais »:
André Siegfried fut une figure emblèmatique de la IIIe puis de la IVe
République13. Représentant éminent de la science politique française dans les années qui
suivirent la Libération, il fut un proche du président René Coty. Professeur au collège de
France, il fut nommé membre de l’Institut puis président du conseil d’administration de
l’Ecole libre de Science Politique. Il y poursuivit ses cours pendant la seconde guerre
mondiale tout comme au Collège de France. Il cumulait alors ses fonctions avec celle de
membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques et de président de l’Association
Française de Science Politique. Il y professait aussi des cours sur les « races » tout en restant
silencieux sur les rafles organisées par Vichy. Ce qui lui a été reproché bien plus tard. En
effet, Siegfried avait été désigné par Pétain pour être membre du Conseil National de Vichy,
poste qu’il refusa à la différence des petits déjeuners à l’Ambassade d’Allemagne à partir de
194114.
10
Voir les différents numéros de L’Année Psychologique et
Voir Barrows (S.), Miroirs déformants : réflexions sur la foule en France à la fin du XXe siècle, Paris, Aubier,
1990, 226p. et Moscovici (S.), L’âge des foules. Un traité historique de psychologie des masses, Paris,
Complexe, 1985, 503p.
12
Voir Rosanvallon (P.), Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris,
Gallimard, 1998 (notamment le chapitre III « Sociologie et démocratie », pp131-175). ; Balibar (E.), Wallerstein
(E.), Race, nation, classe, Paris, La Découverte, 1997. ; Noiriel (G.), Etat, nation et immigration. Vers une
histoire du pouvoir, Paris, Gallimard, 2001, 587p. et Arendt (Hannah), Les origines du totalitarisme.
L’impérialisme, Fayard, 1968, 350p. (notamment les chapitres « Race et bureaucratie » pp111-170 et « Le déclin
de l’Etat-Nation et la fin des Droits de l’homme », pp239-292.
13
Claret (Ph.), « André Siegfried et la psychologie politique. Contribution à la relecture d’une œuvre
scientifique », Cahiers de sociologie économique et culturelle. Ethnopsychologie, n°23, juin 1995, pp9-33. ;
Bonnefous (E.), « Le centenaire d’André Siegfried », Nouvelle Revue des Deux-Mondes, 1975, n°7, pp17-23. ;
Célébration du centenaire de la naissance d’A. Siegfried : séance du 26 mai 1975, Institut de France, Académie
Française, Section des Sciences Morales et politiques, Paris, 37p. ; Comité pour le centenaire de la naissance
d’André Siegfried, Collège de France (Paris, mars 1975), Paris), L’œuvre scientifique d’André Siegfried, Presses
de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1977, 129p. ; Pommier (J.), Notice sur la vie et les travaux
d’André Siegfried (1875-1959), Paris, Institut de France, Firmin-Didot, 1961.
14
Voir sur ce point Sternhell (Zeev), « Morphologie et historiographie du fascisme en France » dans Ni droite,
Ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Paris, Fayard, pp11-112. (Préface à la 3e édition), Birnbaum (P.),
« André Siegfried. La géographie des races » dans La France aux Français. Histoire des haines nationalistes,
Paris, Seuil, 1993, pp ainsi que Milza (P.), Présentation, Siegfried André, Tableau politique de la France de
l’ouest, Imp. Nat., 1913 (Rééd. 1995), Paris, pp7-35. Milza (P.), Fascisme français : passé et présent, Paris,
Flammarion, 1987, 463p.
11
Avant la guerre, après des études de Droit et de Lettres, André Siegfried avait déjà
étudié pendant une année à l’Ecole libre des sciences politiques. Il avait aussi suivi
l’enseignement de Boutmy. Par la suite, toute sa carrière professionnelle d’enseignant et
d’administrateur fut attachée à la vie de cette institution où il avait été nommé professeur
titulaire de chaire dès 1910.
Siegfried fut élu en octobre 1944 à l’Académie Française puis devint chroniqueur au
Figaro poursuivant ses articles qu’il avait publié au Temps, quotidien maréchaliste, d’octobre
1941 au 18 novembre 1942. On peut noter dans ses articles les influences de Barrès et de
Jules Soury (1842-1915), titulaire de la première chaire d’histoire des doctrines
psychologiques à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en 188115. Certains historiens y ont
même vu un antisémitisme « modéré ». A la Libération puis tout au long de la IVe République
André Siegfried demeura un pilier de l’establishment culturel français.
Sa thèse de 1913 Tableau politique de la France de l’Ouest contribua fortement à sa
réputation16. Il y donne une explication pluraliste des phénomènes politiques : « D’une façon
générale, je me suis volontairement méfié de l’explication unique, de la clef qui prétend
ouvrir toutes les serrures (…). Je crois au contraire que, dans cette matière complexe, il faut
presque toujours recourir à un grand nombre de causes, dont aucune ne serait à elle seule
suffisante, mais dont le faisceau apporte de précieuse clarté ». C’est ce qu’il appellera par la
suite une « analyse combinatoire ». Mais, on peut dire que son penchant au déterminisme
ethnique était alors largement partagé par l’intelligentsia française. Ses premières publications
et son enseignement se situent ainsi dans le droit fil d’Hippolyte Taine, de Gustave Lebon, de
Georges Vacher de Lapouge et d’Otto Ammon à la différence de Fouillée.
Pour lui, les réalités politiques et sociales sont le pendant des « infrastructures
raciales ». Sa pensée apparaît ainsi en partie liée à l’anthropologie dont l’âge d’or se situe à la
veille de la première guerre mondiale, assez proche en cela des préoccupations du théoricien
allemand Friedrich Ratzel17. Pour André Siegfried, les notions de « tempérament » et de
« caractère » sont les concepts premiers d’explication historique d’une société donnée. Ce
sont eux qui permettent de comprendre la « complexe personnalité de la nation18 » ainsi que
les « tempéraments politiques régionaux », les « provinces », les « régions », les « cantons »
et les « pays » (par exemple la « race bretonne » est synonyme de « caractère breton »).
-les influences du mouvement colonial et ses conséquences sociales et culturelles :
15
Sur Jules Soury et Maurice Barrès voir surtout Sternhell (Z.), « Le déterminisme physiologique et racial à la
base du nationalisme de Maurice Barrès et de Jules Soury » dans Guiral (P.) et Temine (E.) (Recueils d’articles
précédés par), L’idée de race dans la pensée politique française contemporaine, Ed. du C.N.R.S, Paris, 1977,
pp117-138.,
16
Garrigou (A.), « L’initiation d’un initiateur. André siegfried et le Tableau politique de la France de l’Ouest »,
Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°106-107, mars 1995, pp27-41. « L’ouest politique 75 ans après
Siegfried » dans Géographie Sociale, n°6, Centre de Pub. De l’Université de Caen, octobre 1987, 312p.
Milza (P.), Présentation, Siegfried André, Tableau politique de la France de l’ouest, Imp. Nat., 1913 (Rééd.
1995), Paris, pp7-35.
17
Sur Ratzel voir « La géographie politique de Ratzel » dans Moreau de Farges (Ph.), Introduction à la
géopolitique, Paris, Seuil, 2005, pp83-88.
18
Claret (Ph.), La notion de personnalité nationale. Essai d’analyse comparée des théories modernes françaises
et anglo-saxonnes, thèse de doctorat d’Etat en Science politique, Université de Bordeaux I, 1993, 539p. (Prix
Montesquieu 1993 d’Histoire des idées politiques). ; Claret (Ph.), La personnalité collective des nations.
Théories anglo-saxonnes et conceptions françaises du caractère national, coll. Organisations internationales et
relations internationales, 1998, n°40, 464p. Claret (Ph.), « Theories of National Personnality Revisited : AngloAmerican Models and French conceptions » dans Modern Roots Studies of National Identity, 2001.
C’est la première thèse de lettres d’André Siegfried, réalisée en 1904, qui nous fait
mieux connaître ce personnage et les préoccupations de son milieu d’origine : Edward Gibbon
Wakefield et sa doctrine de la colonisation systématique19. D’ailleurs, le père d’André
Siegfried joua un rôle prépondérant pour éveiller ces centres d’intérêts et pour son orientation
future tout comme Jacques Siegfried, son oncle banquier20.
Principal artisan de l’Ecole libre des Sciences Politiques, avec Emile Boutmy21, qui
avait écrit en 1901 une Psychologie du peuple anglais, et du Musée Social22, les activités du
père d’André Siegfried23 (1837-1922) expliquent en grande partie le succès de la psychologie
des peuples , nouvelle discipline, jusqu’aux années postérieures à la décolonisation. Jules
Siegfried, en effet, protestant comme Boutmy, maire républicain modéré du Havre de 1878 à
1885, avait joué un rôle prépondérant dans l’essor des idées coloniales et leur popularité. Le
Havre, second port français, à une semaine en paquebot de Dakar et des Etats-Unis, était alors
surnommé la New-York française24. La Porte Océane importait des produits chers (coton,
café, cacao et bois exotiques) des colonies d’A.O.F., d’A.E.F., d’Indochine et de Madagascar.
Le Havre possédait aussi depuis 1907 une Ecole Pratique coloniale.
Albert Charles, président de la commission des colonies à la Chambre de commerce,
l’un des futurs présidents de l’Institut Havrais avait exposé dès 1930 le projet d’une
exposition coloniale internationale ce qui fut fait lors de la grande exposition coloniale de
1931. De même en 1940, on trouve à l’exposition du Grand Palais un stand intitulé « Le
Havre, grand port colonial ».
Protestant d’origine alsacienne, fils d’un modeste industriel du textile, Jules Siegfried
avait été nommé ministre du Commerce et de l’Industrie dans le premier cabinet Ribot puis
Ministre du commerce et des colonies dans un second cabinet. Il était aussi fondateur des
Habitations à Bons Marché, participait à la Société pour la lutte contre les taudis ainsi qu’à
la Ligue de l’enseignement. Il était aussi membre de la Société d’aide de protection aux
colons depuis 1898. Il fut surtout le principal dirigeant du Groupe colonial du Sénat fondé la
même année avec de grands noms de la politique coloniale opportuniste comme le républicain
social opportuniste protestant de progrès Richard Waddington (1838-1913), président de la
Chambre de commerce de Rouen. Ce groupe devait en lien avec les chambres de commerce
locales garantir les principaux intérêts économiques liés à l’expansion coloniale de la
19
Gibbon (1737-1794) fut un historien anglais élevé par les calvinistes, marqué par le siècle des Lumières et
l’expansion des puisances coloniales. Il s’était spécialisé dans l’étude de l’Empire Romain. Voir Siegfried (A.),
Edward Gibbon Wakefield et sa doctrine de la colonisation systématique , thèse pour le doctorat, Paris, Colin,
1904.
20
Miroglio (A.), « Un grand havrais, André Siegfried », Etudes Normandes, n°2-3, 1978, vol.27, pp47-61. ;
Nicollet (A.), « André Siegfried et Le Havre », Etudes Normandes, n°2, 1989, pp37-49.
21
Favre (P.), « Les sciences d’Etat entre déterminisme et libéralisme. Emile Boutmy (1835-1906) et la création
de l’Ecole Libre des Sciences Politiques » dans Revue Française de Sociologie, vol.22, 1981, pp429-465.
22
Sur cet aspect voir Chambelland (C.) (S. dir.), Le Musée Social en son temps, Paris, Presses de l’Ecole
Normale Supérieure, 1998, 402p. Voir aussi Ardaillou (P.), Les républicains du Havre au XIXe siècle (18151889), Presses universitaires du Havre et de Rouen, 1999, 452p.
23
Ardaillou (P.), « Jules Siegfried, un protestant au service d’une république modérée et sociale » dans Cahiers
Havrais de Recherche Historique, 1992, pp74-92. ; Legoy (J.), « Jules Siegfried, homme politique et protestant »
dans Protestants et minorités religieuses en Normandie, Société Libre d’émulation de la Seine-Maritime, Rouen,
1987, pp201-208. ; Merlin (R.), Jules Siegfried. Sa vie, son oeuvre, Paris, Musée Social, 1923. (Bibliothèque
municipale du Havre, un tiré à part, Cote : N.2737). ; Siegfried (A.), Mes souvenirs de la IIIe République : mon
père en son temps. Jules Siegfried 1836-1922, Paris, Ed. Du Grand Siècle, 1946, 150p. ;Vallée (Th.), Quarante
ans de vie républicaine. Jules Siegfried, Le Havre, Journal du Havre, 1910. (Bibliothèque municipale du Havre,
Cote : N. 2554). Voir aussi « Jules Siegfried aux Etats-Unis », Livres de France, n°2, février 1955. (Op. Cit.
Sources)
24
Sur cet aspect voir Legoy (J.), Le peuple du Havre et son histoire, Du négoce à l’industrie : 1800-1914, t.2, Le
cadre de vie, 1982, 447p. et t.3, La vie politique et sociale, 1984, 511p. et Legoy (J.), Cultures havraises 18951961, Ed. EDIP, Saint-Etienne du Rouvray.
France25. Dans ce contexte apparut les balbutiements de la sociologie économique (c’est à
dire l’étude des faits économiques éclairés par la sociologie). Au cours des décennies 18901920, des savants élaborent ses méthodes : Schumpeter, Weber, Durkheim pour les plus
connus26.
L’œuvre scientifique d’André Siegfried se scinde en trois parties : l’étude de la vie
politique française et du caractère politique national, l’étude du monde anglo-saxon27, et enfin
l’étude des problèmes du monde moderne. L’ensemble est fortement marqué par la
géographie de Paul Vidal de la Blache (1845-1918), qui fera le compte-rendu de sa thèse de
191328, ainsi que par l’école historio-géographique française du début du siècle29. L’attirance
pour l’outre-manche est très perceptible, dès les premiers écrits, notamment dans Le Canada,
les deux races. Les tempéraments nationaux y forment des principes explicatifs généraux et
« racialiste » pour la compréhension du peuple canadien. On retrouve cette grille de lecture
dans American Comes of Ages. A French Analysis, qui aborde la question de l’antisémitisme
américain protestant issu, selon André Siegfried, d’un réflexe d’autodéfense par rapport à la
peur des invasion et des nouvelles vagues d’immigration (notamment avec les quotas pour les
immigrants : loi de 1921 et loi Johnson-Reed de 192430). De même, dans Vue générale de la
méditerranée, publié en 1943, André Siegfried n’hésite pas à faire une classification des
« races » (alors que la législation antisémite vient d’être instituée en France). Le fil
conducteur de l’œuvre d’André Siegfried semble bien avoir été la mise en évidence des
caractères psycho-physiologiques pour expliquer une société donnée. Le Roman de l’énergie
national fut ainsi son livre de chevet.
Son ouvrage de 1950, L’âme des peuples, publié 5 ans après la fin de la seconde
guerre mondiale, laisse pour certains un malaise, comme l’indique l’historien Pierre Favre 31.
L’historien israélien Zeev Sternhell juge carrément cette étude « raciste » et « antisémite32 ».
André Siegfried pourrait avoir été passablement fasciné par une lecture raciale de l’histoire et
de la politique, largement inspirée par le psycho-physiologiste Jules Soury33. Ancien élève de
Barrès et de Maurras, Soury donnait à l’E.P.H.E un enseignement « gobinien » et « renanien »
25
Sur ce point voir Girardet (R.), L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, Hachette, 1972, p.113 et
p.115.
26
Sur la Sociologie économique et sa diffusion voir Gislain (J.-J.) et Steiner (Ph.), La sociologie économique
(1890-1920), Paris, P.U.F., 1995. et Steiner (Ph.), La Sociologie économique, Paris, La découverte, coll.
Repères, 1999, pp.3-5. Voir aussi Encrevé (A.) et Richard (D.) (S. Dir.), Les protestants dans les débuts de la
IIIe République, Paris, SHPF, 1979. ; Garrisson-Estèbe (J.), L’homme protestant, Paris, Hachette, 1980, 254p. et
Weber (M.), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Rééd. Press-Pocket, 1991, 286p. Voir aussi
Nicollet (A.), « La longue marche de la sociologie économique à l’Institut havrais de sociologie » dans Cahiers
de Sociologie économique et culturelle- Ethnopsychologie, vol.26, décembre 1996, pp91-121.
27
Claval (P.), « André Siegfried et les démocraties anglo-saxonnes » dans Etudes Normandes, 1989, n°2.
28
Vidal de la Blache (P.), « Compte-rendu du Tableau Politique de la France de l’Ouest » dans Annales de
Géographie, 1914, vol.23, n°129, pp261-264.
29
Berr (H.), « La synthèse des études relatives aux régions de la France » dans Revue des Sciences Historiques,
1903, n°6, pp177-178. ; Lorquet (P.), « Quels cadres choisir pour l’étude psychologique de la France ? » dans
Revue des Sciences Historiques, 1901, n°2. ; Poncin (P.), « Introduction à l’étude des régions de France » dans
Revue des Sciences Historiques, 1900, n°1, pp14-20. Voir aussi Mucchielli (L.), « Psychologie des peuples.
Région, race et milieu social. Problèmes scientifiques et enjeux disciplinaires d’une théorie de l’histoire autour
d’Henri Berr et de la Revue de synthèse historique (1890-1925) » dans Biard (A.), Bourel (D.) et Brian (E.),
Henri Berr et la culture du XXe siècle, Paris, 1997, Albin Michel, pp81-110
30
Cette réflexion sera reprise par André Siegfried après la Libération dans ses cours de la rue Saint-Guillaume à
l’IEP de Paris de 1947 à 1957.
31
Favre (P.), Naissance de la science politique en France 1870-1914, Paris, Fayard, 1989, 331p. (notamment la
4e partie, pp233-306).
32
Sternhell (Zeev), « Morphologie et historiographie du fascisme en France » dans Ni droite, Ni gauche.
L’idéologie fasciste en France, Paris, Fayard, pp11-112. (Préface à la 3e édition).
33
Sur Jules Soury voir aussi (avec des réserves), Nicolas (S.), Histoire de la psychologie française. Naissance
d’une nouvelle science, Paris, In Press, 2002, pp127-128.
sur la base d’une vision raciste de l’histoire (le darwinisme social et l’antisémitisme).
Siegfried apparaît ainsi comme un produit typique du creuset intellectuel français de l’entre
deux guerres. Il est à l’origine d’une école de pensée française qui voit dans les
déterminismes « ethniques » et « psychologiques » un cadre conceptuel de compréhension des
nations et des peuples. Cette tradition privilégie l’étude des « tempéraments » comme
continuité et permanence des populations : l’homogénéité territoriale constitue pour lui une
constance politique à travers les époques. Cette position fut reprise, bien plus tard, par les
cercles de la rue Saint-Guillaume entre autres par François Goguel. Se démarquant
progressivement des influences des « racialistes » du début du siècle, de leur déterminisme
physiologique lié au Volkisch (concept allemand), André Siegfried prit pour fil conducteur
celle du Volkgeist (le génie national).
2)-André Siegfried, patron, fondateur et inspirateur de l’Institut Havrais :
André Siegfried va donner son appui personnel à la fondation d’un Institut havrais,
ville à laquelle il est particulièrement attaché. Dans son premier numéro de mai 1946 la revue
de l’Institut Havrais, publiée sous le patronage d’André Siegfried et du psychiatre LaignelLavastine (1875-1953), le comité de rédaction écrivait : « Mais, demandera-t-on, pourquoi
cette nouveauté nous arrive-t-elle du Havre ? ». Le même comité précisait : « Elle témoigne
de notre souci d’humanisme et de psychologie des peuples qui est également fort bien situé au
Havre, ville dont la population est d’origine très composite, ville de grands voyageurs, ville
où les contacts avec l’étranger sont quotidiens ».
L’œuvre scientifique toute entière du philosophe protestant Abel Miroglio (voir cidessous), principal animateur de l’Institut Havrais est placée sous l’influence d’André
Siegfried. Miroglio n’a jamais manqué dans ses écrits de souligner l’étroite filiation
intellectuelle qui avait pu exiter avec son maître dans son entreprise : « en tous cas, c’est du
fait des très abondantes et très fines touches de psychologie des peuples, éparses dans cette
œuvre si vaste, qu’a été éveillée en nous la vocation de redonner un élan à cette science
délicate, si mal acclimatée en France34 ». En effet, c’est dans la ville natale d’André Siegfried
que fut conçu son projet : « il nous a semblé que dans la ville d’André Siegfried, ce
merveilleux observateur qui, sans prononcer l’expression de psychologie des peuples, était
passionnement intéressé par la réalité que ces mots recouvrent, nous ferions bien d’élire cette
discipline à laquelle dans ses ouvrages il a fourni un excellent apport […]35 »
Dans la première moitié du XXe siècle deux auteurs essaient de donner une assise
scientifique à l’approche psycho-géographique de la personnalité collective. Ainsi, Georges
Hardy publie en 1939 La Géographie psychologique36 , un vrai manifeste théorique pour
l’étude psycho-géographique de la personnalité. Georges Hardy établit un inventaire quasi
exhaustif des variables d’observation des comportements collectifs. Concernant ces
explications il écrit : « elles sont loin […] de s’exercer toutes en même temps et dans tous les
cas […]. Le plus souvent, nous avons à faire à des influences combinées ». Il complète les
travaux d’André Siegfried qui vont s’étendre de 1904 aux années 1950. Ces approches vont
constituer une orientation de recherche et une avancée décisive dans l’étude scientifique de la
politique et de la géographie. La personnalité collective des populations fut aussi
particulièrement soulignée par Georges Hardy : c’est la notion d’ « âme collective » qui est
ainsi particulièrement mise en évidence alors qu’André Siegfried mettra plutôt en évidence le
tempérament politique national et les dimensions politiques de la personnalité des peuples
34
Miroglio (A.), « Un grand havrais. André Siegfried », Bulletin Maritime du Havre, 20p.
Miroglio (A.), « Témoignages sur le Havre » dans Revue de Psychologie des Peuples, t.22, 1967, n°1.
36
Hardy (G.), La géographie psychologique, Paris, Gallimard, Coll. Géographie Humaine, 1939, 188p.
35
(voir ses ouvrages anglo-saxons par exemple) : « il dissèque les nations et en démonte la
mécanique » note Paul Claval37.
Siegfried met à jour les structures fondamentales des milieux géographiques ainsi que
les facteurs qui pèsent sur la vie des Etats ou des régions qui déterminent ainsi les orientations
longues des populations. Miroglio fait apparaître que pour Siegfried la politique est « comme
engagée dans un complexe spirituel beaucoup plus vaste » qui amène à la psychologie des
peuples38. La réflexion générale d’André Siegfried sur les réactions face à l’environnement
géographique, les pesanteurs historiques et leurs héritages culturels serviront de fil conducteur
aux travaux de l’Institut havrais comme l’évoquera Miroglio dans trois conférences
scientifiques aux Journées d’étude du Havre sur les méthodes de la psychologie des peuples
en 1948, au Congrès philosophique international d’Amsterdam la même année et au Congrès
de l’Association française pour l’avancement des sciences de Caen en 1955..
II-L’Institut Havrais : l’impact de sa fondation, sa méthode et ses objectifs de 1937 aux
années 1970.
1)-L’Institut Havrais, sa création et ses objectifs39: l’action des coloniaux
protestant Abel Miroglio :
et du
A la veille puis après la seconde guerre mondiale la « psychologie des peuples » s’est
élevée comme une authentique discipline scientifiques avec ses champs de recherche et ses
spécialités propres. Elle se fonde même comme une école scientifique à part entière dont le
siège se trouve au Havre (selon E. Callot, qui fut un temps président de l’Institut40).
L’implantation havraise favorise les échanges grâce à sa vocation portuaire océanique
marquée par une forte activité notamment le commerce. On peut aussi signaler les influences
de l’école culturaliste américaine qui complète en partie celle de la Volkerpsychologie
allemande. L’école de psychologie des peuples havraise se veut une discipline distincte mais
non isolée.
En décembre 1937 avec l’aide et l’appui de concours locaux, d’entrepreneurs et d’élus
Abel Miroglio fonde l’Institut en tant que Société scientifique privée avec un statut
d’association. Ses objectifs sont clairement l’étude des peuples, non des cultures, et l’analyse
des personnalités collectives. L’association bénéficie de l’action des coloniaux et de leurs
37
Claval (P.), « André Siegfried et les démocraties anglo-saxonnes » dans Etudes Normandes, 1989, n°2. Voir
aussi Wylie (L.), « André Siegfried à Harvard“ dans L’oeuvre scientifique d’A. Siegfried, F.N.S.P., 1977, pp6788.
38
Miroglio (A.), « L’œuvre sociologique de M. André Siegfried » dans Revue de Métaphysique et de Morale,
vol.50, n°4, 1945.
39
« Ce que fut l’Institut Havrais de Sociologie économique et de Psychologie des peuples depuis sa fondation
(hiver 1937-1938) jusqu’à l’été de 1970 » dans Ethno-psychologie, n°3, spécial, 1978, pp241-259. Pour le
contexte colonial et économique voir Girault (R.) et Frank (R.), Diplomatie européenne. Nations et
impérialismes 1871-1914 Turbulentes Europe et nouveaux mondes 1914-1941, Paris, Petite Bibliothèque Payot,
T. I et II, 1997 et 1998, 451p. et 514p. ; Marseille (J.), L’âge d’or de la France Coloniale, Paris, A. Michel,
1986, 144p. et Empire colonial et capitalisme français : histoire d’un divorce, Paris, A. Michel, coll. L’aventure
humaine, 1986, 461p. Voir aussi Malon (Cl.), « Le Havre et l’outre-mer. Sociabilité et recherche. Les origines et
le développement de l’Institut havrais. Le contexte colonial » dans Etudes Normandes, n°2, 1997, pp75-96. ;
Miroglio (A.), « Bilan de vingt années de l’Institut Havrais » dans Revue de Psychologie des Peuples, 113, 1958,
n°1, p.142. et Malon (Cl.), Réseaux et stratégies du Havre colonial, D.E.A. (S. Dir. D. Barjot), Université de
Caen.
40
Callot (E.), Essais sociologiques, Gardet, 1962. (pour une vision de la « psychologie ethnique et culturelle »
par un ancien directeur de l’Institut du Havre). ; Callot (E.), « La psychologie des peuples » dans Revue de
Psychologie des peuples, 1959 t.14, n°1, pp62-71.
sociabilités. Le 13 mars 1936, l’année qui précède sa fondation, le gouverneur honoraire des
colonies suscite l’éclosion d’associations pro-coloniales. Il propose ainsi au sous-préfet de la
Seine-Inférieure le patronage d’un Comité de propagande et d’action coloniale. La Société de
Géographie commerciale du Havre41, les sections havraises et fécampoises de la Ligue
maritime et coloniale vulgarisent auprès des citoyens la sociologie économique et la
psychologie des peuples. La sociabilité des élites havraises et particulièrement celle des
coloniaux a favorisé l’essor de l’Institut apportant dons financiers et soutiens moraux.
L’Institut Havrais prolonge donc les activités de la Société de géographie commerciale qui va
s’effacer en 1948 après avoir largement vulgarisé la géographie économique. Le 15 mars
1948, l’Institut élargit son réseau aux correspondants de la Société de géographie : « la
connexion avec la sociologie économique et la psychologie des peuples est salutaire »
explique les négociants. L’institut devient peu après la seconde guerre mondiale un élément à
part entière du dispositif idéologique colonial qui loue à cette époque les vertus de l’Union
Française.
-le rôle primordial des coloniaux :
Parmi les premiers mécènes de l’Institut se trouvent les coloniaux qui ont tout intérêt à
ce type d’entreprise. Les hautes personnalités du négoce havrais sont bien présentes dans le
conseil d’administration et sa direction : Rodolphe Rufenacht (la Compagnie cotonnière
ancienne maison Ernest Siegfried, la Compagnie Fernand Lehoux avec ses succursales à
Douala et Abidjan et la Société commerciale interocéanique avec ses comptoirs à Madagascar
et en Côte d’Ivoire), Etienne Amphoux (la Maison Hauser), Louis Hubert (la Compagnie
générale des cafés)., Georges Vachoux (la Société franco-coloniale d’Importation de cafés et
des denrées coloniales), Albert Charles (la première maison européenne de bois exotiques),
Augustin Normand (la Compagnie franco-coloniale des riz). Le 18 novembre 1937, Georges
Raverat, président de la chambre de commerce local et de l’Union Congolaise, dirigeant de
plusieurs compagnies commerciales (les sociétés commerciales de navigation et de banque, le
commerce de l’ivoire et du caoutchouc) convoque les première personnalités qui vont
constituer le premier comité d’organisation de l’Institut. C’est dans son bureau que naît
l’association. Le colonel Vachoux, son ami, est choisi comme président. Les solidarités
d’affaires ont favorisé la curiosité pour l’outre-mer et l’exigence d’un enseignement supérieur
sociologique et ethno-psychologique, qui était défaillant à l’Ecole supérieure de commerce
du Havre. Le militantisme colonial accroissait ainsi son contrôle social sur la ville portuaire.
Le réseau se trouvait renforcé par des positions communes des administrateurs dans les
assurances, la presse, l’armement (l’importation de nickel de Nouvelle Calédonie entre
autres), les docks et magasins, la Banque de France et la Caisse de liquidation des affaires en
marchandises.
Ces centres d’intérêts sont une des raisons majeure en faveur du développement d’un
lieu de réflexion sur la psychologie des peuples. L’ethnologie, tout comme la psychologie des
peuples puis l’Ethnopsychologie42, furent étroitement liées au phénomène colonial : en 1925
Lévy-Brühl créait l’Institut d’Ethnographie, la Société des Africanistes prenait essor à la
même époque au Musée d’Ethnographie du Trocadéro (créé en 1878) remplacé par le Musée
de l’Homme en 1937. Ce fut du Havre que sur le Saint-Firmin embarquait Michel Leiris pour
41
Elle avait accueillie notamment au cours de ses conférences (et pour des contributions) Leroy-Beaulieu, LévyBruhl et André Siegfried. La bibliothèque de cette Société rassemblait environ 4191 ouvrages proposant une
documentation aux hommes d’affaires. Voir aussi Lejeune (D.), Les sociétés de géographie en France et
l’expansion coloniale au XIXe siècle, Paris, A. Michel, 1993.
42
Miroglio (A.), « Quelques difficultés majeurs de l’ethnopsychologie » dans Revue de Psychologie des peuples,
t.19, 1960, n°3, pp302-303.
la mission Dakar-Djibouti en 1931.
Enfin, la création de l’Institut accompagnait
l’humanitarisme colonial du Front Populaire. La curiosité ethnographique marquée par la
« mission civilisatrice » et « l’éducation des races » pouvait largement s’accorder de
préoccupations commerciales43.
Apparaissent au sein de l’Institut de nombreux coloniaux protestants (notamment des
familles du coton) mais aussi des familles de la bourgeoisie catholique locale. En juillet 1937,
Rodolphe Rufenacht et Miroglio s’assurent le soutien des parlementaires de la région 44. Dans
un document de travail soumis aux parlementaires locaux et offert au sous-préfet le 20 juillet
1937, Miroglio écrivait : « dans une ville qui possède une Bourse d’une exceptionnelle
importance et où se traitent des affaires considérables, la sociologie économique est une
science qui doit être tout naturellement élue. Si elle est traitée à la française, avec un souci de
compréhension humaine, il apparaît qu’elle est difficilement dissociable d’une psychologie
des peuples, science plus jeune encore, mais riche d’avenir ». Pour ce dernier le soutien des
réseaux d’affaires est source d’optimisme : « plusieurs personnalités du haut commerce
havrais disposent de relation très étendues en de nombreux pays et ont assez d’envergure pour
faire une utile propagande dans les universités étrangères au cours de leurs propres tournées
d’affaires ». De plus, Miroglio déclare lors de la séance inaugurale du 7 janvier 1938 : « on ne
peut traiter de sociologie économique en ignorant les colonies ; or, nous avons au Havre des
sociétés vouées à l’étude des problèmes coloniaux. Nous avons aussi une société de
géographie commerciale45 ». Dans son « Que-sais-je ? » sur la Psychologie des peuples
Miroglio revendique de nombreux héritages dont ceux d’Henri Berr46, Max Weber, André
Siegfried et Roger Bastide47.
-l’action d’Abel Miroglio48 :
Miroglio (7 février 1895 –1978) était le dernier de 5 enfants issus d’une vieille famille
Genevoise et Italienne. Protestant, citoyen français et suisse, descendant des Comtes de
Miroglio de Moncesto (Comtes du Saint-Empire Romain Germanique), Miroglio avait un
père officier d’administration. Il avait fait ses études au collège de Cherbourg puis en Khagne
à Lyon. Après la première guerre mondiale son projet est de réconcilier l’Europe de
l’Atlantique à l’Oural pour cela il poursuit son parcours d’étudiant à l’E.N.S. puis au Lycée de
Metz. Il devient agrégé de philosophie après avoir hésité longtemps avec l’agrégation
d’allemand. En 1928, il dirige l’Ecole Internationale de Genève et enseigne à la Faculté des
Lettres de Nancy. En 1931, il part pour Bordeaux puis obtient enfin une mutation au Havre en
1936. Très influencé par Bergson, dont il est l’ami, ainsi que la discipline sociologique, il
43
Voir sur ce point Bancel (N.), Blanchard (P.), Vergès (F.), La République coloniale, Paris, Pluriel, 2003
(notamment les chapitres « Droits et devoirs de la mission civilisatrice » pp67-88 et « Race et Nation
républicaine » pp89-128.)
44
Voir aux Archives départementales la Seine-Maritime la Série 4M574 : Associations, enseignement et
propagande coloniale.
45
Voir les Programmes et statuts aux archives départementales.
46
Mucchielli (L.), « Psychologie des peuples. Région, race et milieu social. Problèmes scientifiques et enjeux
disciplinaires d’une théorie de l’histoire autour d’Henri Berr et de la Revue de synthèse historique (1890-1925) »
dans Biard (A.), Bourel (D.) et Brian (E.), Henri Berr et la culture du XXe siècle, Paris, 1997, Albin Michel,
pp81-110.
47
Miroglio (A.), La psychologie des peuples, Paris, P.U.F., Que-sais-je ? n°798, 1971, 127p. (3 éditions 1958,
1962, 1965).
48
Sur le principal dirigeant de l’Institut voir « Abel Miroglio », n° spécial, Revue de psychologie des peuples,
t.33, 1978, n°3. ; Nicollet (A.), « Un intellectuel havrais dans le siècle : Abel Miroglio (1895-1978) » dans
Cahiers Havrais de Recherche Historique, n°58, 1999-2000, pp35-46. Voir aussi Nicollet (A.), Un homme, une
ville, une œuvre : Abel Miroglio (1895-1978), Le Havre, Institut Havrais de Sociologie, 1999, 127p. (Repris des
Cahiers de Sociologie économique et culturelle, Ethnopsychologie, 30 décembre 1998, pp9-51).
devient membre de la Fédération des Associations Chrétiennes d’étudiants qui rassemble
catholiques, protestants et orthodoxes. De plus, ancien élève aux langues O (à l’E.N.S.), il
conserve un grand intérêt pour la culture russe et les pays de l’est. De même pour
l’Allemagne, depuis qu’il a obtenu une licence en géographie et de par l’importance politique
du couple Franco-allemand dès l’après seconde guerre mondiale.
En 1963, Miroglio succèdera à Jean-Paul Sartre au Lycée François Ier du Havre. Il
porte aussi un grand intérêt pour les identités urbaines et à la géographie psychologique grâce
à son ami Georges Hardy, qui l’oriente très tôt dans cette direction, d’autant qu’il vit au
Havre, ville ouverte et cosmopolite (Cosmopolis).
Dès 1937, année suivant son arrivée, Miroglio va mettre en œuvre son grand projet
pour le Havre : fonder un Institut en vue d’un développement universitaire. D’abord
association privée aux multiples appuis (Mairie, Chambre de Commerce, Port autonome,
Rectorat), l’Institut Havrais va naître à la faveur d’un contexte propice (milieu du négoce,
Institut Colonial, Ecole Pratique coloniale, Société de Géographie économique). Sa première
ambition est de mieux connaître l’Afrique par le prisme de la colonisation européenne. Deux
ans avant la seconde guerre mondiale, environ 30 universités ont apporté leur caution au
projet.
2)-Les activités de l’Institut et son rayonnement49 :
-le rayonnement :
L’école française de psychologie des peuples va développer ses travaux parallèlement
aux travaux des anthropologues culturalistes outre-atlantique (comme Ruth Benedict ou
Margaret Mead). L’association est élitaire : « pour être membre actif il faut être présenté par
deux membres actifs et agréé par le Conseil d’administration par un vote à bulletin secret ».
Elle est plutôt hostile à l’anthropologie culturelle de type américain. Elle va rapidement
recruter une centaine de membres. Pendant la seconde guerre mondiale l’association poursuit
ses activités de façon intermittente. Elle devient après 1946 un foyer de la recherche française.
Le Havre devient la capitale française de la psychologie des peuples. L’association obtient de
1950 à 1960 des subventions régulières du C.N.R.S. Elle peut donc adhérer à l’Association
des Instituts d’études européennes (AIEE). Ses statuts se transforment en « statuts
universitaires » après délibération du conseil général de l’université de Caen le 19 avril 1958,
puis avec l’appui du directeur de l’enseignement supérieur de l’Education national, et par
décret du 20 juin 1960 : son appellation devient Centre de recherches et d’études de
psychologie des peuples et de sociologie économique, toujours localisé au Havre mais rattaché
à l’Université de Caen. Elle est enfin dissoute puis refondée en « Société des amis du centre
universitaire Havrais » subissant les contre coups économiques et moraux dès la
décolonisation50.
*Document 1 : Associations pratiquant le prosélytisme colonial au Havre entre 1880 et
194051 :
49
Claret (Ph.), « Regards sur l’histoire d’une entreprise intellectuelle : l’Institut havrais et la Revue de
psychologie des peuples- Ethnopsychologie (1946-1982) », Cahiers de Sociologie économique et culturelleEthnopsychologie, n°26, décembre 1996, pp17-36. Miroglio (A.), « La psychologie des peuples et sa valeur »
dans Revue des Sciences Morales et Politiques, 25 février 1963, pp102-111.
50
Bastide (R.), « Y-a-t-il une crise de la psychologie des peuples ? » dans Revue de Psychologie des peuples,
XXI, 1966, n°1.
51
Malon (Cl.), « Le Havre et l’outre-mer. Sociabilité et recherche. Les origines et le développement de l’Institut
havrais. Le contexte colonial » dans Etudes Normandes, n°2, 1997, p.78.
Situation en 1900
Situation en 1937
1884 : Société de Géographie Institut Havrais de Sociologie
commerciale
( -> fusion 1948)
1898 : Société d’aide et de 1929 : Institut Colonial
protection aux colons (-> fusion 1934)
1904 : Ligue coloniale (-> 1940)
1905 : Ligue
coloniale
maritime
1936 : Comité régional
propagande coloniale
de
et
1946 : Comité pour l’Indochine
française
*Document 2 : Liste publiée dans les Bulletins de la Société de Géographie. Adressographe
de l’Institut Havrais52.
L e s a d h é re n ts d e la S o c ié té d e g é o g ra p h ie c o m m e rc ia le d u
H a v re (S .G .C .) e t d e l'In s titu t H a v ra is (I.H .S .P .) d e 1 8 8 4 à
1970.
1000
500
S .G .C .
I.H .S .P .
0
1884
1915
1925
1935
1945
1960
1970
*Document 3: Les 8 premiers membres de la direction et de l’administration de l’Institut
Havrais (1938-1946)53 :
Membres
Fonctions
Georges Vachoux
Secrétaire du Comité de l’industrie, du commerce
et de l’armement du Havre et de l’Estuaire de la
Seine ; Dirigeant de la Société de géographie
commerciale et de l’Institut colonial du Havre ;
Président de l’Institut Havrais de 1937 à 1946.
Louis Hubert
Négociant en café ; Président de l’Institut Havrais
en 1946.
Etienne Amphoux
Négociant en coton ; Membre de l’Institut colonial
du Havre ; vice-président de l’Institut Havrais de
1937 à 1945.
52
D’après les Archives conservées à la Bibliothèque Municipale du Havre et Malon (Cl.), « Le Havre et l’outremer. Sociabilité et recherche. Les origines et le développement de l’Institut havrais. Le contexte colonial » dans
Etudes Normandes, n°2, 1997, p.95.
53
D’après les statuts, programmes, imprimés listes des membres conservés aux Archives départementales de la
Seine-Maritime et l’assemblée générale du 27-10-1938 (Cote : 4M575) et Malon (Cl.), « Le Havre et l’outremer. Sociabilité et recherche. Les origines et le développement de l’Institut havrais. Le contexte colonial » dans
Etudes Normandes, n°2, 1997, pp75-96.
Augustin Normand
Armateur en construction navale.
Rodolphe Rufenacht
Négociant en coton ; Dirigeant de l’Institut
colonial du Havre et du Comité régional de
propagande coloniale.
Albert Charles
Négociant en bois coloniaux ; Dirigeant de
l’Institut colonial du Havre et du Comité pour
l’Indochine française.
Neuville
Entrepreneur en Bâtiment ; Dirigeant de l’Institut
colonial du Havre.
Abel Miroglio
Professeur de philosophie ; Directeur de l’Institut
Havrais en 1945.
-les champs de recherche :
Les thèmes, jugés parfois « exotiques », porteront surtout sur l’Ethnologie coloniale,
les pays neufs (Etats-Unis, Brésil) et l’Europe. Sur 235 conférences données par l’Institut au
cours de la période 1945-1962, 42 concernaient le monde colonial (20 pour l’Afrique noire et
Madagascar, 6 pour l’Afrique du Nord et 2 pour l’Indochine). L’Europe occupait une place
plus importante que les colonies dans le contexte politique de l’Union Française (la
connaissance des nations et des civilisations, la vie sociale, politique et culturelle). Les
décades rassemblaient surtout des étudiants (Français et étrangers provenant surtout
d’Allemagne et du Bénélux ; à relever l’absence d’étudiants anglais), de jeunes professeurs et
des hommes d’affaires (un public en priorité visé).
En 1954, un cycle de conférence accueille pour principal intervenant Léopold Sédar
Senghor. Il y fait un rapport sur « Ce que l’Afrique attend de l’Europe ». Il y affirme que
devenue un « immense laboratoire54 », l’Afrique n’aurait sans doute rien à lui demander si
celle-ci n’avait d’abord commencé à l’envahir. Les européens y ont fait tarir les cultures
vivrières au profit des cultures d’exportation au lieu de mettre un terme à l’économie de traite
et de développer les industries. Cependant, dans la thématique générale de l’Institut, la
construction européenne, la réflexion sur le monde anglo-saxon, le nouveau visage du monde
après les deux guerres mondiales ainsi que l’importance de l’économie maritime ont pesé
davantage. Il faut aussi remarquer qu’entre l’Ecole Pratique coloniale, l’Ecole Technique de
la France d’Outre-Mer et l’Institut Havrais il existe des liens qui favorisent la conservation
des valeurs coloniales.
Document n°4 : Préface d’André Siegfried aux Bois en Côte d’Ivoire55 (1954).
« Le sens de l’organisation est le fait du blanc, on pourrait même dire du Blanc
occidental. Bien suggestive est la psychologie que vous dressez, soit de l’Européen, soit du
Nègre, dans la mesure où il est utilisable dans les fonctions qu’on est en droit d’attendre de
54
Voir Germaine Ganier, « La décade havraise de juillet 1954 sur l’Afrique et les problèmes eurafricains » dans
Revue de Psychologie des peuples, 4e trimestre 1954, n°4. et Hardy (G.), « La psychologie des populations
coloniales, état présent de la question » dans Revue de Psychologie des Peuples, 1947, pp233-261.
55
Teillac (J.), Les bois de la côte d’Ivoire, leurs conditions d’exploitation et de vente, Ed. maritimes et
coloniales, Paris, 1954.
lui. Qu’il s’agisse de souplesse, d’agilité, de précision dans les mouvements, le noir ne sera
pas inférieur. C’est quand il faut faire preuve de sens des responsabilités, de capacité
d’organisation, de soin dans la gestion des outillages qu’il se révèle inférieur à l’Européen. Il
a besoin de direction, et cette direction c’est le Blanc, le Blanc seul qui peut la donner. Chose
curieuse, et que j’ai plusieurs fois observée, c’est qu’alors le dernier des Blancs est encore
supérieur comme efficacité au meilleur des Noirs ».
De nombreux intervenants seront appelés à faire des conférences à l’Institut : Octave
Mannoni, Georges Balandier, Albert Nicollet (professeur de géographie et de psychologie
d’Outre-Mer) mais aussi de nombreux hommes politiques (Francisque Gay, André Philip,
Pierre Mendès France, Henri Teitgen, le diplomate André François Poncet, L. S. Senghor,
alors député du Sénégal, Paul Van Zeeland, ministre d’Etat de Belgique, René Coty et deux
maires du Havre), des géographes, des philosophes, des sociologues et des juristes (Charles
Baudoin, René Le Senne, Gaston Berger, Gabriel Le Bras, Roger Bastide, André Siegfried,
Raymond Aron) mais aussi de nombreux économistes et des spécialistes de l’étude des classes
sociales. Cette effervescence intellectuelle aura donc de nombreux échos dans la presse
locale.
Miroglio pouvait voyager en Europe occidentale, en Suisse, en Angleterre (par
exemple à Southampton en 1948), en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. 6 décades
(cycles de dix conférences, essentiellement en été) furent organisées de 1949 à 1965
rassemblant plus de 50 personnes. 1300 lettres étaient envoyées par an à l’Institut. L’idée
européenne y prenait une place de plus en plus importante.
Document n°5 : « Le Canal de Suez en 1929 » article d’André Siegfried paru dans Le
Petit Havre du 27 avril 1930.
« Comme l’Empire romain à la fin de sa course, l’empire économique de la race
blanche tend donc à se diviser en deux zones distinctes, avec deux têtes dont l’une est en
Europe et l’autre aux Etats-Unis. Les têtes demeurent aussi dans la race blanche et dans
l’hémisphère septentrional, mais si jamais les pays exotiques s’industrialisent et revendiquent
leur indépendance, alors c’est tout le visage de la planète qui risque de se modifier ».
Entre 1946 et 1970, le réseau des correspondants de l’Institut s’étend à environ 120
personnes d’après une liste publiée en 195856, avec par exemple le célèbre anthropologue
américain Ruth Bénédict, correspondant de 1946 à 1958. Ce sont en majorité des professeurs
de l’enseignement supérieur. Alors que les fondateurs de l’Institut organisent de nombreux
déplacements au Bénélux et en Allemagne (d’après les témoignages des sociologues E. Callot
et F. Gay).
Miroglio va aussi planifier son vaste Dictionnaire des populations européennes publié
définitivement en 1978. Ce dernier rassemble 258 articles (sur les populations urbaines et les
identités collectives) écrits par 168 auteurs de 18 états européens différents57. Le fameux
dictionnaire devient l’ouvrage principal de l’école de psychologie des peuples. Traitant d’une
Europe qui s’étendrait de la Bretagne à l’Oural et de la Galice à la Mer Noire, les auteurs du
dictionnaire se prononcent pour l’avènement d’une Europe Confédérale. Miroglio organise
ainsi deux colloques, l’un en 1948, et l’autre, en 1955 à Nice dans le cadre du Centre
Méditerranéen. Son but est d’assoire la Psychologie des peuples à un niveau scientifique et
interdisciplinaire: nature, fondements objectifs et subjectifs des identités collectives.
56
57
Revue de Psychologie des Peuples, t.18, 1963, n°4, pp496-503.
Miroglio (A.) (S. Dir.), L’Europe et ses populations, La Haye, M. Nijhoff, 1978.
De 1970 à 1982, c’est l’Ethnopsychologie qui prendra le dessus, avec à la tête de
l’Institut, Bernard Guillaumin, maître de conférences en philosophie. Le comité de rédaction
de la revue rassemble alors des spécialistes en Psychologie sociale, en Littérature et
Civilisations, en Psychanalyse, en Sociologie et en Anthropologie africaine. Le caractère
interdisciplinaire s’impose au travers des colloques de 1970, 1971 et 1973. Mais, la crise de
l’Institut se fait jour en 1971 : l’Université de Rouen refuse d’allouer de nouveaux crédits au
centre de recherche qui doit disparaître temporairement à partir de 1978. Il est finalement
recréée grâce au soutien de la Chambre de commerce du Havre et rattaché au groupe de
recherche « Philosophie et Anthropologie » de l’Université de Rouen. Les Cahiers de
Sociologie économique parus de 1959 à 1966, puis de 1971 à 1972, reparaissent de 1979 à
1982. Ils sont transformés sous la direction d’Albert Nicollet en Cahiers de Sociologie
économique et culturelle en 1984 dans une dynamique de recherche initiée par l’Association
pour la Recherche en Ethno-Psycho-Sociologie à partir de 1974. L’Institut a cependant du
mal à trouver sa place au sein des sciences sociales tout comme sa revue de Psychologie des
Peuples58. Son écho paraît alors limité.
Document n°6 : Les sept premiers présidents d’honneur de l’Institut.
André Siegfried Membre de l’Académie Française
Marcel Hérubel Membre de l’Académie de Marine
Charles Rist
Economiste libéral
PaulVan Zeeland Homme politique belge
Gabriel Le Bras Juriste
René Coty
Homme politique français
Conclusion :
L’Institut Havrais eut une période d’apothéose de 1945 à 1965 puis une forte décrue
dans un contexte de décolonisation française mais aussi d’affirmation du Tiers-Monde
(expression forgée par Alfred Sauvy), de problèmes liés au développement des continents
délaissés (Asie, Afrique surtout) et de quête d’unité à l’échelle européenne. La revue de
Psychologie des peuples, qui touchait une soixantaine de pays (dont le Japon, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande), dut se revivifier avec l’apport de nouveaux « Cahiers de Sociologie
économique » à partir de 1959 (avec un succès surtout local), puis fut rebaptisée à la fin des
années 1970 Ethnopsychologie soutenue alors par le grand sociologue Gurvitch. Elle
comptait, alors, environ 600 abonnés (notamment aux U.S.A.) et conservait un correspondant
pour chaque université française.
Trois axes de recherche étaient mis en avant : le Tiers-Monde, les villes nouvelles
(dont le Havre), la géo-sociologie du monde maritime. En retour de ses abonnés, l’Institut
recevait 80 revues étrangères en sciences humaines. A partir de 1960, devenant centre de
recherche, l’Institut put donner des diplômes de 3e cycle (sous la direction de Miroglio). La
femme de ce dernier traduisit le petit ouvrage d’anthropologie-culturelle de Margaret Mead
Themes in French Culture (Thème culturel en France). Elle le publia avec un ensemble
critique de sept personnalités dont André Siegfried, Gabriel Le Bras et Jean Stoetzel,
fondateur de la Revue Française de Sociologie (1960). Enfin, l’Institut reçut l’appui toujours
bienveillant de l’éminent patron André Siegfried qui n’hésita pas à organiser des
58
Marandon (S.), « La revue de psychologie des peuples » dans Ethnopsychologie, t.33, 1978, n°3.
manifestations parisiennes, notamment à Science-Po, en invitant le directeur du Port
autonome ou le spécialiste des relations extérieurs de la Chambre de commerce du Havre.
Curieusement, à l’étranger le réseau des correspondants le plus important se trouvait au
Bénélux et en Allemagne alors qu’il existait une forte association France-Grande-Bretagne
havraise. Des liens furent contractés à Southampton en 1947 et des journées franconéerlandaises furent organisées au Havre en 1950. Un concours fut même institué en 1952
avec un prix de 100000 francs. Le jury était composé de 7 personnes dont quatre français
(notamment Siegfried et Miroglio ) et trois étrangers. Les archives de l’Institut et les sources
locales mériteraient des recherches plus pointues sur son fonctionnement, la diffusion de ses
idées, leur réception en France et à l’étranger, ainsi que ses réseaux. Ces sources restent à ce
jour trop peu connues.
Sources et bibliographie :
*Sources :
*Archives départementales de la Seine-Maritime :
Série 4 M 574 : propagande pour la colonisation.
Série 4 M 575 : Statuts de l’Institut Havrais de Sociologie économique et de psychologie des
peuples (Déclaration du 15 février 1938).
Cote : JPL 239 : Revue de psychologie des peuples (1953-1970) puis Ethnopsychologie.
Revue de psychologie des peuples (1970-1989) et Cahiers de Sociologie économique et
culturelle (après 1989).
Cote : JPL 239/7 : Nicollet (Albert), Un homme, une ville, une œuvre : Abel Miroglio (18951978), Le Havre, Institut Havrais de Sociologie, 1999, 127p. (Repris des Cahiers de
Sociologie économique et culturelle, n° hors-série 1999).
*Bibliothèque municipale du Havre :
Revues :
-Bulletin de l’Institut colonial du Havre.
-Bulletin de la Société de Géographie commerciale du Havre (1899->).
-Le Havre-Colonial (avril-juin 1954).
-Le Petit Havre (année 1947).
-Revue de la Porte Océane. (dont le directeur est membre de l’Institut Havrais).
Dossier 92 N : André Siegfried, 1875-1959, géographe.
Il rassemble en réalité 5 sous-dossiers dont deux regroupant des textes et des pages
biographiques avec de nombreuses coupures de presse du Figaro et documents originaux (la
plupart rassemblés par Philippe Manneville du Centre Havrais de Recherche Historique)
notamment :
-Miroglio (A.), « Un grand havrais. André Siegfried », Bulletin Maritime du Havre,
20p.
-//, « L’œuvre d’A. Siegfried. Le pionnier de la sociologie politique » et « Le grand
témoin de notre époque » dans La vie Havraise, Jeudi 29 mai 1975 et 1er juin 1975.
-prospectus du Comité pour le Centenaire de la naissance d’André Siegfried (Paris 10
janvier 1985).
-bibliographie des œuvres d’A. Siegfried.
-« A. Siegfried et la démocratie britannique », Le Havre-Presse, 26 novembre 1979.
-« Jules Siegfried aux Etats-Unis », Livres de France, n°2, février 1955
Dossier 92 N : Miroglio Abel (1895-1978), philosophe.
Cote: PN. 946: Revue de psychologie des peuples puis Ethnopsychologie. Centre Havrais de
psychologie des peuples et de sociologie économique 1946->1974.
*Bibliothèque municipale de Rouen :
Duroselle (J.-B.), Discours de la célébration du centenaire de la naissance d’André Siegfried,
Paris, Firmin-Didot, 1975, 35p. Cote : Brmm 2022-1975-10.
*Centre d’Histoire des Sciences politiques (Fonds des Archives d’Histoire
contemporaine de Science-Po) :
Fonds André Siegfried : il rassemble 94 cartons (ils ont largement été dépouillés et
exploités par l’historien Pierre Birnbaum59). Le fonds est référencé au sein de plusieurs
inventaires :
-Archives André Siegfried, inventaire dactylographié par N. Favre, 1977, 255p. et
index de 45p.
-Archives André Siegfried. Supplément à l’inventaire, inventaire dactylographié par F.
Scalbert, 1985, 45p.
-Fonds de l’Ecole Libre des Sciences politiques, 1972-1945.
*Institut havrais de Sociologie économique et culturelle, 56 rue Anatole France, Le
Havre, 76600 (centre qui existe encore aujourd’hui).
[Les chercheurs peuvent y consulter les Procès Verbaux de l’Institut et le compterendu de la revue par exemple « Les facteurs psychologiques et sociologiques de la
consommation du café » article écrit par Charles Rufenacht sociétaire qui en commanda
plusieurs centaines d’exemplaires]
On consultera aussi utilement les ouvrages et articles de référence suivants à caractère
de source sur la tradition historiographique française des études de « psychologie politique »
au début de la IIIe République:
59
Voir biblio : La France aux français. Histoire des haines nationalistes.
*Les régions :
Berr (H.), « La synthèse des études relatives aux régions de la France » dans Revue des
Sciences Historiques, 1903, n°6, pp177-178.
Lorquet (P.), « Quels cadres choisir pour l’étude psychologique de la France ? » dans Revue
des Sciences Historiques, 1901, n°2.
Poncin (P.), « Introduction à l’étude des régions de France » dans Revue des Sciences
Historiques, 1900, n°1, pp14-20.
Siegfried (A.), Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République, Paris, A.
Colin, 1913, Rééd. Colin, 1964, 535p.
Vidal de la Blache (P.), « Compte-rendu du Tableau Politique de la France de l’Ouest » dans
Annales de Géographie, 1914, vol.23, n°129, pp261-264.
*Les peuples :
-études en français :
Bardoux (J.), Essai d’une psychologie de l’Angleterre contemporaine, Paris, Alcan, 19061907, 2 vol. (publié dans la nouvelle collection « Peuples et Civilisations » dirigée par
Sagnese et Halphen)
Boutmy (E.), Essai de psychologie politique du peuple anglais au XIXe siècle, Paris, A. Colin,
1901.
//, Eléments d’une psychologie politique du peuple américain, Paris, A. Colin, 1902.
Fouillée (Alfred), Psychologie du peuple français, Alcan, 1898.
//, Esquisse psychologique des peuples européens, Paris, 1902.
Hardy (G.), La géographie psychologique, Paris, Gallimard, Coll. Géographie Humaine,
1939, 188p.
Hardy (G.), « La psychologie des populations coloniales, état présent de la question » dans
Revue de Psychologie des Peuples, 1947, pp233-261.
Le Bon (G.), Lois psychologiques de l’évolution des peuples, Paris, Les Amis de G. Le Bon,
Rééd. 1978.
Miroglio (A.) (S. Dir.), L’Europe et ses populations, La Haye, M. Nijhoff, 1978.
Siegfried (A.), « La psychologie allemande et l’attitude allemande à l’égard de quelques
grands problèmes », conférences faite à la Société d’enseignement scientifique, le 27/01/1933
dans Bulletin de la Société de Géographie commerciale, 1932, pp33-56.
//, Vue générale de la Méditerranée, Paris, Gallimard, 1943.
//, L’Afrique du Sud. Notes de voyages, Série d’articles publiés dans le Figaro, 1948. (4 mois
d’enquête au Congo Belge, en Rhodésie et en Afrique du Sud).
//, L’âme des peuples, Paris, Hachette, 1950, 221p. (exemplaire dédicacé par l’auteur à M.
Abel Miroglio, conservé à la Bibliothèque municipale du Havre Cote : R. I 476).
//, « Psychologie du Normand » dans Etudes Normandes, 1955, pp233-241.
-études en anglais :
Siegfried (A.), Le Canada : les deux races, Problèmes politiques contemporains, Paris, Colin,
1906. (traduction anglaise : The race question in Canada, Ottawa, The Carleton Librairy,
1966).
//, Les Etats-Unis d’aujourd’hui, Bibliothèque du Musée Social, Paris, Colin, 1927.
(traduction anglaise : America Comes of Age. A French Analysis, New York, 1927).
//, France. A study in Nationality, New Haven, Yale University Press, 1930, 122p. (Série de
conférences universitaires).
//, “Approaches to an understanding of modern France” in Earle E.M., e.d., Modern France,
Princeton University Press, 1951.
*Bibliographie:
*L’essor de la psychologie des peuples:
Duroselle (J.-B.), L’Europe. Histoire des peuples, Paris, 1990, Perrin, Pluriel, 705p.
Gottman (J.), La politique des états et leur géographie, Paris, A. Colin, Coll. Sciences
Politiques, 1952.
*contexte culturel, national et politique :
Chaline (J.-P.), Sociabilité et érudition, les Sociétés savantes en France, Ed. du C.T.H.S,
Paris, 1995, 270p.
Charle (Ch.), La République des universitaires (1870-1940), Paris, Le Seuil, 1968, 540p.
Fabiani, Les philosophes de la République, Paris, Ed. de Minuit, 1988, 177p.
Favre (P.), Naissance de la science politique en France 1870-1914, Paris, Fayard, 1989, 331p.
(notamment la 4e partie, pp233-306).
Favre (P.), « Les sciences d’Etat entre déterminisme et libéralisme. Emile Boutmy (18351906) et la création de l’Ecole Libre des Sciences Politiques » dans Revue Française de
Sociologie, vol.22, 1981, pp429-465. (fondamental sur le rôle de la famille Siegfried et des
réseaux protestants dans la fondation nationale des sciences politiques).
Mayeur (J.-M.), Les débuts de la troisième République 1871-1898, Point Seuil, Histoire,
1973, 256p.
Milza (P.), Fascisme français : passé et présent, Paris, Flammarion, 1987, 463p.
Rioux (J.-P.), La France de la Quatrième République, t.1 « L’ardeur et la nécessité 19441952 », Point Seuil, Histoire, 1980, 314p.
Rioux (J.-P.) et Sirinelli (J.-F.), Le temps des masses. Le vingtième siècle, Histoire culturelle
de la France, t.4, Paris, Points Seuil, 2004, 512p.
*Le Havre politique et culturel :
Ardaillou (P.), Les républicains du Havre au XIXe siècle (1815-1889), Presses universitaires
du Havre et de Rouen, 1999, 452p.
Legoy (J.), Cultures havraises 1895-1961, Ed. EDIP, Saint-Etienne du Rouvray.
Miroglio (A.), La vie intellectuelle au Havre, L’opinion, n° du 10 novembre 1949.
Miroglio (A.), « Témoignages sur le Havre » dans Revue de Psychologie des Peuples, t.22,
1967, n°1.
Reneau (S.), « Politique et pratiques culturelles au Havre, 1944-1965 » dans Etudes
Normandes, n°1, 1990, pp7-22.
*La psychologie des peuples : une synthèse républicaine ?
Audier (S.), Les théories de la République, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 2004, 119p.
La psychologie des peuples et ses dérives, Journées d’études organisée par le Groupe d’études
pluridisciplinaires d’histoire de la psychologie, Paris, 3-5 juin 1996, Ed. M. Kail et G.
Vermès, C.N.D.P., 1999, 205p.
Claret (Ph.), « Psychologie collective, psychologie des peuples et Science politique en France
depuis 1870 : histoire d’un rendez-vous manqué » dans La psychologie des peuples et ses
dérives, Op. Cit., 1999, pp63-80.
Le Quintrec (G.), « Alfred Fouillée et la psychologie des peuples », Cahiers de Sociologie,
Economique et Culturelle, n°15, juin 1991, pp35-60. (article issu d’un mémoire de D.E.A.,
Dir. P. Nora, E.H.E.S.S, 1989).
Ozouf (J.) et Ozouf (M.), « Le tour de France par deux enfants, Le petit livre rouge de la
République » dans Les lieux de mémoire (S. Dir. P. Nora), t.1, La République, Paris,
Gallimard, 1984, pp291-321.
Rosanvallon (P.), La démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France,
Paris, Gallimard, 2000, 591p.
Rosanvallon (P.), Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en
France, Paris, Gallimard, 1998. (essentiellement le chapitre « Sociologie et démocratie »,
pp130-175.)
Sternhell (Zeev), « Morphologie et historiographie du fascisme en France » dans Ni droite, Ni
gauche. L’idéologie fasciste en France, Paris, Fayard, pp11-112. (Préface à la 3e édition).
Thiec (Y.), « Gustave Le Bon, prophète de l’irrationalisme » dans Revue Française de
Sociologie, 1981, vol.22, n°3, pp409-428.
*Le concept de personnalité nationale (National Character) :
Claret (Ph.), La notion de personnalité nationale. Essai d’analyse comparée des théories
modernes françaises et anglo-saxonnes, thèse de doctorat d’Etat en Science politique,
Université de Bordeaux I, 1993, 539p. (Prix Montesquieu 1993 d’Histoire des idées
politiques).
//, La personnalité collective des nations. Théories anglo-saxonnes et conceptions françaises
du caractère national, coll. Organisations internationales et relations internationales, 1998,
n°40, 464p.
//, « Theories of National Personnality Revisited : Anglo-American Models and French
conceptions » dans Modern Roots Studies of National Identity, 2001.
*Sociologie, Psychologie des foules et psychologie des peuples :
Barrows (S.), Miroirs déformants : réflexions sur la foule en France à la fin du XXe siècle,
Paris, Aubier, 1990, 226p.
Béjin (A.), « Théories socio-politique de la lutte pour la vie » dans Nouvelle Histoire des
idées politiques (S. Dir. P. Ory), Paris, Hachette, 1987, pp321-331.
Moscovici (S.), L’âge des foules. Un traité historique de psychologie des masses, Paris,
Complexe, 1985, 503p.
Mucchielli (L.), « L’obstacle de la psychologie des peuples » et « Le modèle de
l’enracinement dans le sol naturel » dans La découverte du social : naissance de la sociologie
en France, Paris, La Découverte, 1998, pp319-321 et pp384-387.
Mucchielli (L.), « Psychologie et sociologie en France, l’appel à un territoire commun: vers
une psychologie collective (1890-1940) » dans Revue de synthèse, juillet-décembre 1994,
n°3-4, pp445-483.
Mucchielli (L.), « La guerre n’a pas eu lieu: les sociologues français et l’Allemagne (18701940) » dans Espace-Temps, 1993, n°53-54, pp5-18.
Nye (Robert A.), The Origins of crowd psychology. Gustave Le Bon and the Crisis of Mass
Democracy in the third republic, London/Beverly Hills: Sage, 1975, 248p.
Sternhell (Zeev), La droite révolutionnaire. Les origines françaises du fascisme 1885-1914,
Paris, Le Seuil, 1978, 441p.
Thiec (Y.), Gustave Le Bon, la psychologie des foules, la fondation de la psychologie
collective et sa propagation dans les sciences sociales à la fin du XIXe siècle, Institut
universitaire européen, thèse de doctorat, 1982.
*Psychologie des peuples, Nation et « géographie des races »:
Balibar (E.), Wallerstein (E.), Race, nation, classe, Paris, La Découverte, 1997.
Guiral (P.) et Témine (E.) (S. Dir.) (Recueil d’articles présenté par), L’idée de race dans la
pensée politique française contemporaine, Paris, Ed. du C.N.R.S., 1977, 281p. [notamment le
chapitre II « Idée de race et pensée politique française (Pensée de gauche et de droite) au
XIXe siècle », pp34-156.
Lebras (G .), « Psychologie des peuples et histoire » dans Revue de psychologie des peuples,
121, 1966, n°1, pp21-28.
Lelannou (M.), « La géographie est-elle une science politique » dans Revue française de
Science politique, vol. 11, 1961, pp809-818.
Lévi-Strauss (Cl.), Race et Histoire, Paris, Denoël, 1987, 127p.
Liauzu (Cl.), « Psychologie des peuples et des races » dans Race et civilisation. L’autre dans
la culture occidentale. Anthologie critique, Paris, Syros, 1992, 492p. (notamment Quotient
intellectuel, Psychologie et races, pp108-120).
Michaud (G.), Identités collectives et relations inter-culturelles, Ed. Complexes, 1978, 249p.
Mucchielli (L.), « Psychologie des peuples. Région, race et milieu social. Problèmes
scientifiques et enjeux disciplinaires d’une théorie de l’histoire autour d’Henri Berr et de la
Revue de synthèse historique (1890-1925) » dans Biard (A.), Bourel (D.) et Brian (E.), Henri
Berr et la culture du XXe siècle, Paris, 1997, Albin Michel, pp81-110.
Noiriel (G.), Etat, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Gallimard,
2001, 587p.
Sternhell (Z.), « Le déterminisme physiologique et racial à la base du nationalisme de
Maurice Barrès et de Jules Soury » dans Guiral (P.) et Témine (E.) (S. Dir.), Op. Cit., Paris,
Ed. du C.N.R.S., 1977, 117-138.
*Sur André Siegfried, sa famille et ses origines havraises:
-Jules Siegfried :
Ardaillou (P.), « Jules Siegfried, un protestant au service d’une république modérée et
sociale » dans Cahiers Havrais de Recherche Historique, 1992, pp74-92.
Chambelland (C.) (S. dir.), Le Musée Social en son temps, Paris, Presses de l’Ecole Normale
Supérieure, 1998, 402p.
Merlin (R.), Jules Siegfried. Sa vie, son oeuvre, Paris, Musée Social, 1923. (Bibliothèque
municipale du Havre, Cote : N.2737).
Siegfried (A.), Mes souvenirs de la IIIe République : mon père en son temps. Jules Siegfried
1836-1922, Paris, Ed. Du Grand Siècle, 1946, 150p.
Vallée (Th.), Quarante ans de vie républicaine. Jules Siegfried, Le Havre, Journal du Havre,
1910. (Bibliothèque municipale du Havre, Cote : N. 2554).
-André Siegfried :
Birnbaum (P.), « André Siegfried. La géographie des races » dans La France aux Français.
Histoire des haines nationalistes, Paris, Seuil, 1993, pp.
Bonnefous (E.), « Le centenaire d’André Siegfried » dans Nouvelle Revue des Deux-Mondes,
1975, n°7, pp17-23.
Buléon (P.), « Siegfried, la Normandie et les tempéraments politiques. Quelques raisons d’une
redécouverte » dans Actes du colloque de 1988, Etudes Normandes, Op. Cit., 1989.
Chevalier (L.), « André Siegfried et Paris » dans L‘œuvre d’André Siegfried, Op. Cit., pp99111.
Claret (Ph.), « André Siegfried et la psychologie politique. Contribution à la relecture d’une
œuvre scientifique » dans Cahiers de sociologie économique et culturelle. Ethnopsychologie,
n°23, juin 1995, pp9-33.
Claval (P.), « André Siegfried et les démocraties anglo-saxonnes » dans Etudes Normandes,
1989, n°2.
Célébration du centenaire de la naissance d’A. Siegfried : séance du 26 mai 1975, Institut de
France, Académie Française, Section des Sciences Morales et politiques, Paris, 37p.
Comité pour le centenaire de la naissance d’André Siegfried, Collège de France (Paris, mars
1975), Paris), L’œuvre scientifique d’André Siegfried, Presses de la Fondation nationale des
Sciences politiques, 1977, 129p.
Fremont (A.), « Relire Siegfried en Normandie aujourd’hui » dans Etudes Normandes, n°4,
1987, n° spécial Géopolitique de la Normandie.
Garrigou (A.), « L’initiation d’un initiateur. André siegfried et le Tableau politique de la
France de l’Ouest », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°106-107, mars 1995,
pp27-41.
Goguel (F.), « En mémoire d’André Siegfried » dans Revue française de Science politique,
vol.IX, n°2, juin 1959.
Hommage à André Siegfried, Textes des allocutions, Paris, Association André Siegfried,
F.N.S.P., 1961, 59p.
« L’ouest politique 75 ans après Siegfried » dans Géographie Sociale, n°6, Centre de Pub. De
l’Université de Caen, octobre 1987, 312p.
Milza (P.), Présentation, Siegfried André, Tableau politique de la France de l’ouest, Imp.
Nat., 1913 (Rééd. 1995), Paris, pp7-35.
Miroglio (A.), « L’œuvre sociologique de M. André Siegfried » dans Revue de Métaphysique
et de Morale, 1945, vol.50, n°4.
Miroglio (A.), « Un grand havrais, André Siegfried » dans Etudes Normandes, n°2-3, 1978,
vol.27, pp47-61.
Nicollet (A.), « André Siegfried et Le Havre » dans Etudes Normandes, n°2, 1989, pp37-49.
Pommier (J.), Notice sur la vie et les travaux d’André Siegfried (1875-1959), Paris, Institut de
France, Firmin-Didot, 1961.
Sanguin (L.), « André Siegfried et la géographie politique » dans Etudes Normandes, n°2,
1985, vol.34, pp63-68.
Wylie (L.), « André Siegfried à Harvard » dans L’oeuvre scientifique d’A. Siegfried, F.N.S.P.,
1977, pp67-88.
- la géographie politique :
Actes du colloque André Siegfried, la politique et la géographie, Paris-Sorbonne, décembre
1988, Etudes Normandes, n°2-1989, 136p. (Sous la présidence de F. Goguel de la F.N.S.P. et
A. Lancelot, directeur de l’I.E.P. de Paris, organisé par les géographes P. Claval et Y.
Lacoste). (notamment « André Siegfried, l’homme et le milieu », pp7-48).
Buttimer (Ann), Society and Milieu in the French Geographic Tradition, Washington,
Association of American Geographers, Monograph Series n°6, 1971.
Claval (P.), « Les aspects modernes de la géographie politique » dans Travaux de l’Institut de
géographie de Reims, 1977, n°29-30, pp11-29.
Claval (P.), « Le renouveau de la géographie politique » dans Bulletin de l’Association de
Géographes Français, 1983, vol. 60, n°493, pp87-98.
Lacoste (Y.), Atlas géopolitique. Une histoire longue d’aujourd’hui, Larousse, 2006, 336p.
Lacoste (Y.), « Les géographes, l’action et la politique » dans Hérodote, n°33-34, 1984, pp332.
Lacoste (Y.) (S. Dir.), Géopolitique des régions françaises, Fayard, 1985, 3 vol. [approche
géopolitique des régions françaises].
Moreau Defarges (Ph.), Introduction à la géopolitique, Paris, Seuil, 2005, 252p.
*La psychologie des peuples et la fondation d’un Institut Havrais :
-Abel Miroglio :
« Abel Miroglio », n° spécial, Revue de psychologie des peuples, t.33, 1978, n°3.
Nicollet (A.), « Un intellectuel havrais dans le siècle : Abel Miroglio (1895-1978) » dans
Cahiers Havrais de Recherche Historique, n°58, 1999-2000, pp35-46.
Nicollet (A.), Un homme, une ville, une œuvre : Abel Miroglio (1895-1978), Le Havre,
Institut Havrais de Sociologie, 1999, 127p. (Repris des Cahiers de Sociologie économique et
culturelle, Ethnopsychologie, 30 décembre 1998, pp9-51).
-l’Institut Havrais de psychologie des peuples :
Bastide (R.), « Y-a-t-il une crise de la psychologie des peuples ? » dans Revue de Psychologie
des peuples, XXI, 1966, n°1.
Callot (E.), Essais sociologiques, Gardet, 1962. (pour une vision de la « psychologie ethnique
et culturelle » par un ancien directeur de l’Institut du Havre).
Callot (E.), « La psychologie des peuples » dans Revue de Psychologie des peuples, 1959 t.14,
n°1, pp62-71. (Critique du Que-sais-je ? d’A. Miroglio).
Claret (Ph.), « Regards sur l’histoire d’une entreprise intellectuelle : l’Institut havrais et la
Revue de psychologie des peuples- Ethnopsychologie (1946-1982) », Cahiers de Sociologie
économique et culturelle-Ethnopsychologie, n°26, décembre 1996, pp17-36.
Claret (Ph.), « Psychologie des peuples ou identités culturelles ? : un regard havrais (19461982) », Etudes Normandes, n°3, 1996, pp29-38.
« Ce que fut l’Institut Havrais de Sociologie économique et de Psychologie des peuples
depuis sa fondation (hiver 1937-1938) jusqu’à l’été de 1970 » dans Ethnopsychologie, n°3,
spécial, 1978, pp241-259.
Marandon (S.), « La revue de psychologie des peuples » dans Ethnopsychologie, t.33, 1978,
n°3.
Miroglio (A.), « Bilan de vingt années de l’Institut Havrais » dans Revue de Psychologie des
Peuples, 113, 1958, n°1, p.142.
Miroglio (A.), « Quelques difficultés majeurs de l’ethnopsychologie » dans Revue de
Psychologie des peuples, t.19, 1960, n°3, pp302-303.
Miroglio (A.), « La psychologie des peuples et sa valeur » dans Revue des Sciences Morales
et Politiques, 25 février 1963, pp102-111.
Miroglio (A.), La psychologie des peuples, Paris, P.U.F., Que-sais-je ? n°798, 1971, 127p. (3
éditions 1958, 1962, 1965).
Nicollet (A.), « André Siegfried à la recherche de la psychologie des normands » dans
Cahiers de sociologie économique et culturelle. Ethnopsychologie, 23, juin 1995, pp35-45.
*L’histoire de la psychologie :
Nicolas (S.), Histoire de la psychologie française. Naissance d’une nouvelle science, Paris, In
Press, 2002, 360p.
*Bourgeoisie d’affaire et politique, psychologie des peuples et protestantisme :
Encrevé (A.) et Richard (D.) (S. Dir.), Les protestants dans les débuts de la IIIe République,
Paris, SHPF, 1979.
Garrisson-Estèbe (J.), L’homme protestant, Paris, Hachette, 1980, 254p.
Weber (M.), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Rééd. Press-Pocket, 1991,
286p.
Goguel (F.), « André Siegfried: l’homme et l’œuvre », Bulletin de la Société de l’Histoire du
Protestantisme Français, 1975, vol.121, n°1, pp1-16.
Legoy (J.), « Jules Siegfried, homme politique et protestant » dans Protestants et minorités
religieuses en Normandie, Société Libre d’émulation de Rouen, 1987, pp201-208.
*Contexte économique et colonial :
-nationalement :
Arendt (Hannah), Les origines du totalitarisme. L’impérialisme, Fayard, 1968, 350p.
(notamment les chapitres « Race et bureaucratie » pp111-170 et « Le déclin de l’Etat-Nation
et la fin des Droits de l’homme », pp239-292.
Bancel (N.), Blanchard (P.), Vergès (F.), La République coloniale, Paris, Pluriel, 2003, 174p.
Girardet (R.), L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, Hachette, 1972, 506p.
Girault (R.) et Frank (R.), Diplomatie européenne. Nations et impérialismes 1871-1914
Turbulentes Europe et nouveaux mondes 1914-1941, Paris, Petite Bibliothèque Payot, T. I et
II, 1997 et 1998, 451p. et 514p.
Gislain (J.-J.) et Steiner (Ph.), La sociologie économique (1890-1920), Paris, P.U.F., 1995.
Lejeune (D.), Les sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au XIXe siècle,
Paris, A. Michel, 1993.
Marseille (J.), L’âge d’or de la France Coloniale, Paris, A. Michel, 1986, 144p.
//, Empire colonial et capitalisme français : histoire d’un divorce, Paris, A. Michel, coll.
L’aventure humaine, 1986, 461p.
Steiner (Ph.), La Sociologie économique, Paris, La découverte, coll. Repères, 1999, 122p.
-au Havre :
Malon (Cl.), « Le Havre et l’outre-mer. Sociabilité et recherche. Les origines et le
développement de l’Institut havrais. Le contexte colonial » dans Etudes Normandes, n°2,
1997, pp75-96.
La mer et l’Empire, textes d’André Siegfried et alii, conférences faites à l’Institut maritime et
colonial, 1943, 228p.
Legoy (J.), Le peuple du Havre et son histoire, Du négoce à l’industrie : 1800-1914, t.2, Le
cadre de vie, 1982, 447p. et t.3, La vie politique et sociale, 1984, 511p.
Malon (Cl.), Réseaux et stratégies du Havre colonial, D.E.A. (S. Dir. D. Barjot), Université
de Caen.
Nicollet (A.), « La longue marche de la sociologie économique à l’Institut havrais de
sociologie » dans Cahiers de Sociologie économique et culturelle- Ethnopsychologie, vol.26,
décembre 1996, pp91-121.
Siegfried (A.), Edward Gibbon Wakefield et sa doctrine de la colonisation systématique ,
thèse pour le doctorat, Paris, Colin, 1904. (le premier ouvrage publié par A. Siegfried,
fondamental pour la compréhension de ses centres d’intérêts).
Téléchargement